Sparte - Σπάρτη
Sparte (en grec ancien Σπάρτη / Spártê soit « semée », « parsemée » ou « éparse », grec moderne Σπάρτη / Spárti, en dorien Σπάρτα / Spárta) ou Lacédémone (Λακεδαίμων / Lakedaímôn) est une ancienne ville grecque du Péloponnèse, perpétuée aujourd'hui par la ville moderne du même nom de 18 185 habitants. Située sur l'Eurotas, dans la plaine de Laconie, entre le Taygète et le Parnon, elle est l'une des cités-États les plus puissantes de la Grèce antique, avec Athènes et Thèbes.
3 localités en rapport avec Sparte
Localisation
Sparte : descriptif
Déjà mentionnée dans l’Iliade, elle devient au viie siècle av. J.-C. la puissance dominante de sa région et prend la tête des forces grecques lors des Guerres médiques. Au ve siècle av. J.-C., elle remporte la guerre du Péloponnèse qui l'oppose à Athènes, mais perd l'hégémonie après la défaite de Leuctres en 371 av. J.-C. contre les Thébains d'Épaminondas.
Sparte se distingue des autres cités par un modèle social où la minorité des Homoioi (les « égaux ») exerce à plein temps la citoyenneté tandis que l'activité économique est assurée par les Périèques, population libre mais non-citoyenne, et par les Hilotes, dont le statut s'apparente à celui des serfs du Moyen Âge occidental. L'éducation est obligatoire, collective et organisée par la cité : elle vise à former des soldats disciplinés, efficaces et attachés au bien de la cité. De fait, l'armée spartiate est renommée comme la plus puissante du monde grec.
De plus, Sparte est la seule cité de Grèce dépourvue de murailles car d’après Lycurgue, « une ville bien défendue est celle qui est entourée d’un mur d’hommes, et non d’un mur de briques ».
Cadre géographique
L'État spartiate s'étend au ve siècle av. J.-C., selon Thucydide, sur les deux cinquièmes du Péloponnèse, soit près de 8 500 km2 et le triple de son rival athénien. Il comprend deux régions principales, séparées par des montagnes.
La Laconie au sens strict est le territoire délimité à l'ouest par le massif du Taygète, au sud et à l'est par la mer Méditerranée. La frontière nord est plus changeante : victorieuse à la « bataille des Champions » en 545 av. J.-C., Sparte enlève à Argos le contrôle du plateau de Thyréatide (ou Kynourie). Désormais, la limite de la région passe par les environs de Thyréa (près de l'actuelle Astros), le sud du mont Parthénion, le bassin versant de l'Eurotas (englobant ainsi la Skiritide) puis le territoire aux pieds du mont Chelmos, identifié comme la Belminatide.
La Messénie, conquise à la suite des guerres du même nom, s'étend à l'ouest du Taygète jusqu'à la Méditerranée ; elle est bordée au nord par la vallée de la Neda. Elle comprend plusieurs massifs montagneux, dont les monts Cyparissia, qui se prolongent vers le sud par l'Aigaléon et à l'est par l'Ithômé. Au centre se trouve la vallée de Messénie à proprement parler, baignée par le Pamissos ; on distingue la plaine du Stenyclaros au nord de la crête de Scala et la plaine côtière appelée Macaria, « la Bienheureuse », au sud.
Sparte à proprement parler est constituée de quatre villages : Limnai ( du lac
), Kynosoura ( queue de chien
), Mesoa ( central
) et Pitana ( pâtissiers
), qui ne sont pas pleinement réunis par un synœcisme à l'époque classique, d'ailleurs Σπάρτη / Spártê signifie « semée », « parsemée » ou « éparse ». Un cinquième village, Amyclées, distant de quelques kilomètres, vient s'y ajouter à une époque inconnue.
Histoire
Âges obscurs et époque archaïque (xiie – vie siècles av. J.-C.)
Sparte apparaît déjà chez Homère : Ménélas, époux de la belle Hélène, règne sur « Lacédémone aux profondes vallées ». La transition entre cette ancienne ville et la Sparte dorienne s'explique pour les Anciens par le « retour des Héraclides » : Hyllos, fils d'Héraclès, doit fuir le Péloponnèse à la suite des persécutions d'Eurysthée. Après plusieurs tentatives avortées, Téménos reconquiert la terre de son arrière-grand-père. Il prend pour lui la souveraineté d'Argos et donne à ses frères les royaumes voisins : Cresphontès reçoit la Messénie et Aristodème (ou ses fils) la Laconie.
Les archéologues ont mis au jour 21 sites mycéniens habités en Laconie, dont Amyclées et le Ménélaion, qui ont pu être pris à l'époque classique pour des restes de la Sparte homérique. Le retour des Héraclides a été interprété comme la version mythique d'une invasion des Doriens, un peuple venu du Nord et parlant le grec. Il semble en réalité qu'il ne se soit pas agi d'une invasion, mais d'une longue assimilation.
D'après les données archéologiques, Sparte à proprement parler est fondée avant le milieu du xe siècle av. J.-C., ce qui contredit la chronologie traditionnelle plaçant le « Retour » quelques générations après la chute de Troie. On ne sait rien ou presque sur cette période de son histoire. Les premières traces sûres de l'expansion spartiate remontent au viiie siècle, avec la conquête d'Amyclées, Pharis et Geronthrae. Les Spartiates remontent ensuite vers les sources de l'Eurotas, puis se lancent dans la conquête de la Messénie, qui donne lieu à trois guerres dont ils sortent vainqueurs.
Époque classique (ve – ive siècles av. J.-C.)
Les guerres médiques
Au début du ve siècle av. J.-C., les grandes cités de Ionie, alors sous domination perse, se révoltent contre cette domination. Le soutien d'Athènes entraîne alors des représailles contre tout le monde grec. Repoussés une première fois à Marathon en -490, les Perses attaquent une nouvelle fois la Grèce par le nord en -485, menés par le nouveau roi des rois, Xerxès, fils de Darius Ier. L'invasion continue, et Léonidas, pour arrêter le roi, se place avec une armée largement inférieure en nombre aux Thermopyles : c'est la bataille des Thermopyles. Ce passage étroit permet ainsi aux Spartiates de se défendre contre la grande armée perse. Léonidas et ses hommes résistèrent pendant trois jours, avant qu'un traître ne communique à Xerxès un chemin pour les prendre à revers. Après ce sacrifice qui permit aux Grecs de s'organiser et de préparer leur défense, les Perses perdirent plusieurs batailles, aussi bien terrestres que navales, et furent vaincus.
Sparte apparaît comme la championne de la Grèce face aux Perses pendant les Guerres médiques. Elle devient progressivement la rivale d'Athènes, qui a une politique de conquête impérialiste. Pendant la longue Guerre du Péloponnèse (431 à 404 av. J.-C.) Athènes refuse plusieurs fois la paix offerte par Sparte. Vers la fin de cette guerre, Sparte bénéficie des erreurs cumulées d'Athènes (expédition de Sicile, ...) et d'une aide financière de la Perse, soucieuse d'équilibrer les pouvoirs en Grèce et hostile aux prétentions athéniennes en Ionie. Leur victoire de 404 av. J.-C. aiguise l'ambition des Spartiates, point de départ de l'expédition des Dix Mille (401-399). Même si l'expédition est un fiasco, elle démontre l'affaiblissement de l'empire perse ; cette expédition démontre également les possibilités de conquête militaire vers l'Est, ce dont Alexandre le Grand tire parti par la suite. Les Perses décident alors de financer les ennemis de Sparte (Athènes, Thèbes, puis Corinthe et Argos). En 396, la même année, les Spartiates sont victorieux sur terre à Coronée mais sont défaits sur mer à Cnide ; puis la longue et indécise guerre de Corinthe achève de secouer le joug spartiate (396-387). Face à cet échec, Sparte reconnaît en Grèce l'influence perse. Cette politique perse, de bascule entre les différentes cités, renforce Athènes, dont les prétentions finissent par inquiéter les dirigeants perses.
À l'occasion de ce réchauffement diplomatique, la Paix d'Antalcidas de 387 av. J.-C. est jurée : Sparte est consacrée hégémon de la Grèce et arbitre des libertés du monde grec. Asseyant son nouveau statut, Sparte installe peu à peu dans toutes les villes grecques des gouvernants à sa solde. En 382, elle prend le contrôle de Thèbes dont les opposants se réfugient à Athènes. En 378 Thèbes est libérée, les Spartiates chassés avec l'aide discrète des Athéniens. Sparte, incrédule sur le véritable rôle joué par sa rivale, lui déclare la guerre. La confédération athénienne est reformée (377), à laquelle se joint Thèbes, contre Sparte. En 376 av. J.-C. (bataille de Naxos), Sparte est défaite, sa flotte militaire coulée par la marine de la nouvelle confédération athénienne, mettant définitivement fin à son hégémonie navale. En 375, Sparte essaye vainement de reprendre Thèbes et est même peu à peu chassée de Béotie (bataille de Tégyres 375) ; elle tente sans succès de prendre Athènes par surprise (coup de Sphodrias (375). Sparte est aussi chassée de Corcyre, nouvelle alliée des Athéniens (375). Sparte est ensuite attaquée en Phocide par les Thébains (375/4). Plus au nord, la Thessalie est unifiée par Jason de Phères (375/4), constituant une nouvelle menace pour Lacédémone. Sparte est débordée sur tous les fronts. Devant cette situation critique, Sparte a besoin d'une pause et d'aide extérieure : l'aide est demandée à un vieil allié, Denys de Syracuse, qui la lui donne, et un armistice est demandé à Athènes, qui y consent (paix de 374). Mais rien n'est réglé : Thèbes continue à reconquérir la Béotie (elle rase Platées en 373) et Corcyre refuse toujours de rejoindre Sparte, obligeant Athènes à la soutenir (373). Sparte est toujours embourbée en Phocide où les Thébains progressent. C'est dans ce contexte que Sparte envoie une puissante armée pour écraser la puissance croissante de Thèbes, mais cette armée est défaite à la bataille de Leuctres de 371 av. J.-C. et perd 400 de ses 2 000 Homoioi. Sparte ne se remettra jamais de cette lourde diminution de son corps civique et militaire et se replie sur le Péloponnèse, réduisant ses prétentions à la Laconie.
À mesure que les Thébains descendent dans le Péloponnèse (371/370), les alliés de Sparte se rallient à eux, donnant l'hégémonie sur la Grèce à Thèbes. L'armée ennemie grossit tant et si bien que la Laconie est pillée par les Thébains et mise à sac sans que les Spartiates osent intervenir, chose inédite jusqu'alors. Cette mise à sac matérialise la fin de la suprématie spartiate sur la Grèce. Thèbes ruine la domination de Sparte sur ses esclaves périèques et hilotes : la Messénie est libérée par Épaminondas et sa capitale (Messène) refondée pour faire contrepoids à Sparte. La fédération arcadienne renaît comme sa capitale Mantinée (370). Mais Sparte n'est pas encore détruite : l'assaut thébain sur la ville est repoussé par la résistance organisée par Agésilas. Plusieurs expéditions thébaines sont nécessaires pour l'empêcher de rétablir sa domination (en 370, 369...). Sparte doit sa survie à la politique de bascule pratiquée par les Thébains et à la nouvelle alliance avec Athènes : en effet, Thèbes évite de trop renforcer les puissants Arcadiens, tandis que la nouvelle alliance spartiate-athénienne est officialisée en 369. La tentative hégémonique maritime de Thèbes (365/364) sur l'Égée et l'Asie mineure crée les conditions d'un soutien perse à cette alliance entre Sparte et Athènes. Les Thessaliens parviennent à affaiblir Thèbes, en tuant Pélopidas (364). Deux ans plus tard, les Spartiates perdent la bataille de Mantinée de 362 av. J.-C., mais parviennent à tuer le général Épaminondas (mort illustrée par Euphranor). L'irruption de la Macédoine dans le jeu politique des cités grecques (à partir des années 350) augmente encore l’affaiblissement et l’isolement de Sparte. Après la victoire de Philippe II de Macédoine à Chéronée en 338, la Grèce entière est dominée par les Macédoniens, à l’exception de Sparte qui devient la dernière cité pleinement indépendante de Grèce.
Époque hellénistique
Au iiie siècle av. J.-C., les difficultés dues à son système socio-politique et au déclin de sa population d’Homoioi entraînent plusieurs réformes menées successivement par Agis IV, Cléomène III puis par l'usurpateur Nabis. Sparte s'allie à Rome contre la Ligue étolienne. Elle doit cependant lutter aussi contre la Ligue achéenne et finit comme les autres cités par être absorbée par Rome en 146 av. J.-C.
Époque romaine
Sous l'Empire romain, Sparte bénéficie du statut avantageux de cité libre et conserve des institutions spécifiques. Elle jouit d'un prestige certain en raison de la gloire de son passé et tente de remettre en valeur l'agogé spartiate, cultivant même dans les années 130 un archaïsme linguistique. Les empereurs romains reconnaissent et utilisent parfois ce prestige, ainsi Lucius Verus et Caracalla ont des contingents de Spartiates parmi les troupes qu'ils mènent contre les Parthes, répétant la lutte passée contre les Perses. En 396, Sparte est mise à sac par les Goths d'Alaric et ne semble pas s'en être relevée, le site n'est plus que hameaux de bergers. Jean d'Éphèse relate que trois siècles plus tard, ce sont les duchés slaves des Ézérites et des Mélinges qui s'installent dans la région, avant d'être absorbés par les autochtones grecs.
Les Byzantins repeuplent le site et lui donnent l'ancien nom homérique de Lacedaemon.
Après 1204, les Francs construisent une nouvelle ville fortifiée, Mistra, sur un éperon de la chaîne du Taygète, au sud-ouest de Sparte.
Époque moderne
Une ville est refondée sur le site en 1834 : c'est la Sparte actuelle.
Organisation sociale
Population
Les citoyens spartiates ne représentent qu'une faible partie de la population globale de la cité. Selon Isocrate, ce sont 2 000 Doriens qui envahissent la Laconie, simple supposition sans valeur réelle. Aristote rapporte que, selon certains, les Spartiates sont au nombre de 10 000 sous les premiers rois. Là encore, il est difficile de porter foi à ce chiffre rond. La première mention fiable est celle que fournit Hérodote : en 480 av. J.-C., le roi Démarate estime le nombre des hoplites mobilisables à un peu plus de 8 000 ; un an plus tard, 5 000 hoplites spartiates sont présents à la bataille de Platées. Ce nombre décroît tout au long du ve, principalement en raison du tremblement de terre de 464 av. J.-C., qui selon Plutarque, détruit le gymnase, tuant ainsi tous les éphèbes, et de la révolte des Hilotes (10 ans de guérilla). Ainsi, à la bataille de Leuctres, en 371 av. J.-C., il n'y a plus que 1 200 hoplites mobilisables, dont 400 meurent au cours du combat. Aristote assure que de son temps, on compte à peine mille citoyens.
Le nombre de Périèques est supérieur au nombre d’Homoioi. On peut penser qu'il y avait environ cent agglomérations périèques : Sparte était surnommée, selon Strabon, la « cité aux cent villes ». Les Hilotes, eux, peuvent être estimés de 150 000 à 200 000. D'après Thucydide, c'est le plus important groupe servile de Grèce.
Les citoyens
Seuls jouissent de droits politiques les Spartiates à proprement parler, aussi appelés ἄστοι / astoi (« citadins ») — terme plus aristocratique que l'habituel πολίτης / polítês — ou encore Ὅμοιοι / Hómoioi c'est-à-dire « les Pairs », « les Semblables ». Il n'est pas certain que tous les Spartiates soient des Homoioi : certains citoyens, considérés comme des lâches au combat, sont soumis à toutes sortes de brimades et de vexations : obligation de payer la taxe des célibataires, rejet dans les équipes de ballon et les chœurs. L'historiographie les appelle traditionnellement les tresantes, les tremblants. Ils ne cessent pas d'être citoyens, mais deviennent des citoyens de seconde zone.
Pour être un citoyen spartiate, quatre conditions doivent être réunies :
- être issu d'un citoyen spartiate et de la fille d'un citoyen spartiate (les bâtards sont distingués des citoyens à part entière) ;
- avoir subi l'éducation spartiate ;
- participer aux repas collectifs (syssities) ;
- posséder un domaine (kleros) permettant de payer son écot à ces repas.
Le terme Homoioi témoigne, selon Thucydide, du fait qu'à Sparte « s'est instaurée la plus grande égalité dans les genres de vie entre les possédants et le grand nombre » : tous mènent une vie commune et austère.
Les non-citoyens
Les Hilotes sont les paysans dépendants de Sparte. Leur statut est créé avec la réforme de Lycurgue. Ils ne sont pas des esclaves-marchandises, mais leur statut est souvent rapproché des serfs médiévaux :
- ils sont attachés au kleros qu'ils cultivent ;
- ils se marient et ont des enfants ;
- la différence entre la rente du kleros servie au citoyen et la récolte leur revient.
Exceptionnellement, ils sont enrôlés pour combattre, et peuvent être affranchis ensuite. Plus nombreux que les Homoioi, ils ont subi la réforme de Lycurgue en étant mis à l'écart. Craignant leur révolte, les Spartiates leur déclarent solennellement la guerre chaque année, les avilissent en permanence et les terrorisent.
De la même façon, les Périèques (habitants du pourtour) sont libres mais appartiennent néanmoins à l'État lacédémonien et, comme tels, ils servent dans l'armée civique. En revanche, ils ne jouissent d'aucun droit politique dans ce cadre : ils ne peuvent pas accéder aux magistratures ni même participer à l'Assemblée. Pour autant, ils sont libres et citoyens de leurs propres villes. Ils détiennent le monopole du commerce et partagent celui de l'artisanat avec les Hilotes. Ils comptent également des paysans, refoulés sur les terres médiocres.
Sparte possède également d'autres catégories d'hommes libres non citoyens, appelées conventionnellement Inférieurs : citoyens déchus par pauvreté (ne pouvant plus payer leur part aux syssities) ou par lâcheté au combat (les tresantes), Hilotes affranchis (néodamodes), Skirites, etc.
L'éducation spartiate
Établie par « Lycurgue » et ne prenant fin qu'à l'époque romaine, l'éducation spartiate ou ἀγωγή / agôgế présente les particularités d'être obligatoire, collective et organisée par la cité. Symbole de « l'exception spartiate », elle est également mal connue : la plupart des sources sont tardives. Or l’agôgê a connu au moins une interruption, imposée par la Ligue achéenne au iie siècle av. J.-C., et peut-être une autre au iiie siècle av. J.-C.. Il est donc difficile de savoir dans quelle mesure les descriptions hellénistiques et romaines peuvent également s'appliquer à la période archaïque et classique.
Selon Plutarque, le nouveau-né spartiate est examiné par une commission d'anciens pour déterminer s'il est beau et bien formé. Si ce n'est pas le cas, il est considéré comme une bouche inutile et une charge pour la cité : il est jeté dans un précipice appelé le gouffre des Apothètes. Cette affirmation, rapportée par le seul Plutarque, est aujourd'hui remise en doute par des archéologues, qui n'ont trouvé aucun ossement d'enfant à l'endroit indiqué. En outre, au moins à l'époque romaine, la décision d'élever ou non un enfant est laissée à la famille, comme partout ailleurs en Grèce.
De l'enfance à l'âge adulte (de 7 à 20 ans inclus), le jeune Spartiate est embrigadé par classe d'âge, hors de la tutelle parentale et suit une éducation militiaire. Il vit à la dure : le crâne rasé, il ne reçoit qu'un manteau (himation) par an et marche pieds nus ; il dort sur une paillasse de roseaux de l'Eurotas qu'il a cassés à la main. Divers concours (combats rituels à Platanistas, flagellation au sanctuaire d'Artémis Orthia) visent à mettre en avant les plus vigoureux et les plus endurants à la douleur. Cette éducation entend former des soldats obéissants, efficaces et attachés au bien de la cité, avant leur gloire ou leur bien-être personnel.
Les femmes
Sparte prévoit une éducation pour les filles consistant principalement en un entraînement sportif, où les femmes s'entraînent nues comme les hommes, ce qui entraîne la moquerie des athéniennes dans Aristophane. Ceci peut-être dans le but ultime de produire des mères fortes et saines, aptes à engendrer des enfants vigoureux. Elle comprend également un apprentissage de la musique et de la danse, indispensables pour les fêtes religieuses.
Les femmes spartiates se distinguent également des autres femmes grecques par leur mariage. Alors que les jeunes Athéniennes épousent à l'âge de 15 ans environ un homme qui en a le double, les Spartiates se marient rarement avant l'âge de 18 ans, et avec un époux du même âge qu'elles. La fidélité n'est pas une obligation, et fréquentes sont les femmes à avoir un enfant d'un autre homme, pour peu que leur mari soit d'accord. Le couple vit dans des communautés regroupant d'autres guerriers, et une trop grande intimité entre le mari et la femme, considérée comme un obstacle à la passion, n'est pas encouragée. Le mariage lui-même se fait par enlèvement ; on rase ensuite le crâne de la jeune fille, qui est habillée en homme et laissée dans une pièce sans lumière où elle est rejointe par son époux, qui a quitté discrètement le banquet commun.
Devenue mère, la femme spartiate est censée se conformer à un modèle héroïque dont les Apophtegmes lacédémoniens de Plutarque donnent de bons exemples. Dans ce recueil, on voit des Lacédémoniennes exhorter leurs enfants au courage, se réjouir de la mort glorieuse de leurs fils au combat et inversement s'indigner de les voir revenir en vie alors que les autres sont morts. Dans l'un des aphorismes les plus célèbres, une mère dit à son fils de revenir avec son bouclier ou sur son bouclier, c'est-à-dire vainqueur ou mort. La réalité n'est pas si édifiante : lorsque Thèbes envahit Sparte après la bataille de Leuctres, les femmes s'enfuient, voire causent plus de désordres dans la ville que les ennemis.
L'historien Nicolas Richer souligne l'importance qu'ont prise les femmes en raison de l'absence fréquente des hommes occupés à faire la guerre, ce qui aboutit à une collectivité quasi gynocratique. Ainsi, Xénophon et Polybe signalent une situation de polyandrie opposée au patriarcat commun dans le reste de la Grèce.
Système politique
Le système politique spartiate, ainsi que le système d'éducation, sont censés être l'œuvre du mythique Lycurgue au viie siècle av. J.-C., bien que Plutarque le situe au ixe ou au viiie siècle av. J.-C. Fils d'un roi spartiate, ce dernier serait allé au sanctuaire de Delphes consulter la Pythie, et en aurait rapporté la future constitution spartiate, la Grande Rhêtra. Probablement non écrite, cette constitution est élaborée à l'issue des longues guerres de Messénie, qui fragilisent l'aristocratie et l'ensemble de la cité. Pour permettre à la cité de subsister, l’eunomie (égalité de la loi pour tous) est alors instituée, censée résoudre mécontentements et privilèges. Mais à la différence d'Athènes, l'eunomie est synonyme de grande discipline. Toutes les composantes de la cité font des sacrifices : la royauté, l'aristocratie, le peuple.
Le système de Lycurgue fait coexister des éléments de quatre régimes :
- dyarchie : existence de deux rois ;
- oligarchie : la gérousie ;
- tyrannie : les éphores ;
- démocratie : l'assemblée (Ekklésia).
L'isonomie totale
La crise du viie siècle av. J.-C. n'a pu être résolue que par la création d'une armée d'hoplites, succédant aux guerriers à cheval ou en chars peu nombreux. C'est la création de cette classe de citoyens, par l'absorption de l'aristocratie foncière dans la masse populaire, qui fonde l'isonomie.
Cette absorption a été poussée très loin, afin de créer une égalité totale :
- les aristocrates ont totalement renoncé à leurs privilèges : au vie siècle av. J.-C., le corps civique spartiate compte 7 000 à 8 000 Égaux (Homoioi) ;
- l'aristocratie foncière a renoncé à ses terres, pour les mettre en commun ; chacun reçoit un lot égal, le κλῆρος / klễros (« lot, héritage »), inaliénable ; il ne peut le mettre en vente ou l'hypothéquer ; ce kleros est non héréditaire, cultivé par les esclaves d'État (les Hilotes), et le produit est reversé en nature au propriétaire, qui nourrit ainsi sa famille, mais ne peut s'enrichir ; il est également interdit de commercer ; ainsi, chacun est entièrement disponible pour la seule activité civique, la guerre ;
- l'éducation est la même pour tous et uniquement tournée vers la guerre ;
- égalité des droits politiques : tous les citoyens participent à l'Assemblée.
L'assemblée
L'assemblée est le rassemblement des Égaux. Elle est rassemblée à dates fixes.
Les projets mis en forme par la gérousie lui sont soumis. Elle approuve ou non, sans les discuter (aucun citoyen ne prend la parole), les amendements proposés par les éphores. Elle vote les décisions par acclamations, ou, beaucoup plus rarement, par déplacement des votants, mais son vote ne lie pas la gérousie qui peut considérer que le peuple s'est trompé.
Elle élit également les éphores et les gérontes, par un procédé qui paraît puéril à Aristote : des individus enfermés dans un lieu clos mesurent l'intensité des acclamations. Son fonctionnement réel nous est peu connu. On ignore si tous les Spartiates pouvaient y prendre la parole, par exemple pour proposer une loi ou un amendement, ou si l'assemblée se contentait d'élire les éphores et des gérontes.
Pour Aristote, l'assemblée a un pouvoir si faible qu'il ne la mentionne même pas comme élément démocratique du régime spartiate.
Les rois
À partir de la réforme de Lycurgue au viie siècle av. J.-C., Sparte possède deux rois supposés égaux. L'un fait partie de la famille des Agiades, l'autre de celle des Eurypontides, deux familles issues, selon la légende, de jumeaux descendants d'Héraclès. Les familles ne peuvent se marier entre elles, et leurs tombeaux se trouvent en des endroits différents.
Le pouvoir royal se transmet au « plus proche descendant du plus proche détenteur du pouvoir le plus royal », c'est-à-dire que le fils passe avant le frère, qu'il y a droit d'aînesse mais que le fils né quand le père est déjà roi prime sur ceux pour lesquels tel n'est pas le cas. Néanmoins, il semble que les Spartiates interprètent de manière libérale cette règle de succession.
Les pouvoirs des rois sont essentiellement militaires et religieux. Au début, ils peuvent mener la guerre contre le pays de leur choix, et leur pouvoir est collégial. En 506 av. J.-C., c'est le « divorce d'Éleusis » et par la suite, les rois mènent campagne seuls. C'est l'Assemblée qui vote la guerre au ve siècle av. J.-C., et au moins à partir du siècle suivant, les éphores décident de la mobilisation,. Quoi qu'il en soit, le roi en campagne est le commandant en chef. Il prime sur les autres généraux, peut conclure les trêves, et combat au premier rang à l'aile droite, protégé par une garde d'honneur de cent hommes.
La gérousie
La gérousie est une assemblée de 28 hommes âgés de plus de 60 ans, élus à vie par acclamation à l'Assemblée, après acte de candidature, et des deux rois. Choisis en fonction de leur vertu militaire, les gérontes appartiennent pour la plupart aux grandes familles de Sparte. Cependant, chaque citoyen, sans condition de fortune ou de rang, peut se porter candidat. Ces différents critères de choix en font l'instrument du conservatisme.
Ils jouent un rôle politique éminent : ils sont seuls à pouvoir préparer les lois, et à en avoir l'initiative. Ils ont également l'équivalent d'un droit de veto sur les votes de l'Assemblée, probablement à une époque où les éphores peuvent aussi introduire des propositions de loi ; jusqu'au iiie siècle av. J.-C., on ne connaît aucun veto de la gérousie. Ils gèrent toutes les affaires de politique intérieure. Ils ne rendent pas de comptes.
Ils constituent également le tribunal suprême, qui juge les crimes et prononce la peine de mort et la perte des droits civiques. Réunis avec les éphores, ils peuvent même juger les rois.
Les éphores
Les cinq éphores sont un directoire qui constitue de véritables antagonistes aux rois. La date de leur fondation n'est pas connue. Ils sont élus pour un an par l'assemblée, et non rééligibles.
Comme leur nom — dérivé du verbe oraô, « surveiller » — l'indique, ils sont chargés de surveiller les rois et les habitants de la cité, et notamment de s'assurer du respect des traditions. Ils peuvent infliger des amendes, des peines de prison (même aux rois) et ordonner des exécutions — notamment, faire exécuter sans jugement des Hilotes, comme pendant la kryptie. Ils sont également chargés des affaires étrangères, exécutent les décisions de l'assemblée (qu'ils président), ordonnent la mobilisation et prennent d'eux-mêmes des décisions urgentes. L'un d'entre eux (on ne sait comment il est choisi) donne son nom à l'année et aux documents officiels : on l'appelle ainsi l'éphore éponyme. Susceptibles d'être choisis parmi les citoyens d'extraction modeste, ils sont un élément d'égalitarisme dans la société spartiate.
Leur pouvoir est si grand qu'Aristote le qualifie d'« égal à celui des tyrans »,. En fait, ils sont censés représenter le peuple : Cicéron les compare aux tribuns de la plèbe. Tous les mois, les rois jurent de respecter les lois, et les éphores de maintenir la royauté. Leur pouvoir a des bornes : ils ne sont pas rééligibles ; ils sont soumis à reddition de comptes sur initiative de leurs successeurs et peuvent être mis à mort à cette occasion.
Économie
Le modèle économique de Sparte se fonde sur une idéologie contre-économique particulièrement poussée. En théorie, il est interdit aux Homoioi (Pairs) d'exercer une activité productive, domaine exclusif des Périèques et des Hilotes. Ces derniers sont chargés d'exploiter le kleros (lot de terre) des Homoioi, auxquels ils versent une rente (apophora). Comme les Grecs en général, les Périèques se consacrent principalement à l'agriculture, et probablement aussi à l'artisanat et au commerce.
En théorie toujours, la monnaie est bannie par une triple série de mesures. D'abord, elle est rendue inutile : les repas sont assurés en commun ; le luxe et les arts frivoles sont bannis. La plupart des échanges sont donc non-monétaires. Ensuite, la monnaie est rendue difficile d'emploi : les pièces d'or et d'argent sont proscrites ; seule existe une monnaie en fer (nomisma) de valeur très faible comparée à son poids, puisqu'il faut une brouette pour transporter la somme assez modeste de dix mines (cent drachmes), et qui n'a pas cours à l'extérieur de la cité. Enfin, les richesses sont censées être méprisées.
En réalité, la plupart des historiens s'accordent à penser que la Sparte archaïque n'a pas connu de loi interdisant la monnaie. Plusieurs témoignages attestent également que les Lacédémoniens utilisent à l'époque classique des monnaies frappées. Au lendemain de la guerre du Péloponnèse, la cité s'interroge d'ailleurs sur l'opportunité d'émettre un monnayage d'argent. Elle décide finalement de conserver sa monnaie de fer pour les échanges particuliers, et de réserver l'usage des métaux précieux aux affaires de l'État. Elle rejoint les rangs du reste de la Grèce au début du iiie siècle av. J.-C., à partir du règne d'Areus Ier qui, à l'instar des monarques hellénistiques, émet des monnaies à son effigie et à son nom.
Malgré l'égalitarisme de la réforme de Lycurgue, la richesse est distribuée de manière très inégale entre les Spartiates. Hérodote peut ainsi évoquer des individus « d'une naissance distinguée, et des plus riches de la ville ». Au ive siècle av. J.-C., Aristote note que certains possèdent de grandes richesses, alors que d'autres n'ont presque rien, et que les terres sont concentrées entre les mains de quelques-uns. S'il faut en croire Plutarque, une centaine de personnes seulement possèdent de la terre au iiie siècle av. J.-C..
Organisation militaire
Comme les autres cités grecques, Sparte accorde une prépondérance marquée au fantassin lourd, l'hoplite, au détriment des archers et des autres troupes légères, ainsi que de la cavalerie. Elle se distingue cependant en ce que tous les citoyens en âge de porter les armes (20-60 ans) doivent servir comme hoplites, et non la fraction la plus riche, comme c'est le cas ailleurs. Les Périèques (habitants du pourtour de Sparte) combattent également comme hoplites, et même des Hilotes : les 700 Hilotes commandés par Brasidas en Chalcidique, pendant la guerre du Péloponnèse, en sont récompensés par un affranchissement. Par la suite, Sparte crée des unités de Néodamodes, des Hilotes portant l'armure lourde, employés en renfort et en garnison.
Sur le champ de bataille, les hoplites sont groupés par sections, les énomoties, qui comptent normalement un représentant de chaque classe mobilisée — 35 avant la bataille de Leuctres, 40 après. Elles se déploient par ordre d'âge croissant, les jeunes se trouvant donc au premier rang. Au ve siècle av. J.-C., l'armée est groupée par sections, puis par compagnies (pentécosties), bataillons (loches) et régiment (mores), chaque unité étant commandée par un officier. L'ensemble forme la phalange qui se bat en une seule ligne profonde de huit à douze hommes, renommée dans toute la Grèce pour sa puissance et sa discipline.
Cette discipline se nourrit de l'importance particulière accordée à la « belle mort », c'est-à-dire la mort au combat, avec des blessures par-devant. Le citoyen mort à la guerre a droit à une stèle inscrite à son nom, alors que les autres doivent se contenter de tombes anonymes. Inversement, ceux qui survivent sont suspects ; la mise au ban du corps social attend les lâches, les tresantes. Cette idéologie héroïque n'est pas sans motivations pratiques : l'efficacité de la phalange repose sur sa cohésion. Rester ferme à son poste est donc un devoir civique, mais aussi un gage de survie.
Sparte apparaît aux autres cités grecques comme une spécialiste du combat : décrivant la cérémonie des ordres donnés le matin par le roi à ses troupes, Xénophon note : « si vous assistiez à cette scène, vous penseriez que tous les autres peuples ne sont, en fait de guerre, que des improvisateurs, et que les Lacédémoniens seuls sont vraiment des artistes en art militaire ». Ses critiques lui reprochent même de n'être que cela : pour Platon, l'organisation politique de Sparte est « celle d'une armée en campagne plutôt que de gens vivant dans des villes ». Les historiens préfèrent aujourd'hui relativiser l'image d'une Sparte militariste. En effet, comme dans toutes les cités grecques, l'armée spartiate n'est pas un élément distinct du corps social ; la discipline de la phalange est d'inspiration civique, et non l'inverse.
Religion
La religion occupe à Sparte une place plus importante que dans les autres cités. En témoigne le nombre de temples et de sanctuaires mentionnés par Pausanias lors de sa visite de la ville : 43 temples de divinités (hiéron), 22 temples de héros (hêrôon), une quinzaine de statues de dieux et quatre autels. Il faut y ajouter les monuments funéraires — nombreux puisque Sparte enterre ses morts à l'intérieur de son périmètre —, dont certains sont aussi des lieux de culte : c'est le cas de ceux de Lycurgue, Léonidas Ier ou encore Pausanias Ier.
Source: Wikipedia ()
Sparte dans la littérature
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