Piano
Localisation
Piano : descriptif
- Piano
Le piano est un instrument de musique polyphonique, à clavier, de la famille des cordes frappées
Le son est produit lorsque l'on appuie sur des touches noires ou blanches, grâce à l'action d'un marteau tapant la corde correspondant au placement de la touche et au son désiré
Il comporte 52 touches blanches et 36 touches noires, soit un total de 88 touches
Il y a deux sortes de pianos : Les pianos droits, avec les cordes verticales, intégrant les pianos girafes ; Les pianos à queue, avec les cordes horizontales. Il existe également des pianos numériques, qui ne possèdent pas de cordes. Le nom de l'instrument provient d'une abréviation de piano-forte, son ancêtre du XVIIIe siècle, décrit par Scipione Maffei comme un « gravecembalo col piano e forte », c'est-à-dire un clavicorde ayant la possibilité de nuancer en intensité le son directement par la frappe des touches
Jouer progressivement de la nuance piano (doucement) à la nuance forte (fort) n'est pas possible avec des instruments comme le clavecin, l'épinette ou l'orgue.
Histoire
Invention du piano-forte
Ressemblant au clavicorde ou au clavecin, le piano créé au début du siècle présente une mécanique totalement nouvelle. Contrairement à l'orgue ou au clavecin, le son du piano est modulable comme pour le clavicorde qui peut jouer « piano » et « forte ».
L'écrivain italien Scipione Maffei publie en 1711 la première description d'un gravecembalo col piano e forte qu'il a vu deux ans auparavant, incluant un schéma de son mécanisme ; cet article sera ensuite traduit et diffusé dans toute l'Europe. Les premiers exemplaires connus du pianoforte ont été fabriqués par Bartolomeo Cristofori à Florence. Seuls trois instruments ont survécu jusqu'à aujourd'hui. Ils sont conservés au Metropolitan Museum of Art de New York (1720), au Musée national des Instruments de musique de Rome (1722) et au Musikinstrumenten-Museum de l'université de Leipzig (1726).
La date de fabrication du premier piano-forte par Cristofori est incertaine, mais un inventaire réalisé par ses employeurs, la famille Médicis, indique l'existence d'un « clavecin qui peut jouer piano et forte » (« cimbalo che fa il piano e il forte ») en 1700. Cristofori ne construit en tout qu'une vingtaine de piano-forte jusqu'à sa mort en 1731, améliorant sans cesse son invention, sans qu'elle devienne un succès commercial malgré la qualité des instruments. Gottfried Silbermann, son premier et principal successeur de renom allemand, en fabrique dès 1726 sans tout d'abord parvenir à l'égaler, d'après les schémas publiés en 1709, sur lesquels les trouvailles ultérieures de Cristofori sont naturellement absentes.
Des documents décrivant des claviers utilisant des marteaux remontent aux et siècles ; deux inventeurs proposent des croquis d'instruments similaires à celui de Cristofori, de manière indépendante mais sans jamais construire de prototype : le Français Jean Marius envoie en 1716 des plans de clavecin à maillets à l'Académie royale des sciences et l'Allemand Christoph Gottlieb Schröter réalise des croquis en 1717 (à l'âge de 18 ans) qui seront repris par la suite.
Le défi consiste à adapter un clavier au cymbalum, ce qui revient à actionner avec un clavier — et avec un bon degré de maîtrise — les marteaux du cymbalum tout en liant l'effet de ce dernier à l'étouffement du son. Cristofori n'est peut-être pas le premier à avoir relevé le défi mais il y consacre bien quelque trente années de sa carrière avec un succès technique indéniable quoique non reconnu de son vivant.
Le lien du piano avec le clavecin (instrument à cordes « pincées » par un ou des plectres, et sans maîtrise manuelle de l'intensité) est partiel puisque, au début, il hérite de sa forme avec sa partie harmonique mais se différencie par son mécanisme. Ses amplitudes sonore et expressive alliées au développement du concerto l'amèneront postérieurement à le concurrencer.
Les premiers pianos ont particulièrement profité des siècles de travaux et de perfectionnements apportés au clavicorde, notamment par le raffinement des méthodes de construction des structures (en bois à cette époque), ainsi que celles de la conception de la table d'harmonie, du chevalet et du clavier, peu standard aussi bien en taille qu'en allure. Cristofori était lui-même un facteur de clavicordes et de clavecins, bien au fait des techniques de fabrication de tels instruments et des connaissances théoriques associées à celles-ci.
La découverte principale de Cristofori est la résolution du problème mécanique intrinsèque aux pianos : les marteaux doivent frapper les cordes mais cesser d'être en contact avec elles une fois frappées afin de ne pas étouffer le son (en entravant leur vibration) ; ils doivent, de plus, retourner à leur position initiale sans rebondir, et cela rapidement pour permettre l'exécution de notes répétées à une vitesse satisfaisante. Cependant, cela posera des problèmes de stabilité mécanique presque jusqu'à la mort de Mozart (1791), voire au-delà, à mesure que l'exigence à l'endroit de l'instrument croissait. Cristofori a apporté plusieurs innovations : l'échappement, le doublement et l'épaississement des cordes, les marteaux recouverts de cuir et le renforcement de la caisse.
Facture allemande
Néanmoins, le premier facteur notable est Johann Gottfried Silbermann (1683-1753), issu d'une famille de facteurs d'orgues reconnue, qui en fabrique à partir de 1726. Les piano-fortes de Silbermann étaient presque des copies conformes de ceux de Cristofori, à partir des plans de Maffei de 1709 qui n'incluaient pas les trouvailles postérieures, à une exception importante près : ils possédaient l'ancêtre de la pédale forte (se présentant sous la forme d'un levier difficilement utilisable pendant le jeu) qui permet de relever en même temps tous (ou par moitié) les étouffoirs sur l'ensemble des cordes ; presque tous les pianos construits par la suite reprendront cette innovation. Silbermann montra à Bach l'un de ses premiers instruments dans les années 1730, mais ce dernier ne l'apprécia pas, trouvant le clavier lourd, les aigus trop faibles et la distorsion trop importante lors de l'attaque pour permettre des dynamiques véritablement intéressantes. Si ces remarques lui valurent une certaine animosité de la part de Silbermann, il semble qu'elles furent prises en compte ; en effet, en 1747, Bach (alors âgé de 62 ans, ayant sans doute perdu le goût des déconvenues dues à la susceptibilité aristocratique) approuvera une version plus récente et perfectionnée de l'instrument sur lequel il venait d'improviser des fugues à la demande de Frédéric II de Prusse, lui-même acquis à l'instrument, puisqu'il en possédait quinze. Quoi qu'il en soit, quelques œuvres postérieures à 1730, dont celles du 2e tome des Exercices pour clavier (le Concerto italien BWV 971 et l'Ouverture à la française BWV 831), portent nombre d'indications claires d'intensité piano et forte, pour un Clavicÿmbel mit zweÿen manualen, mais qui ne correspondent qu'à la registration demandée, c'est-à-dire, en l'occurrence, au choix du clavier sur lequel on joue: le clavier supérieur en effet est en général plus doux que l'inférieur. Bach et le piano, l'énigme reste ouverte.
L'essor de la facture de pianos eut lieu d'abord en Allemagne, puisque, Silbermann non seulement construisit des pianos entre 1726 et sa mort (en 1753) mais encore il forma nombre de facteurs réputés pour leur inventivité et la qualité de leurs instruments. Parmi les plus connus, dans l'ordre chronologique, on trouve : Christian Ernst Friederici (1709-1780) d'une famille de facteurs d'orgues aussi, installé à son compte dès 1737, Americus Backers (mort en 1778), installé en Angleterre vers 1750 (la date exacte n'étant pas encore connue), Johannes Zumpe (1726-1790) qui travaille à Londres dès 1756 pour le facteur de clavecins d'origine suisse Burckhardt Tschudi (1702-1773, ayant anglicisé son nom en Burkat Shudi, beau-père de son illustre successeur John Broadwood). Zumpe s'installe à son compte en 1761 et, enfin, Johann Andreas Stein (1728-1792) père de l'école viennoise (quoique n'ayant pas vécu à Vienne) qui, outre la transformation du système de levage manuel des étouffoirs en un mécanisme se présentant, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, sous la forme d'une ou deux genouillères (obligeant à lever le(s) genou(x) pour l'actionner au lieu de se servir d'une main), réinterpréta entre 1775 et 1785 le système d'échappement de Backers, créant la fameuse Prellmechanik (mécanique à heurtoir) qu'on a l'habitude d'appeler « mécanique viennoise ». Mozart ayant d'abord possédé, comme son père, des instruments Friederici devint un adepte de ceux de Stein en 1777.
Facture anglaise
La facture anglaise s'est développée à la suite des « douze apôtres », apprentis de Silbermann, s'étant installés à Londres, Backers étant l'inventeur, en 1772, du pilote mobile (véritable échappement) permettant une répétition plus rapide et forte. John Broadwood (1732-1812) et Robert Stodart (1748-1831) sauront tirer profit des trouvailles. Broadwood, après avoir produit des pianos d'après les plans de Zumpe, commença à étudier scientifiquement la manière de les perfectionner en sollicitant la Royal Society et le British Museum dès 1788 ce qui semble avoir conduit à la création de la double table d'harmonie qu'on trouve encore sur les pianos Pleyel jusqu'au milieu du XIXe siècle. L'engouement pour le piano qui s'est développé entre la fin de la décennie 1770 et le début de celle de 1790 fut tel que Broadwood abandonna la fabrication de clavecins, devenus difficiles à vendre, dès 1793. La construction de pianos devint un marché si porteur dans l'Angleterre du dernier quart du XVIIIe siècle que de nombreuses entreprises furent créées, attirant savoir-faire et capitaux.
Durant la fin du Anton Walter, Johann Andreas Streicher et sa femme Nannette Stein Streicher, fille du célèbre Johann Andreas Stein, devenue une remarquable factrice, Jakob Schelkle, moins connu puis, début siècle, Conrad Graf. Les pianos de style « viennois » étaient d'abord fabriqués sans cadre avec seulement un barrage en bois, deux cordes par note, et des marteaux recouverts de cuir. C'est pour des instruments de ce type que sont écrits les concertos et sonates de Mozart et les premières œuvres de Beethoven, encore qu'il faille noter que sa sonate op. 13 de 1799 porte le titre de « Grande sonate pathétique pour le clavecin ou le piano-forte », ce qui laisse entendre une relativement faible diffusion de l'instrument à Vienne à cette époque. Haydn, quant à lui, n'introduit les indications de nuance dans ses sonates qu'à partir de 1780 (Hob. XVI: 35), bien après Mozart. Le développement de l'instrument fut tel que des compositeurs, interprètes et pédagogues de renom tels que Muzio Clementi se lancèrent dans la production et la vente d'instruments (un consortium dirigé par Clementi acheta en 1798 l'éditeur et facteur Longman & Broderip, alors en faillite). Cet instrument avait un son plus doux et plus cristallin que celui des pianos modernes sauf à la frappe, particulièrement dans le forte, où il était plus criard ce qui imposait des précautions inhabituelles au clavecin mais qui s'estompèrent avec les progrès mécaniques. Cette clarté est perceptible dans l'écriture de Mozart à qui il arrive d'écrire des accords pleins à la basse qui sonnent de manière distincte (cf. concerto K 453, par exemple). Inutile de dire que l'effet de ce type d'écriture n'est pas le même, par exemple chez Bartók, un siècle et demi plus tard. L'introduction des améliorations venues d'Angleterre (notamment le renfort par des pièces en métal) se fit petit à petit, pour contrebalancer la concurrence des instruments Broadwood qui remportaient le suffrage des pianistes.
Situation française
En France, la situation politique et économique troublée de la fin du Sébastien Érard, facteur de pianos du roi jusqu'à la Révolution directement menacé par les révolutionnaires, dut s'exiler en Angleterre où il poursuivit son activité pendant les années les plus noires de la Terreur (et un peu au-delà : de 1792 à 1796 où il revint à l'occasion du calme qui se réinstaura peu à peu dans la suite de la chute de Robespierre, avec l'instauration du Directoire (1795-1799)). La fabrique de pianos qu'il avait fondée à Londres devint prospère et poursuivit son activité en Angleterre tout au long du XIXe siècle.
Le piano du XVIIIe siècle fut une affaire d'artisans et de créateurs parfois très ingénieux travaillant en atelier, même si la structure économique et technologique anglaise annonçait le boom industriel à venir.
Développement et mutations du piano-forte
On peut parler d'une période transitoire du piano entre la mort de Mozart (en 1791) et celle de Schubert (en 1828), mais s'il y a bien une accélération des transformations durant cette période, une observation attentive donne plutôt l'impression d'un continuum d'améliorations plus ou moins originales qui, en s'empilant, aboutirent à ce que l'on perçoit comme une mutation.
Durant la longue période s'étendant de 1780 à 1890, le piano-forte de l'époque classique va subir de très nombreux changements qui vont l'amener à sa forme actuelle de « piano moderne ». Cette évolution de l'instrument a été motivée par le besoin permanent des compositeurs et des pianistes d'un son plus puissant et de plus grandes possibilités expressives. Elle fut permise non seulement par la révolution industrielle en cours mais aussi par une étude plus scientifique des problèmes acoustiques et mécaniques de l'instrument qui a fini par dépasser les possibilités des artisans seuls travaillant en atelier, même les plus doués, mettant ainsi à disposition des facteurs de piano des procédés technologiques permettant, par exemple, de produire des cordes en acier de grande qualité et une plus grande précision d'usinage pour la production des cadres en fonte.
Certaines firmes poursuivirent leurs recherches sur des mécaniques solides mais aussi légères que possible. Blüthner, créée seulement en 1853 (une illustration du boom industriel allemand), en breveta une en 1885 qu'il installa sur différents modèles (y compris celui de concert de 2,80 mètres de long, jusqu'en 1915, un instrument étonnamment solide, puissant et léger), même si la répétition rapide demandait un peu de précaution (mais le débattement de la touche était court). La diversité était de mise tant que l'inventivité permettait de faire mieux que ses concurrents, au besoin soit en y incorporant leurs nouveautés ou encore en prenant le contre-pied ; l'aune étant la réussite commerciale. Néanmoins, la tendance générale de l'évolution de la mécanique fut vers l'alourdissement et il arriva même que certains modèles fussent évités en concert pour cette raison. Cela fut le cas jusqu'à il y a peu pour les Bösendorfer.
Quant à la tessiture, elle augmenta aussi conséquemment, passant de 4 octaves et demie des premiers pianos (5 octaves à l'époque de Mozart, 6 1/2 à l'époque de Chopin) aux 7 octaves 1/4, et parfois plus. Postérieurement 8 octaves voire, aujourd'hui exceptionnellement, 8 1/2.
Au fil des années, les instruments devinrent plus grands, plus puissants, et plus robustes. Par exemple la firme Broadwood envoya ses instruments à Haydn puis à Beethoven qui apprécia notamment la solidité du clavier, par rapport aux viennois qui s'enfonçaient - disait-il -, puisqu'il tapait de plus en plus à mesure que sa surdité augmentait; sans doute son « transmetteur de vibrations buccal » n'était-il pas très efficace. Broadwood fut la première firme à construire des piano-fortes avec une tessiture de plus de 5 octaves : 5 octaves 1/2 puis 6 entre 1789 et 1794 - faisant commencer certains au fa et d'autres au do - d'abord dans les pianos carrés puis, plus tard, dans les grands (ce qui permit à Beethoven de s'affranchir des limites courantes à partir de 1804 avec la Waldstein (op. 53) pour aboutir à 6 octaves et demie dès la fugue de la Hammerklavier (op. 106, de 1818) sans jamais aller au-delà, encore qu'aux mesures 114 et 115 il paraît difficile d'éviter le si-bémol de 28,5 Conrad Graf, qui très rapidement cessa d'évoluer marquant ainsi sans doute la fin de la facture artisanale. Cependant les deux écoles issues du XVIIIe siècle se poursuivirent longtemps : celle de Broadwood visait la puissance et la robustesse, celle de Stein, plus sensible, la légèreté.
Naissance du piano moderne
Le développement de l'instrument qui a conduit au piano que nous connaissons a été le fruit d'une collaboration concurrentielle entre des facteurs nombreux situés dans ce qui était - ou allait devenir - les principales puissances mondiales possédant un usage social ou individuel développé de la musique. La bourgeoisie adoptant l'instrument et la pratique musicale, les musiciens-compositeurs sont passés du rang de laquais à celui de génies et les pianos ont épousé le développement industriel et scientifique. Il en résulte que ce sont les Français, les Britanniques, les Allemands et, pour finir, les Américains qui sont les acteurs de la transformation de l'instrument au XIXe siècle.
En France, au cours des années 1820, Sébastien Érard (1752-1831), dont le nom s'orthographiait Erhard, natif de Strasbourg et arrivé à Paris en 1768, facteur de pianos dès 1777 et facteur du roi jusqu'à la Révolution (époque où menacé par les révolutionnaires, il dut émigrer en Angleterre y étant facteur à Londres dès 1792 avec création d'une fabrique de pianos puis dépôt du nom en 1797), à la tête des pianos Érard et Ignace Pleyel (1757-1831), un Autrichien de Ruppersthal (dans un premier temps nommé directeur de musique à la cathédrale de Strasbourg qui menacé lui aussi durant la période révolutionnaire dut émigrer à Londres où il retrouva son maître, devenu son ami, Joseph Haydn), facteur de pianos installé à Paris à partir de 1807 fondateur des pianos Pleyel, se firent une concurrence importante, adoptant l'un « l'école de la robustesse » l'autre celle « de la légèreté ». Comme l'avait été Sébastien Érard avant la Révolution, Ignace Pleyel de même que son fils Camille, furent plus tard eux aussi facteurs de pianos du roi, Charles X sous la Restauration, puis Louis-Philippe sous la monarchie de Juillet. On sait que Chopin qui racontait que, dans son enfance, il avait eu un piano lourd, préférait Pleyel (qui lui offrait ses pianos) et Liszt, un mélange de virtuose et de « chevalier romantique » préférait, dans sa jeunesse, Érard. La firme Érard apporta certainement les innovations les plus importantes après son installation en Angleterre du fait de la concurrence directe avec Broadwood, surtout du point de vue de la mécanique de l'instrument. En témoignent plusieurs centaines de brevets qu'elle a déposés en France et en Angleterre décrivant des améliorations importantes dont le système à répétition double échappement, (dernier brevet de 1821) qui permet à une note d'être aisément rejouée même si la touche n'est pas encore revenue à sa position initiale ; une innovation que les grands virtuoses apprécieront avec le développement de la virtuosité (c'est-à-dire la maîtrise la plus rapide possible des difficultés traditionnelles ou innovantes). Le système sera amélioré en famille puis, vers 1840, par Henri Herz (un Autrichien de Vienne installé à Paris dès 1816). Le principe dit du « double échappement » devint finalement le mécanisme standard des pianos à queue, utilisé par tous les facteurs. Pleyel s'entoura d'excellents professionnels : Jean-Henri Pape (1789-1875, un Allemand de Sarstedt installé à Paris en 1811), et, quoique moins importants, Auguste Wolff (1821-1887) et Gustave Lyon (1857-1936). Camille Pleyel (fils d'Ignace) fit par ailleurs construire à Paris des salles de concert portant le nom de son père (la salle Pleyel que nous connaissons aujourd'hui a été inaugurée en 1927) et implanta la première usine électrifiée, préfigurant les méthodes de production modernes. Malgré tout, la production française aura, à l'origine, largement bénéficié des apports de l'école d'outre-Rhin (Pleyel, Pape).
Jean-Henri Pape, à Paris, semble avoir été à l'origine d'innovations ou adaptations importantes : dès 1813 il filait (avec du cuivre) les cordes en acier pour les basses (le procédé, dans la cithare, de la corde en métal filée par étirement, toujours en usage dans le piano, est connu depuis la seconde moitié du XIVe siècle). En 1826, il remplace la couverture en cuir des marteaux par du feutre (de la laine de mouton ou, à l'époque parfois de lapin, bien tassée) permettant une harmonisation plus fine du timbre de l'instrument au moment de la frappe. Le triple cordage du médium et de l'aigu est, lui, généralisé par Broadwood, à Londres, dès 1817. L'emploi de l'acier filé au diamant se généralise dès 1834 et sa qualité n'a cessé de s'améliorer jusqu'à aujourd'hui ; plusieurs fabricants réputés existent en Allemagne : Röslau, Vogel[Qui ?], Rose[Qui ?], Gug[Qui ?]..., mais aussi de nouveau en France avec la renaissance d'une production française de cordes depuis les années 2000 : Stephen Paulello.
Toujours en France, de création un peu plus récente que ses devanciers Érard et Pleyel, c'est au tour des pianos Gaveau de voir le jour peu avant le milieu du . Après avoir été apprenti dans plusieurs ateliers parisiens, Joseph Gabriel Gaveau crée en 1847 son premier atelier à Paris, établi rue des Vinaigriers. Dès ses débuts, il vise à fabriquer des pianos droits de qualité en imitant la construction des instruments Érard. Il s'attache spécialement à faire progresser la mécanique du piano droit, notamment en ce qui concerne l'angle de l'échappement. Il crée une mécanique selon ses spécificités que l'on appellera rapidement la « mécanique Gaveau », devenue en peu de temps une référence en la matière. Les pianos Gaveau bénéficient en quelques décennies d'une réputation établie de haute qualité, reconnue tant au plan national qu'international. Ils sont récompensés par de très nombreuses distinctions en particulier lors des expositions universelles, obtenant entre autres la médaille d'or dès l'Exposition universelle de 1878 qui se tient sur le Champ de Mars à Paris, pour un système de barrage équilibré dans les pianos droits. On doit aussi aux pianos et à la famille Gaveau, la construction à Paris d'une salle de concert de grand renom, la salle Gaveau.
S'il existe un échange épistolaire entre les facteurs américains Thomas Loud et Alpheus Babcock , il semble que ce soit ce dernier, à Boston, achevant une tendance d'utilisation croissante de parties métalliques dans la fabrication du piano pour le renforcer, qui ait fondu, dans les années 1824-1825, en une seule pièce le premier cadre (c'est-à-dire l'armature située au-dessus de la table d'harmonie servant à supporter la tension sans cesse croissante des cordes due aussi bien à leur nombre qu'à leur masse) et, en 1828, il croise les cordes sur un piano carré (les cordes basses passant au-dessus des cordes blanches et portent sur un chevalet séparé). Cette configuration répartit mieux les tensions mais permet surtout une plus grande longueur de cordes pour un moindre encombrement, tout en ramenant le chevalet des basses au centre de la table où la faculté vibratoire de celle-ci est plus importante, donnant une plus grande puissance à l'instrument ; la disposition moderne des cordes était née. Il s'intéresse aussi à la couverture des marteaux. Jonas Chickering qui, ayant assimilé les innovations de son prédécesseur, deviendra le premier fabricant de pianos du milieu du Rönisch brevettera un cadre d'une seule pièce seulement en 1866 (donc tardivement par rapport aux États-Unis mais en rapport avec l'époque du boom industriel allemand), époque où Steinway réussit aux États-Unis. Notons que Heinrich Engelhard Steinweg, anglicisé en Henry E. Steinway (1797-1871), de Wolfshagen, (Allemagne), n'a émigré à New York qu'en 1850, avec trois ou quatre de ces cinq enfants (Théodore, le plus doué s'occupant de l'atelier allemand Steinweg qui fusionnera, en 1858, avec l'entreprise de Friedrich Grotrian ; Théodore partant pour les États-Unis en 1865 donnera l'élan définitif à la marque déjà reconnue et la manufacture Steinway allemande ne fut fondée qu'en 1880, à Hambourg, pour les besoins européens). La pédale tonale est présentée en 1844 durant l'Exposition de Paris par Louis-Constantin Boisselot sur un de ses pianos, puis elle est améliorée en 1862 par Claude Montal et brevetée en 1874 par Albert Steinway qui la réintroduit alors. Le piano de concert moderne atteint sa forme (presque) actuelle dès le dernier quart du XIXe siècle.
Si on devait résumer en termes nationaux : sur une idée italienne reprise, perfectionnée et diffusée par les Français et les Allemands puis développée et industrialisée par les Britanniques postérieurement rejoints par les Américains qui l'achevèrent par un nouvel apport allemand, il en est sorti, il y a environ 150 ans, une synthèse constituant un standard aujourd'hui toujours en vigueur.
Le piano dans le monde : une forte concurrence
Entre le milieu et la fin du XVIIIe siècle, époque de la fabrication artisanale en atelier, on a construit des pianos dans bien des endroits. Les ateliers ont parfois survécu pendant la période industrielle et il en existe même encore aujourd'hui qui ne sont jamais très anciens, par exemple en France. On a produit de (petits) pianos assez médiocres en Espagne, à Barcelone et Madrid au cours du XIXe siècle. En Amérique du Sud, l'Argentine a eu, au milieu du XXe siècle à Pilar (province de Buenos Aires), un atelier de production de pianos. Et même l'Afrique du Sud en a produit à la même époque. Mais l'Allemagne, en 1910 comptait plus de 300 facteurs.
Dans d'autres pays industrialisés, le piano a connu un développement spectaculaire au Yamaha firme fondée en 1887 mais fabriquant des pianos seulement depuis 1900, en plein boom de l'ère Meiji, qui produit aujourd'hui des instruments appréciés de façon contrastée : considérés remarquables et fort prisés par certains, leur sonorité est par trop standardisée et sans personnalité affirmée pour d'autres, pianistes et mélomanes. Il peut être noté à cet égard que le son spécifique du piano français, réputé pour sa sonorité « à la française », dite aussi « romantique », continue toujours d'être recherché et apprécié de nos jours par des pianistes concertistes internationaux. L'exemple de Valentina Lisitsa qui pour un concert donné en 2014 salle Gaveau donne la préférence à un piano Grand queue de concert Pleyel, après avoir essayé cinq instruments similaires de la marque Steinway, motivant le pourquoi de son choix,, vient illustrer ce point de façon particulièrement éclairante. Quoi qu'il en soit, Yamaha poursuit de façon continue ses recherches en acoustique pour améliorer ses instruments. Son savoir-faire a essaimé d'abord au Japon avec Koichi Kawai (un ancien de Yamaha) fondée en 1927 puis en Corée avec les pianos Young Chang ou aussi Samick un des plus importants fabricants de pianos au monde en nombre d'unités produites,. Aujourd'hui c'est probablement la Chine, avec le marché d'instrument de musique le plus grand du monde, qui est sans doute aussi le premier producteur. 30 à 40 millions de jeunes chinois apprennent le piano, ce qui constitue le plus vaste marché actuel pour l'instrument en termes de débouchés commerciaux au plan mondial, avec le chiffre considérable de 350 000 pianos vendus par an rien que dans ce pays. Pour l'instant les pianistes chinois sont plus reconnus que les pianos chinois (même si beaucoup de marques européennes, à l'instar de la production électronique, ont recours à des usines en Asie: Indonésie comme le fait par exemple pour partie Pleyel depuis les années 2010, Corée, Chine).
Cette croissance exponentielle de la production de pianos en Asie ne s'est pas faite sans conséquences douloureuses pour la situation des facteurs de piano historiques en France. Ces derniers sont dès la deuxième moitié du Érard, Pleyel et Gaveau réunis dès les années 1960 dans les « Grandes marques réunies » pour tenter de survivre, sont spécialement confrontés à la concurrence des pianos produits en Chine vendus à prix cassés, cela alors que le marché français du piano neuf connaît par ailleurs un quasi-effondrement. Avec en particulier la numérisation des loisirs (jeux vidéo, internet) des jeunes générations, les ventes de pianos acoustiques ont été divisées par près de dix en l'espace de 40 ans où l'on est passé de 40 000 instruments vendus en 1980 en France, à seulement 8 000 en 2010, plus que 6 000 en 2020 et un prévisionnel de seulement 4 500 en 2022. Il est à noter que le développement des achats de pianos numériques en alternative au piano acoustique, pour des raisons d'encombrement et de prix réduits, ont aussi participé de l'accroissement de cette forte chute depuis les années 2000, l'accélérant et la renforçant encore.
La Russie de son côté connut aussi un développement important de la fabrication de pianos principalement au cours du Estonia .
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- Frisch 2013, p. 35,39.
- « », sur Archives de France, (consulté le ).
- lire en ligne), p. 39.
- Frisch 2013, p. 48.
- Frisch 2013, p. 58.
- Frisch 2013, p. 52.
- Site personnel
- », sur Square Pianos (consulté le )
- L'histoire Érard, lire en ligne
- « Pleyel, Wolff & Cie : facteurs de pianos : 1807-1891 », page 3, lire en ligne
- Au sujet de ce facteur de pianos, fabricant de cordes, se référer à propos de ces dernières aux cinq dernières lignes de l'article en encadré, site www.algarade-musique .com, lire en ligne
- » : photo du dernier modèle de Grand queue de concert n°5 de la marque)
- Histoire de la famille Gaveau, lire en ligne
- (en) The New Grove Dictionary of Music and Musicians. Macmillan, Londres, 2001, « Sostenuto pedal ».
- », Google Patents, (consulté le )
- Ryberg, J. Stanley. "The 19th Century Piano—Coming and Going". Pianoren
- D, an excellent piano on its own - but what a shock it was to move between that piano and Pleyel. Until now I thought of Pleyel pianos as feminine weak instruments suitable for some Chopin or Mendelsohn. I would never thought it can win by a big margin in Beethoven or Bach. Going to this piano after playing same pieces on Steinway produced effect akin to taking ear plugs out. Not only for me but for independent listeners present », Visionner en ligne.
- salle Gaveau, Ludwig van Beethoven, Sonate no 17 La Tempête, par Valentina Lisitsa, Visionner en ligne.
- The piano book: buying & owning a new or used piano
- The Piano quarterly, volume 40, numéros 156 à 159
- , voir au § « Près de 30 à 40 millions de jeunes Chinois apprennent le piano », lire en ligne.
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