Charia
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Charia : descriptif
- Charia
La charia (en arabe : الشَّرِيعَة, šarīʿa, /ʃaˈriːʕa/) représente dans l'islam diverses normes et règles doctrinales, sociales, cultuelles et relationnelles édictées par la révélation, mais discernées et interprétées par la science du droit islamique, le fiqh
Le terme de charia utilisé en arabe dans le contexte religieux signifie « chemin pour respecter la loi divine »
Certains juristes considèrent la charia comme l'émanation de la volonté divine, tandis que d'autres la considèrent plutôt comme un don divin servant avant tout les intérêts de l'humanité
La pratique de la charia et la place qui lui est accordée dans les ordres normatifs politiques varient considérablement historiquement et géographiquement, y compris au sein des États se réclamant de l'islam. Certains aspects de la charia sont considérés comme incompatibles avec la conception classique des droits de l'Homme, notamment en ce qui concerne la liberté d'expression, la liberté de croyance, la liberté sexuelle et la liberté des femmes.
Étymologie
En arabe, la première racine possible du mot « charia » serait šaraʿa, qui signifie « ouvrir, devenir clair »[réf. nécessaire], ou ferait en tout cas référence à un chemin droit et clair.
La seconde racine possible du mot « charia » serait šarʿ qui signifie « la voie qui mène à l'eau » ou, dans un contexte pastoral et de nomadisme, « le chemin qui conduit à l'abreuvoir », ou encore un endroit irrigué où les êtres humains et les animaux viennent boire (à condition que la source d'eau soit un ruisseau ou une rivière en mouvement).
Dans un contexte religieux, la racine du mot peut être interprétée par extension comme « la voie qui mène à la source de la vie » ou le « chemin vers une vie meilleure », ou encore comme « le chemin qu'il faut suivre ».
- Ghulam Ahmed Parwez, Lughat ul Qur'an, Lahore, Idara Tulu'e Islam, , p. 941-944.
- lire en ligne), p. 5.
- « », sur larousse.fr (consulté le ).
Histoire
Définition progressive
L'ijtihad (effort de clarification intérieure) permet aux savants de contextualiser et d'adapter les normes en accord avec les sources révélées. Selon le juriste Yadh Ben Achour, il est inexact de penser que la charia est inerte et immuable. Ce dernier explique qu'elle évolue en fonction des changements de conjonctures diplomatiques et sociologiques, et n'est pas à envisager comme un système contraint à la stagnation, citant de nombreux exemples d'adaptations de la charia.
Jusqu'au milieu du . L'ʿilm peut être rapproché de la tradition et le fiqh de la raison. À cette époque de l'histoire de l'islam, la raison et la tradition étaient considérées par les musulmans comme complémentaires et Rahman pense qu'il y a peu de doutes sur le fait que la charia et la raison n'étaient pas distinctes. À la fin de cette période, la loi a été fixée par le consensus (ijmâ') et une méthodologie de législation a été définie.
À la fin du mutazilisme opposent la raison à la tradition (charia). Ils ont donc considéré que la théologie et les principes moraux pouvaient être questionnés par la raison humaine. Cette position permettait donc de faire sortir de la charia les principes du Bien, du Mal et de la métaphysique théologique. Les musulmans orthodoxes de cette époque s'opposèrent à cette position et s'efforcèrent de renforcer le pouvoir et la volonté de Dieu par opposition aux mutazilites. Cette opposition a conduit l'orthodoxie musulmane à rejeter explicitement la raison humaine selon l'interprétation de Rahman.
Le mouvement acharite, qui émerge au .
C'est à cette époque formative de l'islam qu'apparaissent des divisions sur le sens à donner à la loi islamique. Les courants sunnites majoritaires, qui se sont transformés en écoles juridiques (madhhab) qui déclinent chacune leur propre fiqh, sont le malikisme, le hanafisme, le chaféisme et le hanbalisme. Chez les chiites, ces courants sont le jafarisme et le zaydisme. Il existe aussi d'autres courants religieux minoritaires qui ont chacun leur interprétation de la place et de la nature de la charia au sein de la religion musulmane, sans que les différences soient fondamentales dans le contenu de la loi divine.
Chez les sunnites, l'ijmâ' (consensus) qui a été déclaré final au .
À partir du soufisme, le courant théologique et le courant légal. Ces différents courants ne pouvaient être synthétisés et intégrés que par un concept religieux comme la charia. Les différents courants religieux cités plus haut qui existaient à cette époque n'étaient pas les seuls courants existant en islam, puisque les traditionalistes (ahl al-hadith) faisaient aussi partie de ces courants. Le cheikh Ibn Taymiyya écrit au . Jusqu'au .
C'est Ibn Taymiyyah (1263-1328) qui proposera la vision des traditionalistes (il est associé au madhhab hanbalite, au sein duquel il a un statut de mujaddid). Sa position cherche à reformuler le concept de charia et à exhorter les valeurs religieuses. Il soutient donc la position que la charia est un concept complet qui inclut la vérité spirituelle des soufis (haqiqa'L'Intégrité islamique ni intégrisme ni intégration'), la vérité rationnelle (aql) des philosophes et des théologiens, et la loi. La charia devient donc, pour les traditionalistes, ce qui rend la loi possible et juste, et qui intègre les aspects spirituels et légaux dans un seul tout religieux. L'influence de Ibn Taymiya est restée restreinte à ses seuls disciples et n'a pas fait émerger de mouvement massif. Sa manifestation la plus visible sera le mouvement wahhabite apparu au Arabie saoudite.
Rationalité et éthique
Éric Chaumont explique qu'il existe deux principes sous-jacents aux principes de la charia — et pourtant métasharaïques — qui sont depuis toujours en compétition dans un débat théologique qui oppose les savants musulmans :[style à revoir]
- la première théorie est fondée sur l'approche rationaliste adoptée par Ghazali, qui soutient que la charia a été instituée par Dieu dans l'intérêt de la création, porteuse d'avantages pour l'homme, avantages que la raison de ce dernier peut - pour certains - appréhender, tandis que d'autres sont inintelligibles et doivent faire l'objet d'une révélation divine. Les intérêts de l'homme (maslaha) sont alors le fondement éthique à la base de la charia. « Il y a ici une adéquation assez étroite entre raison humaine et Loi révélée, et celle-ci s'apparente en dernière analyse à une sorte d'éthique utilitariste (ou le terme éthique doit s'entendre pour la vie présente et la vie de l'au-delà.) » Une forme radicalisée de cette théorie, plus tardive, comptant entre autres Abu Ishaq al-Shatibi comme adhérent et pionnier, soutient le principe de finalité de la charia (al maqâsid al-charia), qui veut que chaque prescription de la charia a bien une finalité précise et objective. Selon cette autre théorie, d'un point de vue éthique et rationnel, rien n'est gratuit. Cette théorie ayant une approche rationnelle et intelligible de la charia est fort prisée par les juristes modernes ;
- la seconde théorie pose la charia comme volonté (al-irâda) divine, normative sans qu'elle soit soumise à des valeurs préexistantes ; cette théorie dénie ainsi radicalement la rationalité des prescriptions charaïques. Ceci est une influence de l'ash'arisme qui décrètera que la raison est incapable de déterminer le bien et le mal. L'influence de cette école, majoritaire dans l'islam sunnite, n'a pratiquement plus de partisans dans sa radicalité initiale. Cette dernière explique en grande partie la lenteur de l'évolution de la charia en fonction des changements contextuels ; mais les savants musulmans - pressés par les critiques dont la charia fait l'objet - cherchent désormais des fondements éthico-rationnels derrière les prescriptions charaïques.
Suivant le juriste Yadh Ben Achour, il est inexact de penser que la charia est inerte et immuable. Ce dernier explique qu'elle évolue en fonction des changements de conjonctures diplomatiques et sociologiques, et n'est pas à envisager comme un système contraint à la stagnation, citant de nombreux exemples d'adaptations de la charia. C'est ainsi avec le début de la modernisation de l'islam, au oulémas et des cadis dans le processus de construction de sociétés modernes.
Époque coloniale
Selon Junaid Quadri, la colonisation a conduit à des transformations majeures dans la manière des intellectuels musulmans de comprendre le droit islamique.
Sociétés musulmanes modernes
Depuis le . Dans quelques cas, l'adoption de nouvelles formes de tribunaux et de codes de lois a provoqué l'opposition des religieux, comme cela a été le cas en Iran après sa révolution constitutionnelle et au Yémen après l'introduction de réformes ottomanes appelées Medjellé en 1891 et 1904. Ces nouveaux systèmes judiciaires sur le modèle européen, avec des tribunaux hiérarchisés et centralisés, n'ont rencontré que peu d'oppositions.
Nathan Brown souligne que le manque d'éléments sur l'application de la charia avant les réformes des systèmes judiciaires ne permet pas de savoir à quel point elle était appliquée dans ces pays auparavant. Il note qu'à cette époque charnière, la charia devenait plus importante dans l'Empire ottoman, et que l'influence du mouvement wahhabite dans la péninsule d'Arabie a probablement causé un regain d'importance des pratiques liées à la charia.
En Égypte, le système judiciaire reste basé sur les principes islamiques, puisqu'il reprend en grande partie le qānun ottoman (code de loi qui avait pour but de codifier la charia). Au cours du . Des tribunaux appliquant les principes de la charia existaient d'ailleurs toujours aux côtés des nouveaux. Ce qui sera le cas non seulement en Égypte, mais dans la quasi-totalité du monde musulman.
L'évolution de la place de la charia dans les sociétés musulmanes modernes a mené à une redéfinition des relations entre la charia et l'État au cours du XIXe siècle et du XXe siècle dans les États à majorité musulmane. Cette renégociation ne met pas en danger les institutions de la charia mais vise plutôt à contenir son champ d'action, comme le montre la création de tribunaux d'État aux côtés des tribunaux islamiques, chargés des affaires personnelles.
Époque contemporaine
Bien que les institutions et les pratiques liées à la charia aient survécu à l'introduction de systèmes légaux d'origine européenne dans les pays à majorité musulmane, elles y ont tout de même connu un fort déclin. À la suite des modifications des systèmes légaux sont venues celles des institutions et des pratiques associées à la charia, dont le sens s'est restreint pour devenir plus politique. C'est vers la fin du siècle qu'a commencé à être réformé le système éducatif en vigueur dans les pays musulmans. Les institutions dédiées au savoir islamique ont été transformées en universités avec des cours et des examens. Cette réforme a été beaucoup plus discutée que l'introduction des systèmes légaux « à l'occidentale », et également beaucoup plus lente, puisque les universités et les salles de classe n'ont remplacé les cours de mosquées et de médersas qu'au milieu du siècle.
Dans le même temps, une réforme des tribunaux islamiques a été menée dans les États musulmans, qui avaient besoin d'exercer un contrôle plus grand sur le pouvoir judiciaire. Cette réforme a été menée en prenant plusieurs types de mesures : la bureaucratisation, la codification et la fusion. La bureaucratisation a été menée à bien par l'intégration des tribunaux musulmans dans le système fiscal de l'État, la mise en place de bureaux administratifs, de procédures d'appel claires et d'une hiérarchie des tribunaux. La codification a pris la forme de codes des droits de la personne, largement fondés sur la norme existant dans la charia. La fusion des tribunaux islamiques et des tribunaux civils a été assez rare. Tous les gouvernements coloniaux ont préféré bureaucratiser plutôt qu'abolir les tribunaux islamiques, comme l'a fait la France en Algérie.
Le résultat de ces réformes a été la réduction du sens du mot charia à la loi. Le degré de prévalence de la charia s'évalue par le degré de conformité de la loi en place à la charia. En effet, les partisans de la charia lui donnent un sens strictement légal alors que les partisans de plus de sécularité au sein du monde musulman préfèrent donner un sens plus large au concept de charia.
Au cours des années 1930 apparaissent les premières critiques des systèmes légaux et judiciaires sur le modèle européen : certains penseurs égyptiens ont dit que la loi française était culturellement inappropriée à l'Égypte et que des efforts plus grands devaient être faits pour intégrer des normes basées sur la charia. La critique, au départ modérée, est reprise par un idéologue des Frères musulmans, 'Abd al-Qadir 'Awda, qui déclare que les musulmans doivent non seulement ignorer mais combattre les lois contraires à la charia.
Dans les années 1960 et 1970, les appels à l'application de la charia deviennent le centre des revendications de mouvements islamistes de toutes origines. La charia, qui n'est plus considérée comme un ensemble de pratiques et d'institutions mais comme un ensemble de lois codifiées, est même devenue l'indicateur par lequel on peut juger du caractère islamique d'une société ou d'un système politique.
Aujourd'hui, une doctrine quasi-constitutionnelle vis-à-vis de la charia a émergé, à la fois parmi les juristes et parmi les islamistes. En effet, les juristes ont commencé à avoir une approche plus positive de la charia à partir des années 1930, en faisant remarquer que les codes de lois des pays musulmans devaient se fonder sur des sources indigènes plutôt que sur des sources de lois européennes. De leur côté, les islamistes, confortés par le changement de sens du terme charia et sa plus grande codification, ont insisté sur le fait que la charia devait avoir une forme codifiée, et ils positionnent celle-ci comme étant supérieure à tous les autres codes de lois (constitution, législation normale et règlements administratifs). L'exemple d'une constitution basée sur la charia est d'ailleurs celui de l'Iran depuis la révolution de 1979.
La nouvelle signification de la charia en tant que code de lois est donc devenue beaucoup plus difficile à circonscrire, et les gouvernements de nombreux pays musulmans (comme l'Égypte) se sont engagés à vérifier leur codes légaux afin de s'assurer qu'ils sont en conformité avec la charia. La redéfinition de la charia a permis de donner un pouvoir politique plus grand à celle-ci, mais, en revanche, le pouvoir de la loi islamique est en même temps restreint à des sujets plus spécifiques. L'islamologue Nathan Brown dit que si la charia était mise en place complètement dans certaines sociétés, cela nécessiterait des changements très importants dans la loi commerciale et les codes pénaux. À l'heure actuelle, la mise en place de la charia n'est pas complète, mais elle est fortement présente dans la vie politique des pays musulmans.
- ancien doyen de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis
- Ben Achour, Yadh., Le rôle des civilisations dans le système international : droit et relations internationales, Bruylant, (ISBN et , OCLC 928926367, lire en ligne).
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- Rahman 1968.
- V. Amina Yagi, Droit musulman, Publisud, 2004, ISBN )
- Éric Chaumont, article Messie, in Mohammed Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire du Coran, éd. Robert Laffont, 2007, p. 821-822
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- ISBN et , DOI 10.1093/oso/9780190077044.001.0001, lire en ligne)
- accéder en ligne sur JSTOR
- ISBN )
- Tawfiq al-Shawi, Fiqh al-Shūrā wa-l-istishāra, al-Mansūra, Dār al-Wafā, 1992. voir p. 168-176 et p. 192-196
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Histoire
- (en) Doi, Abdur Rahman Shariah in the Fifteenth-century Hijra: Problems and Prospects, Ta-Ha Publishers, Londres, 1981.
- Sabrina Mervin, « 4 .Le droit islamique et sa méthodologie (fiqh et uṣûl al-fiqh) », dans Histoire de l'islam, Paris, Flammarion, ISBN , lire en ligne)
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