Gallo

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Gallo : descriptif

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Gallo

Le gallo (endonyme galo) ou la langue gallèse est l'une des langues d'oïl de la haute Bretagne

Il est traditionnellement parlé en Ille-et-Vilaine, dans la Loire-Atlantique et dans l'est du Morbihan et des Côtes-d'Armor, derrière une frontière linguistique allant de Plouha à la rivière de Pénerf

La limite orientale du gallo est moins claire, car il existe un continuum avec les langues d'oïl voisines (mainiau mayennais, normand, angevin...)

Certains linguistes considèrent par exemple que le gallo s'étend dans des régions contiguës à la Bretagne historique, en particulier dans l'aire plus vaste du Massif armoricain. Comme il n'y a pas de critères universellement acceptés pour distinguer les langues des dialectes, il n'y a pas de réel consensus sur la nature du gallo

Bien qu'elle soit essentiellement orale, cette langue est l'objet d'études universitaires et d'efforts de standardisation, et des ouvrages en gallo sont régulièrement publiés

Cependant, contrairement au breton, le gallo ne bénéficie pas d'une longue tradition de défense et de protection

Les deux ont toutefois été reconnues conjointement « langues de Bretagne » par le conseil régional de Bretagne en 2004. Langue romane, le gallo n'est pas apparenté au breton, qui est une langue celtique

Les locuteurs sont les gallésants

« Gallo » est un mot venu de la langue bretonne et son utilisation par les gallésants est récente

Beaucoup d'entre eux utilisent simplement le terme « patois », bien qu'il soit souvent considéré comme péjoratif. Malgré quelques initiatives pour l'enseigner à l'école et dans les universités, le gallo est en voie d'extinction

Les locuteurs sont généralement âgés et la transmission intergénérationnelle est très faible

Le gallo est considéré comme sérieusement en danger par l'Unesco

Le nombre de locuteurs du gallo est difficile à évaluer et il peut varier selon les estimations (entre 3 % et 8 % de la population locale seraient capables de le parler).

Géographie

Aire linguistique

Carte des langues d'oïl selon Marie-Rose Simoni-Aurembou.

L'aire linguistique du gallo est difficile à définir. Tandis qu'à l'ouest la frontière linguistique bretonne se distingue clairement puisqu'elle se situe entre une langue celtique et un parler roman, la limite entre le gallo et les autres langues d'oïl est moins certaine car existe un continuum. Traditionnellement, le domaine d'oïl est souvent découpé en suivant les limites des régions historiques, néanmoins, ces limites ne coïncident pas toujours avec les réalités linguistiques. Certains auteurs s'appuient sur les régions traditionnelles pour définir l'aire du gallo, mais ils ajoutent des nuances. Ainsi, Walther von Wartburg, Hans-Erich Keller et Robert Geuljans, font coïncider par convention le domaine du gallo avec les frontières départementales de l'Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique, mais ajoutent le nord de l'Anjou. Hervé Abalain limite aussi le gallo à la haute Bretagne, tout en l'étendant à la frange occidentale de la Mayenne et du Maine-et-Loire. En outre, il place le gallo, l'angevin, le normand, ainsi les parlers de la Mayenne et de la Sarthe dans un même groupe : les langues d'oïl de l'ouest.

La définition des limites du gallo est compliquée par le vide cartographique qui existe à propos des parlers du centre du domaine d'oïl. Les parlers du Maine, de la Touraine ou encore de l'Orléanais sont pris en étau entre Paris et des langues d'oïl plus affirmées comme le gallo ou le normand. Ces parlers sont minorés et ne possèdent pas une identité forte. Des auteurs considèrent de cette façon que le centre-nord de la France est une zone centrale sans contours internes. Ainsi Marcel Cohen fait du Maine une zone non-déterminée où se mêlent gallo, angevin et orléanais, refusant ainsi de placer une limite entre ces trois parlers. Marie-Rose Simoni-Aurembou considère que le gallo est une « variété d'oïl », tout comme le normand ou le poitevin, et qu'elles sont bordées à l'est par un ensemble de « variations d'oïl » comme l'angevin. Selon elle, le gallo s'arrête aux limites de la Bretagne historique, sauf au sud, où le poitevin remonte vers la Loire sans l'atteindre cependant.

Enfin certains auteurs écartent les limites traditionnelles et se servent uniquement de critères linguistiques pour définir les langues d'oïl. Jean-Paul Chauveau, en s'appuyant notamment sur les influences lexicales, regroupe ainsi gallo, angevin et mayennais dans une vaste zone, appelée « Pays d'Ouest », qu'il divise en trois ensembles : l'ouest, avec les Côtes-d'Armor, le Morbihan et l'ouest de l'Ille-et-Vilaine ; l'est, avec la Sarthe, la Mayenne et l'est de l'Ille-et-Vilaine ; et le sud, avec la Loire-Atlantique et le Maine-et-Loire. Ce dernier ensemble manque toutefois de cohésion, puisque le nord-Loire, tourné vers l'ensemble mayennais, s'oppose au sud-Loire, influencé par le poitevin. Par ailleurs, Jean-Paul Chauveau ne définit pas une limite claire entre gallo et poitevin, mais seulement un seuil matérialisé par la Loire.

Les langues de Bretagne et des régions voisines selon plusieurs auteurs :

Limite entre le gallo et le breton

La limite occidentale moderne du gallo est claire puisqu'il ne ressemble absolument pas au breton. La frontière linguistique entre les deux langues a ainsi été comparée à la « muraille de Chine » par l'historien Pierre-Michel-François Chevalier en 1845. En 1952, Francis Gourvil traçait cette frontière entre Plouha, sur la côte ouest de la baie de Saint-Brieuc, et la rivière de Pénerf, près de la presqu'île de Rhuys. Entre ces deux points, il faisait passer la limite par Senven-Léhart, Quintin, Mûr-de-Bretagne, Saint-Gérand, Réguiny et Sulniac. Mais la limite linguistique a varié avec les siècles, comme le montre la toponymie. La limite des noms en Car-, Ker-, tre-, et les noms de paroisses montrent les reculs successifs du breton sur son aire maximale (On verra sur ce sujet le Traité de toponymie historique de la Bretagne (Pleustrad...) d'Erwan Vallerie (An Here éditeur). Breton et gallo ont coexisté en Bretagne médiane durant la période du moyen-breton (1100-1650). Le [pas clair]

Mais la limite linguistique a été relativement stable durant la période du moyen-breton (1100-1650), la toponymie (noms de lieux en Ker-) nous donne cette limite pour le  souhaitée].

Limite entre le gallo et les langues d'oïl voisines
Illustration du continuum avec les variations de la prononciation du [ɛ] de « haie » (a, è, é, éï, etc). Les zones blanches sont des régions où le mot n'a pas été relevé.

À l'est, le gallo est voisin du normand, du mayennais et de l'angevin, ces deux derniers faisant partie du même ensemble linguistique que le gallo, et du poitevin. Tous ces parlers font partie des langues d'oïl et ils partagent une même origine latine. Il n'est pas réellement possible de tracer des limites autres qu'historiques entre eux. Ils forment un continuum linguistique, c'est-à-dire qu'ils se mélangent et se chevauchent sur plusieurs régions avant d'atteindre des frontières linguistiques, le long desquelles ils se heurtent à des langues totalement différentes. Le continuum des langues d'oïl s'étend par exemple de la frontière avec le breton jusqu'en Belgique, où il se heurte au néerlandais et à ses dialectes flamands. Dans l'intervalle, on passe du gallo au mayennais, au normand, au champenois, au picard, etc. Il y a d'ailleurs rarement coïncidence entre les espaces administratifs et linguistiques.

L'exemple d'« aujourd'hui » illustre bien le chevauchement des parlers. En effet, la plupart des gallésants utilisent le mot anet, mais dans l'extrémité orientale de la haute Bretagne, le long de la Mayenne et du Maine-et-Loire, les locuteurs utilisent anui, un terme qui se retrouve dans le mayennais, l'angevin et le normand. Réciproquement, on entend une forme semblable au terme gallo anet à Ernée, en Mayenne.

Les parlers situés dans le continuum des langues d'oïl se superposent donc, et les locuteurs angevins et gallésants peuvent se comprendre dans une certaine mesure et utiliser les mêmes mots. En revanche, les langues placées aux extrémités du continuum ne sont pas intelligibles entre elles. Le gallo peut ainsi être opposé au wallon, qui est aussi une langue d'oïl, mais est incompréhensible pour un gallésant. Les parlers les plus proches du gallo linguistiquement sont ceux du Maine, de l'Anjou et du sud de la Manche (situé au sud de la ligne Joret et qui est analogue aux parlers de l'extrème sud du département du Calvados et de l'ouest de celui de l'Orne, dans la partie occidentale de la Normandie).

Variations régionales

La prononciation du pronom « moi » selon les régions.
La formation du pluriel du mot « chapeau » selon les régions.

Il n'est pas aisé de regrouper les variations régionales du gallo en dialectes. En effet, selon les critères choisis, la définition géographique d'éventuels dialectes peut grandement varier. En prenant par exemple le critère des pronoms démonstratifs, les variations suivantes peuvent être distinguées :

  • La forme « Ille-et-Vilaine » : le sien (m.), la siene (f.).
  • La forme « Côtes-d'Armor » : lu, li (m.), lë, yelle (f.).
  • La forme « Morbihan » : le ci (m.), la celle (f.).
  • Le sud de la Loire-Atlantique se calque sur le modèle du poitevin : qho-la (m.), qhelle-la (f.).

Au niveau de la phonologie, on peut distinguer trois autres groupes :

  • Le nord (Rennes, Saint-Malo, Saint-Brieuc), qui se distingue par la réduction des diphtongues finales : [] de chatèo réduit en [], [] de journao réduit en [], [] des mots masculins comme travail en []. Ce groupe se distingue aussi par des diphtongues différentes au singulier et au pluriel : un chapè, dés chapiaos.
  • Le centre (Morbihan gallo, Guérande, Pays de la Mée), qui se caractérise par le voisement de [] en [] et remplace [] par [].
  • Le sud (Pays de Retz, Vignoble nantais), proche du poitevin, a des participes passés en [] au lieu de []. Il se distingue aussi par le voisement de [] en [], il remplace les [] finaux par [], les consonnes finales sont sonores et le groupe [] est prononcé [ ], [] est donc prononcé [ ].

On peut ajouter à ces groupes de nombreuses divisions régionales sur la prononciation. Ainsi, le « ai » de mai correspondant au « oi » français de moi se prononce [] autour de Rennes, mais [] en Loire-Atlantique et [] ou [] le long de la frontière avec le breton. Cette répartition n'est pas valable pour tous les mots : ainsi la zone du [] s'étend vers l'est pour le « ai » de vair (voir), et des mots comme vaizin (voisin) et baire (boire) se prononcent généralement [] et [], ou [] et [].

L'infinitif des verbes en -er montre aussi des différences de prononciation. En général, les gallésants prononcent cette terminaison avec [] (par exemple : manjer [mãʷʒə] pour manger), sauf autour de l'estuaire de la Loire et de la Manche, où -er se prononce comme en français. Autour de Cancale et Corcoué, cette terminaison se prononce []. Enfin, cette répartition n'est pas valable pour les participes passés et les noms communs finissant en -é comme mangé ou blé, dont la prononciation suit d'autres schémas régionaux. Dans certains endroits, comme à Abbaretz, la prononciation du participe passé diffère par exemple selon qu'on l'emploie avec le l'auxiliaire yètr (être) ou avair (avoir). Le mot bllë (pour blé) de son côté, peut être prononcé blé, blë, byé, byë, byè, byëy ou encore byay selon les régions. L'apparition du [] dans bllë est d'ailleurs récente et touche principalement la côte nord et le pays rennais. Il est probablement apparu en gallo grâce à l'influence du français, qui a entraîné une palatalisation plus importante des mots.

Les différences de prononciation entraînent parfois des modifications lexicales, comme pour le mot « ouézè » (pluriel : « ouéziaos » selon les endroits) . En gallo, il est prononcé ouazé, ouazéo, ouézè, ouézéo ou encore ouéziao, sauf dans une petite zone au nord-ouest de Rennes, où un [g] s'ajoute au début : gaziao. Cet ajout sert probablement à éviter des hiatus et faciliter la prononciation et rappelle la transformation du [] celtique en [g] par les langues latines (par exemple waspa « déchets » a donné gaspiller). Enfin, autour de Vannes, « oiseau » se dit pichon, un mot qui vient du latin pipione, équivalent du français pigeon.


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  1. Walther Wartburg, Hans-Erich Keller et Robert Geuljans, Bibliographie des dictionnaires patois galloromans : 1550-1967, Librairie Droz, ISBN , lire en ligne), p. 28
  2. Carmen Alén Garabato et Henri Boyer, Les langues de France au XXIe siècle : vitalité sociolinguistique et dynamiques culturelles : [communications du colloque des 8 et 9 décembre 2006 organisé à l'Université Paul-Valéry], Paris, Harmattan, , 304 ISBN ), p. 202
  3. Marcel Cohen, Regards sur la langue française, Société d'Édition d'Enseignement Supérieur,
  4. Carmen Alén Garabato et Henri Boyer, Les langues de France au XXIe siècle : vitalité sociolinguistique et dynamiques culturelles : [communications du colloque des 8 et 9 décembre 2006 organisé à l'Université Paul-Valéry], Paris, Harmattan, , 304 ISBN ), p. 204-205
  5. Gabriel Guillaume et Jean-Paul Chauveau, Atlas linguistique et ethnographique de la Bretagne romane, de l'Anjou et du Maine, CNRS, , p. 5
  6. Jean-Paul Chauveau, Le gallo : une présentation, vol. 2, Section de celtique, Faculté des lettres de Brest, Université de Bretagne occidentale, , p. 154
  7. a b c et d S. Jouin, «  », Cahier des Annales de Normandie, , p. 165-182
  8. Philippe Blanchet, Introduction À la Complexité de L'enseignement Du Français Langue Étrangère, Peeters Publishers, , 253 ISBN , lire en ligne)
  9. Patrik Deriano, Grammaire du gallo, Label LN, , 457 ISBN ), p. 8
  10. René Lepelley, La Normandie dialectale, Presses Universitaires de Caen, p. 67-84-85.
  11. Patrik Deriano, Grammaire du gallo, Label LN, , 457 ISBN ), p. 457


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Histoire

Racines celtiques, latines et germaniques

Les peuples gaulois d'Armorique.

Les Celtes venus du nord des Alpes et d'Europe centrale, s'installent en Armorique et dans d'autres secteurs, souvent proches des côtes européennes (vestiges retrouvés de Roquepertuse, Entremont, Ensérune...) vers le Plusieurs peuples s'y forment, comme les Redones et les Namnètes. Ils parlent des variétés de la langue gauloise et entretiennent des liens économiques importants avec les Îles Britanniques. La conquête de l'Armorique par Jules César en 56 av. J.-C. entraîne une certaine romanisation de la population, mais seules les couches sociales élevées adoptent réellement la culture latine. Le gaulois reste parlé dans la région jusqu'au  siècle, surtout dans les zones rurales peu peuplées. Ainsi, lorsque les Britto-romains, arrivés de Grande-Bretagne, s'installent dans l'ouest de l'Armorique, ils y trouvent un peuple qui a conservé quelques aspects de la culture gauloise, bien qu'ils soient chrétiens et citoyens romains. L'intégration des Bretons se fait donc facilement. Les premiers petits royaumes bretons, comme la Cornouaille et la Domnonée, naissent au  siècle.

À l'opposé des campagnes de l'ouest de l'Armorique, les villes de Nantes et Rennes sont de vrais centres culturels romains. À la suite des grandes invasions du Vilaine tombent sous domination franque. Des Francs s'installent aussi dans le domaine celtique, où il existe également des îlots de peuplement gallo-romains, par exemple autour de Vannes et de Saint-Brieuc. Le peuplement de l'Armorique à l'époque mérovingienne est donc varié, avec des Bretons venus de Grande-Bretagne assimilés aux tribus gauloises, des villes latinisées et des tribus germaniques. Enfin, la frontière entre les royaumes bretons et le royaume franc est mouvante et difficile à définir, notamment parce que les guerres entre Francs et Bretons sont fréquentes entre le  siècle et le  siècle. Avant le  siècle, le breton est parlé par au moins une partie de la population jusqu'à Pornic et Roz-sur-Couesnon. Au-delà se trouve la Marche de Bretagne, de langue romane, mise en place par les rois francs et qui s'est déplacée vers l'est englobant l'Avranchin et le Cotentin à la suite du traité de Compiègne en 867. Malgré tout, selon la plupart des toponymistes, les toponymes brittoniques s'arrêtent à l'ouest du Couesnon, ce qui rend douteux le fait que le breton ait pu être parlé massivement à l'est de ce fleuve, où il ne subsiste d'ailleurs aucune trace d'un passé breton.

Émergence du gallo

Jean IV de Bretagne, dont l'administration mentionne le terme « gallo » pour la première fois.

La population latinisée de Haute-Bretagne parle le latin populaire de Gaule, une langue ayant subi des influences gauloises, notamment dans le vocabulaire et la prononciation. La palatalisation de [k] en [ʃ], par exemple de cantare à chanter et la spirantisation de [b] en [v], comme dans faba devenu fève, datent probablement de cette époque. Les déclinaisons latines et le genre neutre commencent à disparaître dès la période gallo-romaine, alors que les articles commencent à être employés. Les Francs ont introduit une nouvelle langue, le francique, mais ils ne l'imposent pas aux Gallo-romains, et le latin reste pratiqué jusqu'au début du  siècle. Pendant trois cents ans, le nord de la France connaît donc une période de bilinguisme latin/francique. Pendant cette période, les Francs adoptent progressivement le latin, langue écrite et religieuse. Comme les Gaulois avant eux, ils influencent l'évolution de la langue, en y apportant des mots germaniques et en modifiant la prononciation. Les Vikings qui envahissent la Bretagne au  siècle apportent aussi quelques éléments de vocabulaire norrois, qui se retrouvent dans le gallo contemporain. En réalité ces mots issus de l'ancien scandinave se retrouvent aussi en normand, langue d'oïl qui en compte encore davantage. Comme pour ceux du français standard, il s'agit plus vraisemblablement d'emprunts au normand, car ils sont tous communs à cette langue, en revanche l'inverse n'est pas vrai. On note par exemple bouette ou boite « appât pour la pêche », formes également usuelles en Normandie, mais dont la forme la plus courante est baite, terme issu de l'ancien scandinave beita « pâturage, appât pour la pêche » ; biter ou abiter « toucher » ; bruman « nouveau marié » ; falle « jabot d'un oiseau » ; jenotte « noix de terre, terre-noix », ha « chien de mer, roussette, milandre » ; mielle « terrain sableux, dune » ; mucr « humide ». Font exceptions les quelques termes employés pour la navigation et les techniques maritimes anciennes dans la vallée de la Loire, avec la technique, on a emprunté le mot. Ce sont des emprunts directs à l'ancien scandinave. Il s'agit de gueurde « cordage servant à relever une partie de la voile », guiroie « girouette », etc.

Les langues d'oïl apparaissent sous une forme écrite à peu près définie au  siècle. À cette époque, les différences entre les parlers régionaux sont probablement moins importantes qu'aujourd'hui. Les emprunts de vocabulaire entre parlers sont fréquents et il n'existe pas beaucoup de traces écrites des variétés régionales, car les scribes utilisent une sorte de langue littéraire interdialectale commune à toute la moitié nord de la France. Le français de la cour et des livres commence à se distinguer drastiquement des parlers régionaux à partir du  siècle. Ces parlers connaissent eux aussi des changements phonétiques indépendants et ils s'éloignent de plus en plus les uns des autres.

Les premières traces écrites du gallo datent du  siècle. Le Roman d'Aiquin, qui est la seule chanson de geste bretonne, contient quelques termes propres au gallo contemporain, comme s'aroter pour « se mettre en route » et lours pour « leurs ». Le Livre des Manières d'Étienne de Fougères contient aussi beaucoup de traits caractéristiques du gallo. Il comprend des termes comme enveier (« envoyer »), il deit (« il doit ») ou encore chasteaus (« châteaux » ; en gallo contemporain : chatiaos).

Un texte des Chroniques de Saint-Denis écrit au  siècle mentionne des « Bretons bretonnants ». C'est le premier texte qui suppose l'existence de Bretons qui ne parlent pas la langue bretonne. Le terme « gallo » est employé pour la première fois en 1358, dans un acte du duc Jean IV destiné à son trésorier Georges Gicquel : « nostre general recepveur en Bretaigne gallou, salut. » L'appellation « Bretagne gallo » ou son homonyme « Haute-Bretagne » se rencontrent ensuite régulièrement dans les textes médiévaux.

Recul du breton

Carte illustrant la Bretagne bretonnante contemporaine et ses dialectes en couleurs. Le recul du breton est symbolisé par le dégradé de gris.

Lors de l'implantation des Bretons insulaires dans l'ouest de l'Armorique, les centres urbains ainsi que les campagnes à l'est d'une ligne Trieux-Laïta restent fortement romanisés. Si à l'ouest de cette ligne, le breton s'impose rapidement, la réalité linguistique dans la partie orientale diffère, et il faut plutôt y voir une zone où le bilinguisme était la norme et dont la majorité du "petit peuple" était formée de locuteurs romans. Au  siècle avec l'extension du territoire breton sur les diocèses francs de Nantes et Rennes sous le règne de Nominoë, la langue bretonne connait sa plus grande expansion. Au siècle suivant, le breton entame déjà son recul dans la zone bilingue. Cependant, le recul du breton s'est fait lentement, et des enclaves bretonnantes se maintiennent dans l'est de la Bretagne, d'abord sur la côte nord jusqu'à Dinan au  siècle, puis jusqu'à Saint-Brieuc au  siècle. Au sud, à l'est de Guérande, le recul du breton n'a pas été marqué avant le  siècle.

Dans les zones mixtes, les emprunts du breton vers le gallo ont été plus nombreux qu'ailleurs.

Déclin du gallo

Le français standard, qui se développe pendant la Renaissance, est au départ un sociolecte, c'est-à-dire qu'il n'est utilisé que par certaines classes sociales. L'ordonnance de Villers-Cotterêts, promulguée en 1539, rend l'usage du français obligatoire dans les documents officiels, puis c'est surtout l'éducation qui propage cette langue, à partir du  siècle, lorsque l'usage du latin décline à l'université. En 1793, pendant la Révolution, le français devient la seule langue utilisée par l'instruction publique. L'année suivante, une circulaire annonce que « dans une république une et indivisible, la langue doit être une. C'est un fédéralisme que la variété des dialectes ; il faut le briser entièrement. » À partir du règne de , l'éducation devient plus accessible, et Jules Ferry rend l'instruction gratuite, laïque et obligatoire en 1882. Dès lors, tous les Français fréquentent l'école et apprennent donc le français.

Le  siècle est aussi marqué par de profonds changements sociaux qui favorisent la disparition des langues régionales. La conscription, instaurée pendant la Révolution, fait se côtoyer des hommes venus de régions différentes qui doivent utiliser le français pour communiquer entre eux, la construction de routes et de voies ferrées accentue la mobilité des personnes et l'exode rural et l'industrialisation des villes entraînent un brassage des populations. L'essor industriel fait aussi naître une nouvelle bourgeoisie qui dénigre les parlers régionaux, et la croissance de la presse contribue à propager la langue française. Cette propagation, commencée par les journaux, est continuée au  siècle par la radio puis la télévision. En Haute-Bretagne comme dans le reste de la France, le bilinguisme s'est généralisé avant un abandon fréquent de la langue régionale.

L'usage du gallo s'est retrouvé confiné à des situations informelles en milieu rural. Alors que le milieu agricole est majoritaire en Haute-Bretagne jusque dans les années 1950, il a fortement diminué par la suite, rendant plus rares les occasions de parler gallo. La baisse du nombre de locuteurs a encore été amplifiée par l'absence de transmission intergénérationnelle, les parents ne souhaitant plus enseigner à leurs enfants une langue associée à un milieu en déclin et considérée comme un frein au progrès social et économique. L'image négative que l'État avait associé au gallo et aux autres langues régionales est alors véhiculée par les locuteurs eux-mêmes.

Face au déclin du gallo, des mouvements de défense sont nés à la fin du  siècle avant de s'amplifier dans les années 1970. L'ensemble de la population française parle désormais le français et les langues régionales, au bord de l'extinction, ne sont plus réprimées comme c'était le cas sous la Troisième République. La Charte culturelle bretonne, signée en 1977 par l'État et les collectivités territoriales bretonnes, marque un changement notable dans la perception des langues de Bretagne. La charte stipule par exemple qu'il faut « assurer à la langue bretonne et au parler gallo et à leurs cultures spécifiques, les moyens nécessaires à leur développement y compris dans l'enseignement et à la radio-télévision. » Depuis le début des années 1980, l'enseignement du gallo est donc proposé dans quelques structures. Il est néanmoins classé parmi les langues sérieusement en danger par l'Unesco.


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  1. Yannick Pelletier, Une histoire de la Bretagne, Jean-Paul Gisserot, , 127 ISBN , lire en ligne), p. 14
  2. Yannick Pelletier, Une histoire de la Bretagne, Jean-Paul Gisserot, , 127 ISBN , lire en ligne), p. 16
  3. François de Beaurepaire (Yves Nédélec), Les Noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, Paris, A. et J. Picard, , 253 ISBN , OCLC 15314425), p. 43 - 44
  4. Peter A. Machonis, Histoire de la langue : Du latin à l'ancien français, University Press of America, , 261 ISBN , lire en ligne), p. 61
  5. Peter A. Machonis, Histoire de la langue : Du latin à l'ancien français, University Press of America, , 261 ISBN , lire en ligne), p. 71
  6. Peter A. Machonis, Histoire de la langue : Du latin à l'ancien français, University Press of America, , 261 ISBN , lire en ligne), p. 85
  7. Jean-Christophe Cassard, Le Siècle des Vikings en Bretagne, Jean-Paul Gisserot, , 120 ISBN , lire en ligne), p. 102
  8. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Machonis p.149
  9. Erwan Vallerie, Diazezoù studi istorel an anvioù-parrez = Traité de toponymie historique de la Bretagne, An Here, (ISBN  et , OCLC 63764620, lire en ligne), p. 536-542
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  11. «  », Office de la langue bretonne, (consulté le )
  12. «  », Unesco (consulté le )


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