Ibiza
Localisation
Ibiza : descriptif
- Ibiza
Ibiza (/i.bi.za/ ; en espagnol : /i.ˈbi.θa/ ; en catalan : Eivissa, /əj.ˈvi.sə/) est la plus grande des îles Pityuses et l'une des quatre grandes îles habitées de l'archipel des Baléares
Celui-ci forme l'une des dix-sept communautés autonomes d'Espagne, en mer Méditerranée, dont l'île d'Ibiza est l'une des provinces
Elle est dirigée par le Conseil insulaire d'Ibiza et subdivisée en cinq communes (voir plus bas). Ibiza, île historiquement pauvre, marquée autrefois par l'isolement, a connu un prodigieux essor touristique au XXe siècle et affirme au début du XXIe siècle une identité « festive, multiculturelle, ludique et cosmopolite »
Cet essor galopant entraîne aussi son contre-pied qui fait que les habitants sont aujourd'hui plus enclins à se rattacher à leur passé folklorique et historique. Le nombre de touristes est évidemment élevé durant les mois d'été
La ville principale et capitale, Ibiza, est réputée pour ses fêtes, ses plages et ses paysages.
Géographie
-
Port -
Platja de Comte -
Es Cubells -
Ancienne maison de campagne
Situation
Ibiza se situe en mer des Baléares. Elle couvre une superficie de 572 La Nau et de Sant Antoni ainsi qu'à une centaine de kilomètres des côtes de Valence, dans la péninsule Ibérique. Elle est également relativement proche des côtes algériennes (254 kilomètres). L'archipel des Pityuses comprend l'île d'Ibiza et celle de Formentera, ensemble géographiquement homogène couvrant une superficie globale de 623 . Il comporte de nombreux îlots, tels que celui de Tagomago, d'Es Vedrá d'Es Vedranell ou encore, de Castaví, à titre d'exemples.
Avec la grande île Majorque, au relief varié, comportant le Pla central derrière une chaîne montagneuse, la , avec Minorque et avec sa voisine Formentera, la plus occidentale de l'archipel, elle forme la province espagnole des Baléares s'étendant sur 5 014 1978. Le gouvernement de la communauté autonome, nommé Generalitat, siège à Palma. Doté d'un statut autonome depuis 1983, il s'occupe principalement de l'éducation, de la culture et des affaires sociales.
Relief et sols
L'altitude maximale d'Ibiza se place au sommet de la Sa Talaiassa (ou plus communément Sa Talaia), qui culmine à 475 mètres dans la Serra de Cala Molí à quelques kilomètres de Sant Josep, chef-lieu de commune. L'île vue de l'espace satellitaire apparaît bosselée : elle possède un relief de collines et de hauts plateaux, désigné par le terme catalan de serra (chaine en français), car elle présente l'aspect de mont allongé ou de barrière visuelle à l'observateur depuis les plages ou les étendues maritimes. Les plateaux de la Serra dels Mussols et la Serra Grossa au centre n'atteignent respectivement que 347 mètres au Es Forn Nou et 398 mètres au Puig Gros. La Serra de la Mala Costa, au nord-est, ne culmine qu'à 410 mètres à la Sa Torreta. Les terrains, essentiellement à base de roches calcaires, notamment du Crétacé ou du Jurassique sur les hauteurs, parfois préservées dans des reliefs karstiques caractéristiques, et de roches marneuses du trias, souvent étage du Keuper, ont été profondément transformés par des pluies diluviennes et des atterrissements torrentiels des sols préhistoriques avant les diverses pratiques agricoles, pastorales, sylvicoles des temps antiques, médiévales et modernes.
Ses rivages sont très contrastés, avec des plages de sable et des criques, des côtes escarpées et des zones lagunaires.
Formation géologique
Les îles Pityuses et Gymésies, formant les Baléares, à l'instar de la Corse et la Sardaigne, sont le résultat d'un détachement il y a trente millions d'années d'une grosse lamelle disloquée au sud de la plaque ibérique d'origine hercynienne.
Cette lamelle dont la plus large part contenait au nord-est les terrains-supports de la Corse et la Sardaigne s'est rapidement fragmentée. Les morceaux ont continué leur dérive. Toutefois, la partie méridionale support des îles Pityuses et Gymésies n'a connu qu'une translation et une rotation de très faible amplitude, arrêtée précocement, mise à part la micro-plaque de Minorque, au contraire de la Corse et de la Sardaigne, terrains géologiques soumis également à une puissante rotation anti-horaire. La différence de migration des morceaux méridionaux et septentrionaux s'explique autant par la formation du bassin provençal, c'est-à-dire du golfe du Lion que par la différence de compression due à la plaque africaine.
Climat
Ibiza est caractérisée par un climat méditerranéen doux, sec et très ensoleillé. Les îles Pityuses sont baignées par le courant marin côtier, dit « de Catalogne ». Chaudes et sursalées, ses eaux de plus en plus denses circulent du golfe du Lion à la mer d'Alboran, baignant d'abord les côtes du Languedoc, puis de la Catalogne et de l'Andalousie jusqu'à Gibraltar.
En de nombreux endroits, les précipitations sont inférieures à 500 . Les moyennes mensuelles oscillent en général entre 14 . Les nuits et les matinées hivernales peuvent se révéler froides voire désagréables (forte humidité par évaporation de la mer, vents marins violents, fraîcheur persistante dans les vallées ou les hauteurs).
Le climat est plus sensible aux influences africaines du fait des vents chauds dominants venus du sud, assez forts et dominants pour faire tourner, autrefois, les ailes des moulins à vent. Ces vents africains expliquent en particulier la sécheresse de l'air.
Mois | jan. | fév. | mars | avril | mai | juin | jui. | août | sep. | oct. | nov. | déc. | année |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Température minimale moyenne (°C) | 8,1 | 8,3 | 9,6 | 11,4 | 14,6 | 18,4 | 21,4 | 22,2 | 19,9 | 16,5 | 12,3 | 9,5 | 14,3 |
Température moyenne (°C) | 11,9 | 12,1 | 13,7 | 15,6 | 18,6 | 22,6 | 25,6 | 26,3 | 23,8 | 20,2 | 15,9 | 13,1 | 18,3 |
Température maximale moyenne (°C) | 15,7 | 15,9 | 17,7 | 19,7 | 22,7 | 26,8 | 29,7 | 30,3 | 27,7 | 24 | 19,6 | 16,7 | 22,2 |
Record de froid (°C) date du record |
−1,2 2005 |
−3 1956 |
0,8 1965 |
3,4 1986 |
6,8 1960 |
10 1984 |
14 1978 |
11 1969 |
11,4 1972 |
6,3 1956 |
1 1965 |
−0,4 1962 |
−3 1956 |
Record de chaleur (°C) date du record |
24,7 2021 |
23,5 2000 |
26,5 2001 |
27,8 1992 |
31 2015 |
36,5 2003 |
36,6 2000 |
37 2018 |
38,4 2016 |
32 2014 |
28,4 2013 |
23,8 2010 |
38,4 2016 |
Nombre de jours avec gel | 0,1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0,1 |
Ensoleillement (h) | 162 | 166 | 211 | 246 | 272 | 299 | 334 | 305 | 236 | 205 | 157 | 151 | 2 744 |
Précipitations (mm) | 37 | 36 | 27 | 31 | 27 | 11 | 5 | 18 | 57 | 58 | 53 | 52 | 413 |
Nombre de jours avec précipitations | 4,9 | 5 | 3,3 | 4,1 | 3,2 | 1,4 | 0,5 | 1,5 | 4,2 | 5,6 | 5,6 | 5,4 | 44,7 |
Humidité relative (%) | 75 | 73 | 72 | 70 | 70 | 67 | 67 | 69 | 71 | 73 | 73 | 74 | 71 |
Nombre de jours avec neige | 0,1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0,2 |
Nombre de jours d'orage | 1 | 0,6 | 0,7 | 1 | 0,8 | 0,9 | 0,5 | 1,5 | 3,1 | 2,9 | 1,6 | 0,8 | 14,8 |
Nombre de jours avec brouillard | 0,7 | 0,8 | 1 | 0,6 | 0,2 | 0,1 | 0,1 | 0 | 0 | 0,2 | 0,1 | 0,3 | 4,5 |
Diagramme climatique | |||||||||||
J | F | M | A | M | J | J | A | S | O | N | D |
15,7 8,1 37 | 15,9 8,3 36 | 17,7 9,6 27 | 19,7 11,4 31 | 22,7 14,6 27 | 26,8 18,4 11 | 29,7 21,4 5 | 30,3 22,2 18 | 27,7 19,9 57 | 24 16,5 58 | 19,6 12,3 53 | 16,7 9,5 52 |
Moyennes : • Temp. maxi et mini °C • Précipitation mm |
- L'archipel est l'objet d'étude de l'encyclopédie d'Ibiza et de Formentera, soit Enciclopèdia d’Eivissa i Formentera, opus cité mise primitivement en ligne sous http://www.eeif.es.
- La Generalitat désigne, selon la tradition médiévale, l'impôt général sur le revenu et sa perception.
- La communauté autonome était la plus riche d'Espagne au début des années 1990, bénéficiant d'une croissance économique de l'ordre de 5 %, depuis la fin des années 1980. Elle possédait en 1993, le taux de motorisation par habitant le plus élevé d'Espagne.
- Une description classique de morphologie classique de l'entre-deux-guerres est proposée par P. Fallot, « Esquisse morphologique des Iles Baléares », Revue de géographie alpine, Volume 11, Année 1923, Numéro 11-2, [1].
- Paysages de rivages d'Ibiza en périodes non touristiques
- Il s'agit d'une conséquence lointaine de la création du profond golfe de Gascogne, commencée à la fin du Crétacé, phénomène géologique créateur de la chaîne cantabrique, entraînant une puissante rotation anti-horaire de la plaque ibérique, puis par un puissant glissement-frottement de la plaque ibérique sur la plaque européenne résiliente, la formation de la chaîne pyrénéo-provençale, par l'effet de compression de la plaque africaine. Les terrains castillans étaient auparavant voisins des terrains vendéens.
- La Corse s'est, en résumé, séparé de la Basse Provence, la Sardaigne des Grands Causses languedociens. Lire l'article et regarder la rotation du bloc corso-sarde [2].
- Au début des années 1990, le météorologue relève 2 900 heures d'ensoleillement assurées au Pityuses en moyenne contre 2 600 heures aux Baléares.
- Ces données thermométriques moyennes sont caractéristiques des décennies 1980 et 1990 pour l'archipel des Pityuses. Le climat des Baléares est légèrement plus frais.
- À Palma, la température moyenne des journées de janvier était comprise entre 14 °C et 6 °C, avec 8 jours de pluie. À Mahon à l'est de Minorque, île venteuse, soumise à la tramontane froide et aux divers vents du nord, entre 13 °C et 7 °C, avec 10 jours de pluie.
- », Agencia Estatal de Meteorología (consulté le ).
- », Agencia Estatal de Meteorología (consulté le ).
Histoire
L'île avec ses baies verdoyantes, ses vallées dont les failles laissent surgir de nombreuses sources, ses collines et monts forestiers est peuplée au Néolithique, par des peuplades d'origines indéterminées, ni indo-européennes ni sémitiques.
Une préhistoire méconnue
Les Hommes sont présents sous forme de sociétés clairsemées vers 5000 .
Vers 2000 . Entre 1600 , maîtrise l'irrigation ; les poteries fines et les faucilles en silex sont communes. Avant 700 phéniciens entrent en contact avec ces populations déjà unifiées : ces échanges apportent à ces derniers un filage et un tissage plus raffiné, une extension des capacités des poteries et un art chimique du feu mieux maîtrisé, avec l'introduction de la verrerie, le développement de la céramique et de la métallurgie. Commence alors l'exploitation abusive des chênaies, autant pour cette proto-industrie que pour le bois de chauffe ou de cuisson, sous une forme précoce de charbons de bois pour les divers braseros ou usages techniques.
Une île sous le contrôle des thalassocraties phéniciennes et puniques
En , les Phéniciens fondèrent un port dans cette île de l'archipel des Baléares, qu'ils nommèrent Ibossim, pour les nécessités du commerce du murex du sel, du marbre et de plomb argentifère qu'ils tirent respectivement des rivages et des collines intérieures, sans oublier l'approvisionnement en victuailles fraîches pour assurer le cabotage maritime qui longe le plus souvent la côte orientale. À la suite du déclin de la métropole phénicienne, réduite par les Assyriens, Ibiza passa sous la dépendance de Carthage, la plus grande colonie phénicienne de la mer Méditerranée qui exerce son autorité sur l'Ibérie méridionale dite phénicienne, à partir d'une capitale marchande nommée Akra Leuca par les Grecs.
Le nom punique ybšm nous est connu par une découverte archéologique de monnaies et gravures datant du langue sémitique suggère une île (préfixe caractéristique y), un radical bš qualifiant probablement les habitants, si la terminaison m ou im indique la marque du pluriel. Dans ce modèle simple, les premiers habitants, pas nécessairement phéniciens ou Poeni, peut-être ibères ou peuplades de mer, seraient des būsim ou bosoim.
Des navigateurs grecs fréquentent régulièrement les rivages de l'île, comme le confirme l'historien hellène Timée de Tauroménion, cité par Diodore de Sicile ou l'escale légendaire des navires de Pythéas voguant vers les Cassitérides. S'installent-ils aussi à Ibiza, à la même époque que les Phéniciens ? Une cohabitation est peu probable, connaissant la violence des guerres gréco-puniques qui ravagent la Méditerranée occidentale, et qui ne laisse que des rancunes tenaces. En tous cas, ces grands voyageurs de la Grande-Grèce nommèrent tardivement selon Plutarque Pityûssai ou Pityoussa - littéralement : « couvertes de pins » ou îles aux pins - les îles du sud-ouest de l'archipel, Ibiza, Formentera et leurs îlots proches.
De l'imperium romain à sa disparition
Le nom de l'île, adopté au masculin par les Romains, deviendra d'après Pline l'Ancien ou Tite-Live Ebusus. Dans l'Empire gréco-romain tardif, selon Strabon, le terme grec est Ebousos. Mais, comme toutes les îles gréco-romaines, le nom sera ensuite féminisé en Ebusa. Cette forme est bien à l'origine des diverses formes connues : catalane Eivissa, castillane Ibiza, arabe yābisa. Une étymologie populaire évoque que, en arabe, yâbisa signifie "la sèche".
Ibiza et Formentera ne sont point accaparées à la suite de la deuxième guerre punique en 123 Caecilius Metellus, à l'instar des deux autres îles des Baléares. Placées sous surveillance, elles restent une place forte et un havre punique. Même après la destruction de Carthage, les Pityuses, occupée par l'armée romaine, ne seraient pas colonisées. À part quelques marchands gréco-romains ou orientaux, la composition ethnique correspond longtemps à l'ancien kaléidoscope des peuples sous l'ancienne hégémonie punique.
La marine romaine dès le . Avant ces aménagements artificiels qui verdissent les abords et parfois les pentes intérieures, Ibiza et Formentera dévoilent surtout leurs escarpements rocheux et leurs terres argileuses, couvrant une large gamme de rouges. Mais avec l'érosion, ces aspects sauvages et colorés, appréciés par les peintres nordiques, réapparaissent facilement.
Les cultures dont s'occupent les quelques grands domaines de l'île sont principalement les bleds, les vignes et les oliveraies. Ainsi sont construits des moulins à huile perfectionnés avec une grande meule, appelé plus tard localement trull. La christianisation de l'île est effectuée au Tarraconaise.
La domination de la marine romaine s'évanouit avec l'arrivée de militaires ou barbares, les Vandales d'abord venus des ports andalous en 421 avec l'aide initiale de marins ibériques. Leur période de domination ne change aucunement la structure d'exploitation latifundiaire, de même qu'elle n'entrave pas les relations maritimes de l'île, étendues et importantes de la Bétique à la Corse, la Sardaigne et à la Tunisie. Mieux elle met fin aux monopoles institués par la flotte romaine et libère les échanges et les mouvements de populations. En particulier, des Vandales s'y installent avec leurs alliés berbères. Mais l'essor est court, Les derniers Vandales d'Andalousie doivent se soumettre au puissant roi des Wisigoths qui réoriente commerce et trafic au bénéfice de la côte proche et la cité de Tarragone, centre conservateur chrétien. Les Vandales des îles commencent alors à jouer un double jeu, amenant des formes de piraterie captatrice de richesse, en particulier au profit de l'île d'Ibiza ou s'engageant au service d'autres royaumes germaniques.
Les mercenaires de la flotte byzantine sous les ordres de Bélisaire conquièrent en 553 au nom de Justinien ces foyers de piraterie que sont, selon eux, Pityuses et Baléares, dans un déchaînement de violence inouï malgré une faible résistance. En mettant en avant les valeurs de justice de la société byzantine, ils auraient disposé d'une adhésion des populations partout chrétiennes, au lieu de les assimiler à la minorité hérétique arienne. Malheureusement, l'épidémie de peste lépreuse, contemporaine de leur installation, en fit des étrangers cruels aux pouvoirs maléfiques.
La principale île al-andalous occidentale : quatre siècles de domination musulmane
À la suite de ses dévastations, les îles sont placées sous gouvernance militaire : elles sont facilement envahies par des groupes de pirates berbères, puis des bandes musulmanes de 730 à la fin du andalouse arabo-berbèro-persane, dite des Omeyyades du califat de Cordoue. Ce pouvoir est tolérant sur les plans religieux et politique, et surtout ouvert sur l'héritage des savoirs antiques et les innovations techniques. Les îles Baléares (dont les Pityuses) sont désormais nommées à la façon berbère îles al-andalus. Leur capitale mauresque dépassant 25 000 habitants à la fin du se nomme Medina mayurqa (Palma).
L'île d'Ibiza soumise précocement, vers 840, devient ainsi à partir du . Outre d'exceptionnelles productions de céramiques et les premières installations de moulins à vent pour moudre les céréales, les populations laissèrent une extension des cultures irriguées et de terrasses de petits champs plantés d'arbres, espaces labourés réservées in fine à des cultures sèches, protégés par une arboriculture raffinée, continuatrice du meilleur art du jardin gréco-romain, étendirent la culture de l'amandier et du caroubier sur les versants des vallées abritées. Il en reste quelques belles traces architecturales encore visibles aujourd'hui, parfois sous ou au sein même des bâtiments. L'île d'Ebusa était désignée par les Arabes sous la forme dérivée Yebisa quand la ville connue aujourd'hui comme Ibiza/Eivissa était désignée par les arabophones comme Madina Iabisa. En arabe dialectal, yebisah ou yābisa signifie « la sèche » ou « la blanchie de soleil ». Cette interprétation peut s'appliquer à quelques constructions, tours et phares de surveillance dont les fondements sont très anciens, mais nullement à l'île qui paraît verte par ses arbres et rougeâtre par sa terre érodée ou ses roches.
Plusieurs siècles de domination musulmane sur des minorités chrétiennes paysannes virent les Baléares dépendre de pouvoirs locaux, rassemblés ensuite sous le califat de Cordoue, puis après la décomposition politique de la tête de ce dernier, dépendre de la taïfa de Dénia en 1031, enfin tenter de s'émanciper sous un statut d'émirat indépendant lorsque la secte berbère des Almoravides, intolérants et extrémistes, génère en Espagne une grande régression sociale, économique, source de chaos, de décadence et de mise en esclavage généralisée.
Mochehib ibn-Yusuf, maître de la taïfa de Denia dès 1031, se tourne vers les richesses maritimes, il exige avec patience des tributs des gouverneurs ou walis à velléités expansionnistes des îles al-andalous pour reconstruire une flotte protectrice commune. Une fois en possession de bons navires, de marins expérimentés et d'hommes de guerre dévoués à sa personne, il se lance en 1035 dans une entreprise de conquête outre-mer, en commençant par une reconquête violente et guerrière des îles al-andalous dont il élimine sans vergogne la noblesse locale, celle issue des responsables à l'origine de l'apogée pacifique et technique des îles. Il y place comme wali un de ses fidèles serviteurs, Al-Murtaba ben Aglab, esprit religieux intransigeant et austère, qui taxe lourdement les sujets survivants alors que le souverain poursuit en 1036 sa route vers la Sardaigne et la Corse. Mais la guerre entreprise au loin tourne au désastre en Corse, et les Sardes un temps soumis génèrent en réaction une résistance insoupçonnée qui rend un maintien d'hégémonie sur l'ensemble de la Sardaigne aléatoire. Mochehib, épris d'une captive chrétienne, négocie et repart vivre dans le luxe à la cour de Dénia. Il s'efforce de contrôler la voie maritime qui passe par les îles al-andalous : pèlerinages vers Jérusalem ou La Mecque, trafic d'esclaves, commerce et échanges de matériaux (bois, plomb, argent, ivoire), de matières précieuses (or, ivoire, soie), de denrées de base (sel) ou de luxe (épices) y compris avec les chrétiens du comté de Barcelone. Lui et son fils héritier, Ali ben Mochehib instituent en guise d'acte de tolérance diplomatique le comte de Barcelone en protecteur des chrétiens des îles al-andalous. Mais Ali, assez tolérant vis-à-vis des Chrétiens, affublé d'un surnom péjoratif hérité de sa mère chrétienne, est renversé en 1076 par Al-Muqtadir, roi de Saragosse qui fait piller Dénia par ses mercenaires chrétiens.
Mubasir al-Murtaba, le nouveau wali, est resté indifférent à la chute de son maître : il gère désormais pour son propre compte les îles autonomes, il y frappe monnaie à ses armes de 1077 à 1093. Le quasi-refus de payer tribut est lourd de menaces pour les îles al-andalous, dont les ressources s'épuisent à conserver une activité maritime intense tout en voyant se perpétuer une domination sociale inique, au profit du grand palais de Medina Mayurqa et de ses courtisans.
Une minuscule marge îlienne de la Chrétienté : Conquista et Reconquista
Ce n'est pas un hasard si Ibiza, Formentera et Minorque, ainsi que les rivages de Majorque, déjà mis à sac et colonisés par quelques tribus berbères servant les intérêts des maîtres, sont envahies sans résistance par le roi chrétien norvégien de Norvège dit le Croisé de 1108 à Formentera et Ibiza au printemps 1110 à Minorque sur le chemin de sa croisade vers Jérusalem, après qu'il eut libéré Sintra, Lisbonne et Alcácer do Sal. Lui et ses hommes bien disciplinés pillent avec méticulosité les villages et les villes arabo-musulmanes. Au terme de cette curée, Sigurdr écrit pour remettre ses conquêtes sous domination chrétienne. Mais après le départ des Croisés nordiques, libérateurs sans le vouloir d'un joug oppressant, les îles, acceptant plutôt concorde et paix avec les Chrétiens que soumission, souhaitent s'émanciper.
Les intérêts italiens se manifestent, en particulier de la cité de Pise qui lorgne sur les deux archipels d'Al-Andalus à vocation maritime, situés entre Espagne et Afrique. Pise souhaite y fonder un centre pour ses affaires commerciales et une base pour leur marine, officielle ou corsaire, pour mieux rivaliser avec Gênes. Parfaitement avisés par leurs correspondants, les Pisans forcent l'alliance du comte de Barcelone, le timoré Ramon Berenguer III avec l'aide du pape Pascal II. La campagne maritime échoue, à la grande surprise des envahisseurs, en 1113. En 1114, les forces conjointes pisanes et catalanes dévastent avec férocité les Pityuses, laissant une terre brulée[réf. nécessaire]. Les Pisans embarquent biens et otages dans leurs vaisseaux. Les forces coalisées souhaitent pouvoir concentrer leurs derniers, mais aussi vains efforts de conquête, sur le port et centre urbain de Medina Mayurqa.
Ces dévastations guerrières suivis de pillages, exécutés à titre ultime par les Italiens pour supprimer un concurrent commercial assorti d'une menace pirate, ouvrent la voie au pouvoir almoravide, aux mains de berbères religieux, ignorants, violents et autoritaires[réf. nécessaire], qui soumettent l'ensemble des îles en [1115]. Ishaq ibn-Ganiya maintient les îles al-andalous sous une férule intégriste, oriente le commerce vers l'Afrique et sa piraterie brutale vers l'Europe. Protégé par des mercenaires et assuré par des tractations entre les incontournables thalassocraties italiennes (Gênes, Pise, Venise), qui raflent le monopole du commerce avec l'Europe, et les pouvoirs berbères, le wali souverain, au statut de nature presque royale, opprime et asservit son peuple à mesure qu'il accroît sa richesse et son influence. Au point que ses successeurs contrôlent en 1190 un grand nombre de comptoirs de la Méditerranée occidentale. Le seuil est atteint en 1202 lorsque les anciens alliés des walis, les islamistes locaux, détrônent avec cruauté la dynastie repue de luxe : les élites et les serviteurs qui n'ont pas fui le palais à temps sont décapités.
Fruit de guerres civiles atroces qui dévastent la péninsule espagnole sans discontinuer depuis 1143, les Almohades font alors irruption en 1203 sur l'ensemble des îles pour restaurer l'ordre. L'ancienne population musulmane est asservie et misérable, soumise à des lois en principe religieuses, mais bien souvent arbitraires, au seul profit des maîtres, les derniers Chrétiens mis en esclavage ou chassés et les Juifs confinés par des mesures répressives ne jouent plus de rôles significatifs dans une société inégalitaire et clanique.
La reconquête chrétienne efficace fut préparée patiemment et menée par le Conquérant, roi d'Aragon, qui s'empare de Palma en décembre 1229. Le souverain institue des baux emphytéotiques accessibles à une petite paysannerie colonisatrice, cultivatrice de froment, pour assurer la nourriture de la nouvelle ville chrétienne de Palma et des autres villes catalanes.
Des Croisés, menés par l'entrepreneur de guerre et sacristain de la cathédrale de Gérone, Guillermo de Montgrí , qui revendique le droit de conquête accordé par Jacques 1235. Guillermo de Montgrì se fait proclamer gouverneur de l'île et du château par ses soldats mercenaires, administre avec réalisme la terre acquise, sans expulser quiconque et en cherchant à cumuler le maximum de profit. Le sacristain-gouverneur laisse les Maures aux manettes de l'économie agricole, comprenant que faire venir des colons chrétiens, comme l'imposaient les évêques soutenant la conquête, présente un coût exorbitant. Pour payer ses dettes et ses emprunts de guerre, il accapare simplement à son nom la part royale, c'est-à-dire la moitié des terres royales, obligé de laisser l'autre moitié aux deux acolytes, vendeurs du droit de conquête, Don Pedro et Nuño Sançh, venus aussi vite à la curée. Toutefois tous ces agissements suscitent remontrances et contestations du roi Jacques pour sa couronne et, surtout, après 1238, de l'archevêque de Tarragone élu pour son archidiocèse. Alors que le gouverneur s'obstine et accapare avant d'en venir à la négociation inévitable avec les autorités parentales et royales, Don Pedro, affairiste averti, s'empresse de rétrocéder l'essentiel de ses fiefs pillés à la couronne, tout en obtenant l'assurance de poursuivre de juteuses opérations de déplacement de populations maures, esclaves ou non, îliennes ou continentales, à partir de Formentera, dont il conserve une part avec les salines, sans oublier de monopoliser celles d'Ibiza. Nuño Sançh hésite, puis redoutant une sanction, se confesse à l'archevêque en lui donnant tous ses biens fonciers, également déjà lourdement taxés ou pillés par ses soins, pour que le prélat calme le courroux royal. L'archevêque, répondant à la volonté papale, souhaite coloniser l'île : il obtient une bulle du pape, autorisant à lever les interdits sévères frappant les pyromanes, les trafiquants et délinquants vendeurs d'armes aux Maures, les personnes proscrites, accusés d'avoir attenté aux biens et aux membres du clergé, à condition que ces derniers s'installent en personne ou par procuration sur Ibiza. Après 1245, l'inamovible gouverneur constatant la fragilité de l'économie et le retour de la piraterie libère pour un temps de vie les colons des impôts commerciaux, en sel, bois et matériaux de construction, les autorités attirent ainsi des familles bourgeoises chrétiennes, avec leurs serviteurs, qui peuplent aussitôt la ville et assurent le nécessaire financement de l'économie locale, mais cela aussi permet aux nobles gens d'armes installés de faire venir des femmes chrétiennes pour les intendants ou régisseurs, contrôleurs ou contre-maîtres de leur domaine. Les groupes de pêcheurs catalans, toujours associés à un domaine protégé à l'intérieur des terres, exploitent les ressources côtières et maritimes avec leurs bateaux à coques rondes.
Alors que la mise en location de terres était rare au début de la conquête, Formentera, jugée probablement difficile à défendre d'une incursion barbaresque, est « cédée à perpétuité » en 1238 par le gouverneur Montgrì. Cette location régalienne — il s'agit d'y installer des colons à baux emphytéotiques — ne concerne pas la part de Don Pedro (probablement limitée aux salines et au port idoine de La Sabina) et quelques domaines réservés aux hospices et ermitages, soit la part de diverses fondations religieuses sous la protection de l'archevêque et de ses évêques. Et, bien sûr, elle n'exempte pas de la dîme de blé et de viande (c'est-à-dire sur les nourritures essentielles) conservée par le seigneur « selon les coutumes d'Ibiza », en sus des droits dus à l'Église.
De 1235 à 1276, Ibiza et Formentera sont intégrées d'abord par des intérêts privés (agissant au nom du roi et des investisseurs), puis par les deux pouvoirs, royal et épiscopal, de plus en plus hégémoniques après 1239, dans le cadre de la couronne d'Aragon. Elles quittent ce giron administratif pour intégrer le royaume de Majorque, dont la capitale continentale est Perpignan, et obtiennent un statut mixte, favorable aux libertés religieuses, aux échanges et aux commerces inter-ethniques, y compris les marchés d'esclaves, pendant une décennie de 1276 à 1286. Après une petite décennie de retour à la couronne de 1286 à 1295, Ibiza reprend son statut semi-autonome antérieure. Après 1343, les îles du royaume majorquin sont unies à la couronne d'Aragon et remises définitivement à la province chrétienne tarraconnaise.
L'île catalane
Ibiza n'est alors qu'une finca des évêques de Tarragone, divisée initialement en quatre paroisses (parroquies) calquées sur les quarterons. Les habitants survivants des épidémies de pestes ravageuses après le milieu du . L'administration royale comprend que les disettes et famines proviennent le plus souvent de l'exportation rapide des récoltes céréalières (dîmes, productions domaniales) par voie maritime et sont en conséquence une conséquence du marché libre des maîtres et de la spéculation des autorités religieuses. Elle décide de centraliser le commerce des grains par le contrôle d'un botiguer ou intendant des grains, qui inventorie les récoltes, prend en charge le stockage nécessaire et la redistribution éventuelle des semences et des farines, autorise l'exportation des surplus.
Aussi il est possible que les paysans locaux dépossédés, véritables forces de main d'œuvre incontournables, aient tenté de se réorganiser en de solides communautés, ils ont d'abord cherché à constituer des réserves d'irrigations artificielles, déversées temporairement par un canal vers de petites huertas paysannes libres. Ils sont rejoints par des colons tout aussi misérables, appelés par les nouveaux maîtres. Maîtres et colons parlent alors un dialecte catalan, celui qui sera plus tard déclaré typique des îles Baléares. En saison sèche, les troupeaux de porcs, de moutons et de chèvres, appartenant à l'évêque ou ses chanoines, ou placés sous leurs honorables protections, débarquent pour paître librement dans l'île qui, de loin, semble toujours verte. Le sel exporté par les autorités ecclésiastiques monopolistiques est extrait des salines où les autorités catalanes ont recours à l'esclavage. Après 1350, le commerce esclavagiste prend une extension prodigieuse, le besoin de main d'œuvre après les grandes épidémies pesteuses justifie des rafles de jeunes hommes et de jeunes femmes, de n'importe quelles conditions, grâce à des raids depuis les rivages vers l'intérieur de l'île.
Au siècle suivant, alors que Mahón fut quasiment anéantie par les Turcs, la ville d'Ibiza se dota d'une enceinte fortifiée. De nombreuses tours de guet furent construites pour la défense de l’archipel (par exemple la Torre des Carregador du XVIe siècle). Elles ne furent jamais dotées d’artillerie. Militairement, ces tours furent abandonnées vers le XIXe siècle. Elles sont appelées « atalaies » (du catalan atalaia, dérivant de l'arabe atalayi qui signifie « sentinelle »). Elles sont constituées d'un rez-de-chaussée et d'un étage auquel on accède par un escalier en colimaçon. La surveillance des tours était assurée par un ou deux gardiens. Un feu la nuit ou la fumée le jour annonçaient aux villages alentour l’arrivée de pirates.
Les églises furent édifiées sur un type défensif afin de protéger les villageois (bel exemple de l’église de Santa Eulàlia ou celle de Sant Carles). L'habitat est dispersé et souvent éloigné des côtes, marqués toutefois par l'exploitation des marais salants. L'insécurité des côtes est préoccupante dès la fin du XIVe siècle puisque Formentera est laissé aux pirates en 1403, avec une grande partie de sa population paysanne : elle force les autorités locales, de plus en plus craintives, à renforcer une apparente cohésion sociale.
Les autorités catalanes, maîtresses de l'économie, ont fini par reprendre le meilleur de l'héritage andalou du almanachs dès le XVe siècle, celles-ci favorisent la réapparition de solides communautés paysannes qui pérennisent à la longue l'implantation étatique. Mieux, elles laissent perfectionner les techniques du bois et du métal et généraliser les moulins, notamment les moulins à eau ou moli d'aigua, alimentant les canaux d'irrigation (se regadorê) vers les terrasses irriguées au-dessus des cours d'eau torrentueux, au débit capricieux.
Le déclin politique frappe les Baléares dont font partie les Pityuses, cœur de l'imperium maritime aragonais, à la fin du alors qu'elle est laissée sans investissement puisque les prélèvements seigneuriaux et les principales rentes financières rejoignent la péninsule. Le conservatisme paysan essaie de préserver ses acquis, mais la pars forana, c'est-à-dire les gens extérieurs à l'île, à la fois non présents et non résidents, qui y possèdent par héritage ou possession des droits, perturbe la vie publique. La noblesse est souvent ruinée et obligée de s'engager auprès de protecteurs puissants ou institutions. Si elle ne l'est pas, elle s'exile, à l'instar des riches bourgeois, qui recherchent une vie plus facile dans la péninsule ibérique. Aussi le choc, de plus en plus violent, ne concerne plus que les dirigeants paysans, dénonçant les spéculations sur les céréales, et les citadins privilégiés. Face à cette animosité qui devient parfois lutte civile, le gouverneur Aymerich veut jouer à l'arbitre, multiplie les mesures impopulaires avant d'être détesté par les élites locales, mais ne résorbent aucune des inégalités fiscales et laisse accroître les pénuries et les incuries. Les Dominicains instaurent, pour défendre autant la sainte religion face aux minorités déviantes ou incrédules, que l'intérêt souvent abusif des temporels religieux, le contrôle de la sainte Inquisition, le tribunal torture et juge avec férocité de 1484 à 1512. Ce contrôle social et religieux totalitaire n'entrave nullement le contrôle de l'économie de base et de subsistance par les navigateurs et commerçants étrangers, l'augmentation des actions dévastatrices des pirates, la croissance endémique de la pauvreté, les disettes et la famine. En 1490, la peste s'allie à la famine pour dévaster les îles : les esclaves des salines agonisent et les paysans se terrent dans leurs demeures, les puissants sont en pleine santé.
La Germania guerra de Majorque a laissé après le retour à l'ordre en 1523 des traces sur les autres îles. Les crimes de sang et les vendettas paysannes ravagent l'île d'Ibiza et expliquent l'affaiblissement général de la densité de population. Les partis paysans patiemment, tout en réglant leurs comptes entre eux, éliminent leurs ennemis d'hier. Partout, les anciens habitants ont conscience d'un processus de colonisation rampant, et les jurats autrefois honorés constatent bien « moins de respect envers Dieu et Sa Majesté ».
Le colossal déclin de la marine marchande est toutefois compensé par les débouchés de la marine de guerre à partir du règne de Charles Quint. L'insécurité des rivages non protégés est parfois totale ; les troupes de mercenaires débarqués pénètrent parfois à l'intérieur des terres pour accaparer les dernières richesses paysannes. Les marins d'Ibiza, les plus entreprenants, comme les ancêtres de la famille Riquer, fondent des compagnies de corsaires. Elles s'illustrent avec leurs petites frégates dans le transport de troupes et dans les expéditions navales du royaume face à la marine ottomane, comme la bataille de Lépante.
L'emprise définitive de la couronne d'Espagne
Les pénuries de céréales sont endémiques, avec le retour de saisons parfois pourries et d'hiver neigeux au . Le paiement des dîmes ne permet pas de faire la soudure alors que les eaux du rio de sainte Eulalie coulent à flots. En 1674, une grande famine affaiblit durablement la moitié de la population d'Ibiza et semble en éliminer un cinquième. La lente reprise démographique qui s'ensuit permet une modernisation des cultures et des installations agro-pastorales.
Victorieuse à l'issue de la guerre de Succession d'Espagne entérinée par le traité d'Utrecht, la dynastie des Bourbons s'impose à l'Espagne. La Grande-Bretagne obtient le 13 juillet 1713 deux bastions maritimes, Gibraltar et Minorque. Les Baléares (y compris les Pityuses), souffrant de troubles endémiques à la fin du Habsbourg. Après la capitulation générale de la péninsule en juillet 1715, Philippe V, au nom de la Couronne d'Espagne, s'empare de Majorque et d'Ibiza, derniers bastions de la résistance carliste. L'occupation militaire en 1716 amène l'abolition des statuts et privilèges traditionnellement octroyés, les plus anciens remontant au temps de la reconquête de Jacques Ier. La fonction de jurat, désignée au sein d'un conseil, disparaît avec les magistrats localement élus, pour laisser place au tribunal des représentants royaux, constituant une noblesse de robe.
Les fonctionnaires d'état, nobles castillans locuteurs ou promoteurs de la langue castillane, régissent l'île au . Le déclin de l'activité maritime est patent au début du . La liberté de commerce avec les dernières contrées espagnoles d'Amérique (îles de Cuba et Saint-Domingue, Porto Rico) et d'Asie (archipel des Philippines) profite à l'économie des rivages de la Catalogne, mais aussi des Baléares. Ibiza, île pépinière de marins chevronnés et novices, fournit une part des cordages et toiles à voile. Les Pityuses et surtout la bourgeoisie de la ville d'Ibiza vivent la perte de Cuba et des Philippines entre 1895 et 1898 comme une catastrophe économique et nationale.
Ibiza se caractérise par un monde paysan dominé, encore étroitement associé sur les rivages à la pêche traditionnelle, encadré par une bourgeoisie foncière de moins en moins commerçante et les fondés de pouvoir de la noblesse bien souvent absente. Le monde agraire n'a pas changé notablement dans ses structures sociales depuis le , ils perçoivent les droits seigneuriaux et commandent travaux et corvées. Majorque possède a contrario une importante garnison et une flotte de guerre active, mais aussi une ville centrale, Palma.
La population insulaire est alors très pauvre et surpeuplée lorsqu'elle approche des 20 000 habitants. Les cultures méditerranéennes assurent la subsistance, surtout pendant les bonnes années. La préparation des champs et des terrasses est réalisé avec l'araire et la herse, tractées par une mule ou un cheval. Les plus pauvres travaillent encore à la houe leurs maigres parcelles de champs secs, dont l'emploi est incontournable dans les jardins irrigués. L'orge, une céréale exigeante et précoce, est semé en septembre et sa récolte s'effectue généralement fin mai. Les semis d'avoine et de blé d'hiver commencent début novembre. La moisson de blé et avoine s'effectue début juin, à la faucille. Le savoir-faire horticole s'est enrichi d'autres espèces lointaines, grâce au désenclavement maritime du Monde effectif dès le milieu du pommes de terre, maïs, tomates, poivron, haricots, courges, courgettes, melons, pastèques, fraises. L'orange navel peut compléter l'orange douce acclimatée après le absinthes permet de confectionner des eaux de vie réputées. Le chanvre est cultivé, après rouissage, broyage, teillage, peignage, les fibres des tiges permettent de filer, puis de tisser des de la toile à voile et de simples tissus blancs, souvent écrus.
Bien souvent, les familles modestes, bienheureuses si leurs maisons paysannes adossées à la pente abritent quelques chèvres et moutons, doivent s'endetter pour acheter le sel nécessaire à la conservation des salaisons, après la mise à mort du cochon dénommée matanza, à l'instar de la cérémonie d'abattage des thons en Sicile. Il faut mettre à part quelques familles bourgeoises d'origine noble ou commerçante, souvent installées dans la ville d'Ibiza, tout en possédant ou gérant la plus grande part des biens fonciers de l'île, souvent sous forme de « fincas » dont le centre est un lieu de résidence estival. Les cultures vivrières sont parfois insuffisantes et les disettes font des ravages, durant toute l'époque moderne jusque dans les années 1940 où la population avait été oubliée par le gouvernement espagnol franquiste au sortir de la guerre civile.
Le 30 avril 1782, le pape Pie VI institue le diocèse d'Ibiza, suffragant désormais de l'archevêché de Valence. Après le concordat de 1851, il est uni intimement en 1852 à l'évêché de Majorque, par la création du titre conjoint d'évêque de Majorque et d'Ibiza. Ce rattachement étonnant soulève d'amples polémiques, mais il faut attendre l'année 1928 pour assister à la création d'un siège apostolique. Cette titulature met en situation d'autonomie, quoique précaire, l'ancien diocèse, qui n'est totalement reconstitué légalement qu'en 1949 par la grâce de Pie XII.
Les classes dirigeantes, noblesse et bourgeoisie à propriétés foncières, bien souvent absentes, tirent avec avidité de la population paysanne et artisanale le maximum de profits et s'abstiennent d'investir dans l'économie locale. Depuis les années 1820, elle se divise pourtant en deux partis opposés, d'une part les monarchistes, profondément divisés en courants traditionaliste et absolutistes « bourboniens », les libéraux, eux-mêmes en évolution divergente vers des tendances républicaines ou socialisantes au cours du siècle. Vers 1868, au sortir d'une période prospère, la République d'Espagne est proclamée. Attachée à une renaissance maritime, elle lance des projets d'équipements portuaires, qui, faute d'investissements, resteront virtuels ou aussi éphémères que l'Institution. L'Église, apparemment en retrait, ne fait que s'immiscer dans les débats de société : à la Belle Époque, la diversité des représentations politiques apparentes commence à laisser la place à deux entités irréconciliables, le parti des prêtres, prêchant pour les tenants de la propriété foncière, les possédants de biens, les nobles châtelains et les bourgeois rentiers, un parti des Intellectuels autour de multiples penseurs bourgeois démocrates, libéraux encyclopédistes, républicains ou socialistes, qui souhaite créer ou animer d'utopiques mouvements populaires, rassemblant dans une unanimité complice et solidaire, ouvriers et prolétaires laborieux. Divisée sur les notions de modernité et de progrès, autant en spiritualité qu'en valeurs à partager, la vie politique espagnole se retrouve en étroite communion dans la détestation virulente des étrangers, en particulier unanimes sur les proches voisins, qu'ils soient Français, Arabes ou Berbères du Maghreb.
Les familles de paysans dominés, dont les élites prospères se rallient à une petite bourgeoisie envieuse, ne peuvent compter que sur la solidarité communautaire. Abandonnés par ce soutien mutuel, les plus pauvres des paysans et artisans sombrent dans une misère noire. Les plus forts et habiles se louent comme manouvriers des salines des Pityuses pendant les mois d'été. La production d'un sel sec, renommé pour la conserve de poissons, dépasse les bonnes années 100 000 tonnes. Eivissa est l'escale catalane du sel pour les navires qui déchargent la morue séchée ou bacallao dans les ports de Tarragone, de Barcelone, parfois du Languedoc ou de Provence. Ces voiliers font ensuite escale dans l'île, réparent quelques avaries ou achètent du cordage, laissent du bon temps de repos à l'équipage. Ainsi s'expliquaient les étonnants consulats d'Islande ou de Norvège (aujourd'hui disparus), voire des îles du Nord, à Ibiza-ville. Ces reliques de l'économie maritime ne doivent rien au hasard : il existe encore des gens de mer qui conservent une mainmise, voire une orientation relative sur l'économie. Exilés, ils savent reconstituer une communauté au loin ou s'agréger à leurs voisins majorquin, ainsi les bateliers ibiçencos du fleuve Parana en Argentine ou les multiples quartiers dits « majorquins » de villes portuaires de Méditerranée occidentale.
Le temps des émigrations
En écho au mouvement migratoire qui vide pratiquement Minorque, l'immigration vers l'Algérie française est notable aux pieds-noirs d'Algérie.
Mais l'émigration se tourne aussi vers le nord plus prospère : la longue mémoire du royaume majorquin invite à rejoindre, au-delà de la Catalogne, Perpignan et le Roussillon, qui ont fait partie de ce royaume médiéval. De là, les immigrants souvent terrassiers, maçons ou constructeurs de pierres sèches gagnent le Languedoc, en particulier Béziers et Toulouse, ou Nîmes pour la Provence. Les élites politiques espagnoles réactionnaires considèrent avec hauteur et mépris cette émigration de fortes ou de mauvaises têtes vers ces pays détestés, véritables lieux de perdition des âmes ou de déchéance des valeurs de la civilisation hispanique.
La guerre civile à Ibiza
Le 18 juillet 1936, jour du soulèvement nationaliste, les autorités de l'île, à l'instar de celle de Majorque, sont à la fois monarchistes et nationalistes. La population paysanne des îles, accaparée par ses récoltes, se fiche comme d'une guigne de la situation politique nationale. Les Républicains débarquent aisément à Ibiza, dans le cadre du débarquement à Majorque, puis essaient de façon caricaturale de soulever les îles passablement inertes.
Les miliciens républicains mettent en place à Ibiza un régime de destruction : persécutions, emprisonnements arbitraires, incendies de villages et d'églises. La prise de Majorque par les Républicains échoue piteusement, transformant la grande île voisine en base d'aviation et de bombardement aérien. Après les bombardements d'Ibiza à partir de Majorque, les Républicains décident d'abandonner Ibiza, malgré le soutien de deux groupes de miliciens de 200 et 300 hommes formant la colonne « Cultura y Acción », venant de Barcelone, à bord des navires Ciudad de Barcelona et Ciudad de Tarragona.
Dans leur retraite, les Républicains massacrent le 13 septembre 1936 une centaine de prisonniers, faisant de cette date tragique une référence locale pour le futur régime franquiste. L'assassin français de Jean Jaurès en 1914, Raoul Villain, qui avait été acquitté en 1919, fait partie des victimes des Républicains, dans des circonstances peu élucidées.
Le , les nationalistes débarquèrent dans l'île d'Ibiza et s'en emparèrent sans résistance. S'ensuit une terrible répression franquiste, avec l'arrivée de bataillons militaires assistés de phalangistes, soutenus par l'aviation et par la marine italienne au mépris de toutes les règles internationales. Les résidents ou voyageurs saisonniers qui n'ont pas fui sont souvent expulsés par les autorités. Fin 1936, à l'exemple de Majorque, les Pityuses sont reconquises et soumises à une répression aveugle.
Tout comme le reste des Baléares, Ibiza n'émergea du marasme chronique qu'avec l'arrivée du tourisme dans les années 1960, déclenchée par la politique économique franquiste.
L'essor touristique
À Ibiza l'initiative touristique est d'abord hésitante dans les années trente ; il faut désenclaver l'île. Rappelons qu'il y a davantage de bateaux qui amènent des troupeaux de porcs catalans que de navires de transport de passagers et que le premier autocar sillonnant plutôt autour d'Ibiza-ville que vers les campagnes dépourvues de routes correctes, mis à part d'excellents chemins muletiers, date de l'année 1923. L'île dépasse 30 000 habitants permanents au début des années trente. L'hôtel d'Ibiza qui voulait promouvoir l'activité touristique de haute gamme fait faillite avec la crise des années trente.
Le nombre de voyageurs est en essor, de l'ordre de quelques centaines puis de quelques milliers dans les années trente. Il chute durant la guerre civile, qui connaît des paroxysmes de violence puis de répression sanglante en 1936, puis surtout après 1940.
Au sortir de la guerre civile, les Pityuses sont laissées à elles-mêmes, et sombrent au début des années 1940 dans le marasme économique, menant à la disette et parfois à la famine, du fait de l'oubli des autorités. Aussi les minuscules installations portuaires et le fret des petites barques de l'île ont souvent été d'une importance vitale pour l'île paysanne.
C'est surtout dans les années 1950 que l'île renoua avec les liaisons régulières au continent. L'essor touristique reprend, encadré par une législation pointilleuse, tout comme l'essor démographique, avec les résidences d'artistes, le tourisme familial et aussi, faut-il ne pas l'occulter, l'arrivée de nombreux proscrits, déserteurs et marginaux. Ainsi, en 1955, les chiffres officiels avancent 14 000 voyageurs.
Les beatniks américains débarquent après 1962. Une minorité d'entre eux se fait remarquer de manière outrancière, mais elle fait oublier une majorité discrète, , qui n'affiche aucun signe distinctif. Ces beatniks suivent en fait le courant de marginaux, et rejoignent des déserteurs plus ou moins fortunés, parfois d'anciens insoumis de la guerre de Corée ou du Vietnam. Ils affluent après 1965 alors que le flux hippy, insignifiant en 1963, ne cesse de grossir. Une décadence touristique et commerciale est déjà observable. C'est pourquoi la bohème internationale s'étiole, commence d'abandonner l'île paradisiaque. Puis la quête des plaisirs facile sans morale s'impose, avec le début d'une spéculation immobilière, confisquant les rivages et instaurant un début de bétonnage.
Les premiers groupes, pourtant très isolés de jeunes hippies, dépassant rarement la trentaine, ne passent pas inaperçus au cours de l'été 1963. Les habitants les nomment rapidement « los peluts », c'est-à dire « les chevelus ». Et ils se remarquent facilement, portant comme ailleurs souvent des bracelets voyants, des habits démesurément amples aux couleurs psychédéliques, des tuniques indiennes, des jeans unisexe. Ils maintiennent leur chevelure par des bandanas ou bandes de tissus colorées. Ces groupes hédonistes, parfois en oppositions larvées ou se disputant en longues discussions virulentes, sont des adeptes de fêtes planantes dans un climat de liberté et de promiscuité sexuelle, déambulent pieds nus ou en sandales et se déshabillent sans complexe. Les hommes gardent très souvent une longue barbe. Hommes et femmes pratiquent le nudisme intégral sur la plage, jouent de la musique et du tambour en saluant bizarrement le coucher de soleil. Sans mentionner les prêches scandalisés des curés en chaire sur les bonnes mœurs bafouées ou les récriminations haineuses des hôteliers face à de tels mauvais clients, qui compromettent le tourisme classique, en squattant effrontément les plages, faut-il pour autant reprendre la diatribe métaphorique des journalistes locaux, affidés il est vrai au régime franquiste, dans le Diario de Ibiza du 5 septembre 1963 : « troupeau dégingandé et amoral », « déchet social », « scorie d'inadapté » ?
Car le déferlement hippie, d'origine nord-américaine et européenne, se déploie surtout de 1969 à 1974. Ils sont bon an mal an 8 000 à 10 000 par an. Cette population flottante, mais pacifique, qui possède en son sein un noyau de penseurs polyglottes et un niveau d'études très supérieur à la moyenne alors médiocre de l'île est exécré par les autorités, qui tolèrent néanmoins sa présence. Ces rassemblements hétérogènes, formés de groupes aux intérêts forts divergents, prônent le retour à la nature, la mode vestimentaire libre, les diètes (macro)biotiques (ils sont déjà adeptes du bio, rejetant tous pesticides ou insecticides, et s'affirment très souvent végétariens ou végétaliens). Ils pratiquent de manières fort diverses, les sagesses orientales, mélangées à des croyances astrologiques. La Guardia civil est débordée, jour et nuit, elle procède à des expulsions et multiplie harcèlements, vexations, persécutions collectives et humiliations personnelles. Heureusement, les habitants qui perçoivent plutôt là des consommateurs solvables et dépensiers, vantent leur harmonieuses productions agro-pastorales dans et au-delà de l'île et incitent avec une fermeté discrète les responsables administratifs ou policiers à plus de tolérance et de souplesse.
Cependant, les groupes persécutés fuient vers les lieux moins policés, envahissant pacifiquement le nord de l'île puis Formentera. Les autorités jouent l'outrance en essayant d'affoler la population paysanne : affolée par l'importance diabolique de regroupements humains décrits par les autorités civiles et religieuses, elle prend peur. Les affrontements sont alors violents en juillet 1971 à Santa Eulàlia entre 300 hippies et l'ensemble des forces de sécurité de l'île, puis durant le reste de l'été avec des commandos de choc de la Guardia Civil patrouillant à bicyclette dans Formentera. À chaque opération d'envergure est associée une liste d'une cinquantaine d'arrestations fermes, correspondant sans doute à la capacité de réclusion/rétention légale des autorités.
Les années de crise qui suivent 1973 voient les rassemblements hippies se réduire, puis les groupes voyageurs ou résistants installés se disloquer. Il est vrai que les individus qui vieillissent s'assagissent et entrent dans la société active, parfois quelques rares couples restants s'installent sur l'île, ou des isolés, jeunes hommes ou femmes s'associent à des partenaires locaux, inaugurant des mariages et des familles nouvelles. Les hippies, qui n'ont jamais formé de communauté solidaire au sens sociologique, s'évanouissent du paysage ou se fondent dans la masse. Mais les derniers présents renoncent assez rarement ou à contre-cœur à une autonomie de choix ou indépendance créative, dans le domaine de l'agriculture biologique, la construction et de l'artisanat de qualité, de l'habillement, de la décoration et du maquillage. Ces activités diverses ont prospéré dans le cas où elles rencontraient la demande locale et suscitaient l'intérêt des touristes.
Au début des années 1970, la jet-set fait aussi irruption. Une société interlope riche, jouant parfois ostensiblement la carte d'un style hippy chic et mondain « de plástico » se lance dans des fêtes extravagantes. L'île se lance dans l'illusion du conformisme, de concert avec une frénésie de spéculation immobilière, entraînant l'appropriation privée des rivages, un vulgaire et intense bétonnage, une hausse foncière exponentielle, une violation permanente des lois ou principes anciens d'aménagement et de construction, par négligence, cupidité affairiste ou fraude crapuleuse.
Tourisme et vie traditionnelle
En 1960 on compte 37 000 touristes, en 1961 41 000, en 1963 63 000 puis, au début des années 1970, 350 000 ; ensuite on dépasse le million à la fin des années 1980. Dans les années 1990, la fréquentation touristique varie de 1,5 million à 2 millions, avec une baisse en 1991/1992. L'été 2010 atteint plus de 2,4 millions de visiteurs. Le tourisme est devenu l'activité dominante, avec la fréquentation en résidence secondaire.
Le nombre des habitants permanents ou îliens connaît une croissance nettement moins forte. Ibiza, ville de service, profite pleinement de la manne touristique avec ses blanches murailles de la Dalt, et fut très tôt mieux desservie par les navettes maritimes dans son port bien équipé. La ville ne compte que 7 000 habitants en 1936, 11 000 en 1950, 11 269 en 1960, 11 590 en 1961, 20 000 en 1980, 28 352 en 1989 et 49 000 en 2009, 50 000 en 2011. La pression sur le patrimoine foncier ou bâti, quant à elle, croît de manière démesurée. Au cours des années 1980, Ibiza-ville s'affirme en tant que ville cosmopolite, ville de plaisirs et de fêtes.
L'île d'Ibiza, qui s'étale sur 572 années 1970 ; 60 000 en 1982, 67 740 en 1989 puis 90 000 en 2001, 146 000 en 2012 (officiellement 133 702 selon l'institut démographique espagnol en 2010). Le sociologue Yves Michaud, familier de l'île, estime que la population originaire d'Ibiza ou assimilée de longue date avoisinait les 50 000 en 2010. Suivant les communes, la population d'origine étrangère installée en permanence oscille entre 10 et 15 %, alors que la population espagnole péninsulaire, non autochtone, représente entre 35 et 45 % du total. Dans maintes communes, les autochtones deviennent minoritaires. Ils passent alors inaperçus aux yeux profanes lorsque la fréquentation touristique atteint son optimum, en juillet et en août.
L'agriculture d'Ibiza présente, sur les plus modestes domaines habités ou fincas, des paysages de hortas ou de jardins irrigués, grâce aux nombreuses petites sources canalisées ; mais aussi des terrasses arboricoles couvertes d'oliviers, d'amandiers et de caroubiers, de vastes versants en secos et des terres céréalières (de moins en moins délimitées par des murets de pierre sèche). L'agriculture traditionnelle arbore comme emblème d'ancienneté ses vignes, cultivées en hautain ou en espalier, à la mode tonnelle française ou en pergola italienne, mais aussi ses honorables figuiers, dont les énormes vieilles branches s'appuient sur des gros tuteurs ou des poteaux. Cette activités, encore bien vivante dans les années 1970, périclite par la suite. De nombreux droits d'eaux traditionnels se retrouvent vendus aux promoteurs immobiliers, aux hôteliers et aux nouveaux propriétaires. Paradoxalement, la modernisation agricole délaisse l'irrigation traditionnelle par sillons ouverts, trop exigeante en main d'œuvre ; cette pratique est désormais limitée aux zones jardinées, parfois également passées au goutte-à-goutte ou à la micro-irrigation. Des systèmes d'aspersion envahissent les derniers grands champs de l'île. Cependant, les grands asperseurs utilisés se révèlent coûteux à long terme, à la fois en matière d'investissements matériels et d'entretien, puis de dépense énergétique, et enfin pour leur efficacité en eau, bien inférieure (entre 65 % et 75 %) au mode traditionnel abandonné : en effet, l'eau projetée en fines gouttelettes s'évapore dans l'air sec ou se disperse facilement, emportée par les vents souvent réguliers.
Les enfants des familles paysannes et, parfois, les petits agriculteurs, rejoignent alors les rangs des employés du bâtiment ou de la construction en équipements, ou ceux du commerce et des nombreux services, municipaux ou privés, à vocation touristique.
- Les charbonniers antiques ou médiévaux auraient plutôt gérés les lambeaux d'une forêt résiduelle, peu touffue, à espèces arborées moins abondantes, comptant surtout les chênes verts et les pins, profondément dégradée en garrigues à monté, kermès, lentisques, cistes, romarins, voire à palmiers nains. Ils sont longtemps des personnages singuliers, itinérants loin des petits villages, vivant en famille dans les hauteurs ou dans les recoins encore boisés, à proximité de leurs sitges ou meules à charbon de bois.
- Le site de l'ancienne ville punique se nomme Puig do Molin. Les Phéniciens auraient implanté la culture du caroubier.
- Cette puissante agglomération, nommée plus tard Lucentium par les Romains, Lekant par les Arabo-berbères, Alacant par les Catalans est aussi un excellent port. Il semble que les peuples ibères, pour contrer l'avancée carthaginoise dans la péninsule ibérique, aient fait appel à des groupes celtes, créant des associations celtibères dans les contrées éloignées des rivages qu'ils contrôlent encore au nord, du massif de l'Alcoy ou hinterland méridionale de la plaine de Valence jusqu'au-delà des Pyrénées, ou en laissant s'établir sur quelques rivages nordiques, dûment délimités, quelques essaims de colonies grecques, rivales acharnées des Phéniciens : un état d'équilibre ethnique, instaurant une paix relative, paraît atteint au IIIe siècle av. J.-C.
- Une hypothèse proposée par Louis Deroy, Marianne Mulon, Dictionnaire des noms de lieux, Les Usuels, Le Robert, 1992. Poeni est le nom latin du peuple carthaginois. Sur ce mode de raisonnement, André Cherpillod dans son dictionnaire étymologique des noms géographiques, Masson, Paris, 1986, propose ī busim, soit via l'étymon hébreu bésem (« l'île des parfums »). Belle dénomination selon une hypothétique diaspora juive de l'époque romaine. D'autres auteurs proposent une invocation au dieu Bès de la mythologie phénicienne, à la fois dieu du foyer et de la « tranquille et bonne mort », selon ses faciès ridés, grimaçants ou rieurs.
- Il existe toutefois des périodes de paix, laissant la place à des échanges commerciaux plus pacifiques.
- C'est l'origine des îles Pityuses, opposées aux Gymnésies occidentales.
- Michael Dietler, Carolina Lopez-Ruiz, Colonial Encounters in Ancient Iberia: Phoenician, Greek, and Indigenous relations, University Of Chicago Press, 2009, page 80 : The Phoenician town of Ibosim, later to become Roman Ebusus and modern Ibiza (or Eivissa), was founded by 600 BC.
- Le nom grec actuel est ‘Έβετος
- Évolution détaillée par Louis Deroy et Marianne Mulon, Dictionnaire des noms de lieux, déjà cité
- Ce chef de légions romaines, honoré du nom de balearicus, y initie une forte colonisation romaine, en particulier à Pollentia, et fonde la cité de Palma, ainsi que Ciutadella.
- Il s'agit de populations d'origines diverses : locales, ibères, puniques, africaines... avec leurs langues, croyances, traditions...
- Ce contrôle de l'autorité, base de l’imperium romanorum, s'applique aux côtes de la mer méditerranéenne, la mare nostrum des Romains (cf. histoire romaine classique). Les plantations de pins, essences en usage pour la construction navale selon Pline l'Ancien, ont réussi jusqu'à nos jours et c'est probablement l'origine du nom grec tardif Pityoussa. Sur l'aspect d'histoire botanique et des paysages des côtes méditerranéenne, Fabio Benzi, Luigi Berliocchi, L'histoire des plantes en Méditerranée, Actes Sud, Motta, 1999, 176 pages, (ISBN ).
- La rapide description proposée se base sur le modèle archéologique et historique de la reconquête terriblement destructrice de la péninsule italienne au milieu du siècle par l'armée byzantine sous Justinien. Les descriptions de Procope de Césarée, côté byzantin, et de Jordanès, côté goth, sont aussi complémentaires, à savoir la longue guerre des Goths. Par ailleurs, Sicile et royaumes de Naples, parties de l'extrême botte italienne (hors réduit ethnique de l'ultime Grande-Grèce), présentent nombres d'analogies historiques, qui ne sont pas fortuites : interface entre latinité chrétienne et Islam romano-sémitique, domination normande et plus tard catalane. Cette description a ici le mérite de faire comprendre la facilité des incursions arabes et leurs installations dès 711 sur les Pityuses.
- La pandémie gagne toute l'Europe continentale, probablement à cause de variations climatiques capricieuses, faisant alternant brusquement des séries d'années tropicales avec des retours glaciaux. Ce qui explique partout les grands taux de mortalité et le retour aux faibles densités de populations.
- La distinction subsiste entre les deux archipels : Ibiza et Formentera sont dites maghrébine ou occidentales, Majorque et Minorque orientales. La conquête des dernières a été plus difficile. Majorque n'est totalement occupée qu'à la fin du IXe siècle et surtout après 902 par Al-Khaulani, qui en deviendra wali jusqu'à sa mort en 912.
- Ce sont les molinos de vela latina des archives du voiles latines, manœuvré par des cordages qui utilise tel un navire immobile l'énergie éolienne et déplace l'activité de meunerie sur les hauteurs ventées connaît son apogée au norias ou molinos, mobiles et adaptables à de nombreux lieux, ayant été préférés du fait d'une moindre exigence technique, ils se sont multipliés. Les norias sont des dispositifs à chaîne équipée de godets, mis en mouvement par un animal, en général une mule. Ils sont restés très communs aux Pityuses jusqu'à la fin du XIXe siècle
- « »
- These are the names: studies in Jewish onomastics, Bar-Ilan University Press, 1997, page 81, Eivissa(Catalan and used alongside today's Castilian version);Ibosim (Carthage-Phenician);Ebisos(Greek);Yebisah(Arab, Ibiza town known at this period as Madina Iabisa), (ISBN )
- Pour comprendre la reconquête de l'Espagne, il faut surtout observer l'évolution politique et économique de cet occident musulman [1]
- Il s'agit du rusé roi Muset des légendes chrétiennes. Ce souverain de la cour de Denia devient le chef d'un royaume indépendant dont le cœur est la région de Valence. Il règne trente années sans partage.
- Selon al-Maqari, les îles sont la plaque tournante du commerce du bois et du sel. Ce sont aussi des centres de piraterie, plus ou moins soumis au souverain des îles. Elles suscitent depuis longtemps la convoitise des dignitaires almoravides du Maroc.
- Ils semblent déjà surveillés, taxés et enfermés dans des ghettos à l'intérieur des villes, les plus pauvres parfois se vendant eux-mêmes comme esclaves, sont le plus souvent opprimés dans les campagnes.
- Parmi eux, El Cid campeador sera transformé en preux et noble combattant castillan dans la pièce de Corneille, Le Cid.
- Il ne reste selon eux que les salines des Pityuses des nombreuses dévastations économiques depuis le milieu du XIe siècle.
- Le comte hésite, lucide devant l'ampleur des combats pour conquérir les îles, alors que les Pisans lui rappellent l'appui de Rome pour toute croisade et l'efficacité conquérante des hommes du Nord, mené pas Sigurdr.
- En mars 1015, les agresseurs sont pourtant sur le point de l'emporter, le wali ayant fui à la nage, mais les renforts maures surviennent et les conquérants chrétiens doivent s'enfuir. Ce n'est pas ce que rapporte le Liber Maiolichinus , qui conte, pour sa propagande dynastique, les exploits supposés du merveilleux Croisé Ramoón Berenguer III de Barcelone.
- Ishaq est le fils du premier wali almoravide, Mohammed [2]. Il règne jusqu'à sa mort en 1185.
- Chronique du roi Jacques Ier
- Le droit de conquête n'avait été accordé nominalement qu'à des compagnons de guerre du roi, Don Pedro du Portugal et le vaillant Nuño Sançh. Mais ces deux possesseurs, peu enclins à investir dans une coûteuse campagne, avaient rétrocédé momentanément ce droit à cet émissaire de la Providence, recommandé par le pape, l'administrateur apostolique de l'archevêché de Tarragone, Guillermo de Montgrì. Le pape était fort soucieux d'extirper, au moins officiellement, la religion musulmane, soit « sauver l'île des mains impies ».
- La main d'œuvre mudéjar qu'il s'empresse de protéger excelle aussi dans les métiers de architecture, la poterie, la verrerie, la cordonnerie décorative... de la conception utilitaire pour les plus modestes à l'œuvre d'art raffiné. Comme la Croisade impose l'érection d'une colossale église gothique à la place de mosquée, le seigneur-gouverneur l'entreprend sur le Dalt à proximité du modeste alcazar, dénommé castillo. Mais il est tellement plus agréable de vivre dans un palais à proximité de jardins doucement ombragés ou une somptueuse résidence à patio fleuri, de boire de la grenadine, orangeades et limonades et de déguster les mets locaux en terminant par des pestis ou pâtisseries sucrées à la cannelle ou au miel, souvent anisée, à base de fruits secs, de recevoir, après les expéditions, les soins attentifs de savants pharmaciens thérapeutes, de chirurgiens habiles, des masseurs et toiletteurs des hammams...[réf. nécessaire]
- Le roi, émissaire du droit de conquête, possède légalement la moitié des terres en superficie et les forteresses-clefs et s'empresse dès 1236 de faire pression sur le gouverneur plus arriviste que pénétré de foi évangélique, par l'intermédiaire de ses parents et de l'église. Pour garder le fruit de ses conquêtes, Guillermo de Montgrì démissionne de sa fonction de conseiller apostolique en 1237. Le nouvel archevêque élu, prenant la tête des investisseurs spoliés, demande le fruit de sa participation en terres, biens, or et argent de remboursement.
- Il organise de facto la déportation des pauvres proscrit(e)s ou condamné(e)s et obtient un paiement-rachat des autres plus aisés, espérant ainsi financer la venue d'autres colons plus vertueux.
- Les coques ou cocas, un type de navire vraisemblablement d'origine atlantique, résistants et manœuvrables, ont permis le débarquement militaire et assurent sur mer aux pécheurs une supériorité technique jusqu'au XIVe siècle sur les felouques barbaresques.
- Elle préserve les limites des quatre anciens bans (bannum romain, vandales, wisigoths, bânu omeyyade, nommés au XIIIe siècle par des appellations berbères bânu Maymum, Qarbaz, Farda, Hawwâra), renommés ensuite quarterons (de Port(u)many, de Benizamid/Palanza, Riu/Santa Eularia, Villa/ Lano de Villa ou las salinas
- Ces cultures sèches, en réalité une agriculture sophistiquée andalouse, toujours associée intimement à une arboriculture, concernent l'orge, l'avoine, le blé, le seigle, le sarrasin, les oliviers, amandiers, caroubiers, abricotiers, pêchers, figuiers, vignes, grenadiers, cerisiers, pruniers, citronniers, bergamotier, orangers bigaradiers... Dans le modèle de réserve du maître évoquée ci-dessus, l'irrigation par sillons ouverts ou rigoles permet de cultiver fèves, lentilles, petits pois, pois et pois chiche, carottes, asperges, artichaut, aubergine, chou-fleur, riz, canne à sucre, des plantes à bulbes condimentaires comme l'oignon, l'échalote, l'ail, de multiples variétés de concombres, radis, épinards, panais, navets, bettes ou arroches, betteraves, poireaux, céleris, cardons, choux, salades et laitues, chicorée, mâche, oseille, fenouil, anis, aneth, salsifis, doliques à œil noir, lin, chanvre... Les légumes sont cultivés selon l'art andalou dans ces hortalya, en particulier selon les espèces sur les buttes plus sèches ou dans les replis de terres humides. Les canaux d'amenée d'eaux ou régadios sont souvent à l'ombre des noyers ou d'autres arbres fruitiers thermophiles. Près des canaux de drainage, éliminant les eaux ayant servi à l'irrigation, il est possible d'y trouver palmiers et bananiers.
- L'autorité régalienne n'agit pas par humanisme : la décroissance démographique rend vulnérables les îles à toutes invasions ou pillages barbaresques et diminue aussi les recrutements de marins.
- Très vite, les colons catalans, souvent appelés pour encadrer et faire travailler des habitants résiduels ou récalcitrants, comprendront leurs intérêts à rejoindre ces communautés et de s'allier aux familles locales. Les changements insensibles des rapports de forces politiques expliquent la tolérance et la capacité de négociations des autorités catalanes au XVe siècle
- L'élevage des magnifiques chiens de chasse des dignitaires ecclésiastiques, en particulier les fougueux lévriers podencos, bénéficie de faveurs de l'archevêque. L'essor de l'élevage extensif et itinérant du mouton, lié alors à un renouveau de l'investissement urbain, et celui de l'élevage intensif du lapin en clapiers datent surtout du XVe siècle. La transhumance ovine semble régresser plus vite à la fin de l'époque moderne. La transhumance des troupeaux porcins se maintiendra encore au début du XXe siècle.
- Elle l'est pour les rois catholiques Ferdinand et Isabelle. L'essor de navigation atlantique fait oublier les îles méditerranéennes. Toutefois les crises mayorquines sont plus précoces, 1450-53, 1480..., 1492, avant d'exploser lors du carnaval sanglant de 1521 à Majorque en guerre civile des guildes et communautés, nommée germania guerra. Les membres des guildes de Las palmas veulent libérer leurs sept chefs emprisonnés, ils prennent le château de Bellver et massacrent la garnison. Le vice-roi don Miguel se réfugie à Ibiza, aux sujets restés atones sur le plan politique. La prise de pouvoir laisse la place à un régime populiste et répressif, mené par Joanot Colom. D'Ibiza, part une reconquête armée, de l'aristocratie et de la couronne.
- Dès 1517, cette force de répression impose un calme de la terreur.
- Ce soulèvement des corporations bourgeoises de Majorque en 1521 contre le pouvoir royal, nommé de manière générale Germanias par les historiens, engendre une guerre menée par les frères (germans des corporations), on peut l'interpréter aussi comme une guerre des communautés (germanies) impliquant une rivalité entre communautés bourgeoises et paysannes, une fois le pouvoir souverain évanoui.
- Le taux de criminalité est comparable à la Corse du XVIIIe siècle.
- Les îles un temps oubliés fournissent pour la Couronne un appui militaire et un indispensable relais de gestion pour les possessions italiennes éphémères ou pérennes, notamment le royaume des Deux-Siciles. Mais a contrario, l'investissement maritime attire les forces corsaires rivales à la solde des forces ottomanes d'Alger, parmi lesquelles l'amiral corsaire Barberousse et son adjoint Dragut.
- Les altérations semblent moins extrêmes qu'au VIe siècle, mais correspondent à l'évolution climatique de l'Europe occidentale. L'afflux d'eau reverdit les chaumes (calmae), hauts pâturages aux herbes aromatiques, en partie boisés, où paissent vaches, cochons, chèvres et moutons. Mais ses aléas climatiques modifient à terme l'hydrographie de l'île qui retrouve marais et albufferas, lacs plus ou moins lagunaires ou temporaires. Les eaux stagnantes mal aménagées au siècle suivant sont à l'origine d'épidémies de malarias, qui déciment régulièrement les populations paysannes.
- Après 1700, les moulins à vents perdent leur voile blanche et s'équipent de lattes en bois, en six à dix sections, et de barreaux radiaux. Ce type de latte nommée « volée de tempête » peut être assimilé à une planchette amovible en cas de forts vents, autrefois dangereux pour l'installation. Au cours du XIXe siècle, les lattes en bois seront conçues en métal. Notons qu'il n'y a jamais eu de moulins à vent pour réguler ou pomper les eaux, à la mode hollandaise.
- [3]. La domination britannique sur Minorque conquise en 1708 durera jusqu'en 1802, date de la rétrocession négociée à la couronne d'Espagne, mise à part l'occupation joyeuse de la marine française de 1756 à 1763.
- La Catalogne, le Pays valencien et, d'une manière générale, les anciens états de la Couronne d'Aragon préféraient à l'absolutisme centraliste du camp bourbon la monarchie traditionnelle, tempérée par la délégation de pouvoir à des représentants locaux. Aussi le comte de Zavella, émissaire des Habsbourg, avait bénéficié d'un appui populaire pour ridiculiser et évincer le gouverneur des îles aragonaises à Majorque. La flotte de Majorque et d'Ibiza avait même permis la victoire carliste lors du blocus de Barcelone.
- sur Gallica
- Antoní Riquer El Corsario dénomme maintenant le monument érigé en 1908 et la place du Passeig Maritimo de la ville moderne d'Ibiza. Les pêcheurs de l'île ont enjolivé les courses de l'habile Riquer et son âpre lutte victorieuse avec Miguel Novelli, dit « le pape (des corsaires) ». Mais les corvettes anglaises ou françaises maîtrisaient désormais la mer Méditerranée occidentale.
- Les compagnies d'armateurs et les chantiers navals sont sur la côte de la péninsule catalane. Outre les militaires de carrière, il y a aussi beaucoup de colonies de marchands et commerçants catalans dans les principaux ports et villes de ses colonies. Les anciens colons, fortunes faites ou au terme d'une vie de labeur, reviennent dans leurs villes ou plus rarement leurs petites îles d'origine.
- Le général Vara del Rey, originaire d'Ibiza et décédé à Cuba en 1898, symbolise, avec sa statue placée à la Belle Époque en marge d'Ibiza, la fin de cet ailleurs maritime.
- La structure villageoise préserve un lointain héritage berbère. Les petits bergers ou hardiers du domaine ne rejoignent leur village en général qu'au terme du contrat saisonnier de garde.
- Leur chef promu intendant, parfois un fermier si le domaine est compacte et modeste, gère en pratique domaine et dépendances. Si elle n'a pas encore quitté l'île, la famille des senyores habite plus souvent dans sa maison de ville et ne réside qu'une partie de l'année dans sa résidence domaniale
- Cette technique paysanne était pratiquée exclusivement au temps des Hippies, elle était visible encore dans les années 1990 chez les vieux paysans alors que tracteurs et moissonneuses avaient déjà envahi les grands domaines depuis deux décennies.
- Bien plus tard, à partir de la fin des années 1960, le maïs est semé début décembre dans les grands champs, aspergés mécaniquement. Mais il s'agit d'une maïsiculture moderne.
- Ce piment doux semble bien être connu dès le XVIIe siècle, mais pas encore sous les deux formes actuelles de poivrons verts et de poivrons doux.
- Les plantes aromatiques sont cueillies ou cultivées depuis l'antiquité : anis, origan, sauge, thym, basilic, mélisse, sarriette, moutarde, ciboulette, laurier, câpre, safran...La liqueur d'herbes, nommée hierbas dans les années 1970, était essentiellement aromatisé à l'anis.
- Cette filière paysanne, associée à celle du lin, est encore active début toile de jute indien.
- Les chrétiens conquérants, habitants ou esclaves des îles Pityuses ont été placés sous l'autorité de l'évêché de Gérone quelques années après le 8 août 1235, puis rattaché directement à l'archidiocèse de Tarragone souverain, contrôlant et installant les divers ordres religieux, jusqu'en 1782.
- Les paysages des Pityuses ou des Baléares qui ont frappé les observateurs étrangers à la fin du siècle par leur stupéfiante beauté ne sont que des réalisations paysannes, par défaut.
- Le traité de Paris est sur ce point une confirmation, les Américains du Nord, amis de la France, venant rejoindre les êtres honnis. Même les intellectuels amoureux des Lumières françaises se gardent de les défendre.
- Rares parmi ces derniers ceux qui pourront émigrer de leur propre initiative.
- Ils sont encore un millier d'ouvriers saulniers à assurer une récolte saline estimée à 100 000 tonnes en 1920. La concurrence des prix et la baisse des débouchés des pêcheries du nord ont réduit de plus de la moitie moitié les effectifs, ainsi que plus sensiblement la production au début des années 1970.
- Ils négocient et ramassent ce poisson séché au terme des campagnes hivernales en mers froides.
- Les Pityuses représentent à l'origine un archipel de marins, bien mieux que les Baléares. L'évolution technique et les choix étatiques, axés sur l'économie urbaine, ont plus tard privilégié les secondes.
- Jeannine Verdès-Leroux, « Les Français d’Algérie de 1830 à aujourd’hui. Une page d’histoire déchirée », Fayard, 2001, 492 pages. Les immigrés espagnols, venus en majorité des contrées et rivages andalous ou des îles catalanes pauvres, constituent une forte minorité de 150 000 individus recensées dans l'Oranais à la Belle Époque. Ils rejoignent les rangs des colons cultivateurs français, tout en constituant des quartiers séparés dans les villes européennes en formation.
- Cette attitude va de pair avec un immense mépris paysan des maîtres et possédants nobles et bourgeois, dès lors que le monde paysan ne se laisse plus commander de façon servile et ose accomplir quelque chose ou se sauver d'une voie sans issue, de sa propre initiative renégate ou de manière non contrôlée par l'autorité. Le bon paysan eivissenc doit supporter avec patience les ordres parfois iniques des contremaîtres, endurer humiliations et privations, mourir paisiblement de faim et de maladies, les religieux l'autorisent à la rigueur à mendier dans le cadre d'une bonne charité, valorisante pour les possédants.
- https://todoslosnombres.org/sites/default/files/maf15.pdf%7Cpages 34 et 35
- Marie-Aude Bonniel, « », sur lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le ).
- C'est le cas juste après le débarquement en partie avorté en août sur la côte orientale majorquine à Porto Cristo d'un corps d'environ 12000 partisans républicains qui n'avance que d'une dizaine de kilomètres, mais aussi à la fin de l'année lors de la reprise d'Ibiza.
- Si quelques fanatiques républicains commencent à se déchaîner et à exécuter quelques « boucs émissaires » de l'ordre ancien en constatant la progression imparable de l'adversaire, la répression des autorités nationalistes, à partir de listes administratives ou de délations ou tortures systématiques, est incommensurablement plus efficace et meurtrière. L'armée, après des procédures de justice règlementaires, reprend le rôle d'épuration de la phalange ou de la milice qui opérait dans un arbitraire total et en cachette, elle exécute sans état d'âme tous les suspects à titre préventif. L'Église, ostensiblement dans le camp du pouvoir nationaliste, après les massacres commis par les Républicains, approuve la délation et justifie le retour à l'ordre. Elle en profite pour imposer la confession catholique régulière aux hommes survivants, dont une large majorité avant 1936 oubliait d'accomplir leurs Pâques. L'écrivain Bernanos en résidence à Majorque témoigne, pour cette île voisine, de ces pratiques sans honneur en écrivant sur le vif Les Grands Cimetières sous la lune.
- Elle semble bénéficier de premiers investissements effectués après 1914 dans le secteur agricole, en particulier les cultures irriguées, à proximité de la ville, à la fois port et capitale. Une arboriculture fruitière semble aussi orientée vers l'exportation : vignobles, figuiers et olives fournissent raisins, figues sèches et huile d'olive. Au début des années 1920, la population a atteint 25 000 habitants. Le Larousse universel en deux volumes, édité par Claude Augé à partir de 1922, donne trois orthographes : Ibiza, Iviza, Iviça, qu'il propose autant pour la ville de 7 500 que l'île.
- Le régime totalitaire s'installe avec un culte de la personnalité forcément outrancier du Caudillo et une administration centrale aussi pléthorique qu'inefficace. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la prudence et l'habileté politique de Franco lui permet de profiter de l'effondrement français et d'une situation de neutralité quasi-centrale, sans isolement, tout en étant courtisé par les autorités fascistes ou nazies. Mais, l'Espagne est frappée après 1945 par la crise financière européenne. De 1948 à 1950, la dictature franquiste, isolée, écrasant une Espagne exsangue, est en partie sauvée par la guerre froide. L'urgence d'échapper autant à la récession spectrale depuis 1930 qu'à l'effondrement d'une société hispanique, déjà placée sous contrainte totalitaire, en voie de muséographie, multiplie le besoin d'accéder aux devises étrangères, imposant l'économie de marché souhaitée des investisseurs et l'accès de zones côtières ou urbaines au retour à l'économie touristique.
- Il serait aussi difficile de ne pas classer ces modestes marins-pêcheurs, comme des contrebandiers ou des opposants au régime policier autoritaire, lorsque l'occasion se présente. Pauvres, ils n'en étaient pas moins surveillés à l'instar des marins de Lampedusa des années trente dans un autre état fasciste, l'Italie.
- Les groupes migrateurs informels, comme le Marakesh Express, fréquentaient les rivages africains au printemps et à l'automne, les plages des îles Baléares durant l'été, avant de partir vers l'Inde et en particulier les rivages de Goa l'hiver. Constatant la croissance urbaine, touristique et immobilière, à Majorque et à Minorque, ainsi que la méfiance corrélative de ses autorités modernistes, ils ont jeté leur dévolu sur les Pityuses encore paysannes.
- Tous ne sont pas freaks, c'est-à-dire obsédés de sexe ou pratiquant une sexualité débridée.
- Le journal d'Ibiza ici cité deviendra apparemment plus progressif dans les années 1970, instaurant une rubrique ou chronique ouverte, intitulée Ibiza mon amour, inspirée du film d'avant-garde Hiroshima mon amour. Beatnik et hippy sont décrits dans la littérature sociologique américaine. Le terme hippy vient de l'anglo-américain, hipster, personnage fan de musique jazz et de drogues. Ne se contentant pas d'écouter, ils sont aussi modestes musiciens. Charlie Parker, alias Birdie, le créateur du bebop souvent honni par les puristes du jazz français, est sur bien des points un créateur hipster méconnu. Sur l'aspect spécifique à Ibiza, développé aussi plus loin, lire Yves Michaux, opus cité et les archives du journal (diario) d'Ibiza
- Ni sportifs ni francs adeptes du boulot, hors de toute catégorisation politique hormis un idéal pacifique et écologique, un sens de la contestation sociale, chevillé au corps, les hippies laissés à eux-mêmes sans soucis profitent plutôt du soleil, de la plage estivale, de musique planante et prônent une vie de loisirs et de farniente. Ils ne vivent pourtant pas d'amour et d'eau fraîche. Des proches parents, pas souvent leurs géniteurs fâchés, mais souvent de catégories sociales élevées, leur assurent un revenu, souvent bien supérieur à celui de l'eivissenc moyen.
- Yves Michaud, « Ibiza mon amour », émission Idées sur France Culture, 3 juin 2012. il faut mettre en parallèle ces chiffres croissants avec l'afflux touristique, d'ailleurs plus précoce, sur la grande île des Baléares, Majorque, soit 98 000 touristes en 1950, plus de 400 000 en 1960, 1 million en 1965, 3 millions en 1973, 5 millions en 1991, 4,8 millions en 1998, presque 9,5 en 2013, selon Michel Drain, opus cité. La région autonome accueillait 4 millions de touristes en 1982 et plus de 7 millions en 1990. Déjà en 1993, les Baléares dépassaient 28 % de la capacité hôtelière de l'Espagne.
- Les fêtards sortant de leurs nuits en boîte croisent bien souvent juste à l'aube les ombres fugitives des cultivateurs ou jardiniers amateurs se pressant vers leurs huertas.
- La vie agricole est prometteuse d'après la thèse de Jean Bisson, opus cité. Mais l'auteur optimiste ne prolonge pas l'exode rural et la division des familles, en partie inévitable par l'héritage autrefois dévalorisant des rivages aux cadets ou aux filles qui devient une poule aux œufs d'or s'il est bien géré.
- Les besoins en eau par ha de parcelles de champs cultivés et par année seraient estimés à 8 700 m3.
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