Cherbourg-Octeville
Cherbourg-Octeville (ʃεʁbuʁɔktəvil ;) est une ancienne commune française du département de la Manche. Résultant de la fusion des communes de Cherbourg et d'Octeville le , elle devient commune déléguée de Cherbourg-en-Cotentin, commune nouvelle créée le et issue de la fusion de Cherbourg-Octeville, Équeurdreville-Hainneville, La Glacerie, Querqueville et Tourlaville.
Statistiques, géographie, démographie
Fuseau horaire principal : +02:00
Cherbourg-Octeville couvre une superficie de 14,26i km2, avec une population de 34 799i habitants (2020), soit une densité de 2 440,32i habitants par Km2.
Gentilé : L'habitant(e) du Cherbourg-Octeville s'appelle un(e) Cherbourgeois(e)-Octevillais(e).
Localisation
Cherbourg-Octeville : descriptif
Située à l’extrémité nord du Cotentin, Cherbourg est protégée par la seconde plus grande rade artificielle au monde après celle de Ras Laffan (Qatar), dont elle représente le tiers avec une superficie d'environ 1 500 hectares. Entre la Hague et le Val de Saire, la cité de Cherbourg est ainsi au cours des siècles une place stratégique disputée par les Anglais aux Français. Citée comme l'une des « clés les plus importantes de l'État » par Vauban, elle est devenue, à la suite de colossaux travaux d’aménagement maritime, notamment sous l’impulsion de Napoléon Ier, un port militaire de premier ordre. Escale des prestigieux paquebots transatlantiques dans la première moitié du xxe siècle, Cherbourg est l’objectif premier des troupes américaines lors du débarquement de Normandie en 1944.
Préfecture maritime, et sous-préfecture de la Manche, ses 34 799 habitants (plus de 85 000 avec sa banlieue) en font la première ville du département devant la préfecture Saint-Lô et la deuxième de l'ancienne région Basse-Normandie après Caen. Port militaire, halieutique, plaisancier et de passagers transmanche, mais handicapé par son isolement géographique pour être un grand port marchand, Cherbourg-Octeville est également une ville ouvrière, avec un site de construction navale important, entourée d'un arrière-pays rural.
Toponymie
Cherbourg
Le nom de la localité est mentionné sur la table de Peutinger vers 365, dans l’Itinéraire d'Antonin et la Gesta de Fontenelle en 747-753 sous la forme latinisée [In pago] Coriovall[inse] 747-753, Coriallo, latinisée ensuite en Coriallum. Ensuite, cette forme disparaît pour Carusburg [Castellum] en 1026-1027, puis Carisburg en 1056-1066, sous la latinisation fantaisiste Cesaris burgus en 1042, Chiersburg vers 1070 (Guillaume de Jumièges), Chieresburg vers 1175 (Wace, Roman de Rou), Kiares buhr en 1091, Chieresborc, Chierbourg au xiie siècle.
Lors de l'occupation de la ville par les Anglais le vocable de Chirburg est usité.
Une onomastique médiévale fantaisiste s'est efforcée de rapprocher le nom réel de la ville du latin *Caesaris burgus « bourg de César » afin d'en attribuer la fondation à Jules César.
En réalité la forme antique est Coriallo et -burg n'apparaît qu'au xie siècle. Coriallo est la forme contractée de Coriovallu(m), hybride gallo-latin composés des éléments celtique corio « armée » et latin vallum désignant à l'origine un type de palissade romain, puis ayant pris le sens de « fortification, bourg fortifié » (emprunté par le germanique sous la forme wall-). Il a été remplacé par le germanique burg de sens analogue.
Ce second élément -bourg (anciennement -burc, -burg) est un appellatif d'origine pangermanique bien connu qui a servi à former plusieurs toponymes en Normandie, tout comme au nord et à l'est de la France. Ailleurs, il est inexistant en composition.
Dans le cas normand, il peut avoir une origine saxonne (ex : les différents Cabourg) ou anglo-saxonne (ex. : Wambourg, nom ancien de Saint-Aubin-sur-Quillebeuf). Cette hypothèse a aussi été formulée pour Cherbourg,. En revanche, quelques auteurs considèrent que -bourg représente dans ce cas l'ancien scandinave -borg, alors que seule une forme de 1062 dans une copie du xviiie siècle Ceresbroch (lire Ceresborch) pourrait le laisser penser.
Dans la perspective d'un -bourg saxon ou anglo-saxon, le premier élément Chier(s)- peut représenter le vieil anglais chiriche (graphie ċiriċe) « église » où l'élément final -iċe [tʃ] s'est réduit à [s], comme pour le nom de la commune de Chirbury, dans le comté de Shropshire (Angleterre), attesté sous la forme Chirichburig en 915, puis Chiresbir en 1226. Le sens global serait donc celui de « village de l'église ».
En revanche, si -bourg est issu de l'ancien scandinave -borg, le premier élément s'interprète différemment par l'ancien scandinave, c'est-à-dire kjarr « marais », d'où le sens global de « forteresse du marais ». L'élément kjarr se retrouve par ailleurs en Normandie dans Villequier et Orcher. La principale faiblesse de cette thèse est d'ordre phonétique, en effet le [s] avant le [b] de -burg dans les formes anciennes est récurrent. En outre, une lecture rapide pourrait laisser penser que Carus-, Caris- des formes les plus anciennes représente kjarr, alors qu'il s'agit vraisemblablement de latinisations à partir de l'ancien français chiers cas sujet masculin et cas régime pluriel de chier « cher », terme issu du latin carus « cher », caris (datif et ablatif pluriel).
Cherbourg est également le nom d’un canton canadien, situé entre Matane et Les Méchins, qui a donné son nom aux municipalités de Saint-Thomas-de-Cherbourg, fusionnée en 1954 au sein des Méchins, et de Saint-Jean-de-Cherbourg. Ce nom, dont la proclamation date du , pourrait être dû à la répercussion par les journaux locaux de l’inauguration du port militaire par Napoléon III en 1858. Cherbourg est également une ville du Queensland en Australie.
Octeville
Le nom d'Octeville apparaît quant à lui en 1063, dans une charte de Guillaume le Bâtard, à propos de dotations faites à la collégiale de Cherbourg. Il signifie : « le domaine rural d’*Otti », nom d'homme scandinave non attesté, ou plutôt d’Otto, anthroponyme issu du germanique occidental mais utilisé aussi par les anciens Scandinaves. On le trouve également dans Octeville-l'Avenel ; Octeville-sur-Mer (pays de Caux) ; le Tilleul-Othon (campagne du Neubourg, Tilliolum Othonis 1289) ; et dans Otby (Lincolnshire, Ottebi 11e), nom de lieu anglais de type scandinave en -by.
Histoire
Héraldique
Cherbourg porte d’azur à la fasce d’argent chargée de trois étoiles à six rais de sable, accompagnée de trois besants d'or, deux en chef, un en pointe. À partir de l'Empire, le blason est accompagné d'ornements extérieurs : couronne murale à cinq tours d’argent, cimier traversé en fasce d’un caducée contournée de même auquel sont suspendus deux festons servant de lambrequins, l’un à dextre d'olivier, l’autre à senestre de chêne, d’argent noués et attachés par des bandelettes d’azur. Ils comportent également une croix de guerre 39-45 avec palme au naturel, appendue à la pointe de l'écu et brochant sur la croisure des bandelettes.
L'origine du blason est contestée.
Selon Victor Le Sens, il est d'origine religieuse : la fasce d’argent chargée d'étoiles représente la ceinture de la Vierge Marie, l’une des deux patronnes de la ville et le nombre d'étoiles, comme celui des besants, évoque la Trinité, l’autre protectrice de la ville. Les besants d'or seraient l'expression du rachat des captifs, illustrant la participation des notables cherbourgeois à la Troisième croisade. Le blason de Cherbourg daterait de la fin du xiie siècle, à l'époque des Croisades.
Selon M. Le Poupet, qui s'appuie en particulier sur les ouvrages de Vulson de la Colombière et Ségoing, le contenu du blason évoque le commerce maritime de la cité, les besants — meubles traditionnels des armes de financiers anoblis — représentent la richesse et la fortune, tandis que l'étoile illustre la paix et la prudence. Le sable signifie Prudence et constance dans l’adversité, l’azur dénote l’activité et les mers. M. Canel avait expliqué avant lui que les besants et les étoiles illustrent respectivement le commerce et le port de mer.
Les étoiles, absentes de l’armorial de d'Hozier en 1697, auraient été ajoutées au xviiie siècle. Sous l'Empire, le blason fut complété par un franc quartier des villes de seconde classe qui est à dextre d’azur à un N d'or, surmonté d’une étoile rayonnante du même, brochant au neuvième de l'écu.
Concernant les ornements extérieurs, la couronne murale symbolise la protection et le bonheur, le caducée le commerce et l’activité, l’olivier la paix, le chêne la force, rappelant la vocation à la fois militaire et commerciale du port. L'argent signifie que Cherbourg était une ville de seconde classe sous l'Empire.
Le blason d'Octeville est de sinople au mantel d’argent chargé de deux lettres capitales de sable « O » à dextre, « V » à sénestre, au chef de gueules à un léopard d'or armé et lampassé d’azur. Il a été le logo de la municipalité jusqu'à la fusion avec Cherbourg, puis a été réuni au logo de Cherbourg.
De sa création en 2001 et jusqu'en 2016, la municipalité de Cherbourg-Octeville utilisait un logo, intitulé la « mouette musicale ». Initialement adopté par Cherbourg, il est composé d’une mouette, symbolisant le caractère maritime de l’agglomération, sur une portée musicale, évoquant la musicalité du port : « le cri des mouettes qui dansent entre ciel et mer, les sirènes des navires et le chant mélodieux des vagues ». Depuis l'incorporation de la commune dans Cherbourg-en-Cotentin en 2016, le logo reprend celui de cette dernière (le C de Cherbourg-en-Cotentin) suivi du nom de la commune déléguée concernée.
Antiquité
Le Cotentin, conquis par Quintus Titurius Sabinus en , est divisé entre le pagus constantiensis (« comté de Coutances ») et le pagus coriovallensis (« comté de Coriallo »), au sein de la Deuxième Lyonnaise. Coriallo abrite une petite garnison et un castrum est édifié sur la rive gauche de la Divette comme élément du Litus saxonicum, après les raids saxons au début du ive siècle. Les vestiges retrouvés situeraient le village entre Cherbourg et Tourlaville, sur les Mielles,.
Moyen Âge : une place forte
Le haut Moyen Âge (496-911)
Vers 435, Cherbourg aurait été évangélisé par l'évêque de Coutances Saint Éreptiole, puis par saint Exupère, saint Léontien, et enfin saint Scubilion, en 555. En 497, le bourg est cédé avec l'ensemble de l'Armorique à Clovis.
En 870, saint Clair, débarquant du Kent, est ordonné prêtre à Cherbourg et établit un ermitage dans la forêt environnante.
La Normandie ducale (911-1204)
Après plusieurs pillages par les Vikings au ixe siècle, Cherbourg est rattachée au duché de Normandie avec le Cotentin, en 933, par Guillaume Longue-Épée. Le roi dannois Harald (Harold), chassé de ses terres, débarque à Cherbourg en 946 pour aider le jeune duc Richard Ier de Normandie en difficulté. Après le conflit entre son père et Knut d'Angleterre, Richard III de Normandie renforce les fortifications du château en même temps que celles des autres grandes places fortes du Cotentin. En 1053, Cherbourg est l'une des quatre principales cités du duché à recevoir du duc Guillaume le bâtard une rente à perpétuité pour l'entretien de 100 démunis. Vers 1060, le duc Guillaume donne à l'évêque de Coutances, Geoffroy de Montbray, les églises de Cherbourg, Tourlaville et Barfleur.
À partir du xiie siècle, Cherbourg devient un port d'embarquement pour les traversées royales, au détriment de celui de Barfleur, entaché par le naufrage de la Blanche-Nef, et la place se développe. C'est ainsi qu'en 1181, le roi d'Angleterre Henri II choisit Cherbourg pour s'embarquer.
Dans la lutte pour la possession du duché de Normandie, Cherbourg assiégée se rend en 1139 après deux mois de siège aux troupes d'Étienne de Blois avant d'être reprise à la fin de l'année 1141 par Geoffroy d'Anjou. La défense de la place était alors assurée par Raoul et Richard de La Haye-du-Puits, avec Jourdain Tesson. Raoul, fait prisonnier au cours d'une sortie dût sa liberté au paiement d'une rançon. S'ensuivit la capitulation de la place. Quant à Richard, il réussit à s'enfuir par la mer.
Mathilde l'Emperesse, épouse de Geoffroy Plantagenêt, fonde en 1145 l’abbaye du Vœu.
Lors de la conquête de la Normandie par Philippe Auguste, Cherbourg tombe sans combattre en 1204. La ville est saccagée en 1284 et 1293, l'abbaye et l'Hôtel-Dieu pillés et incendiés, mais le château, où la population est retranchée, résiste. En 1296, lors de la guerre d'Aquitaine, Cherbourg fournit neuf navires de guerre.
À la suite de ces ravages, Philippe le Bel fait fortifier la cité en 1300.
De la Normandie capétienne à celle des Valois (1204-1515)
La ville reçoit en la visite de Saint Louis.
Par sa position stratégique, à la fois clé du royaume avec Calais pour les Français et tête de pont de l’invasion pour les Anglais, la ville qui voit au début du xive siècle de nouvelles maisons s'édifier autour de l'Hôtel-Dieu, est très disputée durant la guerre de Cent Ans. Disposant de l’un des plus forts châteaux du monde selon Froissart, la place changera six fois de mains à la suite de transactions ou de sièges, mais jamais par les armes. La forteresse, avec son unique accès, la porte Notre-Dame, et ses huit tours principales reliées par un chemin de ronde, résiste aux soldats d’Édouard III d'Angleterre fraîchement débarqué à la Hougue le qui avaient poussé vers l'Ouest comme relaté dans les chroniques ils allèrent tant qu'ils vinrent en une grosse ville riche et à bon port qu'on appelle Chierebourg
. Deux mille archers avec à leur tête Geoffroy d'Harcourt, baron normand au service du roi d'Angleterre, mettent le siège devant la place sans parvenir à la réduire. Ils se vengent alors sur les faubourgs et brûlent une fois de plus l'abbaye du Vœu.
Le , par le traité de Mantes, le roi de France, Jean le Bon cède Cherbourg avec l'essentiel du Cotentin à son gendre, Charles II de Navarre dit le Mauvais, roi de Navarre et comte d'Évreux. La ville sera navarraise de 1354 à 1378, et Charles II y séjournera à plusieurs reprises et y effectuera d'importants travaux. Des maisons situées près du château sont détruites ainsi qu'une partie de l'abbaye du Vœu afin que pour doute que les ennemis n'y fissent forteresse
. Autour de la ville qui prend de l'importance, une nouvelle enceinte est dressée sous la direction de Jehan Quesnel, maître d’œuvre.
Au printemps 1378, la ville est assiégée par Charles V comme le reste des possessions normandes du roi de Navarre qui s'est mis au service du roi d'Angleterre, mais en vain. Les troupes navarraises fortes de 600 soldats qui avaient reflué du comté d’Évreux et du clos du Cotentin s'étaient retranchées dans Cherbourg, déjà difficilement prenable, et la défendirent, ravitaillée par la mer, contre les attaques françaises. En juin 1378, ayant perdu pied en Normandie, Charles II de Navarre loue Cherbourg à Richard II d'Angleterre pour une durée de trois ans. À l'automne 1378, Bertrand du Guesclin l’assiège à nouveau à l'aide de nombreuses machines de guerre, mais la ville refuse de capituler. Son frère, Olivier du Guesclin avec 60 chevaliers, au cours d'une tentative nocturne sera même capturé. Charles V, décide alors d'affamer la place en l'isolant de toutes sources de ravitaillement, et décide l'évacuation totale du nord de la presqu'île de tous ses habitants. Cet épisode connu comme le grand vuidement du Cotentin a été narré par Robert Blondel, un chroniqueur de Ravenoville :
« Pour vaincre Cherbourg par la faim, un décret royal ordonna de chasser tous les habitants et de laisser la terre inculte. Et il fut crié publiquement et commandé que tous vidassent et allassent hors du pays du Cotentin sans ce que aucun demeurast sur le pays plat ou habitast en aucune manière. »
Le siège est finalement levé en .
Le roi d'Angleterre refusa ensuite de restituer la ville aux Navarrais, malgré les efforts de Charles II. En 1379, elle a pour capitaine Jean de Harleston. Guillaume des Bordes, capitaine de Charles V dans le Cotentin, tente de s'en emparer sans succès. Ce dernier sera capturé au cours d'une chevauchée en été 1379 dans la campagne cherbourgeoise au cours de laquelle Lancelot de Lorris, chevalier, est tué.
Charles le Noble, fils du Mauvais rachète la ville en 1399 à {{|Richard II}}, et l'échange, en 1404, à Charles VI de France contre le duché de Nemours.
Après le siège et la prise de Caen en et celle de Rouen par le roi d'Angleterre Henri V, la ville résistera plusieurs mois avant sa reddition en 1418 au duc de Gloucester par manque de vivres. Elle redevient alors anglaise, et ces derniers la conserveront trente deux ans. Au début de l'année 1450, Thomas Kyriell, à la tête d'une armée de secours, alors que la Normandie est en passe d'être reconquise par le royaume de France, débarque à Cherbourg et s'empare de Valognes avant de prendre la direction de Caen. Cherbourg, dernière possession anglaise du duché de Normandie après la bataille de Formigny (), capitule sans conditions le mercredi , après que le roi ai négocié avec le capitaine de la place. Le siège avait débuté à la fin de , avec l'aide d'un prêt de 60 000 livres de Jacques Cœur au roi de France Charles VII. Afin d'éviter que la place distante de 135 kilomètres des côtes anglaises, ne retombe aux mains des Anglais, Louis XI, le octroi une charte à ses habitants. Celle-ci, exempt la population perpétuellement de tous impôts, charge à eux d'assurer le guet et la garde des remparts de la ville.
La Renaissance (1515-1610)
En 1522, Guillaume d'Ursus, met en défense la ville de Cherbourg contre une incursion des Anglais. Le , Cherbourg reçoit en grande pompe la visite de François Ier de France et du dauphin. À cette époque, Cherbourg nous est décrite par Gilles de Gouberville comme une ville fortifiée de 4 000 habitants, protégée par des ponts-levis aux trois portes principales, gardées en permanence et fermées du coucher du soleil jusqu’à l’aube. À l’intérieur des remparts, le château, lui-même protégé par de larges fossés et muni d’un donjon et de douze tours, occupait le sud-est de la ville. À l'extérieur et au sud des remparts, le faubourg, le long de la Divette, était fréquenté par les matelots.
Cherbourg n'est pas touchée par le vent de la Réforme qui divise la Normandie, consolidé et fortement gardé par Matignon, qu'Henri III remercie de sa défense contre les troupes de Montgomery, en le nommant lieutenant-général de Normandie et gouverneur de Cherbourg en 1578, puis maréchal l’année suivante. Les bourgeois demeurent également fidèles à Henri III puis Henri IV, quand la Normandie est majoritairement tenue par la Ligue catholique.
xviie – xixe siècle : naissance d’un port militaire
Le temps de l'absolutisme (1610-1789)
Pour compléter les deux ports d’envergure que sont Brest sur l’Atlantique et Toulon sur la Méditerranée, Louis XIV désire édifier un nouveau port sur les côtes de la Manche, face à l’Angleterre, afin d’héberger les navires de passage. Vauban propose en 1686 de renforcer la fortification de Cherbourg et fermer la rade de Cherbourg par deux digues, mais privilégie la Hougue pour l'établissement d'un port militaire d'envergure. Jusque là, la ville disposait de deux ports, un en eau profonde, le Gallé, situé au niveau de l'avant-port militaire actuel, mal abrité des vents et tempêtes, mais permettant l'amarrage des navires de fort tonnage, et un port d'échouage, le Hable, qui occupe l'estuaire de la Divette, à l'ouest des Mielles de Tourlaville, mieux protégé, mais moins utilisé à cause de son manque de fond. Gilles de Gouberville nous dit dans son journal à la date du que : le navire de Jehan hubert avoyt failly à estre perdu au Hable pour ce qu'il estoyt tombé sur le costé
,. Les travaux de fortifications et d’aménagement du château débutent l’année suivante mais sont arrêtés par le Roi en décembre 1688, influencé par Louvois et par crainte des attaques anglaises. En l'absence de ces fortifications, la population cherbourgeoise assiste impuissante à la destruction des trois navires de l’amiral de Tourville au terme de la bataille de la Hougue.
Le port de commerce, au niveau actuel de la place Divette, est creusé entre 1739 et 1742. Les premiers aménagements du port datent de 1737 et sont l’œuvre de Louis-Rolland Hüe de Caligny. Le , les Anglais, sous les ordres du général Bligh et l’amiral Howe, débarquent près de Cherbourg qu'ils occuperont et dévasteront pendant plus d'une semaine. Avec l'aménagement d'un nouveau bassin du commerce en 1769, Cherbourg — depuis longtemps port commercial de faible importance, ville sans université ni activité culturelle, régulièrement pillée, aux faibles relations avec Paris — acquiert un poids essentiel dans le Cotentin qui se traduit, à la veille de la Révolution française, par la création de réseaux de sociabilités par les bourgeois réunis en associations — comme la Société royale académique de Cherbourg en 1755 et la loge « la Fidèle maçonne ». La population passe de 800 feux (4 000 habitants) à Cherbourg et 95 à Octeville, vers 1715, à 7 300 cherbourgeois en 1778.
Louis XVI décide de relancer le projet d'un port sur la Manche. Après plusieurs hésitations, il est décidé en 1779 de construire une digue de quatre kilomètres de long entre l’île Pelée et la pointe de Querqueville, selon une méthode mise au point par Louis-Alexandre de Cessart, d'un môle de 90 cônes de bois de 20 × 20 mètres, remplis de pierres liées au mortier, reliés par des chaînes de fer. Le premier cône est immergé le , le frère du roi, le comte d'Artois assiste à la mise en place du septième cône, et le Roi assiste le à la mise à l'eau du neuvième cône. Mais la technique ne résiste pas aux tempêtes, et elle est abandonnée en 1788 au profit du sabordage de vieux navires de guerre et un enrochement à pierres perdues qu'avait vanté La Bretonnière. Mais la réduction des subsides et les événements révolutionnaires ralentissent les travaux, jusqu'à leur suspension en 1792.
Le xixe siècle
Le premier Consul Bonaparte veut faire de Cherbourg un des ports militaires principaux, visant l’invasion du Royaume-Uni. Il charge Joseph Cachin de la reprise des travaux de la digue, du creusement de l’avant-port militaire, et de la construction du nouvel arsenal.
Après une visite en 1811, Napoléon fait de Cherbourg une préfecture maritime, un chef-lieu d’arrondissement de la Manche et le siège d’un tribunal de première instance. Le bagne de Cherbourg, qui était situé sur les ruines de l'Abbaye du Vœu à Équeurdreville, a existé de 1796 à 1830,,,. Les travaux de la digue centrale, interrompus à nouveau entre 1813 et 1832, s'achèvent en 1853, ceux des digues de l’Ouest et de l’Est en 1895. Les bassins Charles X (commencé en 1814 — 290 × 220 × 18 mètres) et Napoléon III (commencé en 1836 — 420 × 200 × 18 mètres) du port militaire sont respectivement inaugurés le en présence du Dauphin, et le par le couple impérial. Les travaux de la digue sont conclus par la construction de la petite rade (digue du Homet, 1899-1914, et digue des Flamands, 1921-1922).
Les travaux du port entraînent une densification et un étalement de Cherbourg qui se modernise et s'équipe, tandis que les entrepreneurs, armateurs et commerçants locaux s’enrichissent. Village rural à l’habitat dispersé en hameaux constitués autour de grosses fermes (La Crespinière, La Prévallerie, Grimesnil, La Gamacherie…), reliés entre eux et à l’église Saint-Martin par un réseau de chemins, Octeville devient chef-lieu de canton en 1801 (décret du 23 vendémiaire an X) et voit également sa population s'accroître par l’afflux des ouvriers venus pour construire le port de Cherbourg et travailler à l’Arsenal. Après la création de la route des Pieux (actuelles rues Salengro et Carnot), le bourg se constitue autour d’un village-rue homogénéisé puis s’urbanise au début du xxe siècle.
Le , le roi Charles X, détrôné, embarque pour l’exil au port militaire de Cherbourg sur le Great Britain, laissant la place à la Monarchie de Juillet. Après avoir vu mouiller dans sa rade le Louxor transportant l’Obélisque de Louxor en , Cherbourg accueille le retour des cendres de Napoléon en France à bord de la Belle Poule. Le , une statue équestre de Napoléon, due au sculpteur Armand Le Véel, est érigée à l’occasion de la visite de Napoléon III pour l'inauguration de la ligne ferroviaire reliant Cherbourg à Paris.
Le a eu lieu, au large de Cherbourg, un épisode célèbre de la guerre de Sécession : le navire de guerre des Confédérés, le CSS Alabama, est coulé par le navire de l’Union USS Kearsarge après deux heures de combat (voir le Combat naval à Cherbourg), sous l’œil de milliers de spectateurs, venus en train pour l’inauguration du casino. Assistant au combat depuis un voilier, Manet l’a immortalisé dans une de ses œuvres.
Début xxe siècle : port d’émigration
Les propriétés géographiques et techniques du port de Cherbourg attirent à partir de 1847 les compagnies maritimes reliant les ports européens à la côte est des États-Unis. Dès la fin des années 1860, les paquebots de la Royal Mail Steam Packet Company et de la Hamburg Amerika Linie mouillent dans la rade avant de traverser l’Atlantique. Le Titanic y fait escale en 1912 pour son voyage inaugural où il embarqua 274 passagers. En 1913, Cherbourg reçoit 500 paquebots et 70 000 passagers.
Durant la Première Guerre mondiale, le trafic est entièrement suspendu. Cherbourg devient le lieu d’arrivée du matériel et des troupes britanniques puis américaines, et de départ des permissionnaires et des blessés. Le port militaire connaît un accroissement d’activité, la garnison en poste à Cherbourg est renforcée. Les infrastructures du port sont développées pour recevoir le charbon et le pétrole nécessaire au conflit. Le trafic double, atteignant 600 000 tonnes en 1918.
Le transit transatlantique reprend au lendemain de la guerre avec les compagnies transatlantiques britanniques, américaines et hollandaises. Pour accueillir au mieux les escales, la Chambre de commerce fait construire un port en eau profonde, une nouvelle gare maritime, et une zone dédiée au chargement, déchargement et stockage des marchandises sur le terrain des Mielles. Cherbourg devient le premier port de migration en Europe, et les compagnies Cunard Line, White Star Line et Red Star Line s'unissent pour bâtir l’hôtel Atlantique destiné à recevoir les émigrants avant la traversée. Dans le même temps, le centre-ville se rénove, notamment sous les projets architecturaux de René Levesque, Drancey et René Levavasseur. Mais la crise économique de 1929 met fin à l'apogée transatlantique.
Seconde Guerre mondiale
Les Allemands arrivent le dans les faubourgs de Cherbourg. Le , le conseil municipal déclare la ville ouverte, et Erwin Rommel reçoit la reddition de la place des mains du préfet maritime, le vice-amiral Jules Le Bigot, qui a fait détruire auparavant les sous-marins en construction à l'arsenal et le fort de l'Est.
Quatre années plus tard, Cherbourg, seul port en eau profonde de la région, est l'objectif premier des troupes américaines débarquées à Utah Beach.
La bataille de Cherbourg doit donner aux alliés un soutien logistique pour le ravitaillement humain et matériel des troupes. Les troupes américaines encerclent la ville le 21 juin. Au terme de furieux combats de rue et d’une âpre résistance du fort du Roule, le général Karl-Wilhelm von Schlieben, l’amiral Walter Hennecke et 37 000 soldats se rendent le 26 juin au général Joseph Lawton Collins. Après un mois de déminage et de réparations par le génie américain et français, le port, complètement rasé par les Allemands et les bombardements, accueille les premiers liberty ships et devient jusqu’à la victoire de 1945, le plus grand port du monde, avec un trafic double de celui de New York. C'était aussi le point d'arrivée de l’essence qui traverse la Manche via l'oléoduc sous-marin PLUTO (Pipe Line Under The Ocean), et le point de départ du Red Ball Express, circuit de transport par camions vers Chartres.
Cherbourg est rendue à la France par les Américains le . Elle est citée à l’ordre de l’armée le et reçoit la Croix de guerre avec palme.
1945-1990 : reconstruction et essor
Les destructions se concentrent essentiellement autour du port militaire à Cherbourg, mais ont touché à 60 % Octeville. Grâce à la reconstruction en urgence du port, l'activité économique reprend rapidement. Cherbourg, dirigée par l'ancien ministre SFIO René Schmitt, édifie de nombreux logements sociaux. L'essor des Trente glorieuses entraîne la modernisation de l'économie et la féminisation de l'emploi. Sous l'impulsion du général de Gaulle, Cherbourg devient à partir de 1964 le pôle de construction des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, dont le premier, Le Redoutable, est lancé en 1967. Les CMN de Félix Amiot, spécialisées dans l'armement militaire, deviennent célèbres à Noël 1969 grâce à l’épisode des vedettes de Cherbourg.
Constituée en 1970, la communauté urbaine de Cherbourg regroupe autour de Cherbourg, Octeville, La Glacerie, Tourlaville, Querqueville et Équeurdreville-Hainneville.
À partir de la fin des années 1960, l'industrie nucléaire émerge à travers les chantiers de l’usine de retraitement de la Hague et de la centrale nucléaire de Flamanville qui s'ajoutent aux sous-marins de la DCN. L'union des syndicats, militants de gauche et écologistes autour de la crainte de la « nucléarisation » du Nord-Cotentin, se cristallise en janvier 1979 lors du débarquement par le Pacific Fisher des premiers déchets nucléaires irradiés japonais. En cette veille de la décennie 1980, l'agglomération cherbourgeoise est frappée par plusieurs conflits sociaux violents, en particulier à la fermeture des usines Babcock.
Fusion et création de Cherbourg-en-Cotentin
Cette dépendance de plusieurs siècles aux grandes décisions des pouvoirs publics et à l’industrie nucléaire provoque une profonde crise économique dans les années 1990. L’Arsenal réduit drastiquement ses effectifs, la Flottille du Nord (FLONOR) déménage à Brest en 1992, l’hôpital maritime ferme. UIE, Burty, CMN, Socoval et Alcatel accumulent les plans sociaux ou les fermetures. Sous l'égide de la Communauté urbaine, l'agglomération développe son offre universitaire avec l’IUT de Cherbourg-Manche, l'École d'ingénieurs de Cherbourg et une antenne de l’Université de Caen qui complète l'INTECHMER et l’école des Beaux-arts.
Les années 2000 débutent par la création d’une nouvelle commune. Cherbourg-Octeville est créée le par la réunion de Cherbourg et Octeville à la suite du référendum local sur le « Grand Cherbourg ». La ville renoue avec son identité touristique et maritime, à travers la Cité de la Mer et l’ouverture au public du Redoutable, l’accueil d'escales de croisières et d’événements nautiques, l’opération de rénovation urbaine « Entre terre et mer » mettant l’accent sur l'attractivité commerciale et touristique de la ville et sur le quartier des bassins, ainsi que l’émergence d’une spécialisation économique dans la plaisance, alors que les activités traditionnelles du port (trafic passagers, fret, pêche) sont en crise.
Le , Cherbourg-Octeville intègre avec quatre autres communes la commune de Cherbourg-en-Cotentin créée sous le régime juridique des communes nouvelles instauré par la loi no 2010-1563 du de réforme des collectivités territoriales. Les communes de Cherbourg-Octeville, Équeurdreville-Hainneville, La Glacerie, Querqueville et Tourlaville deviennent des communes déléguées et Cherbourg-Octeville est le chef-lieu de la commune nouvelle.
Source: Wikipedia ()
Cherbourg-Octeville dans la littérature
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ouvrage en rapport avec Cherbourg-Octeville
- Duel dans la Manche (Les Tuniques Bleues, 01/05/1995)
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