Ville
Localisation
Ville : descriptif
- Ville
Une ville est un lieu qui se caractérise par une forte densité humaine et une forte densité de bâti
La population qui l'habite y organise l'espace en fonction de ses besoins et de ses activités propres, ainsi que de l'environnement physique
La ville est un milieu complexe qui ne peut pas se résumer à une approche physique, car c'est aussi la traduction spatiale de l'organisation physique, économique, politique, sociale ou culturel de la société qui l'a bâtie
L'histoire, d'une ville est un élément essentiel pour comprendre son organisation
La ville peut être comparée avec un écosystème qui interagit en permanence comme un milieu avec ses hôtes. La ville se définit par opposition à la campagne
Elle se distingue également des villages, ou autres communes, par des critères variables selon les pays du monde, population en nombre ou en densité, activités particulières s'y exerçant ou décisions administratives
Les principes qui régissent la structure et l'organisation de la ville sont étudiés par la sociologie urbaine, l'urbanisme et l'économie urbaine. Il est difficile de dater ou de localiser avec précision l'apparition de la première ville ; elles sont aujourd’hui réparties partout dans le monde et, en 2024, plus de la moitié de la population mondiale réside en ville.
Étymologie
Ville provient du latin villa (« maison de campagne, propriété rurale ») qui prit dès les Ve – VIe siècles le sens de « groupe de maisons adossées à la villa », c'est-à-dire à peu près « village », puis regroupement plus important de population.
Histoire
Apparition des villes
Les premières villes importantes connues apparaissent à la fin du Néolithique, avec la culture de Cucuteni-Trypillia à partir de la fin du millénaire av. J.-C., en Ukraine, Roumanie et Moldavie ; ces villes pouvaient atteindre plus de 15 000 habitants et s'étendre sur plusieurs kilomètres carrés, elles étaient très planifiées et organisées en plans elliptiques et concentriques.
De grandes villes apparaissent ensuite entre 3500 et dans les régions fertiles et limoneuses de Mésopotamie comprises entre le Tigre et l'Euphrate, aujourd'hui l'Irak, notamment avec la ville d'Uruk, le premier grand centre urbain du Proche-Orient ancien, puis en Syrie, en Égypte, dans les vallées du Nil et du Jourdain, et les vallées de l'Indus et du Yangzi Jiang.
La symbolique de la création de la ville
Les civilisations occidentale et moyenne-orientale disposent d'un certain nombre de mythes et de récits légendaires ayant trait à la création des villes. Par delà la réalité historique, ces récits nous renseignent sur le sens même donné par les hommes à ces établissements construits par eux, de toutes pièces.
Selon la tradition biblique, Caïn construit la première ville dans le pays de Nod, le pays de l'errance, et la baptise du nom de Hénoc qui veut dire le commencement (Genèse 4, 17-24). C'est là que naissent symboliquement l'artisanat avec Tubalcaïn, le premier ouvrier à travailler les métaux, et les arts avec le joueur de flûte (de chalumeau), Youbal. C'est aussi, avec Lamek, la ville du crime et c'est pour cela que Dieu la détruit par un déluge.
La Bible, dans le canon chrétien, commence avec l'histoire d'une ville, celle d'Hénoc, et se clôt dans l'Apocalypse (Apocalypse, chapitre 21) par celle d'une autre ville, la Jérusalem céleste, comme pour signifier que « par amour, Dieu révise ses propres desseins, pour tenir compte de l'histoire des hommes, y compris de leurs plus folles révoltes », à moins que l'avenir de l'homme ne passe par la ville et que la ville elle-même soit le symbole de la perfection du monde à venir. L'homme n'est donc point destiné à revenir un jour dans un paradis perdu, mais à vivre pour l'éternité, dans une ville, la Jérusalem céleste où il n'y a plus de temple en son centre, car cette ville est Dieu. Le Jardin d'Éden est interdit de retour aux hommes et c'est pour cela que, symboliquement, Dieu y a placé à l'entrée un ange avec une épée flamboyante.
La Bible est aussi une longue succession d'histoire de villes qui toutes seront détruites y compris Jérusalem et son temple par trois fois, comme si la perfection voulue par les hommes ne pouvait être atteinte en ce monde. La grande ville (Babel-Babylone et Jérusalem) est le symbole de la perdition de l'homme comme le rapporte Jacques Ellul au travers une analyse fine du texte biblique, car elle est le milieu créé par l'homme pour échapper au projet de Dieu. La ville, dès les origines, apparaît donc dans sa symbolique du moins, comme la seule voie qui permette à l'homme d'accéder à sa propre humanité en apprenant à « vivre ensemble, égaux et différents » pour reprendre la problématique posée par le sociologue Alain Touraine. La ville au travers le mythe de Babel pose aussi directement, avec la diversité des langues, la question des conditions de l'altérité et c'est au travers cette altérité que l'homme devient civilisé par opposition aux barbares. C'est en cela alors que la ville devient « creuset d'humanité ». Construire une ville est un acte à haut risque où l'homme se confronte avec les dieux créateurs, tel un démiurge. Aussi est-il indispensable de s'accorder les bonnes grâces desdits dieux au travers les rites de fondation avec des sacrifices et des offrandes et les rites de dédicace. La dédicace consiste à placer la ville sous la protection d'un dieu tutélaire particulier.
Les plus anciennes villes importantes connues sont celles de la culture de Cucuteni-Trypillia, de la fin du Néolithique en Europe de l'Est, atteignant déjà plusieurs centaines d'hectares avec une planification évidente. Puis de grandes villes apparaissent entre la fin du Néolithique et le début de la Haute-Antiquité au Proche-Orient dans la plaine alluviale fertile de la Mésopotamie dans un premier temps, puis du Nil, du Fleuve Jaune et de l'Indus, qui facilitent grandement l’approvisionnement en ressources agricoles. L'apparition de villes coïncide avec l'émergence de l'agriculture durant la période du Néolithique. Voir les travaux de Jean-Louis Huot sur la naissance des villes en Mésopotamie notamment.
À cette époque, la ville se caractérise par plusieurs éléments :
- par une délimitation précise autant que symbolique de la ville par un fossé, un palissage ou un mur d'enceinte parfois monumental ; il convient de renvoyer, par exemple, aux nombreux mythes de la création de Rome avec Rémus qui trace le périmètre de l'enceinte avec une charrue. Symboliquement, cette limite qui est aussi une protection distingue deux mondes : celui de la cité (la civitas en latin), le monde des civilisés, de ce qui n'est pas la cité, le monde des barbares. Ceux qui ne respectent pas les règles de la cité sont alors bannis, rejetés, mis au ban, c'est-à-dire hors de la cité. De là le mot banlieue : la banlieue n'est pas la cité, ce qui explique parfois ce sentiment de rejet qu'ont les habitants de la banlieue de ne pas être des citoyens à part entière. Citoyen, habitant de la cité ;
- par des rites de fondation dont on retrouve parfois les traces lors des fouilles archéologiques et qui manifestent bien là une intention particulière, un projet qui risque de contrarier les dieux. Il s'agit de rassembler dans une même enceinte des hommes et des femmes de clans et de familles différentes, voire antagoniques, de métiers et de mœurs divers… Il convient alors de faire corps, les sociologues parlent aujourd'hui de « corps social » qui est plus que la somme des individus qui le composent ;
- par l'apparition d'un espace public qui va être bordé très rapidement par un bâtiment plus grand que les autres (maison du chef, des prêtres, maison commune ?) comme le montrent les fouilles de Jean-Louis Huot en Mésopotamie (op. cit.). L'espace public est sans doute l'élément le plus discriminant pour marquer le passage du village au sens entendu à l'époque — le mot n'existe pas — à la ville. Le village, à cette époque de la fondation des premières villes, est avant tout un habitat précaire fait de huttes et de tentes autour d'un puits. Le village regroupe un clan, une famille au sens large du terme. La ville est un tout autre projet : elle va regrouper plusieurs clans, plusieurs familles, plusieurs métiers… ;
- par l'apparition de greniers qui montre que l'on change de système économique et que l'on peut engranger les récoltes, en préserver une part pour les semailles de l'année suivante et aussi échapper aux famines. C'est encore la traduction d'une accumulation de surplus qui vont permettre les échanges et la naissance d'une économie avant même l'apparition de la monnaie ;
- par une superficie importante (la ville mésopotamienne d'Uruk s'étend par exemple sur 400 ha) ; la taille n'est toutefois pas discriminante. Il existe de petites villes qui peuvent être de la taille d'un village comme de grandes villes ;
- par une population importante et surtout sédentaire (la population de Xi'an est estimée à un million d'habitants 1000 ans avant l'ère chrétienne) pour la ville d'Uruk.
Les raisons de l'apparition des villes sont probablement liées, si l'on en croit l'analyse des économistes, à l'accumulation des richesses des civilisations rurales capables de dégager des surplus de production et surtout liées au développement d'une division du travail. Les cultures relativement intensives du fait des progrès dans la sélection des semences et du bétail comme dans les outils favorisent la richesse et incitent à la spécialisation des personnes dans d'autres domaines que l'agriculture, et tout particulièrement dans les fonctions artisanales et commerciales puis administratives, religieuses ou militaires.
Néanmoins, survivront jusqu'à nos jours, en parallèle, des civilisations nomades qui n'en furent pas moins brillantes et les Hébreux, eux-mêmes Sémites nomades, émigrèrent avec Abram (Abraham) de ces régions où naquirent les toutes premières villes. La lecture de la ville ne peut pas faire l'impasse d'un parallèle avec le nomadisme et ce qu'il en reste encore de nos jours, y compris dans nos imaginaires. Il convient alors de se rapprocher des travaux du sociologue Michel Maffesoli. C'est Caïn — l'agriculteur sédentaire — qui tue son frère Abel — le nomade gardien de troupeaux — que Dieu semblait privilégier.
La ville naît aussi et surtout de la volonté des hommes qui se regroupent autour d'un projet commun, celui de vivre en société. C'est pour cela que l'espace public apparaît comme l'élément symbolique primordial de la fondation de la ville. La ville apparaît alors comme un projet politique au sens étymologique du terme, de polis qui en grec veut dire la cité. La ville n'est donc pas qu'un rassemblement d'hommes et de femmes guidés par des soucis essentiellement fonctionnels (se protéger et se défendre, échanger et marchander…). La ville regroupe sur un territoire donné, des hommes et des femmes et leurs activités avec le projet commun de vivre ensemble, projet plus ou moins explicité d'ailleurs et parfois même sous la contrainte relative d'un leader qu'il soit laïc ou religieux voire les deux à l'époque. C'est avec étonnement qu'Étienne de la Boétie dans son « discours sur la servitude volontaire » au XVIe siècle, s'interroge sur ce qui pousse les hommes nés libres et égaux à abandonner ainsi une part de leur liberté pour vivre ensemble. Sans doute parce que cette vie ensemble est la seule façon pour l'homme d'advenir à sa propre humanité si l'on en croit le philosophe Emmanuel Lévinas qui évoque l'altérité et les conditions de cette même altérité.
Des décisions « politiques » furent à l'origine de la création de villes nouvelles de l'Antiquité à nos jours, mais la finalité reste toujours la même, avec souvent le souci de créer sur terre, ici et maintenant, un impossible paradis, une cité idéale. Celui qui nous est promis dans la perspective chrétienne, du moins symbolique, est une ville : la Jérusalem céleste.
L'urbanisation, un phénomène mondial en croissance exponentielle
Le exode rural et des villes. L'Organisation des Nations unies estime en 1950 la population urbaine à 30 % de la population mondiale soit 746 millions d'habitants. 2008 est l'année où — pour la première fois de l'histoire connue — plus de la moitié des humains résident en ville. En 2014, environ 54 % de la population mondiale vit en milieu urbain avec 3,9 milliards de citadins. 60 % de la population vivra probablement en ville en 2030 (surtout dans les pays en développement qui selon les prospectivistes devaient accueillir quatre milliards d’urbains en 2030, soit 80 % des citadins de la planète).
Le Nigeria et la Chine encore très ruraux dans les années 1980 dépasseront 50 % d’urbains, et Bombay et Delhi devaient atteindre respectivement 22 et 19 millions, quand Shanghai ou Lagos (Nigeria) auront 17 millions d'habitants chacune. 36 mégapoles devraient abriter plus de 10 millions d’habitants en 2015 (contre 23 en 1998).
Les agglomérations de plus d’un million d'habitants étaient rares au début du Amérique latine. Des zones métropolitaines se chevauchent pour former d'énormes réseaux urbains. En Afrique de l'Ouest, en Chine et dans le nord de l'Inde, ceux-ci peuvent abriter plus de 50 millions d'habitants.
Selon les projections des Nations unies, les villes des pays en développement absorberont la plus grande part de la croissance démographique d'ici 2050 — plus de deux milliards d'individus. 72 % des pays en développement ont adopté des mesures pour endiguer les vagues migratoires vers leurs villes, relève une enquête des Nations unies. Mais considérer l'urbanisation comme un mal en soi plutôt que comme une voie inévitable du développement est une erreur, affirme David Satterhwalte, de l'International Institute for Environment and Development de Londres.
Il n'existe pas de modèle unique pour gérer une urbanisation rapide. Mais certains exemples sont encourageants. L'un d'entre eux est Séoul. Entre 1960 et 2000, sa population est passée de moins de trois millions d'habitants à dix millions. Pendant cinq siècles, l'essentiel de la ville resta contenu dans l'enceinte d'une muraille de 16 Taejo. C'était une cité de lettrés qui comptait quelques centaines de milliers d'âmes, jusqu'à ce que le XXe siècle lui donne un nouvel essor.
Dans les pays pauvres, les bidonvilles croissent souvent au même rythme que l'urbanisation, souligne l'ONU, qui craint avec 1,4 milliard d’habitants vivant dans des bidonvilles en 2020 (souvent sans eau ni électricité et sans accès aux services médicaux et sociaux de base) une augmentation de la pauvreté, des maladies et de la violence urbaine. En 2008, environ un milliard d'humains urbains vivent dans une grande pauvreté, souvent dans des bidonvilles.
La ville, en ce qu'elle se dilue, est peu à peu remplacée dans les études par les concepts de fait urbain, d'urbanité, de métropole, à travers les processus de mondialisation et de métropolisation. Ceux-ci, s'ils encouragent et incarnent la dynamisation économique et fonctionnelle des espaces urbains, sont aussi vecteurs d'inégalités et de fractures sociales, démographiques et culturelles entre les différents acteurs et différentes populations, et d'altérations des milieux. Les promoteurs de la durabilité en ville cherchent des remèdes à ces constats. Le géographe Guy Burgel pointe de nombreux enjeux pour la ville de l'avenir. Il s'agit de trouver les solutions à la discordance croissante entre territoires vécus et territoires de gestion politique, à la disparition progressive de la ville dans les débats publics et les politiques prônées, à la déterritorialisation de la gestion de la ville, à la désolidarisation croissante entre économie et société, à l'effacement du citoyen face à l'usager, etc.
- Site entièrement consacré à l'archéologie de la culture Cucuteni-Trypillia, http://www.trypillia.com
- Genèse 4.17
- Frédéric Rognon, , éd. Labor et Fides, 2007, lire en ligne]
- Jacques Ellul, , Paris, Gallimard, collection Voies ouvertes, 1975, p. 230-237
- Jean-Bernard Racine, La ville entre Dieu et les hommes, Paris, Anthropos-Economica, 1993
- Jacques Ellul, Sans feu ni lieu : signification biblique de la Grande Ville, Paris, Gallimard, 1975.
- Alain Touraine, Pourrons-nous vivre ensemble ? Égaux et différents, Stock, Paris, 1997
- François-Xavier Tassel, Babel, une chance pour les hommes, Cahiers des Amis de Roger Girard ISBN )
- François-Xavier Tassel, La ville symbolique et creuset d'humanité, Revue Villard de Honnecourt ISBN )
- Jean-Louis Huot, Les premiers villageois de Mésopotamie. Du village à la ville, Armand Colin, Paris, 1994.
- François-Xavier Tassel, Les enjeux de la limite urbaine, Revue Arts et Sciences no 5, Éd. Confluences, Bordeaux, 1998
- Michel Maffesoli, Du nomadisme. Vagabondages initiatiques, Paris, Le Livre de poche, « Biblio-Essais », 1997
- lire en ligne), p. 2.
- ISBN , lire en ligne), p. 1.
- Rapport de prospective de l'ONU sur l’urbanisation, World Urbanization Prospects, octobre 2006
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