Chinon (prononcé : /ʃi.nɔ̃/ ) est une commune française située dans le département d'Indre-et-Loire, en région Centre-Val de Loire
Elle est avec Loches, l'une des deux sous-préfectures d’Indre-et-Loire
Ses habitants s’appellent les Chinonais.
Placée sur le cours de la Vienne, dans une position stratégique aux confins de la Touraine, de l'Anjou et du Poitou, dotée d'un éperon rocheux fortifié dès l'Antiquité, la ville, avec son imposante forteresse, a longtemps joué un rôle défensif clé
Chinon est une des places fortes favorites des Plantagenêt
Jean sans Terre la perd au profit de Philippe Auguste, qui l'adjoint aux domaines de la Couronne de France
Siège de la cour sous Charles VII, lieu de sa rencontre avec Jeanne d'Arc, la ville ne quittera le giron royal que pour passer entre les mains du cardinal de Richelieu et de sa famille, qui la conservent jusqu'à la Révolution.
Enrichie par la culture de la vigne et le commerce du vin, la ville a trouvé, avec l'installation de la centrale nucléaire d'Avoine, un pendant industriel à sa traditionnelle activité agricole
Située à proximité des châteaux de la Loire, sur le détour de Vienne du circuit touristique Loire à Vélo, Chinon attire également de nombreux touristes
Depuis 2000, la ville fait partie de la section du Val de Loire inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des paysages culturels.
Géographie
Situation
Chinon est située au sud-ouest de la Touraine, aux confins de l’Anjou et du Poitou, à 47 Tours, 30 Saumur, 80 Angers, 85 Poitiers, et à 305 Paris. Construite sur les coteaux de la Vienne, sa vieille ville est composée de petites rues plutôt en pente, tandis qu'un quartier, « les Hucherolles », plus récent et résidentiel, s'est posé sur le plateau. Le territoire de la commune est très étendu, sa superficie est de 39,02 parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine, en bordure d'une vaste forêt domaniale allant jusqu'à Azay-le-Rideau et qui autrefois s'étendait jusqu'au château.
La ville et son territoire font partie du périmètre du Val de Loire classé sur la liste du patrimoine mondial par l’UNESCO, du parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine et du réseau des Villes et Pays d'art et d'histoire labellisées par le Ministère de la Culture.
À proximité de Chinon se trouvent les puys du Chinonais, une réserve naturelle de 55 Natura 2000 et gérée par le Conservatoire des espaces naturels Centre-Val de Loire. Le site, constitué de buttes calcaires et sableuses, abrite des pelouses sèches avec une flore relique, de type méditerranéenne, favorisée par des températures douces, des vents faibles et un fort ensoleillement. On note par exemple la présence de figuiers,.
Localisation
Communes limitrophes de Chinon
Savigny-en-Véron Avoine
Huismes
Saint-Benoît-la-Forêt
Beaumont-en-Véron
Cravant-les-Coteaux
Cinais
La Roche-Clermault
Rivière Anché
Hydrographie
La commune est traversée par la Vienne (7,089 Saint-Mexme (3,416 ,.
La Vienne, d'une longueur totale de 363,3 plateau de Millevaches, dans la Corrèze, à une altitude comprise entre 860 et 895 Loire à Candes-Saint-Martin, à 30 m d'altitude, après avoir traversé 96 communes. La station de Chinon permet de caractériser les paramètres hydrométriques de la Vienne. Le débit mensuel moyen (calculé sur 10 ans pour cette station) varie de 49 ,.
Sur le plan piscicole, la Vienne est classée en deuxième catégorie piscicole. Le groupe biologique dominant est constitué essentiellement de poissons blancs (cyprinidés) et de carnassiers (brochet, sandre et perche).
Le Saint-Mexme, d'une longueur totale de 13,3 Cravant-les-Côteaux et se jette dans la Vienne sur le territoire communal à l'entrée est du bourg.
Sur le plan piscicole, le Saint-Mexme est également classé en deuxième catégorie piscicole.
Quatre zones humides ont été répertoriées sur la commune par la direction départementale des territoires (DDT) et le conseil départemental d'Indre-et-Loire : « le bocage du Véron », « la prairie de la Ville en Bois », « Frayère du Gros Ormeau » et « la vallée de Grammont »,.
Climat
Pour des articles plus généraux, voir Climat du Centre-Val de Loire et Climat d'Indre-et-Loire.
En 2010, le climat de la commune est de type climat océanique altéré, selon une étude du Centre national de la recherche scientifique s'appuyant sur une série de données couvrant la période 1971-2000. En 2020, Météo-France publie une typologie des climats de la France métropolitaine dans laquelle la commune est toujours exposée à un climat océanique altéré et est dans la région climatique Moyenne vallée de la Loire, caractérisée par une bonne insolation (1 850 .
Pour la période 1971-2000, la température annuelle moyenne est de 12,2 amplitude thermique annuelle de 14,9 . Pour la période 1991-2020, la température moyenne annuelle observée sur la station météorologique installée sur la commune est de 12,8 ,. Pour l'avenir, les paramètres climatiques de la commune estimés pour 2050 selon différents scénarios d'émission de gaz à effet de serre sont consultables sur un site dédié publié par Météo-France en novembre 2022.
Statistiques 1991-2020 et records CHINON - VITI (37) - alt : 76m, lat : 47°11'03"N, lon : 0°14'01"E Records établis sur la période du 01-02-1997 au 15-09-2021
Mois
jan.
fév.
mars
avril
mai
juin
jui.
août
sep.
oct.
nov.
déc.
année
Température minimale moyenne (°C)
2,8
2,6
4,5
6,3
9,7
12,8
14,2
14
11,2
9,2
5,4
3,1
8
Température moyenne (°C)
5,7
6,4
9,1
11,8
15,3
18,8
20,6
20,5
17,3
13,6
8,9
6
12,8
Température maximale moyenne (°C)
8,6
10,1
13,8
17,3
20,9
24,8
26,9
27
23,3
18
12,3
9
17,7
Record de froid (°C) date du record
−13 07.01.09
−12,1 12.02.12
−11,3 01.03.05
−3,2 06.04.21
−0,4 02.05.21
3,8 07.06.20
6,5 15.07.16
5,4 21.08.14
2,4 19.09.07
−4,2 30.10.1997
−8,5 24.11.1998
−8,2 17.12.09
−13 2009
Record de chaleur (°C) date du record
16,4 05.01.1999
22,7 27.02.19
25 31.03.21
29,7 21.04.18
33,5 27.05.05
41,4 29.06.19
43 25.07.19
40,2 07.08.20
35,9 14.09.20
31,7 03.10.11
23,9 07.11.15
18,9 07.12.00
43 2019
Précipitations (mm)
62,4
48,4
49,5
55,5
58,8
47,2
45,1
50,3
50,4
69,3
65,1
69,9
671,9
Source : « », sur donneespubliques.meteofrance.fr, edité le : 06/01/2024 dans l'état de la base
Sols
La vallée de la Vienne, dans le creux de laquelle Chinon est située, détermine trois types de sols : en bord de Vienne, des terrasses alluviales anciennes et récentes (appelées aussi varennes) composées de graviers et de sables, que l’on retrouve également sur les mamelons nommés « puys ». Les flancs des coteaux et les buttes calcaires du Turonien, constitués de tuffeau jaune appelé aussi millarge, offrent des sols bien drainés. Au-dessus des coteaux, les plateaux et les buttes sont constitués essentiellement d’argiles à silex et de sables siliceux du Sénonien.
Risques naturels et technologiquesRisques naturels et technologiques
Inondations
La Vienne n’a pas connu de crues catastrophiques récentes, mais la ville garde en mémoire les dégâts spectaculaires des crues de 1740, 1792, 1896, 1923, 1962 et 1982, en partie dus à l'amplification du phénomène par une crue concomitante de la Loire. Jusqu'aux années 1970, les parties basses de la ville étaient périodiquement inondées. La rive droite (centre-ville, Courances, quartier Ronsard) et la rive gauche (quartiers Saint-Jacques, Saint-Lazare, Le Pressoir, Pontille et Sauvegrain) peuvent encore être concernées par les crues de la rivière. Des remontées de nappe phréatique associées à des remontées d'eaux par le réseau d’assainissement peuvent également intervenir. La rive gauche n'est pas à l'abri d'une rupture de digue.
Mouvements de terrain
136 cavités souterraines ont été recensées à Chinon, allant de quelques mètres à plusieurs milliers de mètres de longueur. Il s'agit des anciennes carrières de tuffeau utilisées pour la construction du château et de la ville, réparties en plusieurs ensembles plus ou moins connectés. Quelques galeries anciennes subsistent à l'aplomb du donjon du Coudray, puis d'ouest en est s'enfonçant vers le nord sous le coteau sous forme de caves : les caves Plouzeau, reliées au château par le puits du Coudray, les nombreuses caves particulières de la rue Voltaire, les Caves Peintes, avançant jusque sous le fort saint-Georges, les caves Vaslin et les caves du vieux collège. Cette voirie souterraine ponctuée de carrefours et de petits monuments, parcourue de sources et profondément remaniée par les Chinonais après la fin de l'exploitation des carrières, entraîne des effondrements, des chutes de pierres, de blocs ou l’écroulement de masses rocheuses. Ces glissements ont fait 8 morts sur une période de 200 ans.
Le plus important de ces mouvements de terrain a eu lieu en , quand une partie du coteau saint-Martin s'effondra, emportant avec lui la voirie et les habitations, à l'emplacement de l’actuelle place de la Brèche. Pendant la seconde Guerre mondiale, les Caves Peintes et les caves Vaslin furent aménagées par la défense passive et des milliers de personnes les utilisèrent jusqu'à la Libération.
Les principaux secteurs concernés par le risque de mouvements de terrain sont, sur la rive droite de la Vienne, Les Mollières, le quai Pasteur, le centre ancien, le coteau Saint-Martin, Sainte-Radegonde, Paul Huet, Rochefaucon et La Rochelle, les Closeaux et le Grand Ballet ; sur la rive gauche : La Collarderie, Parilly, Le Vauserain et le Plessis-Gerbault.
Séisme
Plusieurs séismes apparaissent dans les chroniques de la ville, y compris dans l'histoire récente. Le zonage sismique de la France classe la commune de Chinon en zone 2 (sur une échelle de 5), soit en zone de sismicité faible.
Feux de forêts
Les secteurs concernés sont situés au nord-est de la commune, où se trouve le massif de la forêt domaniale de Chinon, dont 280 hectares sont classés en risque élevé.
Risque nucléaire
L’ensemble du territoire communal se situe dans la zone des 5 à 10 kilomètres de la centrale nucléaire de Chinon, implantée au nord-ouest de la ville sur la commune d'Avoine en bordure de la Loire.
↑ [1] Chinon en chiffres, sur le site officiel de la ville.
↑ [2] Les puys du Chinonais sur le site du Conservatoire des espaces naturels Centre-Val de Loire.
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↑ [3] Dico-du-Vin.com
↑ [4] DICRIM (Document d’information communal sur les risques majeurs), édité par la mairie de Chinoɳ
↑ [5] Le plan de prévention du risque inondation de la Vienne.
↑ Les plus importantes étant celles de l'hôtel Torterue de Langardière, au début de la rue Jeanne-d'Arc.
↑ Les voies d'accès souterraines, suffisamment larges pour laisser passer charrois et chevaux de trait, ont d'abord été cloisonnées pour délimiter des caves utilisées pour le stockage du vin. Des percements de convenance ont ensuite été effectués pour mettre certaines de ces caves en communication, procéder à des agrandissements ou modifier la circulation.
↑ La chronique locale retient les événements suivants : , un éboulement très important au niveau du coteau Saint Martin, en arrière du Collège, détruit plusieurs caves et maisons et fait un mort. , un écroulement rocheux détruit quatre maisons dans la rue Porte du Château et y fait deux morts. , un éboulement sur le coteau Sainte Radegonde entraîne des dégâts matériels importants et fait un mort. , sur le coteau Saint Martin, l'effondrement d'une voûte de cave fait deux morts. , écroulement de trois caves sur le coteau de Sainte Radegonde. , effondrement à l’intérieur d’une cave sous le fort du Coudray : un ouvrier est tué pendant les travaux de déblaiement. Hiver 1879 : nombreux éboulements sur les coteaux Saint Martin et Sainte Radegonde. : énorme effondrement dans le haut de la rue du Puits des Bans (nombreuses maisons détruites, mais aucune victime). , une masse rocheuse de 20 m3 se détache du coteau au-dessus de la rue Philippe de Commynes.
: chutes de pierres au-dessus de l’entrée des caves Pointreau. : effondrement dans la cour du collège. : écroulement d'une masse rocheuse dans un jardin Rue du Coteau.
↑ Mais sans faire de victime.
↑ A. Boucher et J.-C. Richard. Les souterrains de Chinon. Bulletin de la société des Amis du vieux Chinon. 1949, page 54 ; 1950, page 44 ; 1956, page 42.
↑ [6] Un pan de coteau s'effondre au pied de Sainte-Radegonde, La Nouvelle République, .
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Histoire
Romains et Gallo-romains
Dominant la Vienne, le plateau de Chinon finit en éperon, presque à toucher la rivière. Les hauteurs de la face sud de ce saillant escarpé abritent des habitations troglodytiques extrêmement anciennes. Très tôt, son extrémité ouest est fortifiée, probablement par les Gaulois, et sans aucun doute par les Romains. L'archéologie locale indique la présence à Chinon d'une importante agglomération gallo-romaine protégée par des défenses permanentes.
Avec saint Martin de Tours († en 397 à Candes-Saint-Martin), la chronique chrétienne évoque la ville et ses alentours. C'est un de ses disciples, saint Mesme (ou Maxime ou Mexme), qui fonde à Chinon un couvent de moines cloîtrés dont il est le premier abbé. Autour du monastère, la population se regroupe et Mesme doit faire construire un second lieu de culte : l'église Saint-Étienne.
En 845, Chinon est pillée par le chef viking Hasting.
Archevêques et comtes de Tours
Sous le règne de , l'épouse du souverain, Radegonde, se retirant du monde, suit les enseignements de l'ermite Jean le Reclus s'étant établi dans une des grottes du coteau de Chinon. À la mort du roi, la Touraine passe à son fils Sigebert. La décadence des Mérovingiens laisse la main libre aux institutions religieuses : les archevêques de Tours deviennent seigneurs de Chinon. Ils composeront par la suite avec les comtes de Touraine. C'est l'un d'eux, Thibault le Tricheur (en même temps comte de Blois et de Chartres), qui fait restaurer la forteresse de Chinon en 950. Sa fille Emma, épouse de Guillaume Fierabras, hérite de la ville, qui passe à son fils Guillaume le Grand, puis à l'oncle de ce dernier, .
Chinon est alors impliquée dans les querelles suscitées par les vues de l'Anjou, expansionniste, sur les provinces voisines de Touraine et du Poitou. En , Thibault, comte de Touraine doit céder à son voisin angevin Geoffroy Martel, fils de Foulques Nerra, toutes ses possessions tourangelles, dont Tours et Chinon. À sa mort, Geoffroy Martel partage ses biens entre ses deux neveux : Geoffroy le Barbu reçoit la Touraine (et Chinon) ; son frère Foulques le Réchin, l'Anjou et la Saintonge. Luttant l'un contre l'autre, le second s'empare de l'héritage du premier, usurpation par la suite entérinée par un don du Barbu au fils du Réchin, . Celui-ci mourant sans postérité en 1106, son demi-frère Foulques (cinquième du nom) lui succède. C'est son mariage avec Sybille, fille du comte du Maine, qui lie cette province à l'Anjou et à la Touraine.
Chinon et les Plantagenets
Le fils de , Geoffroy Plantagenet, épousant en 1128 Mathilde l'Emperesse, se trouve en situation de réclamer l'héritage de Guillaume le Conquérant, grand-père de la mariée. Il impose sa loi sur ses possessions françaises et réduit à l'obéissance la partie la plus turbulente de la noblesse locale. Il meurt en 1151 et laisse ses états à son fils Henri. Ce dernier épouse, en 1152, Aliénor d'Aquitaine, qui lui apporte le Poitou et l'Aquitaine. Deux ans plus tard, les hasards de la succession du trône d'Angleterre permettent à Henri d'accéder à la couronne royale. Son cadet Geoffroy, qui a reçu, à la mort de leur père, les places fortes de Chinon, Loudun et Mirebeau, doit par testament recevoir également l'Anjou, la Touraine et le Maine si Henri devient roi d'Angleterre. Ce dernier refusant d'appliquer cette clause en faveur de son cadet, Geoffroy fortifie les défenses de Chinon, Loudun et Mirebeau, puis s'attaque à l'Anjou. En 1156, cette lutte fratricide tourne à l'avantage d'Henri et son cadet doit renoncer à toutes ses possessions en échange d'une pension,.
En raison de la position stratégique de la ville, les comtes de Touraine, et après eux les comtes d'Anjou, ne confieront jamais Chinon à un de leurs vassaux et en conserveront toujours l'administration via des gouverneurs. Henri Candes, Champigny, La Haye-sur-Creuse, l'Île-Bouchard, Saint-Épain, Azay, Sainte-Maure et Bourgueil
En 1169, préparant sa succession, Henri annonce à ses fils le partage de ses biens : à sa mort, Henri (dit le Jeune), l'aîné, recevra l'Angleterre, la Normandie, le Maine, l'Anjou et la Touraine ; à Geoffroy la Bretagne ; à Richard (dit Cœur de Lion), le Poitou et l'Aquitaine. Seul Jean, le dernier de ses fils, reste sans héritage (d'où le sobriquet de Jean sans Terre). S'ensuit une période de luttes où les frères, mécontents du partage, se confrontent et s'allient tour à tour pour défier leur père. En 1187, ses frères aînés étant décédés et Henri Philippe Auguste, Richard fait cause commune avec ce dernier contre son père. Bataillant, mais reculant sans cesse, celui-ci finit par se replier dans son château de Chinon d'où, malade et épuisé, il est contraint d'accepter, le , la perte de toutes ses possessions françaises. Il meurt deux jours plus tard à Chinon, et son corps est enterré à l'abbaye Notre-Dame de Fontevraud.
Après sa mort, Richard lui succède. Pendant sa croisade et la longue captivité qui s'ensuit, sa mère Aliénor administre ses possessions françaises, séjournant tour à tour à Chinon, à Poitiers, sa capitale, et à Fontevraud. En 1194, quand Richard recouvre la liberté, c'est pour constater que son cadet Jean et le roi de France se sont partagé ses domaines. C'est en rétablissant l'ordre parmi ses vassaux qu'il est mortellement blessé, le , au siège de Châlus. Les récits divergent, mais une tradition indique qu'il aurait été transporté à Chinon où il aurait rendu l'âme,.
Jean sans Terre succède à son frère et prévaut face aux revendications territoriales du jeune duc Arthur de Bretagne. C'est à Chinon qu'il épouse Isabelle d'Angoulême, le . Il y séjourne à nouveau en , puis y revient en , accompagné d'Arthur, toujours insoumis, qu'il a fait prisonnier sous les murs de Mirebeau. Entre les manquements à ses devoirs féodaux vis-à-vis du roi de France et les soupçons de meurtre entourant la disparition d'Arthur, Jean se trouve dans une position intenable. Pressé de toutes parts, il perd ses places fortes une à une, Chinon tombant parmi les dernières, en 1205, après une année de blocus et huit mois de siège. Aliénor étant morte à Poitiers en , c'en est fait de la domination des Plantagenêts sur la Touraine
Chinon dans le domaine des rois de France
S'étant rendu maître de Chinon, Philippe Auguste fait restaurer les fortifications mises à mal par le siège et l'assaut. Chinon devient pour lui une ville frontière, face au Poitou rebelle allié à Jean sans Terre qui n'a pas renoncé à ses titres. De campagnes militaires en trêves précaires et en traités rompus, le conflit s'étire jusqu'à la mort de Jean, en 1216, puis reprend sous et sous la régence de Blanche de Castille, qui s'opposent à la veuve de Jean et à son beau-fils, le roi d'Angleterre. C'est à Chinon que la couronne de France rassemble ses troupes, c'est là que le roi reçoit ses féaux, c'est de là qu'il lance ses expéditions militaires. C'est là qu'il reçoit la soumission de ses adversaires.
Sous Philippe le Bel, la forteresse de Chinon est utilisée comme lieu de détention. D'abord pour Robert de Flandres, qui y passe cinq années de captivité après avoir été capturé par traîtrise en 1300, puis, en 1307, pour les Templiers en provenance des commanderies locales, puis leur grand-maître et quatre de ses proches. Retenus à Chinon sur le chemin qui devait les conduire à une audience papale, ils y passent une année avant d'être transférés à Paris où ils sont mis au bûcher en .
Vers le milieu du siècle, les fortifications évoluent avec l'édification de la Tour de l'Horloge et d'une enceinte longeant la Vienne, de la porte du Vieux Marché jusqu'aux Halles. Les temps sont encore incertains et les Anglais, depuis leurs terres de Guyenne, cherchent toujours à reconquérir leurs provinces perdues. En , le roi de France donne la Touraine en apanage à son jeune frère Louis, tout en se réservant Chinon comme « siège et lieu royal pour nos officiers que à ce établirons », à savoir un bailli des exemptions de Touraine, Anjou et Maine, installé peu de temps après à Chinon.
Charles | ]
En 1413, lors des affrontements entre Bourguignons et Armagnacs, Chinon est occupée par les premiers, délogés l'année suivante par les seconds. C'est dans cette période de troubles que la Touraine est donnée au Dauphin, le futur , alors âgé de 14 ans, qui, fuyant Paris dans la nuit du , vient trouver refuge en Touraine. C'est de là qu'il va tenter de faire valoir ses prétentions au trône de France, contre les Anglais et les Bourguignons, au milieu de l'anarchie qui s'est emparée du royaume. Pour financer sa guerre, le Dauphin installe un atelier monétaire à Chinon dès le mois d'. Avec débute une page d'histoire. Le royaume de France est dans une situation très grave. , roi d'Angleterre, revendique le trône de France et, pour ses opposants, Charles Bourges ». En 1427, il installe sa petite cour à Chinon. L'année suivante, il y réunit les États généraux des provinces du Centre et du Sud encore soumises à son autorité. Les États dépensent 400 000 livres pour organiser la défense d'Orléans, assiégée par les Anglais et les Bourguignons.
Fin février ou début , c'est à Chinon que Jeanne d'Arc rencontre le roi pour la première fois. Elle le persuade de lui confier l'armée qui va délivrer Orléans, amorçant ainsi le renversement des forces en présence pendant la guerre de Cent Ans.
Le long séjour de Charles .
Le départ de la cour
Après la mort de Charles , la cour quitte Chinon, que le nouveau roi offre à sa mère Marie d'Anjou (). Le château et la cité sont placés sous le gouvernement de Philippe de Commynes. Il fait achever le portail et le clocher de Saint-Étienne et dote le château de la tour d'Argenton. La forteresse retrouve un temps sa fonction carcérale, quand Louis René d'Alençon. En 1471, puis en 1481, la ville accueille à deux reprises Marguerite d'Anjou, épouse du roi d'Angleterre , détrôné par le duc d'York pendant la guerre des Deux Roses. Après la mort du roi (1483) et sous la régence d'Anne de Beaujeu, Commynes tombé en disgrâce, est remplacé par M. D'Archiac et les logements royaux, utilisés ponctuellement, sont laissés à l'abandon.
La ville retrouve un éclat furtif en l'an 1498, quand le roi y reçoit le légat du pape, César Borgia, venu lui porter la bulle de son divorce. Le roi se sépare alors sans regret de Jeanne de France, la fille de . Il n'avait que 14 ans quand ce dernier la lui avait fait épouser. Une double bosse, la hanche coxalgique, un aspect simiesque expliquent le peu d'empressement de son époux durant les vingt-trois années de leur union. Quand meurt , Louis Anne de Bretagne. Il a pour elle une vive inclination et ce nouveau mariage conserve la Bretagne à la couronne de France ; double raison pour que le roi célèbre par des fêtes magnifiques l'arrivée de la bulle libératrice.
La Réforme à Chinon
Après avoir été attribués à Marie Stuart, puis à François, duc d'Alençon, la Touraine (et Chinon) font retour à la couronne. La Réforme fait de nombreux adeptes en Touraine et, dès 1560, un temple protestant accueille les fidèles à Chinon. Il subsiste, plus ou moins clandestinement jusqu'en 1567. La ville est à de nombreuses reprises mise en alerte, menacée, occupée tour à tour par le parti catholique et par le parti protestant. Certains membres de la communauté réformée de Chinon restent en ville pendant les troubles (privés de temple, ils vont prier à l'Île-Bouchard ou à Bourgueil), d'autres quittent Chinon, certains au péril de leur vie. En 1562, Jehan de Tournay, leur pasteur, est pris et noyé à proximité de Poitiers ; des dizaines d'autres subissent le même sort à Tours où le capitaine Antoine du Plessis-Richelieu, dit Le Moine, les fait jeter dans la Loire. Pendant les troubles, l'épouse du roi , Louise de Lorraine-Vaudémont, est mise en sûreté à Chinon, où elle passe trois mois « dans une gêne pénible ». Elle y séjourne quand le roi est assassiné, le . C'est également dans la forteresse que croupit, depuis le , le cardinal de Bourbon (le « roi de la Ligue ») lorsqu'il est proclamé roi (sous le nom de Charles Fontenay-le-Comte, il y meurt le ayant renoncé à ses prétentions au bénéfice d'.
De Condé à Richelieu
Le , le prince de Condé vient en personne prendre possession de la ville et du château de Chinon, qui lui ont été concédés - avec le Berry, Bourges et un million cinq cent mille livres - pour amadouer le camp protestant après l'assassinat d'Henri .
À l'issue des démêlés de Marie de Médicis avec son fils , la reine reçoit, en , le gouvernement d'Angers, des Ponts-de-Cé et du château et de la ville de Chinon (traité d'Angoulême) ce qui ne l'empêche pas de se révolter à nouveau contre le roi, avant que ses partisans ne soient dispersés aux Ponts-de-Cé, le . Pendant cette période de brouilles, de réconciliations et de révoltes ouvertes, Armand Jean du Plessis de Richelieu, confesseur d'Anne d'Autriche, a servi d'intermédiaire entre les parties. Au sortir de la crise, il est nommé cardinal (1622) et entre au Conseil du roi (1624). Depuis 1621, il est propriétaire du domaine patrimonial de Richelieu, à quelques lieues de Chinon, où l'architecte Lemercier lui bâtit un palais. Il acquiert également les seigneuries de l'Île-Bouchard, de Champigny-sur-Veude et de Mirebeau. Déterminé à laisser sa trace sur le territoire familial, il lui confère toute une série de privilèges dont les Chinonais prennent ombrage et qui leur portent préjudice. Pour donner plus d'éclat à ses projets, il imagine de détruire les monuments qui pourraient en concurrencer la grandeur. Il fait raser le château de Champigny et parle, au Conseil du roi, de réserver le même sort à la forteresse de Chinon. Les Chinonais, par « humbles remontrances », font ajourner la destruction de leur château.
Richelieu entreprend alors de s'en rendre propriétaire. Par une suite d'artifices, d'intrigues mesquines et de prête-noms, il parvient à ses fins le , annexant la ville à son duché-pairie. Pour les Chinonais, qui ont toujours directement dépendu de la Couronne - et bénéficient, à ce titre, d'avantages et d'exemptions particulières - le passage de leur ville entre les mains du Cardinal représente une véritable régression. C'est à partir de cette date que la forteresse cesse totalement d'être entretenue et commence à tomber en ruines.
Chinon et sa forteresse vont rester dans la famille du Plessis-Richelieu jusqu'à la Révolution. Armand Jean de Vignerot du Plessis (1639-1715), Louis François Armand de Vignerot du Plessis (1696-1788), maréchal de France, froisse les Chinonais en faisant poser à Saint-Maurice une litre portant ses armes,. Son petit-fils, Armand Emmanuel de Vignerot du Plessis (1766-1822), .
Pendant toute la période, les Chinonais contestent d'ailleurs régulièrement la nature exacte des droits des descendants du Cardinal sur leur ville. De remontrances en procès, ils font valoir qu'appartenant au domaine fixe de la Couronne, la propriété de leur ville et de ses divers bénéfices a toujours été inaliénable. Quiconque s'en prévaut ne peut le faire, selon eux, qu'à titre temporaire, et sous réserve de réversion à la Couronne. Ils reprennent d'ailleurs ces revendications dans les cahiers de doléances préparés pour les États généraux de 1789, dans lesquels ils demandent que « sa Majesté rentre dans ses domaines aliénés, à quelque titre que ce soit, sauf remboursement au possesseur du prix de l'aliénation, et ses domaines ne pourront plus être donnés qu'à bail et pour une durée qui n’excédera pas trente ans ».
Chinon et les possédées de Loudun
Article détaillé : Affaire des démons de Loudun.
Le , le curé Urbain Grandier est brûlé vif sur la place Sainte-Croix de Loudun, après un procès en sorcellerie qui a offert à une foule avide de sensations fortes, durant des mois, le spectacle obscène des possédées. Un certain Barré, curé de Saint-Jacques de Chinon et chanoine de Saint-Mexme, appelé à Loudun pour prêter main-forte aux exorcistes, voyant le bénéfice qu'il peut tirer de la crédulité populaire, organise dans sa propre paroisse, à une échelle plus réduite, le même type de spectacle qui réussit si bien dans la ville voisine. Entre procès, accusations, interventions politiques et religieuses, il faudra des années pour lui faire cesser ces pratiques scandaleuses, auxquelles il ne sera mis fin qu'en 1640.
La vie municipale sous l'Ancien Régime
Corps de ville
Sous l'Ancien Régime, la vie de la cité passe par le corps de ville. Un certain Jean de la Barre semble en avoir été le premier maire élu. En 1692, la charge devient vénale et héréditaire, précédant en cela toutes les fonctions municipales, jusqu'au plus modestes (comme l'emploi de concierge de l'hôtel de ville). Le maire et le corps de ville constituent la juridiction de l'hôtel de Ville et prennent fréquemment avis de leurs citoyens convoqués pour ce faire à son de cloche.
Le corps de ville tient le rôle des contributions et organise la surveillance des rues, des marchés, des auberges, des maisons qui menacent ruine, des attroupements, des approvisionnements, des réquisitions, de l'hygiène. Cette dernière est inexistante. Les habitations, mal exposées, sont entassées entre le pied du coteau et la muraille qui borde la Vienne. Les maisons qui la jouxtent s'y appuient, déterminant sous elles de longs passages voûtés où s'accumulent les ordures. Les cloaques vont à la Vienne, qui déborde régulièrement en contaminant les puits. Chaque année, des mesures doivent être prises pour faire face à une épidémie récurrente de fièvre (probablement typhoïde), qui décime la population et vient souvent à bout du personnel soignant.C'est à l'occasion d'un de ces épisodes morbides, le , que 160 juifs et quelques lépreux, accusés d'avoir empoisonné l'eau des puits, sont jetés dans une fosse et brûlés vifs sur l'île de Tours.
Bienfaisance et éducation
La ville est bien dotée en établissements religieux et hospitaliers : deux maladreries (et ce depuis le siècle), une à Saint-Lazare, une sur le coteau Saint-Mexme, le couvent des Augustins ( siècle), celui des Capucins (1604). Des religieuses de l'ordre des Filles du Calvaire d'Angers sont installées à l'hospice (1626).
Des actes du siècle attestent l’existence, dès cette époque, d'un Hôtel-Dieu accueillant malades, enfants abandonnés et vagabonds. L'établissement est alors probablement administré par la Collégiale Saint-Mexme, puis par un administrateur délégué du Corps de ville à partir de la fin du siècle. Les bâtiments sont détruits par un incendie en 1637, et l'hôpital, devenu lieu de débauche, est totalement réorganisé. En 1638, trois religieuses de l’Institut des sœurs hospitalières de Loches s’installent à Chinon. L’Hôtel-Dieu n'est reconstruit qu’en 1641, dans des bâtiments situés à l’emplacement actuel du parking de la Brèche. À la Révolution, dépassé par l’afflux des victimes de la guerre de Vendée, il est transféré hors du centre-ville, dans le Couvent des Calvairiennes, récemment déclaré bien national et fermé. Le nouvel hôpital (devenu Hôpital Saint-Michel) accueille ses premiers malades en 1793,.
Les Ursulines achètent une maison rue de la Parerie (1630), puis s'installent au faubourg Saint-Jacques,. Les religieuses de Saint-Augustin soignent à domicile les malades indigents. Les dames de l'Union chrétienne suivent l'instruction des enfants. Celle-ci est par ailleurs généralement négligée. Au siècle, plus de la moitié des habitants déclarent ne savoir signer. À partir de 1578, Chinon possède un collège royal. D'abord dirigé par un élu, il est confié en 1705 aux Augustins. Leur gestion laissant à désirer, il est repris par la ville en 1722 et s'adjoint une école pour enfants pauvres, le tout sous la responsabilité d'un prêtre. L'établissement est par la suite placé sous la tutelle de l'archevêque de Tours, avant de devenir collège national en 1791.
Justice
Jusqu'en 1323, Chinon, ressortissant de la Touraine, applique la coutume commune des provinces d'Anjou, Maine et Touraine. Après cette date, la Touraine, séparée des deux autres provinces, développe un droit particulier, codifié en 1460 et réformé à plusieurs reprises jusqu'en 1559. Le bailliage de Chinon est créé en et couvre une centaine de paroisses. Il se voit adjoindre, en 1551, un présidial aux compétences restreintes et dont les procédures d'appel sont portées devant le présidial de Tours (celles du bailliage le sont devant le Parlement de Paris). Les juges prévôts, qui opèrent - avec quelques conflits de préséance - en marge de ce système, sont supprimés en 1749. Les justices seigneuriales, dont celle de la baronnie de Chinon, se superposent au bailliage et aux prévôts qui entendent, selon les cas, leurs procédures en appel.
S'ajoutent à ce dispositif, inextricable pour le justiciable, des juridictions spéciales : prévôt des maréchaux de France, juridiction du point d'honneur, juridiction ecclésiastique, juridiction du grenier à sel.
Chinon, ville de garnison
Située à un point de passage très fréquenté, Chinon est constamment traversée par des troupes et doit, comme de nombreuses municipalités, faire face aux dépenses et à l'embarras que représentent le cantonnement des soldats et, le plus souvent, leur logement chez l'habitant. Les délibérations du corps de ville reviennent régulièrement sur le sujet, les édiles essayant par tous les moyens d'éloigner d'eux ce qui est perçu par la population comme un véritable fléau, quitte à s'acquitter, pour lui échapper, de taxes parfois punitives. Lorsqu'il faut se résigner à accueillir un régiment, les dépendances des auberges sont réquisitionnées pour héberger les chevaux, les maisons inhabitées et les entrepôts vides pour loger la troupe. Lorsque les capacités de ces hébergements de fortune sont dépassées, les Chinonais doivent se résoudre à ouvrir les portes de leurs domiciles, ou bien à les abandonner aux soldats après y avoir fait place nette.
La Vienne à Chinon : navigation et contrebande du sel
Navigable depuis Châtellerault, rejoignant la Loire à Candes-Saint-Martin, à quelques kilomètres en aval de Chinon, la Vienne est, de l'Antiquité jusqu'à l'arrivée du chemin de fer, un cours d'eau sur lequel la batellerie est très active, tant pour le transport de voyageurs que pour celui des marchandises.
En 1474, la « communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire et fleuves descendant en icelle », qui défend la navigation contre l'ensablement, les péages, les moulins, les écluses et les abus, compte 35 délégués, parmi lesquels un représentant de la section (ou « détroit ») de Chinon. L'association, qui siège à Orléans, perdure jusqu'à la veille de la Révolution (1772) et Chinon y est représentée de façon continue, soit par des bateliers, soit par des marchands. Le détroit dévolu au procureur de Chinon s'étend d'abord de Candes à L'Île-Bouchard, puis de Candes à Châtellerault, incluant la Creuse. Toute la section est grevée de multiples péages seigneuriaux. À Chinon, les bourgeois obtiennent même, au grand dam des bateliers et de leurs commanditaires, le droit de prélever, parfois de force, des droits sur le vin, le drap et autres marchandises. Ces entraves au commerce fluvial sont levées en 1430 par Charles .
À Chinon, les rives de la Vienne offrent aux bateliers plusieurs points où ils peuvent accoster. Sur la rive droite, ils peuvent utiliser le port du Vieux-Marché (probablement le plus anciennement aménagé), celui de la Poterne, le port de la Halle (place de l'Hôtel de Ville), le port-Chardon (face à la Poste) et la Parerie (à l'emplacement actuel de la promenade du Loudunois et le Poitou,,.
La navigation se fait par train de bateaux, que mène la gabare-mère où loge le maître d'équipage. elle est suivie par le tireau (où loge l'équipage) et le sous-tireau. Un bachot, plus petit et indépendant, reconnaît le chenal et assure les relations avec la rive. La descente profite du courant. À la remontée, les voiles carrées sont gonflées par le « vent de galerne » (du nord-ouest). Les périodes de calme font la fortune des auberges postées sur les rives où les mariniers encalminés mangent, boivent et jouent aux cartes. Au pire, il faut se résigner à hâler le convoi, en utilisant le chemin entretenu à cet effet sur la rive droite de la Vienne. À Chinon, le passage du pont, dont seule l'arche centrale est alors franchissable, donne lieu à des manœuvres complexes et risquées, durant lesquelles il faut coucher les mâts. Sur une rivière capricieuse, et souvent mal balisée, la batellerie comporte des risques réels. Vers 1500, la communauté des marchands indemnise, en dix années, pas moins de 72 naufrages. Les annales conservent les traces des procès qui en découlent.
Jusqu'au milieu du siècle, la batellerie fait vivre à Chinon des métiers annexes : charpentiers en bateaux, cloutiers (quartier Saint-Maurice), cordiers (faubourg Saint-Jacques) et forgerons. En 1869, au moment où se débattent les itinéraires possibles pour le chemin de fer de Thouars à Tours, le trafic est encore important : chaque semaine, le bateau des messageries Gambier assure un aller-retour Chinon-Saumur. Tous les mois, un train de bateaux, hâlé par le remorqueur à vapeur « Blanzy », remonte du charbon jusqu'à Châtellerault, puis redescend en hâte tandis que ses protégés chargent de la chaux et redescendent, seuls, au fil du courant. Au total, 262 navires accostent à Chinon chaque année pour y charger près de 6 000 tonnes de marchandises (vins, céréales, pommes de terre, osier, cendres). D'autres y débarquent le charbon de Blanzy, les ardoises de Trélazé, la pierre de Montsoreau, la chaux de Paviers, verrerie, quincaillerie, poissons frais ou salés, des pièces de bois pour la tonnellerie, du foin. Tributaire de la batellerie de Loire, celle de la Vienne ne survivra pas au déclin consécutif à l'arrivée du chemin de fer et à la déshérence des voies fluviales. Le dernier transport sur Vienne enregistré à Chinon (de la pierre de Montsoreau) date de 1912-1913.
Sous l'ancien régime, le transport du sel constitue une activité importante, tant par le volume que par les droits qu'elle génère. Les Chinonais, appartenant à un pays de grande gabelle et lourdement taxés à cet égard, ne peuvent pas résister à la tentation que représente le sel du Poitou voisin, pays de « franc-salé ». Pour lutter contre la contrebande, un « grenier à sel » est établi à Chinon. Sur le terrain, la chasse aux faux-sauniers (embarqués ou à cheval, en gros ou au détail) est menée par le capitaine des Gabelles, assisté de brigadiers, de sous-brigadiers et d'archers qui disposent leurs postes de contrôle le long de la rivière et inspectent les chargements suspects à la recherche de l'objet du délit. Descendant la Vienne, de nuit, depuis Châtellerault, les faux-sauniers payent parfois de leur vie leurs expéditions, de même que les gabelous et leurs auxiliaires, houspillés par la population et par les contrebandiers, et parfois même victimes du devoir,.
Chinon de la Révolution à l'Empire
En 1789, deux Chinonais figurent parmi les douze députés du tiers état de Touraine. Pendant les événements, la population de Chinon, majoritairement favorable à la constitution de 1789, doit composer avec les accès de fièvre patriotique et révolutionnaire attisés par un petit nombre d'exaltés, tout en restant relativement épargnée par les violences. Le quotidien des Chinonais est marqué par l'inflation, les disettes, le brigandage, la vente des biens nationaux, la chasse aux prêtres réfractaires, la conscription et la traque des déserteurs. La ville vit au rythme des processions et célébrations organisées sans discontinuer par les zélateurs de l'ordre nouveau : fête de la jeunesse, de la souveraineté du peuple, des époux, de la reconnaissance, des laboureurs, etc..
En 1792, Chinon annexe les communes éphémères de Parilly, Saint-Louand et Saint-Mexme-les-Champs. Lors de la création du département d'Indre-et-Loire, Chinon devient une sous-préfecture dont le siège occupe une partie de l'ancien couvent des Augustins. Au cours de la période révolutionnaire, la commune porta provisoirement le nom de Chinon-sur-Vienne.
Sous la Terreur, la municipalité, sous la conduite de Chesnon de Baigneux, reste modérée et doit faire face aux fanatiques du District et du Comité révolutionnaire, ainsi qu'aux « buveurs de sang » (évoqués à plusieurs reprises dans le journal tenu par le sellier Bailly, un habitant de Chinon).
La proximité du front de Vendée inquiète les révolutionnaires. En 1793, la ville reçoit de nombreux détachements en route pour le front de l'Ouest. Tallien, représentant du peuple en Indre-et-Loire, séjourne à Chinon, du au , pour ranimer le courage des patriotes. Il y rassemble 5 400 combattants et y constitue une solide base militaire. Mais son contingent est éparpillé sur plusieurs fronts, et le sort des armes semble d'abord favoriser les insurgés : après avoir pris Thouars et Saumur, un détachement vendéen prend possession de Chinon, le , sans qu'un coup de feu n'ait été tiré. Il y reste quelques jours, sans causer trop de dommages, avant de se résoudre à la quitter pour participer à l'attaque contre Nantes. Le danger écarté, les représentants du District et du Comité reviennent en ville où ils accusent la municipalité et les Chinonais de tiédeur et de lâcheté. Trois Chinonais, victimes de l'épuration qui s'ensuit, sont livrés à la guillotine.
L'offensive vendéenne ne s'arrête pas pour autant : les Blancs battent les Républicains à Vihiers et reprennent Saumur, provoquant une déroute qui ramène les troupes débandées à Chinon. Le , Tallien est de retour en ville pour rétablir la situation. Il y rassemble 6 000 hommes et finit par écarter le danger.
C'est dans ce contexte de guerre civile, en , que se déroule, à Chinon, un épisode sanglant : sept cents prisonniers, arrêtés comme « suspects » ou comme « brigands », arrivent de Saumur et sont répartis en divers endroits pour passer en ville la nuit du . Leur trajet a déjà été émaillé d'incidents sanglants. Le lendemain matin, un jeune homme de dix-huit ans, Le Petit, membre du comité révolutionnaire de Saumur, qui commande le convoi, en dirige une partie vers la route de Tours. Mais arrivé au pied de la forteresse, il fait aligner les quelque trois cents prisonniers confiés à sa garde contre la muraille et ordonne de procéder à leur exécution. Une plaque rappelle cet événement qui crée, à l'époque, une vive émotion chez les Chinonais.
Sous le Consulat, puis sous l'Empire les principales préoccupations des Chinonais sont la guerre et les conscriptions incessantes qui alimentent les effectifs de la Grande Armée.
Second Empire et guerre de 1870
Comme à chaque changement de régime depuis la Révolution, les édiles accueillent avec enthousiasme le coup d'État du 2 décembre 1851. L'opposition au nouveau régime se concentre dans le corps des sapeurs-pompiers et dans la société populaire « Le Bon Accord », tous deux placés sous surveillance policière par les autorités.
Pendant la guerre franco-allemande de 1870, l’Indre-et-Loire reste à l'écart des grandes batailles, mais des milliers de blessés y affluent. Alors que Tours est le siège du gouvernement de la République, aux termes de l'armistice signé à Versailles le , les Allemands sont autorisés à avancer jusqu'aux approches de Bourgueil, de Chinon et de Descartes. Les Français se retirent à dix kilomètres de façon à créer une zone neutre, défendue aux forces militaires. Dès le , le canton d'Azay est occupé par 400 hommes du .
Première Guerre mondiale
En , les conscrits du Chinonais contribuent - avec des recrues de Touraine, Anjou, Poitou, Berry et des hommes venant des régions envahies du Nord - à la formation du . Les compagnies des ,. Sur les 3 220 hommes que comptait le 409e RI au moment de sa formation, il y eut 1 735 tués et 1 000 blessés. En 1918, il ne restait du régiment originel que 480 hommes. Les noms de cinq Chinonais morts au combat figurent sur le monument aux morts de la ville. Au total, la commune a perdu 173 de ses citoyens du fait de la Première Guerre mondiale.
Seconde Guerre mondiale
L'invasion et l'occupation
En , Chinon voit transiter des convois ininterrompus de réfugiés. Certains logent chez l'habitant, les autres campent place Jeanne d'Arc. Place Mirabeau, des marmites de bouillon et du pain leur sont proposés par la population. L'armée allemande arrive rapidement sur la rive droite de la Loire, à Port-Boulet. Face à elle, une dernière ligne de défense a été établie sur la rive gauche, entre Lignières-de-Touraine et Candes, tenue par des troupes rassemblées à la hâte : des éléments du Saint-Maixent, des cadets de Saumur, des tirailleurs algériens et sénégalais, ainsi qu'un bataillon cycliste venu de Saumur. Les combats autour du pont de Port-Boulet durent trois jours et font de nombreuses victimes, avant que la ligne ne soit enfoncée le à 2 heures du matin. Le jour même, à 8 heures du matin, Chinon est occupée et un général allemand se présente à l'hôtel de ville où il est reçu par le maire, le . La ville n'a pratiquement pas souffert, le conseil municipal ayant dissuadé les militaires français d'y établir une nouvelle ligne de défense et de faire sauter les ponts lors de leur retraite. Avec l'occupation la coexistence avec les Allemands s'organise, sous l'égide du maire, du sous-préfet Paul Cay et de personnalités locales comme Auguste Correch, le proviseur du collège. Ensemble, ils négocient, temporisent et tentent d'éviter les confrontations avec l'occupant, tout en faisant face à la délation, au marché noir, au rationnement et aux provocations. La déportation du (mort au camp de Neuengamme le ) et de 34 autres Chinonais ne suscite pas de réaction visible dans la population. Seuls quelques habitants, dans la clandestinité, parviennent à sauver de jeunes Juifs. C'est ainsi que Jacques Caen, qui deviendra plus tard professeur d'hématologie, membre de l’Académie de médecine et correspondant de l’Académie des sciences, alors âgé d'une quinzaine d'années, est protégé par l'ancien directeur du collège, rue Hoche,. De leur côté, Paul Girard (1904-1985), agent EDF, et son épouse Régine, née Guespin (1903-1985) sauvent Henri et Simon Muflasz, ainsi que Max Perl.
La Résistance dans le triangle L'Île-Bouchard-Saumur-Richelieu
À partir de 1941 la résistance s'organise dans le triangle L'Île-Bouchard-Saumur-Richelieu, centré sur la forêt de Scévolles. Un groupe armé clandestin lié aux FFI est formé. Au total, vingt-cinq Chinonais rejoignent le maquis, et cinq d'entre eux, réfractaires au service du travail obligatoire, y trouveront la mort. Après le débarquement allié en Normandie, Claude Gros (« César »), officier aviateur de la France libre envoyé par le BCRA, est parachuté pour prendre le commandement des opérations de résistance dans la zone. Le
La Libération
Chinon héberge des casernements et des services administratifs nazis. Au no 66 du quai Jeanne-d'Arc, le commandement militaire allemand a investi les locaux de l'hôtel La Boule d'Or. Dès juin 1940, la rue Voltaire, les terrasses du château et le quartier des Justices sont l'objet de bombardement alliés qui font des dizaines de blessés. Avec le débarquement et l'avancée des Alliés, les bombardements s'intensifient. Les 13 et 15 juin 1944, le faubourg Saint-Jacques est visé et une douzaine de morts sont à déplorer. La gare est mitraillée, les 6 et 7 août, par l'aviation alliée.
Alors que Paris a été libéré le vendredi 25 août 1944, les Américains arrivent deux jours plus tard à Port-Boulet, Chouzé-sur-Loire. Les nazis installés dans la Kommandantur de Chinon s'enfuient. Le 28, les troupes allemandes reçoivent l'ordre de quitter la ville, mais, le 29 août, des militaires reviennent pour dynamiter deux arches du pont de pierre, ainsi que le pont du chemin de fer.
Le 30 août, Chinon et ses habitants retrouvent la liberté, l'envahisseur étant « parti sans avoir été chassé ». La commune a perdu 67 de ses citoyens (dont 22 civils) pendant le conflit.
↑ Richaud, 1912, p. 4.
↑ Saint Mesme, abbé à Chinon (Ve siècle), fête le 20 août, Nominis.
↑ Richaud, 1912, p. 1-6.
↑ Michel Dillange, Les Comtes de Poitou, ducs d'Aquitaine : 778-1204, Mougon, Geste éd., ISBN , ISSN 1269-9454, BNF 35804152), p. 55.
↑ Richaud, 1912, p. 8-9.
↑ Richaud, 1912, p. 12-13.
↑ Richaud, 1912, p. 14-17.
↑ Richaud, 1912, p. 15-21.
↑ Richaud, 1912, p. 26-36.
↑ Richaud, 1912, p. 33-35.
↑ Richaud, 1912, p. 39-44.
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↑ Richaud, 1912, p. 67-72.
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↑ Gildas Salaün, « La Monnaie de Chinon durant la Guerre de Cent Ans », Monnaie magazine, octobre 2019, ISSN 1626-6145).
↑ Richaud, 1912, p. 108.
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↑ Richaud, 1912, p. 169-170.
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↑ Marie-Rose et Pierre Souty. La vie d'une communauté religieuse au siècle. Les Ursulines de Chinon. Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon. t. 6, no 10, 1966.
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↑ A. Boucher. La navigation sur la Vienne à travers les âges. Bulletin de la société des Amis du Vieux Chinon. t. 6, no 10, 1966, p. 568-577.
↑ A. Boucher. La navigation sur la Vienne à travers les âges. Bulletin de la société des Amis du Vieux Chinon. t. 7, no 1, 1967, p. 103-112.
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↑ a et bMémorial d'un habitant de Chinon (1789-1830), Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon.
↑ Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui, « », sur ehess.fr, École des hautes études en sciences sociales (consulté le 12 décembre 2012).
↑ Richaud, 1912, p. 183-190.
↑ Richaud, 1912, p. 192-194.
↑ Le coup d'État du 2 décembre 1851 et ses répercussions à Chinon. Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon, 1952, t. 5, N7, p. 300-302.
↑ Voir Francine Fellrath-Baca. La guerre de 1870-1871 en Touraine : un nouvel éclairage. Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, tome 23, 2010, p. 71-90.
↑ Régiment d'Infanterie Imprimerie Blay & Martin – Chatellerault.
↑ En 1915, deux mille soldats étaient cantonnés à Chinon. La Nouvelle République, 31 octobre 2015.
↑ Dr Jean-Claude Lenoble. Le Sacré-Cœur de Chinon. Le vœu du curé Vivien pendant l'Occupation. Bulletin de la Société des amis du Vieux Chinon. t. 10, no 4, 2000. p. 373.
↑ Cf. Galdea, chapitre Chinon.
↑ a et b[2] Il y a 70 ans, Chinon était libéré. La Nouvelle République, 30 août 2014.
↑ Chronologie réalisée en 2011 par les services de la Communauté de Communes du Pays Loudunais, avec l'aide de l’association du « Maquis de Scévolles ».
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Sie befinden sich in der französischen Version der Website, Ihr System gibt jedoch an, dass Sie die deutsche Sprache bevorzugen. Die gesamte Site ist noch nicht übersetzt, aber die Menüs und Schaltflächen auf der Benutzeroberfläche sind weitgehend übersetzt.
21/11/2024 23:46:03 Cette version de la page est en cache (à la date du 21/11/2024 23:46:03) afin d'accélérer le traitement. Vous pouvez activer le mode utilisateur dans le menu en haut pour afficher la dernère version de la page.
Document créé le 03/01/2018, dernière modification le 30/10/2024 Source du document imprimé : https://www.gaudry.be/lieu/fr/fr-cvl/34636.html
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