région autonome de la Catalogne, Espagne - Catalunya

Flag Catalogne

La Catalogne (en catalan : Catalunya, en occitan : Catalonha, en espagnol : Cataluña) est une communauté autonome du Nord-Est de l'Espagne qui a le statut d'une nationalité dans son statut d’autonomie. Sa capitale et métropole est la ville de Barcelone. Elle est entourée par la Communauté valencienne au sud, l'Aragon à l'ouest, l'Andorre au nord-ouest, la France au nord, et la mer Méditerranée à l'est. Une partie de ses terres fait donc frontière avec la France. Elle couvre une superficie de 32 106 km2 (6 % de la superficie de l'Espagne). Ses langues officielles sont le catalan, l'occitan (dialecte aranais en val d'Aran) et l'espagnol (ou castillan). Fin 2023, elle comptait 8 005 784 habitants (17 % de la population espagnole), ce qui en faisait la deuxième communauté d'Espagne après l'Andalousie et la dixième subdivision territoriale de premier niveau administratif d'Europe au regard de la population. Elle est également la plus peuplée parmi les Pays catalans, ensemble culturel et linguistique qui la lie à la Communauté valencienne, aux îles Baléares, à la principauté d'Andorre, à la Franja aragonaise, à la ville italienne d'Alghero en Sardaigne et à l'essentiel du département français des Pyrénées-Orientales.

Statistiques, géographie, démographie

Région autonome de la Catalogne est une des 19 entités qui dépendent d'Espagne Flag Espagne
Pour info, la composition d'Espagne correspond au moins à 17i régions autonomes, 2 villes autonomes.

Fuseau horaire principal : +02:00

Région autonome de la Catalogne couvre une superficie de 32 106i km2, avec une population de 8 005 784i habitants (2023), soit une densité de 249,35i habitants par Km2.
Gentilé : L'habitant(e) de la Catalogne s'appelle un(e) Catalan(e).

Localisation

Carte du monde

Catalogne : descriptif

La Catalogne est l'une des 17 communautés autonomes d'Espagne, et possède son identité (article 1 de son statut d'autonomie) qui est notamment représentée par son gouvernement, son drapeau (la senyera) et sa langue (le catalan), entre autres éléments. Elle est régie par un statut d'autonomie. Depuis le , elle est définie comme « réalité nationale » par son statut d'autonomie de 2006. Le préambule de cette loi, qui n'a pas de valeur juridique, déclare que le parlement catalan définit la Catalogne comme nation. Le parlement de Catalogne, majoritairement indépendantiste, a proclamé le la République catalane, conduisant l'Espagne à suspendre provisoirement tous les pouvoirs de la généralité de Catalogne.

Administrativement, la communauté autonome de Catalogne actuelle est divisée en quarante-deux comarques, regroupées en quatre provinces : Barcelone (Barcelona), Gérone (Girona), Lérida (Lleida) et Tarragone (Tarragona). Les agglomérations les plus importantes sont celle de Barcelone, par ailleurs deuxième aire urbaine d'Espagne en talonnant de peu Madrid, et celle de Tarragone.

La Catalogne est née en tant que réalité nationale par la réunion politique de plusieurs comtés de l'ancienne marche d'Espagne carolingienne entre le IXe et le XIIe siècle sous l'autorité de la maison de Barcelone. La principauté de Catalogne ainsi constituée devient progressivement un État à la fin du Moyen Âge, avec ses institutions comme les Corts, son droit hérité du droit romain, wisigothique et féodal et compilé dans les Usatges, ou encore sa langue, le catalan, qui se constitue en langue administrative, juridique et littéraire à partir du XIIe siècle. Par le système politique de monarchie pactiste, la Catalogne conserve ses spécificités et privilèges institutionnels, coutumiers et juridictionnels, appelés constitutions et autres droits, au sein de la couronne d'Aragon puis du royaume d'Espagne, jusqu'aux décrets de Nueva Planta de 1715 et 1716 qui, après une longue guerre et la conquête de la Catalogne par les armées franco-castillanes, abolissent les institutions catalanes. Après le mouvement de renouveau de la langue et de la culture catalanes de la Renaixença dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le nationalisme catalan ou « catalanisme » se structure idéologiquement à la fin du XIXe siècle, tandis que la Catalogne est l'une des rares régions d'Espagne à connaître alors une importante révolution industrielle. De même, le mouvement artistique du modernisme témoigne de l'ouverture sur l'Europe de la région ainsi que du nouveau rayonnement culturel que connaît ce territoire.

Industrialisée depuis le XIXe siècle, avec les secteurs historiquement dominants du textile, de la construction navale ou de la mécanique auxquels se sont ajoutés à la fin du XXe siècle ceux du tourisme, de l'automobile, de la chimie, de la pharmacie, de l'agroalimentaire ou de l'informatique, la Catalogne est aujourd'hui la deuxième communauté autonome la plus riche d'Espagne et la onzième des subdivisions territoriales de l'Union européenne, avec un produit intérieur brut (PIB) de 255 milliards de dollars en 2012. La communauté fait partie depuis 1988 des Quatre moteurs pour l'Europe avec le land allemand du Bade-Wurtemberg, la région italienne de Lombardie et celle française de Rhône-Alpes (devenue Auvergne-Rhône-Alpes en 2016), et depuis 2004 de l'eurorégion (devenue en 2009 un groupement européen de coopération territoriale ou GECT) Pyrénées-Méditerranée avec la région française d'Occitanie ainsi que la communauté espagnole des îles Baléares (auxquelles s'ajoutait jusqu'en 2006 l'Aragon).

Toponymie

Un manuscrit de Al-Udri (antérieur à son décès en 1085) mentionne le toponyme Talūniya, auquel le préfixe "ca" ou "cala" aurait été ajouté pour donner "cataluniya" ou "calatuniya".

Auparavant, et à la suite de l'Histoire générale de Languedoc de Claude Devic et Joseph Vaissète puis des Orígenes históricos de Cataluña de Josep Balari i Jovany (es), les auteurs s'accordaient pour considérer que le toponyme est attesté, pour la première fois, dans le Liber Maiolichinus de gestis Pisanorum illustribus, un poème latin de 3 515 hexamètres relatant l'expédition de Pisans, alliés du comte Raimond-Bérenger III de Barcelone, contre les Sarrasins des îles Baléares : le substantif Catalania y figure une fois ; et les adjectifs Catalanensis et Catalanicus, respectivement neuf et six fois.

Le nom de la Catalogne a commencé à être utilisé au XIIe siècle en référence au groupe de territoires qui composaient la marche d'Espagne, qui sont progressivement devenus indépendants des autorités franques.

Nombre d'hypothèses ont été émises sur l'étymologie du toponyme mais toutes ont été repoussées, notamment pour des motifs d'ordre phonétique :

  • Gothia, Gothland, puis Gothlandia : la « terre des Goths », vu que la marche d'Espagne aurait été l'une des terres des Goths. Cependant, la fin « -lunya » du nom catalan Catalunya oriente, sur le plan linguistique, vers une expression latine Gotia Longa (ou Gota lonna), soit « Gothie étendue » (jusqu'à Barcelone), autrement dit « Grande Gothie » par opposition à ce qui serait la « petite Gothie » du IXe siècle connue sous le nom de marquisat de Gothie. Cette interprétation est corroborée par la forte admiration des ancêtres goths entretenue localement pendant les IXe et Xe siècles qui ont vu l'affirmation du comté de Barcelone.
  • Lacetani « Lacétains », nom d'une tribu ibère établie au nord-ouest de la Catalogne actuelle, dont le nom pourrait avoir évolué en Katelans par métathèse, puis en Catalans.
  • Catu-vellauni, un peuple celte belge, devenu les Catalauni en latin, et aujourd'hui appelés les Catalaunes en français. À l'époque de l'installation des peuples belges au nord de la Seine, au début du IIIe siècle av. J.-C., un rameau des Catalauni, qui occupait la partie sud-est du département de la Marne et le Nord de celui de la Haute-Marne, peut-être en liaison avec la migration identique des Volques, se serait établi sur le territoire de l'actuelle Catalogne. Il est toutefois probable que des Proto-Celtes se soient établis dans la région pendant la période de la civilisation des champs d'urnes ou même du Campaniforme.
  • Catalani, dérivé de *(Monte)catalanus, lui-même dérivé de Montecatatanus (aujourd'hui la ville de Montcada près de Barcelone).
  • Catlanus, issu de castellanus « châtelain ».
  • Castellani, peuple ibérique de la province de Gérone au nord des Ausetani, possiblement issue de la tribu belge des Catalauni.

Histoire

Du fait de son emplacement, le territoire catalan a été l'objet de nombreuses influences externes, souvent simultanément, depuis les temps préhistoriques jusqu'à la naissance de l'Espagne en tant qu'État, ainsi que de nombreuses circulations d'hommes, d'idées, de savoirs et de techniques. Inversement, il a été lui-même une importante source d'inspiration pour d'autres territoires, principalement durant le Moyen Âge, lorsqu'il est devenu le cœur politique et culturel de la Couronne d'Aragon. Cette dernière a établi une thalassocratie en Méditerranée occidentale entre le XIIIe siècle et le XVIe siècle, laissant un héritage d'environ 10 millions de catalanophones à ce jour.

L'union dynastique avec la couronne de Castille en 1479 mais surtout les conséquences de la guerre des faucheurs de 1640-1659, de la prise de Barcelone le par les forces franco-castillanes de Philippe V de Bourbon, des guerres carlistes au XIXe siècle ou de la dictature nationaliste et centralisatrice de Francisco Franco entre 1939 et 1975 ont fortement diminué le rôle politique et culturel joué par la Catalogne en Espagne et en Europe.

Le territoire avant la formation de la Catalogne

Préhistoire
Les Danseurs de Cogul, dans l'actuelle province de Lérida, est l'une des œuvres les plus représentatives d'art levantin.

Les plus anciennes traces de peuplement du territoire catalan actuel remontent à la fin du Paléolithique inférieur et au début du Paléolithique moyen, il y a 250 000 à 550 000 ans. Si les plus anciens vestiges d'une industrie lithique ont été découverts au nord des Pyrénées, dans la caune de l'Arago (homme de Tautavel), le plus ancien reste humain au sud est une mandibule de pré-néandertalien d'environ 250 000 ans qui a été mise au jour à Banyoles en 1887.

Plusieurs gisements importants peuvent être cités pour le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur. En ce qui concerne les sites de l'Épipaléolithique et du Mésolithique, les plus importants gisements conservés sont pour leur part datés entre 8 000 et 5 000 ans av. J.-C., dont de nombreux vestiges d'art rupestre levantin.

Le Néolithique débute en terres catalanes environ 5 800 à 4 500 ans av. J.-C., même si le degré de sédentarisation était nettement inférieur à celui d'autres régions ; en effet, l'abondance de zones boisées permit de maintenir un rôle majeur à la chasse et à la cueillette au sein des activités de subsistance. Quoi qu'il en soit, plusieurs cultures néolithiques vont se développer dans la région : le Cardial (site de La Draga près de Banyoles), la culture des sépultures en fosse montrant des influences du Chasséen (mines de Gavà). Suivent ensuite le Campaniforme au Chalcolithique d'environ à environ , puis la civilisation des champs d'urnes à l'âge du bronze entre 1 200 et .


Antiquité pré-romaine (Xe siècle av. J.-C.-IIIe siècle Antiquité pré-romaine (Xe siècle av. J.-C.-IIIe siècle av. J.-C.)
Vestiges de l'enceinte d'une ancienne cité ibérique à Ullastret (Baix Empordà, Gérone).

À l'époque pré-romaine, le territoire de Catalogne, comme le reste de la partie méditerranéenne de la péninsule, a été peuplé par les Ibères. D'après les éléments livrés par l'archéologie et les recherches les plus récentes, il semble falloir abandonner l'idée, longtemps défendue par l'historiographie, que les Ibères soient un peuple migrateur venu d'Afrique, mais qu'ils soient le fruit d'apports de population différentes (notamment indo-européennes) ayant fini par développer une culture commune. Les Ibères connaissent un développement qui prend sa source au début du Ier millénaire av. J.-C. et se termine avec la conquête romaine dans le courant du IIe siècle av. J.-C..

En réalité, ce n'est qu'à partir du VIe siècle av. J.-C. que les régions du Nord de l'Ibérie, et surtout la région de la basse vallée de l'Èbre, commencent à prendre plus de visibilité sur le Sud, jusque-là favorisé par ses activités minières et ses relations commerciales avec les peuples puniques. Cette région septentrionale, comprenant l'actuel territoire de la Catalogne, jusque-là d'un caractère plutôt agricole en regard des territoires du Sud, miniers, connaîtra un développement singulier, avec le développement d'une civilisation proto-urbaine, l'entrée dans l'âge du fer et l'invention d'une écriture. Certaines agglomérations deviennent des cités importantes, notamment Ilerda (Lérida) à l'intérieur des terres, Biscargis (à l'emplacement inconnu mais situé au sud de la Catalogne actuelle ou au nord de la Communauté valencienne), Hibera (peut-être Tortosa) ou Indika (Ullastret). Les Ibères de cette région (dont les principaux peuples sont les Ilergetes, les Indigetes, les Lacétans ou les Cerretains) entretiennent également des relations avec les peuples du Nord de la Méditerranée : Gaulois, Grecs, et plus tard Romains. Des colonies marchandes côtières ont été établies par les anciens grecs qui se sont installés à Emporion (Empúries) et à Roses.


Le cœur de la Tarraconaise romaine (IIe siècle av. J.-C.-Le cœur de la Tarraconaise romaine (IIe siècle av. J.-C.-Ve siècle)
Arc de Berà
(Roda de Berà, Tarragone).
Vénus de Badalone.

Après la défaite des Carthaginois face à la République romaine en , ce territoire est devenu la première région ibérique à passer sous domination romaine en intégrant l'Hispanie, la partie occidentale de l'Empire romain. Tarraco (Tarragone) était l'une des plus importantes cités romaines en Hispanie, et la capitale de la province de Tarraconaise (ou Hispanie citérieure). Les autres cités importantes de la période romaine dans cette région sont Ilerda (Lérida), Dertosa (Tortosa), Gerunda (Gérone) ainsi que les ports d'Empuriæ (ancienne Emporion), Baetulo (Badalone) et Barcino (Barcelone). Il s'agit de l'une des premières parties de l'Empire à se romaniser, entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle. Comme pour le reste de l'Hispanie, le droit latin est accordé à l'ensemble des cités sous le règne de Vespasien (69-79), tandis que la citoyenneté romaine est accordée à tous les hommes libres de l'Empire par l'édit de Caracalla en 212 (Tarraco, la métropole, était déjà une colonie de droit romain depuis -45). C'est une province riche, agricole (huile d'olive, vigne, blé), tandis que la période de la République puis du Haut-Empire romain correspond à la construction de routes (dont la plus importante reste la Via Augusta parallèle au littoral méditerranéen) et d'infrastructures pour l'irrigation.


Cimetière paléochrétien
de Tarragone.

Au Bas-Empire, les provinces sont réorganisées en 293 et la Tarraconaise réduite au nord-est de la péninsule, correspondant à un territoire légèrement plus vaste que l'actuelle Catalogne. La christianisation, commencée de manière attestée au IIIe siècle, est achevée au IVe siècle. De plus, il s'agit du seul territoire hispanique à rester sous contrôle romain et à ne pas passer sous la domination des Vandales, des Suèves et des Alains au Ve siècle, bien que les principales cités y aient subi des pillages fréquents qui provoquent une certaine désurbanisation (à commencer par le déclin de Tarraco ou la destruction d'Empuriæ). Un repli défensif s'opère vers les grands domaines latinfundiaires de la vallée de l'Èbre ou vers les montagnes. C'est l'installation dans cette région d'un peuple barbare fédéré à Rome, les Wisigoths, qui contribue au maintien d'une certaine stabilité.


D'un État catalan à une province de l'Espagne (Ve siècle-D'un État catalan à une province de l'Espagne (Ve siècle-XVIIIe siècle)

Comtés catalans
du VIIIe au XIIe siècle.
Pétronille d'Aragon et Raimond-Bérenger IV de Barcelone, selon l'interprétation de Filippo Ariosto (1586).
Des Wisigoths aux comtés de la Marche d'Espagne (Ve siècle-Des Wisigoths aux comtés de la Marche d'Espagne (Ve siècle-XIIe siècle)

Après la chute de l'Empire romain d'Occident, la région est l'un des principaux foyers d'installation des Wisigoths et l'un des points de départ de leur conquête d'une grande partie du reste de la péninsule Ibérique. Ils contribuent à ramener une stabilité et un essor économique, ainsi qu'au développement de nouveaux centres urbains qui existaient déjà à l'époque romaine mais qui étaient jusque-là d'importance secondaire, à commencer par Barcino ou Barcelone. Celle-ci sert d'ailleurs de capitale au Royaume wisigoth en 415, de 507 à 510 et de 531 à 548. En 718, elle est passée sous contrôle musulman et est devenue une partie d'al-Andalus, une province du Califat omeyyade.

Ensemble de comtés qui forment la marche d'Espagne de l'Empire carolingien depuis la conquête par Charlemagne (785-801), la Catalogne naît au IXe siècle. De là, en contact direct avec les territoires restés sous domination musulmane, elle devient l'un des foyers de la Reconquista ainsi que l'une des interfaces des échanges commerciaux, culturels, scientifiques et techniques qui s'établissent entre les mondes arabo-musulmans et chrétiens. De nombreuses abbayes sont fondées entre le IXe siècle et le XIIe siècle tandis que dans les cités les sièges épiscopaux sont restaurés, formant de riches seigneuries ecclésiastiques ainsi que d'importants foyers artistiques et intellectuels. Ces centres religieux contribuent à une importante diffusion de l'Art roman en Catalogne (abbayes de Ripoll ou de Montserrat, collégiale de Cardona, cathédrale de Gérone) ainsi qu'à l'entretien de riches bibliothèques nourries d'ouvrages antiques, wisigothiques et arabes. C'est là que le philosophe et mathématicien Gerbert d'Aurillac (futur pape sous le nom de Sylvestre II) est formé et apprend, entre autres, le maniement du système de numération décimal (sans le zéro) indo-arabe. Sa langue, le catalan, très proche au Moyen Âge de l'occitan, se développe à partir du IXe siècle.

Le « père fondateur » de la Catalogne serait Guifred le Velu, nommé comte de Barcelone en 878 au concile de Troyes. Guifred le Velu est l'ancêtre de la dynastie de Barcelone, qui construit peu à peu l'État catalan autour du comté de Barcelone, en ignorant la suzeraineté des rois francs considérés de plus en plus comme incapables d'assurer la protection (comme en témoigne la sac de Barcelone en 985 par les troupes maures d'Almanzor sans que le roi Lothaire, pourtant appelé à l'aide par le comte Borrell II, n'intervienne). Ces comtés sont également parmi les lieux de naissance de la paix de Dieu à la fin du Xe siècle, et surtout de la trêve de Dieu qui en découle au XIe siècle, ainsi que de leur institutionnalisation sous le contrôle des Églises locales et de leurs prélats (évêques et abbés réformateurs). La pratique de ces « assemblées de paix » (qui préfigurent les corts) comme le maintien d'une forte culture juridique de l'écrit (attestée par la rédaction de conventions ou convenientiæ) vont constituer les bases de cet État catalan en construction, dans une société profondément féodalisée depuis la crise du XIe siècle.

L'essor de la principauté médiévale de Catalogne (XIIe siècle-L'essor de la principauté médiévale de Catalogne (XIIe siècle-XVe siècle)

En 1137, le comte de Barcelone épouse l'héritière du royaume d'Aragon. À ce moment naît la couronne d'Aragon qui développe un mode d'administration original, très décentralisé pour répondre aux fortes différences tant politiques qu'économiques et linguistiques des deux parties de la couronne, le royaume d'Aragon et la principauté de Catalogne.

Cort General de Catalunya.

La couronne d'Aragon atteint son apogée avec la conquête du royaume de Valence et le développement de son influence en Méditerranée : les souverains d'Aragon prennent possession de la Sicile, du royaume de Naples et temporairement de la Sardaigne et de la Corse dont ils sont à l'origine du drapeau à tête de maure. Les almogavres, mercenaires catalans, vont créer un éphémère duché en Grèce. Cette expansion explique l'usage de la langue catalane de nos jours au Pays valencien, aux Baléares et dans un bourg de Sardaigne, Alghero. Devenue une véritable thalassocratie, cet ensemble catalano-aragonais joue un rôle de premier plan dans l'essor économique et commercial connu par l'Occident chrétien aux XIIe siècle et XIIIe siècle, porté par le commerce maritime et les activités textiles, contribuant au développement des villes (dont surtout Barcelone mais aussi Gérone, Tarragone, Lérida ou Tortosa) et à l'affirmation d'une nouvelle élite urbaine faite de marchands, négociants ou tisserands, la bourgeoisie.

La frontière avec la France est fixée par le traité de Corbeil de 1258, après l'échec de l'intervention aragonaise lors de la croisade des albigeois. Le Roussillon et le Nord de la Cerdagne sont alors inclus dans la Catalogne. En 1283, la principauté de Catalogne a célébré l'officialisation d'un Cort General (le parlement) régulier, qui a approuvé les constitutions catalanes et, en 1359, a créé la Députation du General (ou Generalitat), consolidant ainsi le système de gouvernement de la monarchie pactiste ou contractuelle, qui caractérise la Catalogne jusqu'à l'établissement de l'absolutisme au XVIIIe siècle. Par ailleurs, les comtes et les Corts ont lancé la compilation, à partir du XIIe siècle, de l'ensemble des us et coutumes qui forment les Usages de Barcelone, base du droit catalan.

La principauté de Catalogne amorce son déclin avec la peste noire de 1348 qui touche durement les principales cités de la principauté (à commencer par Barcelone), ainsi qu'à la disparition du roi Martin Ier d'Aragon, le Vieux, dernier souverain de la maison de Barcelone, mort sans héritier en 1410.


Une Catalogne en retrait à l'époque moderne (XVe siècle-Une Catalogne en retrait à l'époque moderne (XVe siècle-XVIIIe siècle)
La guerre des faucheurs (des Segadors).
Partition de la Catalogne (1659).

À l'extinction de la dynastie catalane d'Aragon en 1410, l'élection du Castillan Ferdinand Ier le Juste en 1412 est suivie par les règnes de ses fils Alphonse V (de 1416 à 1458) puis Jean II (déjà associé au trône tandis que son frère guerroie en Italie).

En 1462, une rébellion se produit contre Jean II d'Aragon. À cette occasion, le Roussillon et la Cerdagne sont donnés en gage au roi de France Louis XI qui les occupe militairement. Le conflit dure jusqu'en 1472, et Jean finit par triompher des prétendants opposés.

Le fils de Jean II, Ferdinand II d'Aragon dit le Catholique, épouse en 1469 celle qui deviendra Isabelle la Catholique. Il en soutient les prétentions à succéder à Henry de Trastamare sur le trône de Castille, et, l'issue de la Guerre de Succession de Castille, le couple s'impose. L'Aragon, dont la Catalogne, est en union dynastique avec la Castille. Après l'invasion du royaume de Navarre en 1512, les monarchies ibériques furent formellement réunies en une seule monarchie d'Espagne en 1516. Chaque royaume de la monarchie conservait ses institutions politiques et maintenait ses propres parlements, lois, administration et monnaies séparées. Mais la Castille est l'entité dominante.

Lorsque Christophe Colomb fit sa découverte dans l'Amérique lors d'une expédition commanditée par l'Espagne, il commença à déplacer le centre de gravité économique et commercial de l'Europe (et les ambitions de l'Espagne) de la Méditerranée à l'océan Atlantique. Castille et Aragon étaient des entités séparées jusqu'en 1716 malgré une couronne partagée et les colonies nouvellement établies dans les Amériques et le Pacifique étaient castillans. Pendant trois siècles, les Catalans se rebellent à de nombreuses reprises pour défendre leurs droits face à un pouvoir castillan de plus en plus expansionniste et cherchent à échapper à l'effort militaire de l'Empire espagnol.

En 1640 éclate la révolte des faucheurs (Segadors). Les Catalans s'opposent au centralisateur ministre Olivares qui veut supprimer leurs privilèges locaux pour les faire participer à l'effort de guerre, jusque-là supporté seul par la Castille. Les Catalans révoltés proclament dans un premier temps une république catalane, puis font appel à Louis XIII, proclamé comte de Barcelone. Par le traité des Pyrénées son fils Louis XIV conclut avec le roi d'Espagne une partition de la Catalogne. Le Roussillon, le Vallespir, le Conflent et le Nord de la Cerdagne rejoignent le royaume de France, tandis que le reste de la principauté, reconquis progressivement par le roi d'Espagne entre 1644 et 1652, se voit reconnaître le respect des lois et institutions catalanes. Els Segadors (Le chant des Faucheurs) est l'hymne national officiel catalan.

Pendant la guerre de Succession d'Espagne, la Catalogne, tout comme l’ensemble de la Couronne d’Aragon, choisit le camp de la maison des Habsbourg contre celle des Bourbons du petit-fils Philippe de Valois de Louis XIV. Le conflit est porté en terre ibérique à partir de 1704, et se termine pour la Catalogne le , date de la prise de Barcelone par les troupes franco-espagnoles après près d'un an de siège. En 1886, cette date sera choisie comme fête nationale de la Catalogne (Diada Nacional de Catalunya).

La nouvelle dynastie affirme l'instauration d'une monarchie absolue et centralisée par les décrets de Nueva Planta (« nouvelle base » ). La nouvelle organisation est inspirée du modèle français, et comme ailleurs les usages, la Cort General et les autres institutions du royaume d’Aragon, de Valence et des Baléares, qui constituaient la couronne aragonaise, sont abolis. Le décret (du ) concernant l'Aragon, dont la Catalogne, a aussi pour but et effet de punir les vaincus : les fonctions nouvelles qui remplacent les anciennes passent aux mains de fidèles du Roi. Le Castillan est imposé dans l'enseignement et dans l'administration. Ne subsiste que le droit civil, et quelques privilèges fiscaux et militaires. L'indépendance de l'Aragon, et donc de la Catalogne, est terminée. La Catalogne sort brisée et soumise de cette épreuve, et il faut attendre plus d'un siècle pour assister à sa renaissance.


La Catalogne contemporaine (depuis le La Catalogne contemporaine (depuis le XIXe siècle)

Vue du palais national (aujourd'hui musée national d'art de Catalogne) pour l'Exposition universelle de 1929 à Barcelone.
Renaissance culturelle et essor industriel (Renaissance culturelle et essor industriel (XIXe siècle)

La Catalogne est annexée à l'Empire français par Napoléon Ier du 26 janvier 1812 au 10 mars 1814 et divisée en quatre départements. Le règne de Ferdinand VII (a régné 1808-1833) a vu plusieurs soulèvements catalans et après sa mort, le conflit sur la succession entre les absolutistes « carlistes » partisans de Carlos María Isidro et les partisans libéraux d'Isabelle II a conduit à la Première Guerre carliste, qui a duré jusqu'en 1840 et était particulièrement virulent sur le territoire catalan. La Catalogne est divisée. Les zones les plus industrialisées soutiennent le libéralisme et la bourgeoisie catalane tente de contribuer à la construction du nouvel État libéral. Le règne d'Isabelle II a été marqué par l'inefficacité administrative, le centralisme et les tensions politiques et sociales. Les libéraux se divisent bientôt en « modérés » et en « progressistes » et en Catalogne un courant républicain commence à se développer. Pendant le deuxième tiers du siècle, il y a eu plusieurs soulèvements progressifs à Barcelone et ailleurs.

Elle s'industrialise rapidement au XIXe siècle, et entre ensuite dans l'ère industrielle avec beaucoup plus de dynamisme que la plupart des autres territoires espagnols. Le territoire catalan a vu la première ligne ferroviaire dans la péninsule Ibérique en 1848, reliant Barcelone à Mataró, construite avec capitaux privés. Comme dans la plus grande partie de l'Europe, la classe ouvrière s'est transformée en un prolétariat industriel, vivant et travaillant dans des conditions souvent inhumaines.

Le développement économique entraîne une assez forte urbanisation comme l'atteste l'extension planifiée de Barcelone (Eixample), mais aussi le renouveau culturel de la Catalogne (la Renaixença) et un retour des revendications linguistiques et nationalistes catalanes (le catalanisme). Au tournant du XXe siècle, la Catalogne est l'un des pôles de développement de l'Art nouveau, qui y prend le nom de modernisme catalan, marqué par les productions d'architectes (Antoni Gaudí, Lluís Domènech i Montaner, Josep Puig i Cadafalch), de peintres (Ramon Casas, Santiago Rusiñol), de sculpteurs (Eusebi Arnau, Josep Llimona) et de revues proches du milieu catalaniste (L'Avenç). Cette effervescence culturelle culmine avec les expositions universelles qui se tiennent à Barcelone en 1888 puis en 1929-1930. Par la suite, d'autres acteurs majeurs de la scène artistique internationale au XXe siècle se sont formés ou se sont implantés fortement en Catalogne, comme Pablo Picasso, Salvador Dalí, Joan Miró ou Antoni Tàpies. Sur le plan musical, peuvent être cités Pau Casals, Jordi Savall ou les artistes lyriques José Carreras et Montserrat Caballé.

Luttes et résistances pour la reconnaissance d'une identité (Luttes et résistances pour la reconnaissance d'une identité (XXe siècle)
Proclamation de la République
à Barcelone, 14 avril 1931.

Les anarchistes ont été actifs au début du XXe siècle et ont gagné, après une grève réussie qui a paralysé une grande partie de l'industrie de la Catalogne, la première journée de huit heures en Europe occidentale en 1919.

En 1914, les partis catalanistes ont gagné la création de la Mancommunauté de Catalogne, sans autonomie spécifique, mais avec un ambitieux programme de modernisation. Elle est abolie en 1925 par la dictature espagnole de Miguel Primo de Rivera. En 1931 est proclamée la République catalane confédérée à l'Espagne à la suite de la victoire électorale des partis catalanistes de gauche et obtient en échange, après négociation avec le nouveau gouvernement de la République espagnole, un statut d'autonomie en 1932 qui ressuscite l'institution de la Généralité de Catalogne (en catalan : Generalitat de Catalunya), présidée par l'indépendantiste de gauche Francesc Macià. Sous la présidence de Francesc Macià (1931-1933) et Lluís Companys (1933-1940), tous deux membres de la Gauche républicaine de Catalogne (en catalan : Esquerra Republicana de Catalunya, ERC), la Généralité développe un programme social et culturel avancé, malgré la grave crise économique et les vicissitudes politiques de l’époque.

En 1936, le Front des gauches de Catalogne s'allie au Front populaire.

Le statut est suspendu en 1939 lorsque la Catalogne, fidèle à la République, chute face aux troupes nationalistes de Franco à la fin de la guerre d'Espagne, événemen annonciateur de la Seconde Guerre mondiale. En 1940, le président catalan, Lluís Companys, est arrêté en France par les Allemands, livré au régime franquiste par la France de Vichy à la Gestapo, qui le fait condamner et fusiller au château de Montjuïc.


Destructions causées par
un raid aérien allemand sur Granollers,
31 mai 1938.

Durant la dictature franquiste, la répression politique concerne aussi les usages publics de la langue et des symboles de l'identité catalane. Les drapeaux, les hymnes comme Els Segadors ou le Cant de la Senyera, la célébration des fêtes comme la Diada Nacional, voire la sardane, sont considérés comme des signes de subversion et sont déclarés illégaux. Ainsi, le , l'interprétation du Cant de la Senyera par le public au palais de la musique catalane en présence de plusieurs ministres franquistes est l'élément central des événements du Palais de la Musique qui se soldent par la condamnation à sept ans de prison du jeune militant nationaliste Jordi Pujol. Jordi Pujol, future figure du nationalisme catalan, premier président élu de la Généralité (le gouvernement regional de Catalogne) après la mort de Franco, à la tête de cette région espagnole pendant 23 ans (1980-2003) finira pour avouer une fraude fiscale qui a duré 34 ans. Concernant l'enseignement, seules les leçons en langue « chrétienne » (castillane) sont autorisées. Les toponymes sont hispanisés, l'usage du catalan est interdit dans les administrations et en public, par l'introduction du slogan : « Si tu es Espagnol, parle espagnol ! ». Ceci va si loin que le chanteur Joan Manuel Serrat n'a pas le droit de participer au Concours Eurovision de la chanson 1968, parce qu'il veut y chanter la chanson La la la en catalan. La Catalogne, comme les autres régions aux identités spécifiques (comme le Pays basque, par exemple), commence par réagir en cultivant sa culture dans le domaine privé, puis en s'abstenant massivement aux votes populaires de toutes sortes. Cette résistance passive persiste de façon majoritaire jusque dans les années 1970, ayant trouvé au début des années 1960 son expression dans la Nova Cançó (la nouvelle chanson). Les compositeurs de chansons tout d'abord anonymes trouvent leurs modèles dans le Folk anglo-saxon, dans la chanson ou dans leur patrimoine de chansons populaires. L'usage s'est tout particulièrement développé de chanter dans les arrière-salles de cafés des chansons en catalan, interdites dans l'espace public. Les compositeurs écrivent eux-mêmes leurs œuvres, et en raison de la répression toujours menaçante, ne se produisent que dans des cadres modestes. Les chants ont souvent pour sujet le sentiment d'allégeance à un groupe. Parmi les représentants connus de la Nova Cançó, on compte Lluís Llach (notamment avec sa chanson L'Estaca, le pieu, avec laquelle il faisait allusion au régime dictatorial et qui devient l'hymne de la résistance au franquisme), Francesc Pi de la Serra, Maria del Mar Bonet et Raimon. En Catalogne, l'entrée en scène de Raimon le  (connue comme le 18 de maig a la villa) est devenu un des événements forts de cette lutte, avec les centaines de milliers de spectateurs affluant malgré les policiers distribuant des coups de matraque autour d'eux. L'abbaye de Montserrat, où sont dites des messes dans la langue catalane interdite, devient aussi connue dans ce contexte. Le chant de louanges à la Vierge Virolai de Montserrat a remplacé pendant l'ère franquiste l'hymne catalan interdit Els Segadors.


La flamme olympique sur le stade olympique Lluís-Companys de Barcelone lors des Jeux olympiques d'été de 1992.

La guerre civile avait ravagé l'économie espagnole. L'infrastructure avait été endommagée, les travailleurs avaient été tués et les activités quotidiennes entravées. La reprise économique a été très lente et ce n'est que dans la seconde moitié des années 1950 que l'économie de la Catalogne a atteint les niveaux d'avant-guerre de 1936. Après une période initiale où l'Espagne a tenté de construire une autarcie dans laquelle l'économie s'est peu améliorée, le régime de Franco a changé sa politique économique en 1959 et, dans les années 1960 et au début des années 1970, l'économie est entrée dans une période d'expansion économique rapide.

Après la mort de Franco, la Généralité de Catalogne est rétablie en 1977 avec le retour d'exil de son président Josep Tarradellas. Celui-ci occupe le poste par intérim jusqu'aux élections de 1980, qui voient Jordi Pujol, souverainiste catalan de centre-droit, plusieurs fois emprisonné sous la dictature franquiste, être élu président de la Généralité. Il occupe ce poste pendant six mandats consécutifs. Le père de Jordi Pujol fonde la Banca Catalana en 1958. Elle fait faillite en 1982 dans des circonstances peu claires, laissant un trou de 1,6 milliard d'euros payé par le contribuable espagnol. En 1984, le procureur général dépose une plainte contre Jordi Pujol et vingt anciens administrateurs de Banca Catalana pour des crimes de détournement et de complot. Jordi Pujol parle alors de manœuvre de Madrid contre la Catalogne. En novembre 1986, la session plénière extraordinaire de la Cour territoriale de Barcelone (composée de 42 juges) estime que la preuve est insuffisante pour poursuivre le président de la Generalitat. Fin juillet 2014, après que Jordi Pujol a reconnu une fraude fiscale, les médias espagnols font état des enquêtes de la justice sur sa famille et de sommes dépassant les cent millions d'euros se trouvant dans treize pays différents. Cet argent serait le résultat de « 23 à 30 ans de commissions sur des travaux publics ». Confronté à ces révélations, il doit renoncer à son poste de président honorifique du parti Convergence démocratique de Catalogne. Son épouse et quatre de ses enfants auraient fait transiter près de 3,7 millions d'euros en un mois, en 2010, sur des comptes en Andorre et en Suisse. Un autre de ses fils, Oriol Pujol, ancien numéro deux de CDC et bras droit d'Artur Mas, a abandonné son siège au parlement catalan après avoir été mis en examen pour un scandale de corruption présumé. La transition démocratique permet l'expression libre des idées indépendantistes et la restauration d'institutions autonomes. Commençant à se faire sentir durant les deux dernières décennies de la période franquiste, une forte effervescence économique et sociale s'ensuit, portée par le tourisme de masse, l'industrie (automobile par exemple, avec les usines Seat installées dans la zone franche de Barcelone depuis 1953), l'urbanisme innovant de Barcelone qui devient le lieu d'expression d'architectes à la renommée internationale ou les Jeux olympiques d'été de 1992. Par ailleurs, la Catalogne devient un territoire bien intégré aux grands réseaux de la mondialisation et de l'Union européenne, Barcelone étant classée dans la catégorie des villes mondiales « alpha » par le laboratoire d'idées GaWC tandis que l'eurorégion Pyrénées-Méditerranée est créée avec l'Aragon, les îles Baléares et les régions françaises de Midi-Pyrénées et du Languedoc-Roussillon en 2004. Par ailleurs, un homme politique catalan, Josep Borrell, occupe la présidence du Parlement européen de 2004 à 2007.


Le mouvement pour l'indépendance du début du Le mouvement pour l'indépendance du début du XXIe siècle

La crise économique et du logement de la fin des années 2000 et du début des années 2010 ainsi que la décision du Tribunal constitutionnel espagnol d'invalider plusieurs dispositions du statut d'autonomie entraînent d'importantes tensions sociales et politiques en Catalogne de même qu'entre la communauté et le gouvernement central. Cela aboutit à la montée du mouvement des Indignés et de l'indépendantisme catalan, caractérisé par la victoire de la liste Barcelone en commun de la gauche radicale et écologiste aux élections municipales de 2015 à Barcelone, permettant l'accession au poste de maire de l'activiste Ada Colau, et par celle de l'alliance indépendantiste Ensemble pour le oui aux élections au Parlement de Catalogne de la même année. Une déclaration sur le lancement du processus d'indépendance de la Catalogne est adoptée par le Parlement de Catalogne le .

Le , un référendum pour l'indépendance de la Catalogne est annoncé. Ce dernier se tient le dans un contexte de vives tensions entre l'État espagnol, qui a déclaré cette consultation illégale, et la Généralité de Catalogne. En effet, le Tribunal constitutionnel espagnol a suspendu le la loi définissant les modalités légales de création d'un État catalan votée par le Parlement de Catalogne. Le parquet ordonne aux forces de police d'empêcher la tenue de tout référendum. Bien qu'étant soutenu par l'essentiel de ses homologues européens, le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy est vivement critiqué dans la presse internationale pour l'ampleur de la répression.

Lors d'une intervention devant le Parlement réuni le 2017, Carles Puigdemont proclame que avec les résultats du référendum, la Catalogne a gagné le droit d'être un État indépendant . Peu après la fin de la séance, les députés indépendantistes, bien que minoritaires à la suite des élections de 2015 (47,7 % du vote populaire), signent une déclaration qui reconnaît la République catalane comme État indépendant et souverain, fondé sur le droit, démocratique et social . Bien que le texte n'y fasse pas référence, son application est suspendue en conséquence du discours de Carles Puigdemont devant les parlementaires, pour entreprendre un dialogue, arriver à une solution négociée pour avancer face aux demandes du peuple catalan . La déclaration ne sera pas publiée au Journal officiel de la communauté autonome et n'a pas été formellement approuvée par un vote des députés, ce qui la laisse sans valeur ni effet juridiques aux termes de la loi de transition juridique, qui imposait une proclamation par le Parlement réuni en session.

Le 12 octobre 2017, la chaîne de télévision française France24 publiait un article avec des exemples de fake news « Images d'une grève de mineurs de cinq ans, un jeune garçon paralysé et les doigts cassés d'une femme : les images qui envahissent les médias sociaux espagnols pendant la crise de l'indépendance de la Catalogne ont une chose en commun. Ce sont toutes de fausses nouvelles ».

Le 27 octobre 2017, la Catalogne engage un processus constituant pour se séparer de l'Espagne suivi quelques minutes plus tard par un vote du Sénat espagnol autorisant la mise sous tutelle de la Catalogne en vertu de l'article 155 de la Constitution. Le 14 octobre 2019, neuf dirigeants indépendantistes catalans sont condamnés à des peines allant de neuf à treize ans d’emprisonnement. Ces condamnations entrainent en protestation de fortes mobilisations. Le 17 octobre 2019, le quotidien français Le Monde publiait des informations à propos de la radicalisation d´« une partie du mouvement indépendantiste ». Le 18 octobre, la manifestation est durement réprimée par la police, faisant 579 blessés, dont quatre personnes qui ont perdu un œil à cause de l’utilisation de balles en caoutchouc. Le 18 octobre, la journaliste française Elise Gazengel publiait dans son compte de Twitter qu´avec d´autres journalistes, ils avaient remarqué que « certains casseurs ne parlent même pas espagnol. Le ministère de l'Intérieur confirme ce matin que des anarchistes allemands et français ont été détectés hier ».

Selon une enquête journalistique publiée en mai 2022, la Russie aurait poussé la Catalogne à proclamer son indépendance, en lui promettant un appui militaire et financier en échange de facilités pour y créer une place financière pour cryptomonnaies.

Géographie

Carte topographique
du système pyrénéen,
comprenant le territoire
de la Catalogne.

Avec une superficie de 32 106 km2, la Catalogne est la sixième communauté la plus étendue d'Espagne. Offrant une certaine diversité de biotopes et de paysages qui ont été forgés par des conditions géologiques, hydrographiques, climatiques et anthropiques particulières, le territoire catalan est constitué en 2009 à 40 % de forêts, à 29,1 % de sols cultivés, à 16,3 % de matollars (garrigues), à 6,2 % de zones urbanisées, à 5,3 % de prairies, à 2,5 % de nu naturel et à 0,6 % d'eaux continentales.


Situation

La Catalogne est bordée par la mer Méditerranée au sud (mer des Baléares) et à l'est (golfe du Lion), bordant les littoraux touristiques de la Costa Brava, de la Costa del Maresme et de la Costa Daurada. Au nord, les Pyrénées constituent une frontière naturelle avec la France (région Occitanie) et l'Andorre. Les autres communautés autonomes espagnoles d'Aragon et de la Communauté valencienne la bordent respectivement à l'ouest et au sud, tandis que les îles Baléares sont situées au large de ses côtes en mer Méditerranée.

Des scientifiques observent, depuis 2017 en particulier, une régression significative de certaines zones du littoral sous l'effet du changement climatique et de l’artificialisation des sols. Les reculs moyens enregistrés vont jusqu’à 9,8 mètres par an à Badalone et 7,5 mètres à Montgat. Les deltas sont également affectés par l’érosion. À l’embouchure de l’Ebre, les pertes sont de l’ordre de 10 à 15 mètres par an au cours des dernières décennies.

Lieux et monuments principaux

Sagrada Família, Barcelone.

Patrimoine mondial
L'entrée du parc Güell
à Barcelone.

La Catalogne est l'une des Communautés autonomes les mieux dotées d'Espagne au titre des sites inscrits au patrimoine mondial de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Ainsi, avec six biens inscrits en 2017, tous culturels, elle vient après la Castille-et-León (huit dont sept culturels et un naturel) et l'Andalousie (sept dont six culturels et un naturel).


Ces biens sont, par ordre d'ancienneté d'inscription :

La fontaine du cloître
du monastère de Poblet.
  • sept réalisations de l'architecte moderniste Antoni Gaudí dont six à Barcelone (fin XIXe siècle-début XXe siècle), dont originellement trois sites inscrits en 1984 (ce qui en fait, conjointement, l'un des cinq premiers biens espagnols inscrits au patrimoine mondial), à savoir le palais Güell (Palau Güell en catalan, 1886-1891), le parc Güell (1900-1914) et la Casa Milà dite La Pedrera (la « carrière de pierre » en français, 1906-1910), auxquels ont été rajoutés en 2005 les travaux réalisés de son vivant sur la Sagrada Família (entre 1882 et 1932, à savoir la crypte et la façade de la Nativité), la Casa Vicens (1883-1888), la Casa Batlló (1904-1906) et la crypte de la Colonie Güell à Santa Coloma de Cervelló (1908-1914).le monastère de Poblet dans la Conca de Barberà (XIIe siècle, qui a servi de nécropole aux rois d'Aragon jusqu'au XVe siècle, inscrite en 1991.
  • deux autres œuvres modernistes de Barcelone, réalisées par Lluís Domènech i Montaner, ont été inscrites en 1998 : le palais de la musique catalane (Palau de la Música Catalana en catalan, 1905-1908) et l'hôpital de Sant Pau (Hospital de la Santa Creu i Sant Pau en catalan, 1905).
  • 60 des 757 sites recensés d'art rupestre du bassin méditerranéen de la péninsule Ibérique (entre 10 000 et 6 500 ans av. J.-C.), inscrits en 1998, surtout présents dans la province de Tarragone (39 sites) et dans celle de Lérida (16 sites), dont les plus connus restent les grottes d'El Cogul ou celle d'Els Vilars.
  • neuf églises romanes de la Vall de Boí dans l'Alta Ribagorça (XIe siècle-XIIe siècle), inscrites en 2000.
  • quatorze monuments s'étendant sur 200 ha formant l'ensemble archéologique de Tarragone ou de Tarraco, dans la ville même et ses environs (IIe siècle av. J.-C.-Ve siècle), inscrits en 2000.

Statue d'Asclépios
dans les ruines d'Empúries.

La Catalogne est également la Communauté autonome à compter le plus de sites inscrits sur la liste indicative de l'Espagne, avec neuf biens depuis 2016 dont sept culturels, un naturel et un mixte :

  • la Catalogne participe, avec onze autres Communautés autonomes, à l'« itinéraire culturel du vin et du vignoble à travers les villes méditerranéennes », inscrit en 1998.
  • l'ensemble archéologique grec d'Empúries (VIe siècle av. J.-C.-IIIe siècle av. J.-C.), sur le territoire de la commune de L'Escala dans l'Alt Empordà, est inscrit depuis 2000.
  • un des onze sites d'ichnites de dinosaures de la péninsule Ibérique, qui forment un bien naturel partagé par le Portugal et l'Espagne et inscrit sur la liste indicative depuis 2002, celui de Fumanya dans le Berguedà (Crétacé supérieur).

Cadaqués
sur la face méditerranéenne
des Pyrénées.
  • la face méditerranéenne des Pyrénées, un bien mixte porté conjointement avec les Pyrénées-Orientales en France, est inscrite depuis 2004.
  • la Catalogne est de plus concernée par le projet d'inscription au patrimoine mondial des « voies romaines, itinéraires de l'Empire romain », au même titre que trois autres Communautés espagnoles pour l'antique Via Augusta essentiellement, soumis par l'Espagne à sa liste indicative en 2007.
  • deux des dix-sept vestiges du patrimoine historique minier également proposés par l'Espagne en 2007, à savoir les mines néolithiques de Can Tintorer en Gavà dans le Baix Llobregat et celles de Bellmunt del Priorat dans la comarque d'El Priorat (exploitées dès l'époque romaine mais culminant au XXe siècle).
  • le paysage agricole de la montagne méditerranéenne du Priorat, Montsant et Siurana dans la province de Tarragone, inscrits en 2014.
  • le portail du monastère de Ripoll, de style roman du XIIIe siècle, est inscrit en 2015.
  • la colline de la Seu Vella (Turó de la Seu Vella en catalan) de Lérida, comprenant l'ancienne cathédrale ainsi que des vestiges d'un ancien palais royal d'architectures romanes et gothiques (XIIIe siècle-XVe siècle), avec des ajouts poliorcétiques des XVIIe siècle et XVIIIe siècle, a été inscrite en 2016.

Monuments les plus hauts
Les trois cheminées de la Centrale thermique de Badalone-Sant Adrià sont la deuxième construction la plus haute de Catalogne, et font partie des éléments représentatifs du paysage urbain de Barcelone.

Les plus hauts bâtiments de Catalogne sont :

  • la torre Collserola (Barcelone) : 288 m ;
  • les trois cheminées de la centrale thermique de Badalone-Sant Adrià (Badalone) : 200 m ;
  • la cathédrale de la Seu Vella (Lérida) : 170 m ;
  • la tour Mapfre (Barcelone) : 154 m ;
  • l'hôtel Arts (Barcelone) : 154 m ;
  • la tour Glorias dite « tour Agbar » (Barcelone) : 145 m ;
  • la Sagrada Família (Barcelone) : 107 m pour les deux tours (torres ou campanars) centrales et 98 m pour les deux extérieures. Le projet prévoit la construction d'autres tours, dont une de 170 m.

Ce patrimoine est essentiellement le fruit de l'histoire artistique et architecturale de la Catalogne.

Art et architecture

Salvador Dalí
1904-1989.

La Catalogne a donné de nombreuses figures importantes au monde dans le domaine de l'art. Les peintres catalans de renommée internationale sont Salvador Dalí, Joan Miró (qui a aussi des origines familiales à Majorque) et Antoni Tàpies, tous appartenant au XXe siècle. Également lié à l'environnement pictural de la Catalogne, Pablo Picasso a vécu son enfance à Barcelone et s'est formé dans les milieux artistiques et intellectuels catalans du début du XXe siècle.

D'autres artistes importants sont Claudi Lorenzale pour le mouvement nazaréen et le romantisme médiévaliste qui a marqué sur le plan artistique la Renaixença, Marià Fortuny pour le romantisme et l'orientalisme catalan du XIXe siècle, Ramon Casas ou Santiago Rusiñol, principaux représentants du courant pictural du modernisme catalan de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, Josep Maria Sert pour le Noucentisme du début du XXe siècle, ou encore Josep Maria Subirachs et Carles Gabarró pour la sculpture et la peinture expressionnistes ou abstraites de la fin du XXe siècle et du XXIe siècle.


Antoni Gaudí
1852-1926.

Les plus importants musées de peinture de la Catalogne sont, au regard de la fréquentation en 2014, le théâtre-musée Dalí de Figueras (troisième d'Espagne et le 47e du monde), le musée Picasso de Barcelone (sixième d'Espagne et 64e du monde), le CaixaForum également à Barcelone (septième d'Espagne et 77e mondial), le musée national d'art de Catalogne (MNAC) toujours à Barcelone (huitième d'Espagne et le 84e au monde). D'autres institutions barcelonaises importantes sont la Fondation Antoni-Tàpies, la Fondation Joan-Miró, le musée d'art contemporain de Barcelone (MACBA) et le Centre de culture contemporaine de Barcelone (CCCB).

Dans le domaine de l'architecture, différents styles artistiques qui prévalent en Europe ont été développés ou adaptés en Catalogne, laissant leurs empreintes dans de nombreuses églises, monastères et cathédrales, d'art roman (les meilleurs exemples sont situés dans la moitié nord du territoire) et gothique. Il y a quelques exemples d'architecture de la Renaissance, baroque et néoclassique. Le modernisme (Art nouveau) à la fin du XIXe siècle apparaît comme l'art national catalan. Les architectes catalans de renommée mondiale de ce style sont Antoni Gaudí, Lluís Domènech i Montaner et Josep Puig i Cadafalch. En ce qui concerne le rationalisme architectural qui a dominé pendant une grande partie du XXe siècle, peuvent être soulignés les œuvres de Josep Lluís Sert ou de Torres Clavé (es). Enfin, Barcelone est également devenue depuis la fin du XXe siècle l'un des principaux centres de réflexion et d'innovation pour le courant postmoderniste, une effervescence incarnée, entre autres, par le Ricardo Bofill Taller de Arquitectura fondé en 1963 par Ricardo Bofill.


Littérature

Raymond Lulle
v. 1232-1315.
Statue à l'université de Barcelone.

Il y a deux moments historiques de splendeur de la littérature catalane. La première commence par les chroniques historiographiques des XIIe et XIVe siècles et l'âge d'or du XVe siècle, faisant naître le catalan littéraire notamment au travers des œuvres des troubadours (trobador en catalan comme en occitan), qu'ils soient des princes comme Alphonse le Chaste ou de véritables professionnels de la poésie et grammairiens comme Cerverí de Girona, Raimon Vidal de Besalú ou Jofre de Foixà. Toutefois, le premier écrivain d'importance en langue catalane reste le philosophe, théologien, poète et romancier Raymond Lulle (Ramon Llull en catalan), originaire de Majorque, à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle, tout particulièrement avec ses romans Blaquerne et Felix de les maravelles del mon.

Après cette période, entre les XVIe et XIXe siècles, l'historiographie romantique définit cette époque comme la Decadència, considérée comme la période « décadente » de la littérature catalane en raison d'une baisse de l'usage de la langue vernaculaire dans les productions culturelles (liée à l'influence de la cour royale, désormais castillane, qui va largement contribuer au dynamisme du Siècle d'or espagnol), ainsi que du fait d'un manque de mécénat de la part de l'aristocratie catalane. En revanche, le catalan reste largement la langue écrite et orale des classes populaires. De plus, à partir de la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, de nombreux auteurs se sont montrés critiques à l'égard de ce concept de « Décadence », lui reprochant de ne pas prendre en compte les œuvres scientifiques, savantes ou morales, à l'image de celles de Joan Pere Fontanella dans le domaine juridique ou de Francesc Santcliment (ca) en arithmétique (auteur du deuxième livre de mathématiques connu à avoir été imprimé au monde, en 1482), ni la littérature écrite par des auteurs catalans dans d'autres langues (castillan, italien, latin, etc.), comme Juan Boscán ou Gaspard Gil Polo (d'origine valencienne).

Quoi qu'il en soit, le catalan littéraire revient en force au XIXe siècle avec la Renaixença (« renaissance ») culturelle et politique, inspirée par le mouvement romantique européen et représentée par des écrivains et des poètes tels que Jacint Verdaguer pour la poésie, Narcís Oller pour ses romans et Àngel Guimerà pour le théâtre. Ce renouvellement littéraire, intellectuel mais aussi linguistique se maintient dans la durée, grâce aux Jeux floraux de Barcelone créés en 1859, au travail du grammairien Pompeu Fabra, qui a produit les normes du catalan moderne, ainsi qu'à l'Institut d'études catalanes (IEC, Institut d'Estudis Catalans) fondé en 1907. Au tournant du XXe siècle, le modernisme catalan s'exprime également sur le plan littéraire, avec par exemple Joan Maragall ou Santiago Rusiñol, contribuant à la transformation « d’une culture régionale traditionaliste en une culture nationale moderne » selon le valencien Joan Fuster et portant la construction intellectuelle et politique du catalanisme.


Mercè Rodoreda
1908-1983.

Au cours du XXe siècle, ont été développés les mouvements d'avant-garde initiés par la Génération de 14 appelée Noucentisme en Catalogne, représentés par Eugeni d'Ors, Joan Salvat-Papasseit, Josep Carner, Carles Riba, J.V. Foix et d'autres. Pendant la dictature de Primo de Rivera, la guerre civile (« Génération de 36 ») et l'époque franquiste, la littérature catalane se maintient malgré la répression qui s'abat sur le catalan et le catalanisme, en étant souvent produite en exil. Les auteurs les plus éminents de cette période restent Salvador Espriu, Josep Pla, Josep Maria de Sagarra (ces trois derniers étant considérés comme les principaux artisans du renouvellement de la prose catalane), Mercè Rodoreda, Joan Oliver Sallarès dit « Pere Quart », Pere Calders, Gabriel Ferrater, Manuel de Pedrolo, Agustí Bartra ou Miquel Martí i Pol. Par ailleurs, plusieurs écrivains étrangers ayant combattu dans le cadre des Brigades internationales racontent ensuite leurs expériences des combats dans leurs œuvres, historiques ou fictionnelles, avec par exemple Hommage à la Catalogne (Homage to Catalonia) du Britannique George Orwell en 1938 ou Le Palace en 1962 et Les Géorgiques en 1981 du Français Claude Simon.

Après la Transition démocratique (1975-1978) et la restauration de la Généralité (1979), la vie littéraire et le marché éditorial sont revenus à la normale et la production littéraire en catalan est soutenue par un certain nombre de politiques linguistiques visant à protéger la culture catalane. Outre les auteurs mentionnés ci-dessus, d'autres auteurs pertinents depuis le retour de la démocratie comprennent Joan Brossa, Jesús Moncada, Núria Perpinyà ou Quim Monzó.


Musique

La sardane est considérée comme la danse catalane populaire la plus caractéristique, interprétée au rythme du tamborí (tambourin), du tible et de la tenora (de la famille des hautbois), de la trompeta (trompette), du trombó (trombone), du fiscorn (de la famille des bugles) et de la contrabaix (contrebasse) à trois cordes joués par une cobla. D'autres airs et danses de la musique traditionnelle sont le contrapàs (plus désuet aujourd'hui), ball de bastons (le « bal de bâtons »), la moixiganga, les goigs (cantiques populaires) ou encore la jota dans la partie sud. Les havaneres sont caractéristiques dans certaines localités maritimes de la Costa Brava, comme à Palafrugell dont elles sont originaires et en particulier pendant les mois d'été lorsque ces chansons sont chantées en plein air accompagnées d'un cremat (rhum brûlé).

La musique savante pour sa part s'est d'abord développé, jusqu'au XIXe siècle et comme dans une grande partie de l'Europe, dans un cadre liturgique, marqué tout particulièrement par l'Escolania de Montserrat, ou curial. Comme pour les arts, l'architecture ou la littérature, les principaux courants musicaux occidentaux ont marqué ces productions, des monodies ou polyphonies médiévales, avec le travail de l'abbé Oliva de Ripoll au XIe siècle ou le Livre vermeil de Montserrat (Llibre Vermell de Montserrat) du XIVe siècle par exemple, jusqu'aux compositeurs romantiques comme Fernando Sor (Ferran Sor i Muntades), Josep Anselm Clavé i Camps (père du mouvement des orphéons en Catalogne puis dans toute l'Espagne ) ou encore Felip Pedrell (un des précurseurs du catalanisme musical ). Ceci en passant par les auteurs de la Renaissance tels que Pere Albert Vila, Joan Brudieu ou les deux Mateu Fletxa (El Vell ou le vieux, et El Jove ou le jeune) puis le baroque notamment représenté en Catalogne par Joan Cererols.

Pau Casals
1876-1973
Portrait par Ferdinand Schmutzer.

Le modernisme catalan s'exprime ensuite aussi sur le plan musical, à partir de la fin du XIXe siècle, en mélangeant influences folkloriques et internationales post-romantiques, au travers des œuvres d'Isaac Albéniz ou Enric Granados. L'esprit d'avant-garde ainsi initié par les modernistes se prolonge tout au long du XXe siècle, grâce aux activités tout particulièrement de l'Orfeó Català, association chorale fondée en 1891, de sa salle de concert monumentale, le palais de la musique catalane (Palau de la Música Catalana en catalan, édifié selon les plans de Lluís Domènech i Montaner de 1905 à 1908), de l'Orchestre symphonique de Barcelone créé en 1944 et d'auteurs, chefs d'orchestre et musiciens engagés contre le franquisme comme Robert Gerhard, Eduard Toldrà et surtout Pau Casals.


Les représentations de l'opéra, principalement importées d'Italie, ont commencé au XVIIIe siècle, avec quelques opéras catalans rivalisant avec les productions italiennes comme ceux de Domènec Terradellas, Carles Baguer et surtout Ramon Carles, Isaac Albéniz et Enric Granados. Le principal théâtre d'opéra de Barcelone, le grand théâtre du Liceu (Gran Teatre del Liceu en catalan, ouvert en 1847), demeure l'un des plus importants en Espagne, accueillant de plus l'une des plus prestigieuses écoles de musique de Catalogne, le Conservatoire supérieur de musique du Liceu (Conservatori Superior de Música del Liceu en catalan). Plusieurs artistes lyriques formés par cette institution ont acquis une renommée internationale au cours du XXe siècle, à commencer par Victoria de los Ángeles, Montserrat Caballé, Giacomo Aragall ou José Carreras.

D'autres styles musicaux populaires sont nés dans la deuxième moitié du XXe siècle comme la Nova Cançó (la « Nouvelle chanson » en français) à partir des années 1950 avec Lluís Llach et le groupe Els Setze Jutges, la rumba catalane dans les années 1960 avec Peret, le rock catalan à partir de la fin des années 1970 avec La Banda Trapera del Río et Decibelios pour le punk rock, SAU, Els Pets, Sopa de Cabra ou Lax'n'Busto pour le pop rock ou encore Sangtraït pour le hard rock, l'électropop depuis les années 1990 avec OBK et le indie pop à partir des années 1990 représenté, entre autres, par Astrud. L'artiste colombienne de renommée internationale de pop latino, Shakira, est installée depuis les années 2010 à Barcelone, où elle enregistre une partie de ses albums, tourne certains de ses clips (comme celui de Loca), tout en chantant parfois en catalan (reprenant notamment une des balades de SAU, Boig per tu, en catalan et en espagnol dans son album Shakira en 2014).


Cinéma

Hotel eléctrico,
Segundo de Chomón,
1908, Barcelone.

Les premières exhibitions cinématographiques en Catalogne ont lieu à Barcelone, d'abord par la présentation du kinétoscope de l'américain Thomas Edison à la place de Catalogne le puis du cinématographe des frères français Auguste et Louis Lumière au studio des Fotògrafs Napoleon sur La Rambla à Noël 1896. Les premières œuvres espagnoles sont produites à Barcelone à partir de 1897, avec les travaux de Fructuós Gelabert (natif du quartier de Sants à Barcelone, dont le film de fiction Riña en un café est considéré historiquement comme le premier d'Espagne) et de Segundo de Chomón (aragonais d'origine mais actif à Barcelone). La capitale catalane devient alors le centre de la première industrie cinématographique ibérique, en reprenant et diffusant d'abord les productions étrangères (surtout françaises, italiennes et danoises) puis en développant ses propres films en reproduisant les grandes tendances mondiales du cinéma muet de l'époque (vidéos comiques, historiques, mélodrames, reprenant des classiques de la littérature ou du théâtre) tout en exagérant leur caractère espagnol, d'où l'appellation d’españoladas qui leur est souvent accolée à partir de cette époque. Cet « âge d'or » du cinéma barcelonais culmine au début des années 1920.


Tournage de La Horda,
court-métrage
de Ramon Monfà Escolà, 1969.

Après la parenthèse causée par la dictature de Primo de Rivera, la création des premières institutions publiques de promotion du cinéma accompagne le statut d'autonomie de 1932. Ceci ainsi que le passage au parlant contribuent à relancer le cinéma et à promouvoir l'usage du catalan dans les films, un élan vite stoppé par les effets de la Grande Dépression, de la guerre civile espagnole et de la victoire franquiste en 1939.

C'est durant la dictature que va naître l'École de Barcelone (Escuela de Barcelona en espagnol, Escola de Barcelona en catalan), mouvement créé dans les années 1960 par un groupe de cinéastes issus pour l'essentiel de la bourgeoisie et militants de la gauche antifranquiste, en lien avec la Gauche divine et le PSUC, inspirés par la Nouvelle Vague française et en concurrence avec le Nouveau cinéma espagnol (NCE) madrilène. Créant un cinéma d'art et d'essai, généralement en espagnol, ils privilégient l'expérimentation formelle au fond (répétition des flash-back, « désolidarisation » des séquences entre elles, utilisation d’une symbolique cryptique), en réaction à la narrative classique de la NCE, tout en livrant en filigrane une critique de la société espagnole. Parmi les réalisateurs les plus représentatifs de cette période figurent Vicente Aranda, Jorge Grau, Pere Portabella ou Joaquim Jordà i Català.

Après la transition démocratique et l'adoption du nouveau statut d'autonomie en 1979, la Généralité de Catalogne restaurée devient un acteur majeur de la production, faisant désormais de la défense d'un cinéma spécifiquement catalan et de la défense de la culture et de la langue catalanes des enjeux majeurs de cette industrie en Catalogne. Trois styles dominent depuis lors. Tout d'abord, le cinéma d'auteur, dans la continuité de l'École de Barcelone, met en avant l'expérimentation et la forme, tout en s'attachant à développer des thèmes sociaux et politiques (en promouvant le catalanisme, la redécouverte d'une histoire nationale, la libération des mœurs en lien avec la Movida, les inégalités sociales, les quartiers défavorisés et populaires de Barcelone). Porté d'abord par Josep Maria Forn ou Bigas Luna, puis par Marc Recha, Jaime Rosales et Albert Serra, ce cinéma a obtenu une certaine reconnaissance internationale. Ensuite, le documentaire est devenu un autre genre particulièrement représentatif du cinéma catalan contemporain, initié véritablement par Joaquim Jordà i Català et José Luis Guerín, puis entretenu par le master de documentaire de l'université Pompeu Fabra. Enfin, et surtout, le cinéma d'horreur et le thriller se sont aussi imposés comme une spécialité de l'industrie cinématographique catalane, s'exportant particulièrement bien, grâce notamment à la vitalité du Festival international du film fantastique de Catalogne de Sitges, mieux connu comme le Festival de Sitges, créé en 1968. Plusieurs réalisateurs ont acquis une renommée mondiale grâce à ce genre, à commencer par Jaume Balagueró et sa série [•REC] (coréalisée avec le valencien Paco Plaza), Juan Antonio Bayona et L'Orphelinat (El Orfanato en version originale espagnole) ou encore Jaume Collet-Serra et Esther, Sans identité (Unknown en version originale anglaise) puis Non-Stop.


Sergi López
au festival de Cannes
2013.

Par ailleurs, plusieurs acteurs catalans ont tourné pour des productions espagnoles, européennes voire internationales depuis la transition démocratique, comme Sergi López, qui a tourné, entre autres, pour le français Manuel Poirier, le britannique Stephen Frears, le catalan Marc Recha ou le mexicain Guillermo del Toro.

En retour, la Catalogne a attiré plusieurs réalisateurs célèbres mondialement pour y tourner ou y inscrire l'intrigues de certaines de leurs productions, à commencer par Barcelone, comme l'espagnol Pedro Almodóvar avec Tout sur ma mère en 1999, le français Cédric Klapisch pour L'Auberge espagnole en 2002, l'allemand Tom Tykwer pour Le Parfum en 2006, l'américain Woody Allen pour Vicky Cristina Barcelona en 2007 et le mexicain Alejandro González Iñárritu pour Biutiful en 2010.

Le musée du Cinéma - Collection Tomàs Mallol (Museu del Cinema - Col·lecció Tomàs Mallol en catalan) de Gérone abrite l'une des plus importantes expositions permanentes d'objets de cinéma et de pré-cinéma au monde. D'autres institutions importantes pour la promotion du septième art sont les prix Gaudí (Premis Gaudí en catalan, qui ont remplacé à partir de 2009 les prix Barcelone du cinéma eux-mêmes créés en 2002), une récompense servant d'équivalent pour la Catalogne des Goyas espagnols ou des Césars français. Les prix Sant Jordi du cinéma (Premi Sant Jordi de Cinematografia en catalan), plus anciens car remontant à 1957 et décernés par la délégation de la Radio Nacional de España à Barcelone, s'adressent plus largement au cinéma espagnol.


Culture populaire

Gegants et Capgrossos à la fête
de La Seu d'Urgell.
Castells.

Les festes majors sont les fêtes patronales des villes et villages de Catalogne. Dans les plus grandes célébrations les éléments de la culture populaire catalane sont habituellement présents : les processions ou défilés de gegants (géants) et correfocs de démons et des pétards, accompagnés de danses et chants traditionnels et de castells. Parmi les fêtes traditionnelles et populaires les plus représentatives figurent le Patum de Berga ayant lieu dans la ville de Berga (située au nord de Barcelone), la Sant Jordi, la nuit de la Saint-Jean (Nit de Sant Joan en catalan) ou la fête de la châtaigne (Castanyada en catalan) dans toute la Communauté autonome, La Mercé de Barcelone, le rassemblement de l'escargot (Aplec del Caragol en catalan) de Lérida et les fêtes du feu du solstice d'été dans les Pyrénées (Falles del Pirineu en catalan), entre autres.

Les castells sont l'une des principales manifestations de la culture populaire catalane. L'activité consiste en la construction de tours humaines mettant en concurrence des colles castelleres (équipes). Cette pratique a pour origine la partie sud de la Catalogne au cours du XVIIe siècle. Un autre marqueur des manifestations populaires catalanes restent la sardane, une danse née pour sa part au nord du territoire, dans les comarques gironines.

Plusieurs traditions locales entourent enfin les festivités de Noël. L'une d'entre elles est la figure populaire du Tió de Nadal (« Bûche de Noël »), un personnage ayant la forme d'un tronc de bois creux qui est censé « déféquer » de petits présents aux enfants qui le frappent en chantant une comptine. Une autre coutume est de faire un Pessebre (crèche de Noël), qui comprend habituellement le Caganer, une figurine représentée dans l'acte de défécation. Comme dans le reste de l'Espagne, l'apport traditionnel de cadeaux ne se fait pas à Noël mais durant la nuit des rois (Nit de Reis) par les Rois mages (Reis d'Orient ou simplement els Reis en catalan, Reyes Magos en espagnol).

Trois de ces éléments ont été inscrits dans la liste représentative espagnole du patrimoine culturel immatériel de l’humanité : le Patum de Berga en 2008, les castells en 2010 et les Falles Pirineus (partagées avec l'Aragon, l'Andorre et les départements français de Haute-Garonne et des Hautes-Pyrénées) en 2015. La Catalogne est également concernée par l'inscription à cette liste, aux côtés d'autres régions du monde, du régime méditerranéen en 2010 et de la fauconnerie en 2012.


Source: Wikipedia ()

Région autonome de la Catalogne dans la littérature

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2356 localités dans région autonome de la Catalogne

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Document créé le 03/01/2018, dernière modification le 30/10/2024
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