L’Université du Val Benoit est un lieu riche, tant au niveau de son architecture que par son rôle dans la formation industrielle du bassin liégeois. Les photos d’une université à l’abandon pendant des années.
Historique du Val BenoitDu XIIIème au XVIIIème siècle, des ecclésiastiques maintiennent une exploitation agricole qui s’étend autours d’une abbaye et de ses dépendances (l’église, le cloître, le couvent, la brasserie). Une muraille avec deux portes protège l’ensemble.
Dès le XIVème siècle, en plus des ressources agricoles, le sous-sol riche en charbon est aussi exploité.
Comme beaucoup de bâtiments religieux, l’abbaye est réquisitionnée et démantelée par les révolutionnaires, et deviendra un château de plaisance du XVIIIème au XIXème siècle.
Les années universitaires du Val BenoitDepuis 1817, l’Université de Liège s’est développée de manière presque anarchique, en fonction des besoins croissants en infrastructures. Les bâtiments de l’Institut d’Astrophysique et son observatoire (sur la butte de Cointe), l’Institut Pharmaceutique, l’Institut de Botanique, l’Institut d’Anatomie, l’Institut de Physiologie, et l’Institut de Zoologie, conçus par l’architecte liégeois Lambert Noppius, sont dispersés dans Liège.
En 1920, une loi octroie la personnalité civile aux deux universités de l’Etat, ce qui leur permet de posséder un patrimoine. L’apport d’une aide américaine au lendemain de la guerre permet de constituer ce patrimoine et de l’équiper avec un matériel moderne pour l’époque. Le site de l’ancienne Abbaye du Val-Benoît est acheté par l’Université de Liège le 24 juillet 1924, pour former des ingénieurs de haut niveau et ainsi répondre aux besoins de la révolution industrielle dans le bassin liégeois.
De nouvelles structures sont construites en 1930 (l’année de l’Exposition Internationale à Liège) pour la Faculté Technique, héritière de l’École des Mines.
En 1937, les instituts de Génie Civil, de Chimie Métallurgie, le laboratoire de thermodynamique, et la centrale électrique autonome sont inaugurés par Léopold III. Ces bâtiments sont remarquables par leur architecture moderniste, dans le style du cubisme et du Bauhaus, dont l’institut de Génie Civil constitue alors le monument principal.
Chaque bâtiment est construit avec des planchers et des plafonds à large portée. Ce type de construction permet d’en modifier la structure interne, les murs étant en réalités de légères cloisons de briques cendrées. Il serait donc possible de déplacer les murs à peu de frais. De plus, une surcharge de 750 à 1500Kg par mètre carré est prévue pour permettre l’installation de machines lourdes dans les différents laboratoires.
Un soin particulier est aussi apporté aux conditions d’éclairage et à l’éclairage naturel des salles.
La production de chaleur nécessaire aux différents bâtiments est centralisée. La vapeur combinée à cette production de chaleur est utilisée dans une petite centrale thermoélectrique alimentée en charbon. La puissance développée par cette centrale dépassait les besoins en électricité de l’institut, ce qui laissait la possibilité de vendre ce surplus de production dans un réseau extérieur à l’Université. La centrale thermoélectrique produit donc la chaleur, l’électricité, et l’énergie motrice nécessaire à l’ensemble du site.
L’institut de Chimie Métallurgie conçu par Albert Puters, est remarquable par son architecture minimaliste et un fonctionnalisme moderne. C’est le bâtiment le plus au sud et le plus vaste du complexe, et son hall d’entrée est monumental.
D’autres bâtiments sont construits entre la fin des années trente et les années soixante, comme par exemple l’institut de Mécanique, ou le Centre de Recherches Métallurgiques, finalisé en 1959, ou la tour de Mathématiques en 1964.
Lors de la seconde guerre mondiale, certains bâtiments sont détruits par les bombardements (le site est relativement proche des axes névralgiques du réseau ferroviaire).
En 1952, ces bâtiments sont reconstruits presque à l’identique.
La fin de l’Université du Val BenoitDans les années cinquante, le recteur Marcel Dubuisson décide avec l’architecte Claude Strebelle de grouper les différentes facultés techniques et scientifiques de l’Université de Liège en un pôle universitaire unifié, inspiré par les concepts de vastes campus américains.
Fin des années cinquante, l’Université de Liège se porte acquéreur de terrains au Sart-Tilman (une zone boisée de 2000 hectares sur les hauteurs de la périphérie de Liège). Les premiers bâtiments sont érigés dans les années soixante, et le complexe est inauguré en 1967. La crise économique des années septante marquera toutefois un frein dans cette centralisation en un gigantesque campus, et en 1989 la décision est prise de maintenir certaines activités universitaires au centre de Liège malgré les problèmes de communication que cela engendre (le Rectorat, la Faculté de Philosophie et lettres, et certains services administratifs).
Entre 1966 et 1968, la centrale de chauffe est construite au Sart-Tilman. C’est un ouvrage remarquable de Claude Strebelle, qui associe au côté fonctionnel un esthétisme certain.
Petit à petit, les lieux se vident. En 2001 a lieu la dernière édition des « 4 heures trottinettes », point d’orgue de l’événement estudiantin de la Saint-Toré.
Certaines scènes des films « Gangsters » d’Olivier Marchal et « Jeu d’enfant » de Yann Samuell ont été tournées sur le site du Val Benoit en 2002 et 2003.
Les derniers étudiants à quitter les lieux en 2006 sont les ingénieurs architectes.
Pendant les années qui suivent, le périmètre est protégé par une clôture et des barbelés, et des gardes effectuent des rondes à l’extérieur des bâtiments. Une partie Nord des lieux abrite la société qui assure la sécurité des lieux, et des entraînements des unités spéciales de la police ont lieu dans le complexe.
Au moment de ma première visite en 2011, les lieux sont occupés par des SDF et squatters. La dégradation des lieux s’est faite à une vitesse incroyable. Les fenêtres sont ouvertes aux étages, claquant dans le vent, les carreaux se brisent, laissant les lieux exposés aux intempéries.
Je suis retourné à plusieurs reprises sur les lieux pour y prendre des photos, envoûté par cette ambiance particulière. Un jour ne suffit pas pour tout découvrir. De visite en visite, je constate que les dégradations s’accentuent, et souvent le fait d’actes de vandalisme; destruction de matériel, tags qui fleurissent partout, vitrines brisées. Vient ensuite le tour des voleurs de matériaux qui mettent à sac ce qui restait.
Depuis 2013, les lieux ne sont plus abandonnés, et sont en cours de rénovation.
Les bâtiments de l’Université du Val Benoit- Institut de Chimie Métallurgie (1929, inauguré en 1937), architecte Albert Puters
- Institut de Génie civil (inauguré en 1937), architecte Joseph Moutschen
- Génie civil et hydraulique fluviale (agrandissements en 1955-1960), architecte Joseph Moutschen
- Institut de Mécanique (1932), architectes Joseph Moutschen et Albert Puters
- Centrale Thermoélectrique (1932), architecte Duesberg
- Abbaye du Val-Benoit (reconstruite à l’identique en 1955), architectes Jean François et J.-F. Plumier
- Ancien Laboratoire Van de Graaf-C.R.M. (1956-1959)
- Institut de Mathématique (1964), architecte M. Burton
En 2007, la SPI (l’agence de développement pour la province de Liège) s’intéresse au site du Val Benoit et tente de préserver la richesse architecturale de ce lieu, en y développant un pôle économique. L’endroit en bordure de Meuse est en effet stratégique, situé à proximité de la nouvelle gare des Guillemins, bientôt accessible par une ligne du tram.
Entre 2011 et 2014, les différents bâtiments (à l’exception de la petite centrale thermoélectrique) sont vendus par l’Université de Liège.
La tour de Mathématiques est un des premiers bâtiments du site à être réhabilité, et est occupée par le Forem, et l’École Supérieure d’Acteurs (ESACT).
En 2013, la SPI s’attaque au bâtiment du Génie Civil, afin d’y créer des loft d’entreprises. Parallèlement, l’ancien bâtiment du Centre de Recherches Métallurgique est en cours de désamiantage.
En 2014, le Laboratoire Van de Graaf-C.R.M. est détruit.
L’inauguration des bureaux d’entreprises le 24 septembre 2016 dans l’ancien Institut de génie civil marque un grand pas dans la réhabilitation du site du Val-Benoît.
En 2018, la porterie est démontée.
Sources- http://www.spi.be/fr/spi
- http://www.valbenoit.be/fr/accueil/
- http://www.ulg.ac.be/cms/c_186022/fr/carnets-du-patrimoine-le-sart-tilman
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Val-Benoît_(Liège)