Millebosc
Localisation
Millebosc : descriptif
- Millebosc
Millebosc est une commune française située dans le département de la Seine-Maritime en région Normandie.
Géographie
Une clairière au cœur de la forêt d'Eu
À 6 km de Gamaches — en vallée de Bresle — et à 13 km de la ville d'Eu.
Le relief de Millebosc est tourmenté pour la région : de 49 à 159 m d'altitude. Le sous-sol est constitué d'une couche de craie du Crétacé de plusieurs dizaines de mètres : (le puits du village a du être creusé jusqu'à 90 m) qui affleure dans les pentes ou sur les buttes. Les sols peuvent être faits des argiles rouges de décalcification (à cailloux) consacrées aux herbages ou de "pastilles" de limons éoliens favorables aux cultures. Les sols trop pentus ou trop ingrats ont été gardés en forêt sous l'autorité des comtes d'Eu. Actuellement la forêt a le statut de forêt indivise et le village le statut de village forestier.
Le climat de ce point haut du petit Caux est plutôt rude : pluvieux et venteux en hiver. En 1954, des congères de neige ont bloqué le village pendant une semaine ; Tous les hommes du village ont dû conjuguer leurs efforts pour en dégager les accès à la pelle.
Des trous énigmatiques dans le sol
Dans les champs au XXe siècle, il est arrivé souvent que le sol se soit dérobé sous le poids d’un lourd charroi. Dans ces situations, les Daumalle et les Garret perdirent même des chevaux. Le pays de Caux n’a pas le relief karstique des Causses : pas de circulation souterraine de l’eau qui puisse y générer la formation de grandes cavités souterraines : ces trous dans la craie ont été creusés par l’homme.
Certes, de grandes quantités de craie ont été de longue date prélevées pour être épandues en surface des champs pour corriger l’acidité excessive des limons : les Gaulois connaissaient déjà les vertus du marnage. Mais il y a sur le territoire forestier assez de pentes raides sur le flanc desquelles la craie affleure déjà (les marnières). La difficile exploitation souterraine de la craie avait des justifications plus impérieuses que le marnage :
- dès le néolithique, l’homme préhistorique exploitait des lits souterrains de silex, matériau nécessaire pour tailler les pierres qui devenaient ses armes ou ses outils. Ce fait est attesté par les préhistoriens à Flixecourt (80) où de tels ateliers ont été retrouvés.
- à l’époque de la construction des églises, les besoins en pierre de taille se font sentir. Pas question de transporter sur de grandes distances de lourds blocs de roches : il faut se contenter de la craie locale en recherchant en profondeur des gisements de bonne qualité. La mésaventure de René Dabovalle, survenue il y a une vingtaine d’années seulement, nous éclaire sur la configuration de ces carrières. Cette fois-là ce n’était pas un cheval qui s’était enterré dans un champ mais un veau évadé. Après l’effondrement, la bête était emprisonnée au fond d’un grand trou sur les flancs duquel s’ouvrait l’entrée d’une galerie : dans son affolement, le veau tenta de se réfugier dans cet abri inattendu et notre éleveur dut faire une courte course avec son bestiau à l’entrée d’une galerie d’exploitation minière de craie abandonnée depuis pas loin d’un millénaire.
Ce n’est peut-être pas un hasard si c’est dans la plaine de la Cour du Bosc que le plus grand nombre d’éboulements a été constaté dans les champs : une aïeule a donné le chiffre de 17. En effet les deux grands chantiers du début du second millénaire – l’église de Millebosc et le prieuré de Saint-Martin- étaient sous la même autorité religieuse : celle de l’abbaye du Bec Hellouin, qui possédait aussi le domaine de la Cour du Bosc ; site où aurait pu être constitué un centre commun d’exploitation d’une carrière souterraine.
Mais l’existence de cavités dans le sol à proximité immédiate de deux constructions du village demande une autre explication : pas besoin d’être grand architecte pour savoir qu’il serait néfaste de faire voisiner les fondations d’une bâtisse avec les galeries d’une carrière.
À ce sujet, les Dumont, maçons du village, avaient été impliqués dans deux curieux évènements :
- Dans les années soixante, Robert Dumont est en train de consolider le sol de l’autel de l’église de Millebosc quand un coup de pioche éventre une cavité voûtée : crypte ou amorce de souterrain ? Il rebouche tout cela.
- Quelques années plus tard, son équipe travaille à côté de la citerne de la Cour du Bosc quand le sol se dérobe sous ses pieds : ses compagnons le sortent de cet éboulement à grand-peine. Juste à côté subsiste encore de nos jours la descente de cave de la maison Dabovalle qui chemine sous plusieurs arcades romanes millénaires : entrée de souterrain ?
De là vient la légende villageoise de l’existence d’un souterrain reliant l’église de Millebosc au domaine de la Cour du Bosc.
Climat
En 2010, le climat de la commune est de type climat océanique franc, selon une étude du CNRS s'appuyant sur une série de données couvrant la période 1971-2000. En 2020, Météo-France publie une typologie des climats de la France métropolitaine dans laquelle la commune est exposée à un climat océanique et est dans la région climatique Côtes de la Manche orientale, caractérisée par un faible ensoleillement (1 550 . Parallèlement le GIEC normand, un groupe régional d’experts sur le climat, différencie quant à lui, dans une étude de 2020, trois grands types de climats pour la région Normandie, nuancés à une échelle plus fine par les facteurs géographiques locaux. La commune est, selon ce zonage, exposée à un « climat maritime », correspondant au Pays de Caux, frais, humide et pluvieux, légèrement plus frais que dans le Cotentin.
Pour la période 1971-2000, la température annuelle moyenne est de 10,1 amplitude thermique annuelle de 12,7 . Pour la période 1991-2020, la température moyenne annuelle observée sur la station météorologique la plus proche, située sur la commune d'Oisemont à 20 vol d'oiseau, est de 11,1 ,. Pour l'avenir, les paramètres climatiques de la commune estimés pour 2050 selon différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre sont consultables sur un site dédié publié par Météo-France en novembre 2022.
- Daniel Joly, Thierry Brossard, Hervé Cardot, Jean Cavailhes, Mohamed Hilal et Pierre Wavresky, « Les types de climats en France, une construction spatiale », Cybergéo, revue européenne de géographie - European Journal of Geography, DOI 10.4000/cybergeo.23155, lire en ligne, consulté le )
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- GIEC normand, Le climat en Normandie : présentation et évolution, , 18 lire en ligne), p. 2
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Toponymie
Les premières dénominations connues du village : Apud Crena puis Crennes sont celles de la famille fondatrice : une famille assez aisée puisque plusieurs de ses membres seront donateurs pour l’établissement en 1106 du prieuré de Saint-Martin actuellement sur le territoire d'Incheville.
Le nom de la localité est attesté sous les formes « In territorio ville in Mediobosco » en 1255, in Medio Bosco en 1330, villa in Medio Bosco en 1431, la « ville au milieu des bois », Millebos 1449, Emmy le Bos 1494,
- Hameaux : la Cour du Bosc, la Plattemare, la Bouillarderie.
- Bois : bois de Longroy, bois de Saint-Martin, bois de la Bouillarderie, bois de la Cour du Bosc et massif du Triage de la forêt d'Eu.
- Vallons : le Fond de Forêt, la Vallée Mayeux, le Fond des Bœufs: Le lundi de Pentecôte 1936 un invraisemblable orage y provoque la formation d'un torrent qui charrie terre et branchages et emporte sur des centaines de mètres le carcahoux dans lequel les amoureux Gisèle et Louis seront noyés.
- Chemins et routes : carrefour du Camp Catin, chemin des Fonds, chemin du Mont Blanc, poteau du Hêtre des Princes, rond de Nemours, rond du Père des Familles, route Adélaïde, route du Hêtre des Princes, route Tournante, Croix du père Anthime (Anthime Delépine devait être bon chrétien : Il avait participé pour 20 francs (la plus forte participation après celle du comte de Paris et du maire) à la souscription pour la nouvelle cloche du village).
- Autres toponymes : l'Anglée, le Cronquelet et le Quesnot.
- Pascal Pradié - Chronique des abbés de Fontenelle (Saint-Wandrille)- Les Belles Lettres - 1999 - page 245.
- Selon Duplessis, le nom de Crènes ou Crevers aurait été signalé jusqu'en 1570.
- Charles de Robillard de Beaurepaire et dom Jean Laporte, Dictionnaire topographique du département de la Seine-Maritime, lire en ligne), p. 653.
- Les noms de communes et anciennes paroisses de Seine Maritime : François Beaurepaire, Google books
Histoire
Premières traces d'occupation humaine pérenne
Quelques monnaies romaines trouvées dans deux des " lentilles" limoneuses fertiles du terroir :
- des sesterces gallo-romaines dans les champs qui font face à la Bouillarderie.
- un aureus de Marc-Aurèle au lieu-dit Le Quesnot, sur la route de Guerville.
Mais les hordes Franc vont bientôt déferler sur la Gaule-Belgique et incendier vers 300 le théâtre aux gradins de bois de Briga : la ville gallo-romaine située au Bois l'Abbé, sur les hauteurs de la ville d'Eu. Les Mérovingiens, qui leur succèdent, laisseront la trace d'un de leurs cimetières sur le proche coteau de la Bresle, à Longroy. À la fin du premier millénaire, les Nord-men multiplient les raids et les pillages sur la zone côtière de la Seine à la Flandre. Le roi carolingien Louis le Germanique réussit un temps à les repousser en les battant sévèrement dans le Vimeu voisin, à Saucourt-en-Vimeu, mais pour avoir la paix, il faudra laisser la Normandie, de la Bresle au Mont Saint-Michel. Millebosc n'existe pas encore ; tout juste quelques petites clairières dans une grande forêt hostile. Les premières dénominations connue du village : Apud Crena puis Crenes sont celles de la famille Crenes : une famille assez aisée puisque plusieurs de ses membres seront donateurs pour l’établissement en 1106 du prieuré de Saint-Martin actuellement sur le territoire d’Incheville.
Au temps des Croisades, la création de clairières de défrichage
Au ... Mais bientôt, le défrichement devient l’action collective des abbayes ; on attaque la forêt par les bords : depuis Guerville par les moines de l’abbaye du Tréport, à la Platte-Mare sous l’action des moines du Lieu-Dieu, à la Cour du Bosc par les abbés du prieuré de Saint Martin, et vers la Tuilerie depuis Longroy. Il s’agit bien là d’initiatives indépendantes dont la fiscalité gardera la trace encore en 1760 : les droits à payer ne sont pas les mêmes pour les habitants de la rue du bost (bout du Heut) dépendant du comte d’Eu par Guerville que pour ceux du bout du bas racheté à la baronnie de Longroy, elle-même vassale du marquis de Gamaches, donc de régime picard. Mais le marquis de Gamaches est un sympathisant de la religion réformée et il est même le mécène de Vatable : un traducteur remarqué de l’hébreu. Cela irrite beaucoup la très sainte église catholique et le Marquis Rouhaut commence à sentir le roussi : il liquide ses biens et quittera définitivement la France pour l’Angleterre. La baronnie de Longroy sera finalement rachetée par le Comte d’Eu le 25 mai 1762.
À cette époque, les travailleurs journaliers ne peuvent raisonnablement faire plus d’une lieue (4 ou 5 km) pour gagner leur zone de travail chaque matin : il faudra faire le même chemin au retour avec les jambes bien lourdes. Au-delà , il devient nécessaire de passer les nuits dans des habitats – fussent-ils temporaires- le carcahoux n’ayant quand même pas vocation à accueillir une famille. Un beau jour, quelques nouveaux arrivants s’installent définitivement : un nouveau hameau est né qui deviendra village.
Des habitants ce sont des paroissiens auxquels il faut une église. La première est construite au .
Le nom du village mettra plusieurs siècles à se fixer : Apud Crenas (1106 – 1190), Ville en médio bosco (1255), La ville en my le bosc (1433), Millebos (1449), Emmy le Bos (1494). Ces appellations font allusion à la position d’un village au milieu des bois. Dans le nom actuel, Millebosc, le préfixe Mille signifie milieu (au sens de : taper dans le mille), plutôt que millier.
Millebosc au temps de la guerre de Cent Ans
Si les grandes confrontations connues des écoliers (Crécy, Azincourt…) se situent plus haut en Picardie ou dans le Nord, Millebosc, comme tous les villages du Vimeu et du Pays de Caux n'en a pas moins souffert de la guerre de Cent Ans. L’embouchure de la Bresle ayant fait l’objet de plusieurs débarquements ou coups de main des Anglais, le Comte d’Eu de l’époque -Jean d’Artois- avait dû renoncer à résider en son château d’Eu et fait bâtir à Monchaux un imposant château-fort qui dominait la vallée de la Bresle et protégeait la Picardie. Pour assurer la sécurité de ce château, les habitants des paroisses de la sergenterie de Blangy, à laquelle Millebosc appartenait, participaient, vers 1387, à un tour de rôle pour assurer le guet.
Mais, Monchaux et les autres puissants châteaux de la Basse vallée de la Bresle (Gamaches, Hélicourt, Longroy, Beauchamps…) tombent une première fois, sont reconquis et repris plusieurs fois, enfin brûlés pour ne pas être livrés à l’ennemi. Le comté d’Eu est officiellement Anglais de 1419 à 1450 : une génération complète ! Mais les Anglais ne possèdent qu’un pays vide : dans les villages du Caux et du Vimeu ne subsiste parfois qu’un feu (foyer) sur 10. La campagne n’est plus que buissons incultes où va s’organiser la première guerre de résistance de l’histoire. Entre l’Eaulne et la Bresle, les partisans, qui se cachent dans les forêts, fondent à l’improviste sur de petits groupes de soldats anglais, les tuent, les pillent et regagnent les bois. Une bande fait parler à la fin de l’été 1425 vers Fresnoy, Melleville, Millebosc.
Après la guerre de Cent Ans, on recommence à défricher ; les auréoles de terre cultivée centrées autour des Parquets (vers Guerville) ou à partir de la Platte-Marre s’agrandissent et permettent de gagner 5 à 6 km², mais le massif de la forêt d’Eu occupe encore longtemps les entours de la Cour du Bosc jusqu’à 1576 et se prolonge jusqu’à la route de Platte-Mare à Breuilly. Plus tard, la carte de Cassini montre qu’au début du XIXe siècle, la grande sole agricole que l’on connaît actuellement n’est pas encore constituée ; vers les Quatre chemins de larges lambeaux de forêt persistent.
Le roi Anglais de France juge les faits de petite délinquance en Normandie
1426 : Voilà 6 ans que la Normandie a pour roi l’Anglais Henri VI. Sa chancellerie rend justice des actes de délinquance. Les actes remontent à Paris : l’un d’eux retrace une équipée sauvage à travers le comté d’Eu. Il s’agit de la Rémission à Jean Le Cras, serviteur de la demoiselle de Dampmesnil, enfermé dans la prison d’Eu, qui avait dévalisé l’Hôtel d’Oudart Toupris à Millebosc.
JEAN LE CRAS, PRISONNIER A LA VILLE D’EU, QUI DEMANDE SA LIBERATION AU ROI ANGLAIS HENRI
Henry, …. Savoir faisons, …. Nous avoir oiye l’umble suplicacion de Jean Le Cras, povre homme, laboureur de braz, aagié de xxiiij ans environ, chargé de jeune femme et de deux petits enfants, natif de la paroisse de Veilly, et a présent prisonnier en la prison es la ville d’Eu, contenant comme, es mois d’aoust et septembre derrenièrement passés, ledit suppliant feust demeurant en l’otel de nostre amée la damoiselle de Donmesnil en la paroisse de Fresnoy en Campagne lui estant auquel service.
UN CHEF DE BANDE QUI RECRUTE DE MANIERE MUSCLEE
Un nomé Robert Crevin, brigant, feust venu par devers lui et lui eust dit qu’il convenait qu’il alast avec lui et qu’il savoit bien ou il y avoit iiij bonnes jumens et qu’il en auroit une. Lequel suppliant lui eust respondu que il ne yroit point. Après laquelle response et plusieurs autres parolles eues entre eulx, tendans tousjours afin par ledit suppliant qu’il n’y alast point, et en soy excusant du mieux qu’il povoit, ledit brigant lui eust dit que s’il n’y aloit qu’il le tueroit. Pour laquelle cause, et pour doubte de mort, icellui suppliant, qui est uns simples homs se faist accordé d’aller avec lui.
LA BANDE DES QUATRE MALFRATS QUITTE FRESNOY ET JETTE SON DEVOLU SUR MILLEBOSC
Et assez tost après, ledit brigant, Perrin Alleaume et Jehannet Louvel, que icellui brigant avoit semblablement enortez et traiz a sa poste, se feussent partiz dudit mercredi au soir devant la Nostre Dame audit mois de septembre (1425), et en alant leur chemin alèrent en une ville nommée Melleville en laquelle ilz trouvèrent un enfant qui leur monstra le chemin pour passer la forêt de Eu, pour aller en une ville nommée La Ville Emmi le Bosc.
Un CAMBRIOLAGE AVEC VIOLENCES
Eulz arrivez en laquelle ville, ils alèrent en l’ostel d’un nommé Oudart Toupris ; auquel hostel ilz prindrent plusieurs biens et entre aultres ceulx qui s’ensuient ; c’est assavoir un cheval de poil roux enharnaché d’un colier, deux hopellandes à homme, trois robes à femme et deux pelliçons, trois ou quatre couvrechiefs, une hache, unq faussillon, ung crequepoix, quatre escuelles d’estain, deux courroyes ou sainctures a femme et une a home, non garnies d’argent, un pot de cuivre, un chauderon, une paele d’arain et un andier. Et batirent ledit Oudart et sa femme. Et après ce s’en retournèrent audit lieu de Fresnoy.
LA CHASSE A L’HOMME S’ORGANISE
Et le lendemain au matin furent poursuiz par ledit Oudart et autres gens du pays, et tant qu’ils retrouvèrent une grant partie des biens dessus dis ; lesquels ont tous été renduz et restituez à icelui Toupris, exepté ledit pot de cuyvre.
Un PLAIDOYER EFFICACE REND LA LIBERTE A JEAN LE CRAS
Et combien que ledit suppliant en ses autres faix et cas ait esté et soit homme de bonne vie, renommé et conversacion honnestes. Néantmoins, à l’occasion dudit fait et cas, il a esté et est de présent détenu prisonnier esdictes prisons.
Si donnons en mandatement au bailli de Caux.
Donné à Paris, au mois de janvier, l’an de grace mil CCCC et vigt cinq et de nostre regne le quart. Ainsi signé par le Roy, à la relation du Conseil. Adam
Le début de l’état civil : la première communauté villageoise identifiée au | ]
En 1539, l’ordonnance royale de Villers-Cotterets déclare obligatoire l’enregistrement par chaque paroisse des naissances et des décès. 40 ans plus tard, en 1579, cette obligation est étendue à la transcription des mariages ; l’état-civil est établi, d’où pourra un jour naître la généalogie.
Le premier registre de catholicité de Millebosc date lui de 1549. Quelques-uns des patronymes couchés dans les 50 premières années du registre des mariages étaient encore portés dans les années 1950 au village ou dans les villages voisins : Carpentier, Conseil, Joly, Lefranc, Leblond, Lecomte, Louvet, Miquignon, Obé, Prévost ou Pruvost …
250 ans plus tard, en 1792, le curé Vincent rédigera son dernier acte de catholicité, remplacé par Armand, premier instituteur et premier secrétaire de mairie. Il nous gratifiera d'une dédicace ambigüe " né sans père ni mère mais de la chair ". Avec son nom qui est un prénom serait-il un enfant trouvé (comme il y en a eu beaucoup amenés en vallée de Bresle par le meneur d'enfants de Blangy, Vauquet) qui aurait eu la chance d'avoir accès à l'instruction ?
L’organisation des droits d’usage de la forêt à Millebosc
Les droits d’usage correspondent à un essai perpétuellement tenté -et jamais réussi- de réglementer les prélèvements de bois que les habitants des villages forestiers faisaient en permanence dans les massifs d’une forêt qui était la propriété privée du comte d’Eu. Il s’agissait principalement du droit de chauffage, mais le droit pouvait porter aussi sur le pâturage et le pasnage (pâturage des porcs), le bois d’œuvre…
Dès le XIIIe siècle, Millebosc figure dans la quarantaine de villages bénéficiant de ces droits, mais aux deux siècles suivants, pendant la guerre de Cent ans, on avait eu d’autres soucis que celui de contrôler et réglementer l’usage du bois que faisaient les croquants.
Les premières tentatives de réformation de la forêt datent de la fin du
Une grosse en parchemin reprend les principales dispositions de l arrêt 16066 de la Table de marbre du Palais du 1er décembre 1581 à Paris portant règlement de droits d’usage en la forêt d’Eu par les habitans de Millebosc. Ce droit n’est pas acquis gratuitement : il fait l’objet de taxes annuelles à verser au cueilloir (perception) de Guerville. Initialement, chaque feu devait 2 mines et 10 gerbes d’avoine, 10 gerbes d’hivernage, un pain, une poule à Noël, 6 œufs à Pâques, mais ceux qui demeuraient sur le fief de Longroy ne devaient pas les 20 gerbes. Les hommes restant dans la rue du Bois avaient de plus le franc bâtir et chacun d’eux ne devait en tout que deux mines d’avoine. L’origine de cette différence de traitement se trouve dans l’histoire de la formation du village : la rue du Bost relevait du comté d’Eu alors que la partie basse du village appartenait à la baronnie de Longroy dépendant du marquisat de Gamaches.
Avec le temps, la mise en œuvre des droits d’usage connaît bien des dérives : prélèvements excessifs des villageois, tentatives du comte d’Eu de reprendre la main sur l’exploitation de sa forêt. Les archives nationales gardent la trace de procès à répétition qui vont encombrer la justice royale. De par sa position, Millebosc sera de tous les combats dans ces affaires.
En 1747, la forêt d’Eu tout entière s’embrase dans le conflit qui oppose le comte d’Eu à une dizaine de villages de la forêt d’Eu, plusieurs seigneurs et plusieurs verriers. La minute du procès est un document d’une bonne centaine de pages format environ A4 écrit en tout petits caractères, où la seule énumération des dates des requêtes des parties demande trois pages entières. Le jugement réévalue de nombreuses amendes ou PV formulés antérieurement ; surtout il établit un arrêté qui fera référence pour les deux siècles qui suivront. L’arrêté prévoit aussi une remise à plat complète de chacun des droits individuels : les Archives de la Maison de France contiennent les liasses de ces documents individuels régulièrement renouvelés à chaque changement d’occupant du feu qui en justifie, qu’il s’agisse de location, de vente ou de succession par héritage.
Vers 1850, le massif du Triage connaît son dernier défrichement pour l’installation de la ferme départementale à Melleville, cassant l’encerclement de Millebosc entre le Faulx de Forêt (site appelé par erreur le Fonds de forêt) et le poteau Montauban.
Période révolutionnaire
Les démêlés des prêtres de Millebosc
Lors de la préparation des Etats Généraux, de 1789, Milllebosc aura droit à 3 électeurs sur les 200 du comté d’Eu : Antoine Augustin Morquant, curé, pour le clergé ; Jean Louis Tassin et Alexandre Lescapé, laboureurs, pour le Tiers Etat.
Plus tard, le curé refusera de prêter serment à la nouvelle Constitution. Il lui faudra quitter la France, avec nombre de ses collègues des villages voisins, en montant à bord d’un des bateaux prévus à cet effet au Tréport. Son vicaire, François Denis Vincent, le remplacera. Mais même après avoir fait allégeance à la Constitution, Vincent ne convient pas aux anticléricaux de la Convention : il sera enfermé au château d’Eu parmi 62 prêtres.
Nouveau retournement de situation sous le Consulat : Vincent est réintégré dans ses fonctions. Mais les villageois n’apprécient pas qu’il ait pris la place du courageux Morquant : Le maire fait patrouiller dans sa cour et ses bâtiments. Il lui dresse procès-verbal pour rassemblement illicite, il perquisitionne dans ses appartements : bref du harcèlement caractérisé. Finalement le sous-préfet doit intervenir et le curé contesté sera muté pour Fresnoy en Campagne.
Sous l’Empire, l’église se réorganise : il restera des églises de plein exercice et les autres seront des succursales (église sans prêtre au village). Millebosc fera partie de la première fournée de ces succursales orphelines en 1802, Melleville en 1806. Le culte sera assuré depuis le presbytère de Guerville pour les trois paroisses ; situation qui perdurera jusqu’aux années 1970, période où les retraites préparatoires aux communions associaient encore les enfants des trois paroisses.
Millebosc conteste sous la Convention
Depuis les coups de main des Millebotiers à la fin de la guerre de Cent Ans, on ne connaît guère de faits d’armes particuliers des habitants : tout au plus sait-on que le village participait à l’organisation de la capitainerie de garde-côtes de Criel sur Mer, (un port à l’époque…). Les appelés de cette capitainerie se réunissaient à Auberville. Les conscrits des villages étaient enrôlés dans une compagnie de canonniers, ou -comme Millebosc- de fusilliers .
Paradoxalement le seul soldat du village qui laisse sa trace dans l’histoire de la période révolutionnaire sera Remy D. déserteur en l’an 8 de la 59ème demi-brigade
Pendant les excès sanglants de la Convention, de bons défenseurs de la République comme le général Pichegru font alliance avec des royalistes comme Cadoudal pour faire tomber ce régime qu’ils ne peuvent plus accepter. Depuis leurs bases arrière d’Angleterre, Pichegru et Cadoudal débarquent clandestinement plusieurs fois au bas des falaises de Parfondeval pour retrouver leurs hommes à Paris par un trajet qui traverse la forêt d’Eu. A Montauban, ferme isolée de Melleville, se réunissent leurs partisans de Guerville, Millebosc, Melleville, Grandcourt, Bettencourt, Rieux… à l’initiative d’un certain Tamerland. Mais il y a des fuites : le 1er septembre 1797, une colonne mobile manque de peu de les arrêter. Prévenus à la dernière minute, la plupart arrivent quand même à s’échapper. Ne seront pris que les habitants du lieu : Caron et Richard Boutry, ainsi qu’un certain Louis T. déserteur de Millebosc. Ils seront emprisonnés à la ville d’Eu.
1870 : guerre perdue, guerre oubliée
La guerre de 1870 apparaît de manière presque anecdotique dans le registre des délibérations de la commune, le 25 août quand on apprend que la quête faite en faveur des blessés de l’armée du Rhin a produit 133F60c.
Trois jours après, survient l’installation du nouveau conseil municipal. En cette période troublée où l’armée française est en difficulté aux frontières, il est prescrit par la loi que chacun des nouveaux conseillers devra prêter serment, à haute et intelligible voix, en termes sans équivoque : Je jure obéissance à la Constitution et fidélité à l’Empereur. Le maire élu est un propriétaire de 64 ans : Lecapé Félix, mais un arrêté préfectoral du 1er octobre casse cette décision : le maire nommé sera un jeune agriculteur de 31 ans : Victorien Lainiel.
Le nouveau Conseil municipal entre immédiatement dans la tourmente : le 29 août, il convient de constituer la garde nationale du village : elle comptera 44 hommes de 21 à 45 ans et 36 de 45 à 60 ans. Ses officiers sont élus :
Capitaine | Lainiel Victorien | Sergent | Grandpierre Hervé |
Lieutenant | Mariette Henri | Sergent | Depoilly Victorice |
Sous-lieutenant | Depoilly Bénoni | Sergent | Conseil Barnabé |
Sergent-major | Pégard François | ||
Sergent-fourrier | Ménival Louis | Tambour | Couturier Jules |
Mais le 18 septembre, le Conseil refuse la proposition de M. le sénateur-préfet de voter des fonds pour l’achat de fusils nécessaires pour l’armement des gardes nationaux en vue de sauvegarder les foyers menacés et de défendre la patrie envahie par l’étranger. Le conseil estime que les gardes nationaux doivent être armés aux frais du gouvernement. La levée d’une garde nationale, armée ou pas, ne suffira pas à changer le cours de la guerre : Napoléon III capitule à Sedan et l’armée prussienne s’installe en France pour une occupation qui ne cessera qu’avec le paiement d’une colossale dette de guerre : malheur aux vaincus !
Cela se passe mal : le 6 février 1871, des Prussiens font un premier passage à la mairie de Millebosc d’où ils emportent la carte du département que l’on retrouvera plusieurs mois après à Bazinval. Le lendemain 7, sur les dix heures du matin, ce sont deux cent sept Prussiens du 676ème régiment qui arrivent à Millebosc où ils vont séjourner deux jours. Leur capitaine fixe la contribution de guerre à 25 francs par tête, soit 10.000 francs pour ce village de 400 habitants. Le Conseil municipal, délibère le lendemain et, après avoir considéré les ressources de la commune, déclare qu’elle ne peut s’assujettir qu’à une contribution de mille francs, somme déjà très à charge.
Cela irrite beaucoup les Prussiens qui repartent le 9 vers Saint-Valéry sur Somme, emmenant avec eux comme otages MM. Lecappé Félix et Noël Jean-Baptiste. MM. Ménival Louis et Delépine Cléophas sont également requis pour conduire les bagages des occupants, Félix Lecapé ayant été relâché après Gamaches. Le maire Victorien Lainiel doit alors aller remettre en urgence 2.000 francs supplémentaires aux occupants prussiens pour que les trois otages soient libérés. Ajoutant à cela la réquisition de cinq vaches, dix canards, quarante œufs et cinquante bouteilles de vin, c’est maintenant une somme de 4.250F dont les habitants devront se partager la contribution. Dans le même temps, le Tréport (qui n’avait pas l’importance qu’on lui connaît aujourd’hui) s’était acquitté de 30.000 francs et la ville d’Eu, qui avait été taxée de 184.550F -soit 50F par tête- ne paya finalement rien du tout, ayant réussi à tergiverser jusqu’à la signature du traité de Francfort qui soldait les comptes au niveau national.
Le mois suivant, Paris se soulève ; le Conseil municipal est invité à rédiger une motion de soutien au très dévoué serviteur du gouvernement de Versailles. Le transcripteur de ce texte, Jean Bascoul, ancien instituteur du village, fait observer qu’aucune signature de conseiller n’apparaît au bas de cette déclaration : dans un contexte d’absence d’information –ou pire, de possible désinformation – le Conseil a rempli à minima la sollicitation demandée. Le mois suivant, on procède le 30 avril au renouvellement intégral du Conseil municipal : la bonne gestion de crise du jeune maire Lainiel est reconnue : il est réélu. Ce sera un grand maire.
La Belle-Époque : de la 3ème république à la Guerre 14-18
Après la chute de l’Empire, la République vote, à marche forcée, la série des lois d’importance majeure qui encadre notre société moderne ; parmi elles, celle qui établit l’école laïque et obligatoire de Jules Ferry. Les registres disposent maintenant des éléments statistiques qui permettent d’estimer le taux de la fréquentation scolaire à environ 70 %.
Il a fallu attendre 1872 pour qu’une route correctement empierrée soit tracée entre Guerville et Millebosc. L’amélioration des institutions et de l’éducation s’accompagne de progrès économiques. Les petits métiers et l’artisanat perdent de l’importance par rapport à l’industrie dopée par les commodités de la vapeur et le chemin de fer. Cela ne fait pas l’affaire des métiers de la forêt, comme les bûcherons, les vanniers et les baletiers. La population du village, qui dépassait 400 habitants commence à décroître pour tendre vers les 200 habitants dans les années 1975/80.
Jusqu’à présent, la seule ressource collective en eau du village était la mare, fréquentée par les animaux et de ce fait pas vraiment propre à la consommation humaine. Chaque habitation buvait l’eau de sa citerne qu’il fallait maintenir propre : réprimande assurée pour les gamins qui y jetaient des cailloux. Va apparaître dans les villages une nouvelle catégorie d’artisans : les marneux qui vont creuser les puits dans la marne (craie) : d’abord un puits communal en bas du village, puis quelques puits individuels pour quelques grandes fermes du village. Ce ne sera jamais à chacun son puits et pour cause : la nappe aquifère n’est atteinte qu’à 90 m à Millebosc, Campneuseville ou Fresnoy ; il faut aller jusqu’à 100 m à Guerville ou Vibeuf (canton de Yerville) ; le record étant de 150 m à la ferme du Château-Roux.
Mais faute d’eau sous pression, les incendies ne peuvent pas encore être maîtrisés.
En 1881, le conseil municipal adopte le principe de la construction d’une école de filles … qui ne sera jamais construite. En 1898, le maire Lainiel distribue les premiers livres de prix à couverture rouge aux lauréats du certificat d’études. La librairie d’éducation de la jeunesse propose une dernière leçon d’éducation civique aux lauréats : l’action, qui se situe à la fin de la période révolutionnaire, met en valeur un héros républicain convaincu, mais qui n’aurait pas voté la mort de Louis XVI. Les méchants sont les républicains extrémistes pourtant sans défaut jusqu’en 1791. Les aristocrates et vendéens sont présentés comme des gens dans l’erreur, mais qui l’ont assez payé. La fille du héros, mousse en pantalon, est l’Héroïne de seize ans qui donne son titre au livre.
La Grande Guerre : 1914-1918
Si Millebosc ne se situe pas sur les zones de conflit armé, le village paiera un lourd tribut à la Der des Der : mobilisation, réquisitions… Après la guerre le village sera vidé de nombre de ses hommes actifs tués à la guerre. Dans la famille du cafetier Heux, le père, Georges, est tué au début en 1914, son fils - Georges également - meurt au cours des derniers combats en 1918 : c’est une famille Ryan, dont l’histoire n’a, quant à elle, généré aucun film célèbre. Son jeune cousin de 18 ans, Raoul, aura la chance d’être ajourné d’un an lors de la visite de pré-incorporation en 1917. Avec Georges Heux-père disparaît tragiquement l’éditeur de cartes postales du village.
Tous les villages de France vont maintenant ériger un monument aux morts, devant lequel les enfants de l’école viendront chanter La Marseillaise à chaque commémoration de l’armistice.
L’Entre-deux-guerres
Autour de la grande place : l’église, l’école, la mairie, le maréchal-ferrant, la grande mare et le café-épicerie; plusieurs autres cafés s’égrènent le long de la rue de Guerville. Un peu plus haut, à côté de la maison des Richard – qui a la concession de la poste municipale- le coiffeur et le puits communal profond de 90 mètres qui va bientôt être désaffecté. En effet, dans les années 1930, un château d’eau a été construit au Montauban de Melleville, site où avait déjà été élevé un grand télégraphe aux temps anciens. À partir de là se développera le réseau d’adduction d’eau. Dans les fermes, un seul point d’eau en bord de route pour alimenter le bac où vient boire le bétail ; on prend plus de soin des animaux que des hommes… Quand on se fait piéger le gel hivernal, il arrive que le robinet soit gelé pendant une semaine ou deux : on est alors bien content de puiser dans la vieille citerne qui ne sert plus habituellement que lors de la fabrication du cidre, car son eau est moins calcaire que celle du réseau. Mais à la Cour du Bosc, quand les Dabovalle arrivent en 1952, ils devront encore passer leur premier hiver en buvant l’eau de leur citerne : le réseau d’eau a tardé à gagner leur hameau.
Autre révolution d’avant-guerre : l’arrivée de la fée électricité. Là encore les animaux sont privilégiés : un aplatisseur de grains -qui fonctionne sur le triphasé remplace le vieux manège à chevaux, mais dans l’habitation, il n’y a parfois qu’une seule ampoule de 20 watts logée dans une ouverture de la cloison qui sépare deux chambres, pour économiser l’électricité. Là aussi, les hameaux devront patienter jusque vers 1956/57.
Le mode de vie reste austère. Dans la succession Elphège/Palmyre Heux de 54.000 Francs, chevaux, bétail et cultures en grange ou en terre représentent plus de 80%, le matériel 15%, le mobilier, le linge et les vêtements seulement 3%.
La bicyclette est maintenant d’usage courant même si elle n’a encore que des pneus pleins au début du siècle : la chambre à air est encore trop récente et les silex qui jonchent les routes trop pointus. Ce robuste vélo permet aux chercheurs d’emploi de proposer leurs services dans les P.M.E de la vallée de Bresle ou circulent maintenant des trains qui facilitent les échanges d’hommes et de marchandises. Une classe sociale d’ouvriers salariés travaillant à Incheville (Fichet), Beauchamps (sucrerie), ou Gamaches (scierie, silo…), se développe alors que, dans le même temps, le nombre de travailleurs des petits métiers de la forêt se réduit. Souvent ces ouvriers appartiennent à des familles (les Tuncq, les Poyen…) nouvellement arrivées au village, et qui n’y restent pas forcément pendant plusieurs générations. Le père Tuncq, qui a trouvé un emploi de maçon à la sucrerie de Beauchamps, fera en vélo chaque jour la route Beauchamps- Millebosc : mais les lacets de la côte de Gousseauville, s’ils offrent de beaux points de vue sur l’étang, sont bien raides au retour d’une rude journée. Pendant toute sa vie professionnelle, le père Tuncq posera donc pied à terre après la première rampe de la montée et coupera court en poussant son vélo par un petit chemin forestier : à l’époque, cela n’est considéré ni comme une performance ni comme une injustice.
Meilleur moyen de transport : l’automobile n’a guère encore fait son apparition au village, mais personne ne manque d’aller voir passer les bolides de courses du circuit de Dieppe quand ils négocient les lacets de la route forestière du bas qui va à Melleville.
En juin 1936, le lundi de Pentecôte, sur le plateau du Triage un invraisemblable orage génère la formation de torrents dévastateurs ; la verrerie de Guerville est dévastée, les tas de cailloux dispersés. Il y a pire : au Fond des Bœufs, les jeunes Gisèle et Louis en promenade en forêt, se sont abrités dans un carcahoux ; on les retrouvera noyés dans leur précaire abri qui a été emporté sur des centaines de mètres.
La guerre de 1939-45 Ã Millebosc
En 1940, De Gaulle n’a pas arrêté les Allemands, malgré sa défense acharnée à Huppy : on ne peut plus espérer tenir un front sur la Somme. Un bruit court : Weygand a dit qu’on va essayer de reconstituer un front derrière la Seine. Dès lors, c’est la panique pour les civils : il faut descendre en passer les ponts avant que l’on ne les fasse sauter. Les familles du village fuient vers le sud et tachent de se faire héberger chez l’habitant. Mais la situation militaire est pire que prévue. Le régiment de Raoul Heux -qui fait partie des derniers mobilisés- recule devant l’avancée allemande : il s’arrêtera à Lacq, qui n’est alors qu’un simple village de campagne : on ne pouvait guère descendre plus bas ! Là , le soldat a tout le temps d’écrire des lettres à sa mère qui est en grande difficulté à la ferme familiale car le père est décédé prématurément en 1946 et le jeune frère Camille est bien seul: l’aîné tente de leur remonter le moral mais sa fêlure est bien perceptible dans ses courriers.
Bientôt c’est l’Armistice. Ceux qui ont fait l’Exode rentrent chez eux pour retrouver souvent leur maison pillée. La route forestière du bas – où passait le pilote italien Nazarro- a été surveillée par des guetteurs allemands claquemurés dans un poste d’observation creusé à même la craie ; ils étaient en liaison téléphonique avec les officiers installés plus à l’aise dans la ferme des Heux, la plus proche sur le plateau. Les Allemands ont essayé, sans succès, de fracturer le grand coffre-fort : il était pourtant vide. Commence l’Occupation.
À la fin de la guerre, le village connaît la terreur des V1 ; en effet Millebosc est encadré de trois rampes de lancement en forêt d’Eu :
- celle du Rond de Nemours : efficace jusqu’à la fin,
- celle du Montauban à Melleville, localisée par les Alliés et plusieurs fois bombardée,
- celle de la Haye à Guerville qui ne fonctionna jamais, ce qui veut dire que ses VI tournaient en rond après le départ, jusqu’à ce que – carburant épuisé- ils s’écrasent au hasard dans la plaine ou sur une maison… Les gens du voisinage auraient peut-être préféré qu’elle fonctionnât mieux !
Deux avions alliés s’écrasent près du village : un avion de reconnaissance anglais Lysander et probablement un bombardier. Un soldat russe (peut-être un des malheureux qui étaient préposés au lancement des VI) est fusillé : les corps de ces soldats alliés sont enterrés au cimetière.
À Millebosc, le père et le fils T… ont prêté des habits civils à des aviateurs anglais tombés en parachute. De bonnes âmes se sont chargées de signaler cette délicate attention aux Allemands et les deux hommes ont été incarcérés à la prison Bonne Nouvelle –la bien mal nommée- à Rouen. Quand ils se croisent dans les couloirs qui les mènent à leur interrogatoire, ils n’ont que le temps de se glisser N’avoue pas. Ils tiendront bon.
Les autres faits de résistance du village ne sont pas entrés dans notre histoire ; la mésaventure de R. M. n’entrant pas dans cette catégorie. Il subit l’agression armée d’un prétendu soldat français qui fait irruption de nuit dans la chambre où dort sa femme et un bébé. Le jeune père revient des camps où il a appris à défendre sa vie ; les deux hommes se battent dans la nuit et les balles traçantes qui partent dans tous les sens illuminent la nuit d’un terrifiant feu d’artifice. Bilan de cette terrible loterie : l’agresseur est tué. R.M touché de trois balles -dont une dans les voies urinaires- est opéré en catastrophe. Dans le cirage de son réveil, il entend un médecin dire « S’il pisse il est sauvé, sinon… » ; jamais un homme ne mouillera son lit avec autant de satisfaction que R.M quelques heures après.
Si dans le Calvados les Américains sont vénérés, à Millebosc ce sont les Canadiens du régiment Chaudière qui viendront un jour libérer le village depuis la vallée de la Bresle par Guerville, donnant plus tard leur nom à la grande rue du Bost de l’Ancien-Régime.
1950 – 1980 : Les Trente Glorieuses à Millebosc
La modernisation, amorcée dans les années 1930 mais différée par la guerre, commence enfin.
Avec l’arrivée des fragiles pneumatiques, il devient nécessaire de goudronner les rues. On fait appel à la DDE qui prévoit leur élargissement préalable. Le conducteur de travaux Robert Louchet a gardé quelques-unes de ses photos techniques. Il était bien étroit ce bout d’heut (bout du haut) que la Traction avant de la DDE obstrue presque complètement. Et elle était bien triste notre rue des Canadiens qui serpentait entre des pignons délabrés et des parois de clin noircies.
Le machinisme évolue à pas de géant. La faucheuse-lieuse a remplacé la faux, le tracteur : le cheval, la batteuse à poste fixe : le fléau, et les pneus des remorques : les roues cerclées de fer des chariots. La machine à traire améliore enfin la condition des fermières, et les désherbants soulagent de l’épuisante corvée des binages et des échardonnages. Les derniers progrès décisifs seront les moissonneuses-batteuses, les presses à fourrage, et l’équipement des tracteurs d’un relevage.
La condition des ouvriers s’améliore après mai 68 et les accords de Grenelle. De 1950 à 1980, ce sont les euphoriques trente glorieuses. Il y aura bien des désordres en Algérie et en lointaine Indochine, mais officiellement il ne s’agit que de troubles de l’ordre et on ne s’en inquiète pas plus que ça. La mort en Algérie de R.C, natif de Millebosc, est passée inaperçue, car il avait quitté le village pour Gamaches. Mais un jour, une nouvelle glacée parcourt le village en une demi-journée : le jeune soldat B.M a été tué en Algérie. Il sera le seul : un de trop.
La dernière famille détentrice de droits d’usage en forêt au XXe siècle à Millebosc (la famille Folny-Vassart) a perdu son privilège. La petite maison qui le justifiait avait été réquisitionnée par les Allemands pour en faire leur cantine et elle n’avait plus été habitée après la guerre.
Le père Thierry fabrique ses dernières mannes devant un groupe d’enfants des écoles amené par le couple des instituteurs Bascoul. Même s’il reste encore longtemps quelques bûcherons au village, de nombreux ouvriers partent maintenant chaque matin pour travailler dans les usines. Avec les Solex ou les Mobylette, on peut aller chaque jour jusqu’à Des Jonquières : la plus grande verrerie d’Europe à Mers-les-Bains. Les Dumont, anciens maçons du village se déplaçaient en vélo ; les Léger -qui les remplacent dans la fonction- utiliseront plusieurs véhicules.
La composition des nouveaux conseils municipaux reflète un nouvel équilibre de la communauté; un maire non agriculteur peut même être élu sans que cela soit un drame, situation amorçant dans le calme les alternances à venir. Il arrive aussi qu’un fils d’ouvrier épouse une fille d’agriculteur.
En 1957, une seconde école est construite à côté de l’ancienne; les enfants du village seront donc successivement formés dans deux classes ; ceci jusqu’au regroupement pédagogique actuel. On lui donnera le nom d’Ecole maternelle Grémont en hommage à un soldat mort en 1916. Pour les enfants, arrive la riche époque des voyages scolaires annuels qui, bien que modestes, constituent des éléments majeurs d’ouverture sur le vaste monde.
Autre élément d’animation pour les jeunes garçons : les troupes d’enfants de chœur. Mais l’enthousiasme des instituteurs est mitigé à leur égard. Si M. Gilet assiste volontiers à la messe –avec une discrétion toute républicaine- son prédécesseur, M. Buruil, ne déplaçait pas les punitions de ses mauvais élèves quand elles tombaient l’après-midi du catéchisme.
C’est aussi l’époque où quelques bons élèves partent faire des études au loin : Gamaches, Eu, puis Rouen ou Nancy, bien sûr sous un sévère régime d’internat.
Pour ces pionniers, à défaut d’un train qui passerait au village, la seule manière de gagner Rouen est d’aller à pied à Guerville pour y monter dans un autocar glacé qui mettra trois heures pour atteindre la Seine. Les derniers pourront quelquefois profiter de la voiture, souvent un peu bringueballante, d’un oncle accommodant.
- un premier C.A.P : Daniel Boutry,
- une première bachelière : Rolande Mariette,
- un premier technicien supérieur : Pierre Legrand,
- un premier ingénieur : Francis Heux.
Ces étudiants reviennent quelquefois pour les longues vacances accompagnés de camarades étrangers qui n’ont pas de famille en France : c’est ainsi que le village accueillera pour quelques jours en 1966 un premier Vietnamien : Huynh Van Nghia et un Ivoirien, André Toka-Bi Tohoua : le premier noir passé au village depuis la Libération par les Nord-Américains. Sur de premières maisons, fleurissent de fragiles assemblages de tigelles métalliques : les antennes de télé. Les Millebotiers pourront bientôt regarder ébahis les barricades de mai 68 à Paris comme s’ils y étaient. La vie des femmes devient moins difficile avec les premières machines à laver que l’on achète chez Conseil ou Boulard, mais avec l’arrivée des frigidaires et bientôt les congélateurs, le charcutier Lecat, a du quitter le village. De premières vacancières parisiennes, filles exilées à Paris d’une attachante vieille dame à Solex du village -la grand-cousine Evelyne- se promènent l’été dans les rues vêtues de shorts pourtant très pudiques. Millebosc, trop longtemps enfermé dans sa forêt, s’ouvre à la modernité et se décloisonne socialement et culturellement. La croix du père Anthime, à l’entrée de la Cavée, marque maintenant le début d’un petit chemin de randonnée. Ce rude village pend enfin un peu de bon temps.
- revue numismatique 1895 p 99 Google books UNiversité de Virginie
- Erreur de référence : Balise
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incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nomméesDuplessis
- Annales de Normandie, CNRS art v4-5 1954-1955 numérisé par Université Michigan
- Mémoire de la société des Antiquaires de Picardie 2e série tXV 1858 p386
- Revue d'histoire ecclésiastique : publication de 1938, Université catholique de Louvain p44
- Les noms de communes et anciennes paroisse de Seine Maritime : François Beaurepaire, Google books, numérisé par l’Université de Californie
- Dictionnaire topographique du département de Seine Maritime. Charles de Beaurepaire, Jean Laporte, B.N 1882, v1, Google books, numérisé par l’Université de Michigan
- Paysans de Normandie orientale, pays de Caux, Jules Sion, 1909, p190,
- Actes de la chancellerie d’Henri VI concernant la Normandie: Letringant 1908, Paul Casimir, M. joseph Le Cacheux 2008, art v2, p290, google books, numérisé par New York Public Library.
- Espèce de massette à poignée de la longueur d’une canne et dont le gros bout inférieur était quelquefois plombé , terminé par un dard ou hérissé de pointes de fer.
- Vauquet : le Blangeois meneur d'enfants : F.Heux et O. Cléré
- Les hommes et la terre : la vie de la forêt française au XVIe siècle, Google books, numérisé par l’Université de Californie.
- Il s’agit d’un résumé du texte initial fait ultérieurement par la direction des Archives de l’Empire
- Communication de M. Quatrelivre, ancien technicien forestier
- Google books, numérisé par l’Université de Californie
- Le guet de Normandie au XVII et XVIII : organisation descapitaineries de garde-côtes en 1762, Célestin. Google books, numérisé par l’Université de Michigan
- Essai historique et archéologique sur le canton de Blangy, De Lérue
- Source : le secrétaire de mairie, instituteur de Millebosc, M. Pégard
- Les paysans de Normandie orientale, Pays de Caux,
- Avec des fils enveloppés de bitume entoilé sous baguette en bois, c’est un miracle que le feu n’ait pas une seconde fois détruit la ferme des Heux.
Héraldique
Blason | D'azur à la stèle, perronnée de deux marches, bornée de deux pièces et marquée d'un cabochon ovale en son milieu, le tout d'or. |
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Détails | Représente le monument érigé par en l’honneur d’Adélaïde, la sainte et la sœur du roi. Le statut officiel du blason reste à déterminer. |
- « », sur armorialdefrance.fr (consulté le ).
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