Magadan
Localisation
Magadan : descriptif
- Magadan
Magadan (en russe : Магадан) ou Magadane, en français est une ville portuaire de l'Extrême-Orient russe et la capitale administrative de l'oblast de Magadan
Elle est aussi le chef lieu de l'okroug urbain de Magadan, englobant Magadan ainsi que les communes de Sokol et Ouptar
Située dans la Kolyma, la ville sert de point d'entrée et de sortie de son oblast grâce à ses infrastructures
Magadan est baignée par la mer d'Okhotsk, et en raison de son isolement, elle est plus proche de villes comme Anchorage (à 3 160 km), Sapporo (à 1 945 km) ou Pékin (à 3 235 km) que de Moscou, distante de 5 910 km, sept fuseaux horaires de décalage, Magadan étant dans le fuseau horaire UTC+11:00
Magadan s'étend sur un isthme entre deux baies abritées, les baies de Nagaïev et de Gertner
La ville a été fondée en 1929, et servait de porte d'entrée pour les prisonniers du Goulag et du Dalstroï, chargés de développer la région avec l'exploitation de mines et la construction de routes dont la R504 Kolyma, dont elle est le terminus
Elle est le plus jeune centre administratif d'un sujet de toute la Russie. Ville surnommée par l'écrivain Farley Mowat comme « le petit Léningrad de l'Extrême-orient », la ville fut construite avec une architecture stalinienne et baroque par les prisonniers du Goulag par un climat subarctique et sur un pergélisol important, pendant la ruée vers l'or dans la Kolyma, avec des centaines de milliers de prisonniers ayant transité par Magadan
La ville a connu une forte baisse de sa population tout comme la région environnante après la dislocation de l'URSS ; sa population s'élevant à 89 834 habitants en 2023
Magadan cherche désormais à maintenir sa population qui a déjà décliné de 60 000 personnes depuis 1989
La volonté de partir est telle qu'en 2020, Radio Free Europe titrait « Qui veut être un maire ? La ville russe éloignée de Magadan n'a pas de candidats
»
Géographie
Situation et géologie
La ville de Magadan se trouve au sud de l'oblast de Magadan, dans la région de la Kolyma, elle-même dans l'Extrême-Orient russe. La ville se situe sur les rivages nord de la mer d'Okhotsk. Du fait de cet isolement, sans ville majeure autour, la population se réfère comme des insulaires à contrario des autres russes qu'ils désignent comme des continentaux. La ville est en effet à 5 910 Moscou et à 1 598 Khabarovsk, plus grande ville de l'extrême-orient russe. La grande ville la plus proche est Iakoutsk à 1 170 km à l'ouest-nord-ouest.
La grande majorité de la ville se situe sur un isthme large de moins de 7 kilomètres reliant le continent à la péninsule Staritsky. L'isthme est bordée à l'ouest par la baie de Nagaïev, abritée grâce au cap Tchikirov et par la baie de Gertner. La ville possède plusieurs lacs, dont 2 de barrages. Ces lacs s'écoulent dans la rivière Magadanka qui longe le centre l'est du centre-ville. Une autre rivière, la Douktcha s'écoule quant-à-elle depuis le nord de la ville, traversant certains quartiers périphériques, dont le hameau de Douktcha au niveau de l'embouchure pour se jeter elle aussi dans la baie de Gertner (voir carte ci-contre).
Magadan est entourée de nombreuses montagnes, au nord et au sud sur la péninsule Staritsky, où se trouve d'ailleurs le point culminant de la ville; le mont Martchekan qui culmine à 705 mètres d'altitude, ainsi que le Kameny Venets, culminant à 307 mètres. Alors que l'isthme culmine au maximum à 120 mètres, de nombreux monts et collines dépassent les 1500 mètres au nord de la ville.
La ville se situe dans une zone sismique de faible intensité, avec des séismes entre 2 et 4 sur l'échelle de Richter.
Climat
Le climat de Magadan est subarctique (type Dwc de la classification de Köppen). Les hivers sont longs et très froids avec des températures inférieures à zéro durant parfois plus de six mois de telle sorte que le sol reste continuellement gelé en profondeur. Le pergélisol et la toundra composent la majeure partie de l'environnement. Sur les bords de la mer d'Okhotsk, les températures s'échelonnent de −22 °C en janvier à 12 °C en juillet et dans l'arrière-pays de −38 °C en janvier à 16 °C en juillet. La neige recouvre le sol en moyenne 194 jours par an à Magadan entre la mi-octobre et la mi-mai. La hauteur de neige atteint 21 cm en décembre (hauteur maximale : 105 cm)
Le climat de Magadan, contrairement à Sokol et Ouptar, est en grande partie influencé par la mer d'Okhotsk, avec une omniprésence du vent, venant de l'ouest. Les étés à Magadan sont frais, avec la majorité des jours avec soit du brouillard soit de la pluie. Les averses sont les plus importantes en été, et le brouillard est souvent froid, dense, et se produit en moyenne 15 jours par mois l'été. Le brouillard est souvent plus présent sur la baie de Nagaïev que celle de Gertner, moins abritée. L'ensoleillement est quant à lui moyen en cette saison, qui commence en juin et dure jusqu'en août, mois le plus chaud à Magadan. C'est pendant cette période que le gel est inexistant.
L'automne à Magadan est marqué par une chute des températures, chute commençant à la fin août, avec les premières gelées et les couleurs d'automnes qui tapissent les arbres comme les mélèzes ainsi que les feuilles qui tombent. Alors que les précipitations deviennent de moins en moins importantes, les vents changent de direction, venant alors majoritairement du nord. Ces vents apportent des masses d'air froides, qui sont cependant balancées par la mer. L'hiver commence fin octobre, avec le début des chutes de neige et le passage des températures sous le 0°C. Les températures peuvent alors descendre pendant les mois d'hiver sous les -30°C, mais restant principalement autour de -18°C. Ces températures s'accompagnent aussi de tempêtes venues du Pacifique, qui engrangent de fortes chutes de neige. Les vents continuent cependant principalement à venir du nord, et peuvent atteindre entre plus de 50 km/h, et jusqu'à 140 km/h parfois. Les précipitations sont alors les plus faibles de l'année. Mais en raison de son climat adouci par la présence la mer, Magadan est un port libre de glace toute l'année
L'hiver subsiste jusqu'en avril, quand le printemps prend le dessus, avec une hausse des températures, le nombre d'heures d'ensoleillement le plus élevé de l'année, et la fonte des neiges. Cependant il reste encore des gelées de la nuit et les vents supérieurs à 50 km/h peuvent encore avoir lieu. En juin, il y a jusqu'à 19 heures d'ensoleillement par jour, sans jamais d'obscurité totale par ailleurs, et six heures seulement au plus fort de l'hiver.
- Température record la plus froide : −34,6 °C ()
- Température record la plus chaude : 26,0 °C ()
- Nombre moyen de jours avec de la neige dans l'année : 108
- Nombre moyen de jours de pluie dans l'année : 88
- Nombre moyen de jours avec de l'orage dans l'année : 2
- Nombre moyen de jours avec du blizzard dans l'année : 49
- Nombre moyen de jours avec du givre dans l'année : 92
Mois | jan. | fév. | mars | avril | mai | juin | jui. | août | sep. | oct. | nov. | déc. | année |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Température minimale moyenne (°C) | −17,8 | −17,8 | −13,9 | −6,9 | −0,2 | 5,5 | 9,9 | 9,9 | 5,3 | −3 | −11,7 | −16,6 | −4,8 |
Température moyenne (°C) | −15,6 | −15,4 | −10,9 | −4,1 | 2,2 | 8 | 12,1 | 12,2 | 7,8 | −0,7 | −9,5 | −14,5 | −2,4 |
Température maximale moyenne (°C) | −13,3 | −12,5 | −7,5 | −1,1 | 5,4 | 11,5 | 15,1 | 15,1 | 10,8 | 2,1 | −7 | −12,3 | 0,5 |
Record de froid (°C) date du record |
−34,6 1954 |
−33,3 1969 |
−30,8 1954 |
−23,5 1950 |
−10,8 1946 |
−3 1972 |
2 1938 |
−1 1967 |
−6,3 1962 |
−21,1 1962 |
−26,9 1949 |
−37 1995 |
−37 1995 |
Record de chaleur (°C) date du record |
2,4 1997 |
3,2 2014 |
5,8 2017 |
9,7 2013 |
22,3 1944 |
24,5 1936 |
27,8 2021 |
26,1 1962 |
20,2 1951 |
13,8 1971 |
6,6 2006 |
3,6 2010 |
27,8 2021 |
Ensoleillement (h) | 74 | 127 | 225 | 228 | 199 | 217 | 184 | 169 | 148 | 131 | 82 | 41 | 1 825 |
Précipitations (mm) | 18 | 14 | 21 | 24 | 40 | 52 | 67 | 102 | 85 | 75 | 61 | 27 | 586 |
dont neige (cm) | 26 | 24 | 25 | 25 | 24 | 9 | 0 | 0 | 0 | 5 | 23 | 31 | 167 |
Nombre de jours avec précipitations | 0,1 | 0,3 | 0,3 | 2 | 11 | 17 | 21 | 20 | 19 | 10 | 2 | 0,1 | 103 |
Humidité relative (%) | 65 | 64 | 65 | 71 | 78 | 82 | 86 | 83 | 78 | 69 | 66 | 64 | 73 |
Nombre de jours avec neige | 16 | 16 | 16 | 17 | 12 | 0 | 0 | 0 | 1 | 14 | 19 | 16 | 127 |
Nombre de jours d'orage | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 1 | 0,2 | 0 | 0 | 0 | 2 |
Nombre de jours avec brouillard | 0 | 0,1 | 1 | 3 | 11 | 14 | 17 | 11 | 8 | 1 | 0,03 | 0,1 | 66 |
Diagramme climatique | |||||||||||
J | F | M | A | M | J | J | A | S | O | N | D |
−13,3 −17,8 18 | −12,5 −17,8 14 | −7,5 −13,9 21 | −1,1 −6,9 24 | 5,4 −0,2 40 | 11,5 5,5 52 | 15,1 9,9 67 | 15,1 9,9 102 | 10,8 5,3 85 | 2,1 −3 75 | −7 −11,7 61 | −12,3 −16,6 27 |
Moyennes : • Temp. maxi et mini °C • Précipitation mm |
Environnement
Magadan est habité par divers animaux, principalement dans la mer avec des poissons comme des lieux noirs, des saumons, des lottes ainsi que des crevettes et des crabes. Magadan est aussi affectée par la pollution de ses usines, particulièrement de la centrale thermique, créant une pollution atmosphérique.
- Ville de Magadan 2021, p. 7.
- Ville de Magadan 2021, p. 6.
- « », sur liveinternet.ru (consulté le ).
- », Weather and Climate of Magadan (consulté le ).
- », NOAA (consulté le ).
- », sur russia.travel (consulté le ).
Toponymie
Le nom de Magadan viendrait du nom de la rivière Magadanka qui traverse la ville. La rivière était alors appelé par les Evenks « Mongodan », mot signifiant à la fois « cap » et « nageoire ». Ce nom aurait été donné car la péninsule Staritsky ressemble à une nageoire. L'autre hypothèse serait que le terrain sur lequel a été construit la ville était appelé par les Evenks « Magada ».
- Ville de Magadan 2021, p. 15.
Histoire
Prémices
Les premiers vestiges de présence humaine dans l'isthme remontent à au moins 3000 nucléus et d'autres outils. D'après les vestiges, les embouchures des rivières Arman, Douktcha étaient habitées par des chasseurs, qui possédaient des canoës pour pêcher. De plus les îles aux alentours de Magadan de Nedorazoumeniya, de Vdovouchka et de Zavyalov étaient peuplés à cette époque. La baie de Vesselaïa possédait un petit village vers la fin du , peuplé par des Koriaks, avec environ 26 habitations d'après les fouilles. Un autre site koryak a été découvert sur un versant du mont Marctehkan, datant de la culture d'Okhotsk ( millénaire), avec des restes de céramiques.
Au Moyen-Âge, l'isthme entre les baies alors appelées de Mivkan (aujourd'hui Nagaïev) et de Mongodan (aujourd'hui Gertner) servait de lieu de rassemblement entre différents clans; ce congrès de clans s'appelait le « dzyalbou », signifiant en koryak « fraternité ».
C'est à partir du siècle que les premiers Européens arrivent avec la conquête de la Sibérie par les cosaques, avec parmi les expéditions celle de Mikhaïl Stadoukhine. À ce moment-là, la baie de Mivkan est renommée baie de Volok (ou Volchok). Pendant le siècle, cette baie est une halte pour les bateaux à vapeur souhaitant faire le plein d'eau douce, et la côte est traversée par la route postale d'hiver d'Okhotsk au Kamtchatka.
Entre les années 1865 et 1899, la région de la Kolyma a fait l’objet d’expéditions hydrographiques, archéologiques et géographiques, suscitées par les intérêts du gouvernement russe pour la Tchoukotka et la côte d'Okhotsk, qui voient la ruée vers l'or du Klondike de l'autre côté du détroit de Béring se passer. À partir de 1900, les zones côtières de la région de Magadan ont été étudiées par la Société de géographie (branche Khabarovsk). Dès 1912, la baie de Volchok a été renommée Nagaevo Bay et a vu les premières expéditions géologiques officielles afin d’évaluer ses ressources minières.
Cette même année sort la première description de la baie de Nagaïev avec une ancienne carte marine faites par l'hydrographe Boris Vladimirovitch Davydov . Dans sa description, il déclare que la péninsule Staritsky et son isthme peut «être qualifiée de meilleur mouillage de toute la mer d'Okhotsk ». Il note aussi la présence sur le rivage de la baie de Mongodan des yourtes estivales de Toungouses, qui pêchent le saumon à l'embouchure de la rivière Magadanka, et chassent les animaux marins (dont cétacés) en automne. Cette baie est d'ailleurs renommée baie de Gertner d'après un des capitaines de l'expédition de Davydov.
En 1915, dans l'actuel raïon Srednekanski, un prospecteur trouve pour la première fois de l'or, et en 1926, Sergueï Obroutchev confirme la présence de l'or dans les bassins de l'Indiguirka et de la Kolyma.
C'est dans cette période des années 1910 et 1920 que les Evenks ont commencés à se sédentariser dans l'actuel Magadan, et ils pratiquaient l'élevage et l'agriculture en plus de la chasse et de la pêche. Au recensement du Territoire d'Extrême-Orient en 1926, 20 personnes peuplaient l'endroit, et dans un procès-verbal du district d'Ola (fondé en 1926) de 1928, 60 habitants et 12 fermes peuplaient les rivages de la rivière Douktcha, dans l'est du territoire actuel de Magadan.
En 1928 se conduit la première expédition de la Kolyma dirigée par Youri Alexandrovitch Bilibin afin de découvrir des gisements d'or, dont un certain Valentin Aleksandrovitch Tsaregradsky est membre. Ce dernier explore l'isthme et ses baies, qu'il qualifie comme étant une oasis de verdure au sein de la région. La baie de Nagaïev est selon lui le meilleur mouillage possible. Avec les rendus de cette expédition, Luks Karl Yanovitch , vice-président du Comité du Nord de l'Extrême-Orient, visite l'endroit et informe le président du comité de l'importance de l'endroit, et que ce sera le point de départ des expéditions aurifères dans la Kolyma. Le district d'Ola, comprenant l'intérêt de l'endroit, déplace son centre administratif d'Ola à la base culturelle de la baie de Nagaïev (village aussi nommé alors « Okhotsk-Evenskaïa », ou « East-Evenskaïa (Nagaevskaya) »), même si elle est que de jure, le village n'étant pas construit. C'est avec le plan quinquennal du comité exécutif central panrusse de l'URSS, le , que des fonds sont alloués à la construction du village, à hauteur de 200 000 roubles, avec une ouverture en 1929,.
L'expédition de Bilibin informe aussi sur les routes possibles pour accéder aux gisements, et se lance ainsi la Ruée vers l'or dans la Kolyma , à l'origine de la fondation de Magadan.
Fondation et développement
La construction de la base a réellement débuté en avril 1929, et le 7 novembre 1929, le village est ouvert, avec une école et un dispensaire. Des bateaux commencent à arriver, pour approvisionner le village mais aussi pour apporter du personnel, avec parmi le Fei-hu partant de Vladivostok le pour arriver une semaine plus tard. En même temps, des quais sont construits et le 5 juillet 1930, le village est agrandi. Magadan commence alors son développement, avec des magasins et services publics qui font leur apparition. Le , le village de Nagaïev obtient une autorité locale, et la population est alors de 600 habitants. En 1931, le village continue à se développer, avec en novembre 1931 l'arrivée de nombreux anciens soldats de la guerre civile en Extrême-Orient, avec le navire Slavstroy, augmentant d'un coup la population de 1500 habitants. Près de 4000 personnes débarquent en tout cette année, et à la fin de l'année, l'électricité est installée.
Le 13 novembre 1931 est fondé le Dalstroï (Société de construction des routes et de l'industrie dans la région de la Haute-Kolyma), qui récupère l'autorité sur la ville de Magadan. Cette organisation est sous la houlette d’Edouard Berzine, nommé personnellement par Staline, et va faire transiter des centaines de milliers de déportés russes, ukrainiens, polonais, allemands, japonais, etc., prisonniers devant extraire les métaux précieux des montagnes de la Kolyma, et à périr dans les camps de travail, comme les Sevvostlag, Berlag ou Boutougytchag, redoutables en raison des conditions hivernales extrêmes qui y régnaient.
Le premier navire de déportés est le bateau à vapeur Le Sakhaline, qui parti de Vladivostok pour arriver le à Magadan, après s'être retrouvé une partie du trajet piégé dans la glace. Plus de 100 prisonniers faisaient partie de ce tristement voyage inaugural,.
En 1932, la ville gagne de plus en plus de terres, et n'est plus un village de sûr. Obroutchev, qui avait visité un isthme vide, écrit la même année « Dans la vallée de la rivière, sur un site spacieux et libre,... la ville de Magadan a été construite - la capitale moderne de la côte. Des bus vont de là à la baie de Nagaïev, et même, comme on dit, la civilisation est allée si loin qu'il faut se méfier des voleurs dans ces bus. ».
Magadan développe aussi ses infrastructures, elle est liée à la R504 en 1934 qui s'étend jusqu'à 150 kilomètres au nord, et à un chemin de fer qui doit aller à terme vers Ouptar. Ce chemin de fer doit approvisionner la ville et sa scierie en bois. En 1934, des petits avions arrivent par bateau à Magadan, afin d'aider pour la recherche d'or, qui prend alors un nouvel accélérateur. La radio arrive à Magadan en 1936. Ce développement ne plait pas à Berzine, qui lui souhaitait voir la grande ville plus dans les terres, vers Oust-Taskan, Débine ou Ouptar, mais cela ne s'est pas réalisé.
Magadan subit de plein fouet les purges staliniennes, Berzine est abattu, des journalistes et écrivains pourtant proche du pouvoir arrêtés tout comme des membres locaux du PCUS. Mais les purges se passant à travers toute la Russie, Magadan devient le témoin de l'envoi d'opposants et d'anciens alliés de Staline aux goulags. Pendant les deux seules années de 1938 et 1939, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui passent par la baie de Nagaïev. Parmi les "ennemis du peuple", on retrouve Varlam Chalamov (1907-1982) qui, dans les Récits de la Kolyma, décrit l’enfer du Goulag (Direction principale des camps de travail), tout comme Pavel Galitsky, eux qui n’auront vu de la ville, que son port et la route qui menait aux camps.
De la Grande Guerre patriotique à la stagnation
Le , Magadan reçoit le statut de ville, et alors que la ville continue son développement (ouverture du théâtre Gorki le 10 septembre 1941, construction en avril 1941 du siège du Dalstroï, etc), elle participe à l'économie de guerre dès le 22 juin 1941 quand l'opération Barbarossa commence. Les usines de la ville devaient produire pour soutenir le front, que ce soit des vêtements, de la nourriture ou des armes. En tout, c'est un demi-milliard de roubles de marchandises qui sont envoyés à l'ouest. De plus, parmi les habitants libres, des escadrons se forment pour aller combattre, complétés par des prisonniers forcés à aller se battre. Magadan voit passer une seconde vague de zeks dans l'après-guerre, avec souvent des prisonniers de guerres, qui sont chargés de miner, continuer la construction des routes comme celle construite de Magadan à Iakoutsk, appelée route des os en raison du nombre de prisonniers qui y moururent lors de sa construction : les cadavres furent incorporés directement dans la chaussée. Quelques-uns ont survécu qui sont restés célèbres, comme le jazzman Eddie Rosner. Ils peuvent aussi être affectés aux mines, et beaucoup n'arrivent pas à survivre dans des conditions si cruelles.
Pendant l'après-guerre, la construction de la ville en elle-même s'intensifie, avec une influence forte de Saint Pétersbourg et de son architecture. C'est pendant cette époque les perspectives Lénine, Portovaïa, Gorki et Pouchkine avec leurs bâtiments sont construits. C'est grâce à ce mouvement architectural que Farley Mowat nomma Magadan comme le petit Léningrad de l'extrême-orient après avoir visité la ville. Michel Solomon (1909-1994) relate quant-à-lui sa captivité à Magadan dans L'Enfer de la Sibérie. Arrêté le , il est envoyé à Magadan, dont il ne rentre que dix-sept ans plus tard. Relâché en 1964, il émigre au Canada. L'oblast de Magadan a été institué le sur l'ancien territoire du Dalstroï, qui lui perd quasi toutes ses fonctions. Magadan devient alors le centre administratif de l'oblast, ainsi que le centre économique, scientifique et culturel. C'est à ce moment-là que les prisonniers des goulags sont libérés et réhabilités, dans le cadre de la réhabilitation et de la déstalinisation, Staline étant mort le 5 mars de cette année-là.
Le , le collège minier et géologique ouvre, dans le but que les mines ne soient plus exploitées par des prisonniers et en 1957, la télévision arrive à Magadan. En 1963, un nouveau plan est adopté pour quintupler la surface habitable afin d'accueillir la population croissante, attirée par les hauts salaires existants grâce à la prime du nord.
Sous Gorbatchev
Alors que Gorbatchev s'attarde à développer dès son accession au pouvoir la perestroïka et le glasnost, à Magadan on s'interroge sur l'avenir de Magadan, avec l'héritage du Dalstroï et du NKVD avec leurs camps mais aussi des conséquences et causes de l'ère de stagnation pour la région, qui ont toutes retardé le développement socio-économique de la ville. À Magadan, ces réformes proposées sont vues comme « Le vent du changement d'avril », comme le journal Magadanskaya Pravda titre en 1986 lors de l'ouverture d'un congrès du PCUS.
Le , la autofinancement. Cette mesure d'autofinancement, avec 189 entreprises début 1988 fut un échec partiel, près d'un quart des entreprises ne dégageaient plus de bénéfice. De plus, l'alcool a quasi été interdit, mais ce fut un échec cuisant, avec une explosion de la contrebande. En parallèle, des coopératives et entreprises privées ont commencé à naître dès 1987, même si la lourdeur administrative était un frein.
La première manifestation eut lieu le , à la veille de la XIX conférence du PCUS, devant le théâtre d'art dramatique, avec comme objectif de soulever les problèmes de la crise du logement et de l'ère de stagnation. Organisé par une association nommée Demokraticheskoy initsiativy, (initiative démocratique), ils demandent aussi la plus forte autonomie des collectivités territoriales, la privatisation et la fin des privilèges des hauts membres du PCUS. Contrairement à son habitude, la Pravda de Magadan publie les revendications de l'opposition et relate l'évènement, donnant ainsi une tribune aux manifestants. Enfin, ces manifestants souhaitent qu'un des bâtiments du PCUS soit converti en hôpital, ce qui était déjà controversial depuis quelques années.
En plus de susciter une prise de conscience dans la ville, la question des hommages envers les héros de la région et où devraient être ces monuments est soulevée. Des précédentes réclamations avaient déjà eu lieu dans la région, mais sans aucun aboutissement. Alors qu'en 1988, la ville décide la construction d'un monument aux pionniers de la Kolyma et de la Tchoukotka, les langues se délient et demandent que les victimes de la répression sous Staline soient aussi honorées. Magadan se rend alors compte de son lourd passé, qu'elle veut désormais rendre hommage, avec des initiatives et associations populaires.
Alors que la liberté d'expression arrive, la démocratie n'est pas là pour sûre, tel que le montrent les élections de 1989, tenu à Magadan le 8 et le 9 février, avec seulement un candidat du PCUS. La population s'interroge et certains protestent, mais les haut placés dans la ville s'interrogent aussi « Comment cela s'est-il passé ? Quel genre d'élections proposons-nous aux habitants de Magadan - des élections sans choix ? » relate le journal Kolyma.ru. Le 22 février, une autre tour est organisé avec un autre candidat sous la pression publique. En plus des critiques envers les élections, Magadan s'insurge début 1989 contre le nucléaire, avec une opinion publique marquée par Tchernobyl, alors qu'un navire à propulsion Magadan devrait accoster dans le port. Les journaux, habituellement proches du pouvoir se rapprochent des manifestants qui eux font des pétitions pour éviter que le bateau n'arrive. Le , la Pravda de Magadan relate qu'aucun bateau nucléaire n'accostera ni dans la ville ni dans l'oblast avant que les autorités avec leurs expertises environnementales et économiques rendent leurs conclusions, avec accord du conseil exécutif de la ville. Ce cas avec celui des hommages est le résultat des réformes de Gorbatchev dans la ville qui marquent la ville.
Magadan sous la Russie capitaliste
La ville de Magadan abrite aujourd'hui environ 96 000 habitants, mais, avec sa région, passe, en une dizaine d'années, de quelques centaines d’habitants (700 recensés en 1926) à plus de 152 000 en 1939, et autour de 151 000 en 1989, pour se stabiliser vers la fin des années 2010 autour de 90 000 habitants. La fin des subventions, de l'économie d'État, la fermeture d'usines ont été les principaux facteurs de cette forte chute de population. La stagnation de la population ces dernières années est due à l'exode des villages reculés devenant peu à peu fantômes, qui eux partent vers Magadan et d'autres villes de l'Extrême-Orient (Khabarovsk, Petropavlovsk).
En 2021, le plus grand projet de renouvellement urbain de la ville est voté, d'un montant de 23 milliards de roubles. Il est prévu d'ici 2030 de mettre sur le marché 204 000 . La ville s'est dirigée vers une architecture bien plus moderne et nordique, comparée aux anciennes architectures soviétiques.
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- D'origine lettone, Berzine a été exécuté en 1938 comme « espion nippo-letton ».
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- lire en ligne)
- lire en ligne)
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