Prague

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Prague (/pʁag/ , en tchèque : Praha /ˈpra.ɦa/) est la capitale et la plus grande ville de la Tchéquie, en Bohême. Située au cœur de l'Europe centrale, à l'ouest du pays, la ville est édifiée sur les rives de la Vltava (en allemand : Moldau).

Capitale historique du royaume de Bohême, berceau du peuple tchèque, Prague connaît son apogée au XIVe siècle, sous le règne du roi de Bohême et empereur germanique Charles IV qui en fait la capitale de l'Empire. Elle est alors un centre culturel et religieux de première importance, où naissent les balbutiements de la réforme protestante lorsque Jan Hus prêche contre les abus de la hiérarchie catholique et le commerce des indulgences. Brièvement redevenue capitale impériale et culturelle au tournant des XVIe et XVIIe siècles sous le règne de Rodolphe II, Prague perd progressivement en importance jusqu'à la Renaissance nationale tchèque au XIXe siècle puis la création de la Tchécoslovaquie au lendemain de la Première Guerre mondiale, en 1918, dont elle devient la capitale. Dans le camp communiste au cours de la guerre froide, Prague voit émerger en 1968 une tentative de libéralisation politique, le « socialisme à visage humain », lors du « Printemps de Prague ». Celui-ci est écrasé en août de la même année par les troupes du pacte de Varsovie. Il faut alors attendre la révolution de Velours de 1989 pour que la ville sorte de sa torpeur. Centre économique de la Tchéquie, Prague compte 1 384 732 habitants en 2024. Bien qu'affaiblie par un demi-siècle de régime communiste, la ville bénéficie d'une économie extrêmement dynamique portée par le secteur tertiaire et le tourisme, ce qui en fait en 2016 la septième région la plus riche de l'Union européenne et avec près de 7,6 millions de visiteurs en 2017. Le taux de chômage s'établit en 2017 à seulement 1,7 %, soit le plus faible de toute l'Union. Les disparités avec le reste du pays sont de fait très importantes, les autres régions ne bénéficiant pas du même dynamisme économique.

Statistiques, géographie

Fuseau horaire principal : +02:00

Localisation

Carte du monde

Prague : descriptif

Poème épique d'architecture pour Rainer Maria Rilke, la « ville aux cent tours » témoigne d'une richesse architecturale exceptionnelle. Tous les styles y sont représentés, notamment par des chefs-d'œuvre gothiques comme le pont Charles ou la cathédrale Saint-Guy de Prague, Renaissance, baroques — avec les nombreux palais et églises du quartier de Malá Strana — ou Art nouveau et de nombreuses réalisations cubistes, modernistes ou contemporaines, avec par exemple la célèbre « maison dansante ». Depuis 1992, le cœur historique de la ville est ainsi inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Géographie

Localisation

Prague se situe au cœur de l'Europe centrale : elle est, selon un axe nord-sud, à mi-distance entre les mers Baltique au nord et Adriatique au sud, respectivement situées à 450 km (Świnoujście, Pologne) et 500 km (Trieste, Italie) et selon un axe est-ouest à mi-distance de l'océan Atlantique à l'ouest et de la mer Noire au sud-est, situés tous deux à 1 250 km (Saint-Nazaire, France et Constanța, Roumanie ; distances orthodromiques). Elle est en outre située à 250 km de Vienne et 300 km de Berlin, les grandes capitales voisines, et à 200 km de Brno, la seconde ville du pays.

À l'échelle nationale, la ville est située sur les rives de la Vltava, à l'ouest de la Tchéquie, au centre de la Bohême. Cette région forme un ensemble géographiquement délimité que l’on appelle parfois le quadrilatère de Bohême et correspondant au bassin de l'Elbe. D'origine hercynienne, il s’agit d'un grand plateau granitique et gneissique encadré par plusieurs chaînes montagneuses. Au sud-ouest, le massif de la Forêt de Bohême (Šumava) ; au nord-ouest, les monts Métallifères (Krušné Hory) ; au nord, les monts des Géants (Krkonoše) ; enfin, à l’est, le massif tchéco-morave de plus faible altitude et ouvrant sur la Moravie.

Avec une superficie de 496 km2, Prague est une ville très étendue dont l'urbanisation est très hétérogène : centre historique hautement densifié, cités-dortoirs telles des villes dans la ville ou périphérie quasi-rurale.

Site

Paysage verdoyant mais très accidenté, au loin des constructions.
Divoká Šárka,
site naturel à l'ouest de Prague.

Situé presque au centre géographique du « quadrilatère de Bohême », de part et d'autre de la Vltava, le site de Prague rassemble différents paysages typiques de la Tchéquie : au sud, une vallée encaissée par où coule la rivière, au pied du rocher de Vyšehrad ; à l'ouest un plateau calcaire où essaiment de multiples villages sous la protection de la citadelle, elle-même construite sur un éperon rocheux délimité par un profond ravin au nord et une falaise vertigineuse au sud ; à l'est, une grande plaine sensible aux crues, s'élevant progressivement, mais ayant permis de par son étendue le développement d'un important centre urbain. La Vltava est un véritable trait d'union commercial permettant l'approvisionnement tant en ressources méridionales comme le bois ou le sel qu'en productions de la plaine fertile de l'Elbe située au nord de la ville. Ce site est donc, pour l'architecte Christian Norberg-Schulz, prédestiné à une implantation urbaine .


Le château de Prague
se reflétant dans la Vltava.

La ville historique s'étend sur les deux rives de la rivière ; elle est enserrée entre plusieurs collines : celles de Petřín et du Hradčany à l'ouest, de Vyšehrad au sud ou encore de Letná au nord, cette dernière étant à l'origine d'un méandre de la Vltava. Onze îles, dont la plus grande est l'Île Císařský au nord, jalonnent le parcours de la rivière.

D'une superficie de 496 km2, la commune compte 197,2 km2 de surface agricole dont 142,2 km2 de terres arables, 39,5 km2 de jardins, 9,3 km2 de prairies permanentes et 6 km2 de vergers. Parmi les zones non-agricoles, on compte 51,9 km2 de forêts, 11 km2 de milieu aquatique et 50,2 km2 de surfaces urbanisées.


Histoire

La riche histoire de Prague associe l'histoire du duché de Bohême aux grands moments de l'histoire européenne. L'accession de Prague au statut de capitale du Saint-Empire romain germanique en fait le cœur vivant de l'Europe. Le XXe siècle et la guerre froide éloigneront temporairement la ville de la scène européenne.

Antiquité

Le bassin de la Vltava est habité depuis plus de 600 000 ans et c'est vers la fin du VIe millénaire av. J.-C. que des agriculteurs néolithiques s'y installent, en provenance de l'Europe du Sud-Est. Cette période reste peu documentée jusqu'à la progression romaine vers le nord et la rencontre des peuples celtes d'Europe centrale. Peuple appartenant à la culture de La Tène, les Boïens donneront, dans une forme « délatinisée », leur nom à la Bohême. Bien que politiquement structurés, les Boïens sont dispersés au cours du Ier siècle av. J.-C. à la suite de l'invasion de la région par les Marcomans, peuple germanique.

Moyen Âge

Prague, capitale du premier État médiéval de Bohême
Icône représentant deux saints en toge, auréolés, portant barbe longue et tenant respectivement une bible ou un parchemin.
Les saints Cyrille et Méthode.

Si la région est à l'écart des premières vagues des grandes migrations des IVe et Ve siècles, le VIe siècle marque l'arrivée des premières peuplades slaves en Bohême. Les IXe et Xe siècles voient l'émergence d'un empire morave s'étendant de la Bohême à l'actuelle Slovaquie. Les habitants de cette Grande-Moravie sont christianisés aux alentours de l'an 863 par les saints Cyrille et Méthode. Dans le même temps, à la fin du IXe siècle, le duc Bořivoj Ier, à la tête des peuples tchèques, fonde sa capitale sur la colline du Hradčany. Il est à l'origine de la dynastie des Přemyslides, première à régner sur la Bohême, et ce pendant plusieurs siècles. Bien que fréquemment en butte aux ambitions de ses voisins germaniques, ce premier État tchèque médiéval reconnait dès le Xe siècle, sous le règne de Boleslav Ier, la suzeraineté de ceux-ci.


Un homme prêche depuis une chaire de bois, son auditoire assis à la gauche de la peinture.
Jan Hus prêchant,
probablement à la chapelle
de Bethléem de Prague.

Le prince Venceslas Ier est assassiné par son frère païen Boleslav Ier vers 935 et devient l'objet d'un culte important. Il est, avec sa grand-mère Ludmilla elle-même assassinée, le premier saint de Bohême. En 1085, le duché est élevé par l'empereur Henri IV au rang de royaume dont Vratislav II devient souverain sous le nom de Vratislav Ier. Son règne de trente ans est marqué par la montée en puissance de la Bohême sur la scène politique européenne, puissance qui ne durera cependant pas. De 1140 à 1172 règne Vladislav II. Celui-ci fonde de nombreux monastères à Prague et fait construire le premier pont de pierre sur la Vltava, le pont de Judith — du nom de la reine — qui, écroulé en 1342, sera remplacé par le célèbre pont Charles. Peu après, Ottokar Ier se voit accorder, en 1212, l'hérédité de la couronne de Bohême par le futur empereur Frédéric II. Selon cette Bulle d'or, les États de Bohême et de Moravie forment un pays autonome et indivisible de l'Empire et leur roi devient le premier prince-électeur. Son fils Ottokar II, « roi de l'or et du fer », étend la souveraineté de la Bohême jusqu'à l'Adriatique. Sous son règne, Prague devient la capitale d'un État prospère et l'une des plus importantes cités d'Europe, foyer de littérature courtoise et d'architecture gothique (édification de la synagogue vieille-nouvelle ou du couvent Sainte-Agnès). En outre, le roi reprend en main l'édification disparate du quartier de Malá Strana, en expulse les juifs et y encourage l'installation d'artisans et de marchands allemands.


De l'âge d'or des Luxembourg aux guerres hussites

La ville connaît son apogée sous le règne du roi de Bohême et empereur germanique Charles IV, fils de Jean de Luxembourg). Né à Prague, il en fait la capitale de l'Empire à compter de son élection en 1346. Il laisse dans la ville une empreinte considérable : fondation de l'Université en 1348 — la première d'Europe centrale — extension considérable et ambitieuse de la ville à l'est et au sud pour créer la Nouvelle Ville, édification du pont de pierre ou encore élévation de nombreux lieux de culte. À sa mort en 1378, la ville compte entre 30 000 et 80 000 habitants, ce qui en fait alors l'une des plus importantes villes de la Chrétienté.

Prague est alors un centre culturel et religieux de première importance, où naissent les balbutiements de la Réforme avec Jan Hus qui prêche en tchèque à la chapelle de Bethléem contre les abus de la hiérarchie catholique, en particulier contre le trafic des indulgences. Sa mort en 1415 sur le bûcher, lors du concile de Constance, met le feu aux poudres en Bohême et marque le début des croisades contre les hussites qui mettent un terme à cette expansion urbaine. En 1419, survient la première défenestration de Prague et les hussites prennent le contrôle de la ville, Sigismond Ier du Saint-Empire envoie une armée pour reprendre possession de la ville mais celle-ci est défaite. Ce n'est qu'à la bataille de Lipany, en 1434, que les Pragois seront mis en déroute.

Temps modernes

Une capitale cosmopolite des sciences et des arts

Anne Jagellon, fille du roi de Bohême Vladislav IV, épouse le futur empereur Ferdinand d'Autriche : la ville repasse alors sous domination habsbourgeoise après la mort sans héritier de son frère Louis II Jagellon à la bataille de Mohacs contre les Ottomans en 1526 et l'élection au trône de Bohême de Ferdinand.

Portrait d'un homme barbu et chevelu à base de fruits et de légumes.
Rodolphe II
d'après Arcimboldo.

Sous les Habsbourg, Prague balance entre des mouvements sporadiques de révolte (comme celle de la diète des États de Bohême en 1547, réprimée par Ferdinand Ier) et de soumission. En conséquence, les privilèges municipaux, son influence politique et son indépendance vont en diminuant tout au long de la période. Mais de 1576 à 1612, sous le règne de Rodolphe II du Saint-Empire, la ville est le centre culturel de l'Europe et redevient même capitale impériale à partir de 1583. L'Empereur se fait protecteur des arts et des sciences et fait venir à Prague le peintre Arcimboldo, les astronomes Tycho Brahe et Johannes Kepler, de nombreux astrologues et alchimistes comme Edward Kelley ou John Dee, etc. La seconde défenestration de Prague en 1618 met fin à cette ère de prospérité culturelle. Cet événement déclenche la guerre ouverte de la noblesse tchèque, largement protestante, envers le pouvoir impérial et catholique des Habsbourg et, au niveau européen, la guerre de Trente Ans.


La contre-réforme catholique

La défaite des armées tchèques et protestantes à la bataille de la Montagne-Blanche en et la décapitation, place de la Vieille-Ville (marquée encore aujourd'hui de vingt-sept croix blanches sur le sol), des vingt-sept meneurs de la révolte marquent, pour longtemps, la fin des espoirs d'indépendance des États de Bohême. Sur le plan religieux, la Contre-Réforme bat alors son plein, les Tchèques protestants, dont Comenius, sont contraints de se convertir ou de s'exiler. En 1648, à la fin de la guerre de Trente Ans, la rive gauche de la ville (quartiers de Hradčany et de Malá Strana) est envahie et pillée par les armées protestantes suédoises peu avant que les traités de Westphalie ne mettent fin aux hostilités qui ont mis l'Europe centrale à feu et à sang.

S'ensuit un siècle de paix, qui voit la ville s'embellir avec l'édification de chefs-d'œuvre baroques comme l'église Saint-Nicolas de Malá Strana, les palais Kinský et Sternberg ainsi que l'achèvement du château de Prague. Le est une date importante dans l'histoire de Prague : elle naît alors officiellement de la fusion des quatre villes originelles que sont : Hradčany, Malá Strana, la Vieille Ville et Nové Město (nouvelle ville) – Josefov, le ghetto juif au sein même de la vieille ville, conserve encore un statut séparé et autonome. La « Métropole royale de Prague » devient la seconde ville de l'empire d'Autriche, avec 75 000 habitants sur plus de 700 hectares.

Époque contemporaine

Le renouveau de Prague et la renaissance nationale
Tableau représentant le pont Charles à droite, avec sa tour, la rivière au premier plan et la ville au second plan avec la cathédrale et le quartier du château à l'arrière-plan.
Vue de la ville en 1834.

Si la ville est dotée d'un nouveau statut administratif et politique, elle s'étend encore dans les limites imposées par Charles IV au XIVe siècle et souffre d'un certain retard par rapport aux grandes capitales européennes, à commencer par Vienne. Ainsi, aucun souverain ne réside plus au château, si ce n'est le roi de France Charles X en exil. Mais la ville se développe et retrouve son lustre d'antan : elle compte 162 000 habitants en 1880 et franchit le cap des 250 000 habitants à partir de 1890 grâce au dynamisme des faubourgs voisins. Alors que la destruction des murailles aux alentours de 1875 a fait disparaître la séparation physique entre la ville et ces derniers, seuls deux d'entre eux sont officiellement intégrés à Prague au cours des années suivantes : Holešovice en 1884 et Libeň en 1901. Parallèlement, la structure sociale évolue : les classes aisées délaissent le centre historique pour certains faubourgs ; de même que Josefov, le quartier juif, se vide de ses habitants. À l'inverse, Malá Strana reste un quartier contrôlé par la noblesse de Bohême. Les aménagements urbains se multiplient également rapidement : les premiers omnibus apparaissent dès 1870 et en 1891, le premier tramway électrique est mis en service par l'industriel František Křižík. Cependant, point de bouleversement urbanistique tels ceux opérés par le baron Georges Eugène Haussmann à Paris, ce qui a permis à la ville de conserver sa physionomie historique et la multitude styles architecturaux qui la traversent.


Tableau représentant les tours du pont Charles, un fiacre et quelques passants sont visibles au premier plan.
Prague en 1886.

En 1848, le Printemps des peuples bouscule l'ensemble de l'Europe. Les peuples se soulèvent contre leurs monarques, y compris à Prague où la révolte est particulièrement intense. Cependant, Alfred de Windisch-Graetz, commandant en chef des armées impériales en Bohême, écrase l'insurrection le , anéantissant tout espoir de changement et notamment la mise en place d'une Diète tchèque. Malgré l'échec révolutionnaire, Prague demeure un creuset où se côtoient et s'affrontent Tchèques, Allemands et, dans une moindre mesure, Juifs : les Tchèques prennent néanmoins peu à peu le pouvoir et leur revanche : ils ont la majorité du conseil municipal à partir de 1861.

Alors que depuis 1868, les rues de Prague sont désignées à la fois par leurs noms allemand et tchèque, la fin du XIXe siècle voit apparaître de plus en plus de noms tchèques à connotation nationaliste, et, en contrepoint, d'appellations faisant référence à la dynastie habsbourgeoise. À Holešovice, faubourg nouvellement absorbé, on ne trouve même que des inscriptions en tchèque. Au mitan des années 1890, la justice ordonne finalement que les plaques bilingues soient remplacées par des plaques tchèques.


Prague, capitale du nouvel État tchécoslovaque (1918-1939)

C'est au tournant du XXe siècle qu'artistes et écrivains enchantent Prague en élaborant une image de ville magique aux « cents clochers », à l'instar de Gustav Meyrink dans son œuvre Le Golem. Mais la réalité est plus prosaïque et lorsque l'indépendance de la Tchécoslovaquie est proclamée le , Prague redevient capitale, les rues sont rebaptisées et les tensions interethniques momentanément ravivées.

Si les premiers faubourgs sont absorbés à la fin du siècle précédent, il faut attendre 1922 pour voir la ville intégrer l'ensemble de ceux-ci, dont le faubourg ouvrier de Žižkov ou celui résidentiel de Vinohrady, jusqu'alors indépendants. Prague compte dorénavant 37 communes et 19 arrondissements d'une grande variété, certains étant des territoires ruraux et d'autres de véritables villes dans la ville, comme Smíchov. La population de ce que l'on appelle alors la Grande Prague augmente jusqu'à atteindre près de 320 000 habitants au cours des années 1920.

La ville connaît un développement urbain d'importance motivé par un avant-gardisme social : ouverture de nombreuses crèches, construction de bâtiments sociaux, d'asiles et d'hôpitaux, notamment dans le quartier de Krč par l'architecte Bohumír Kozák. L'architecture aussi est audacieuse. Les années 1920 voient apparaître un mouvement architectural unique, le cubisme tchécoslovaque, dont les exemples les plus fameux sont à Prague la Banque des Légions tchécoslovaques (1932) et le Palais Adria (1924). Ce style s'emploie à intégrer des valeurs et symboles slaves : les couleurs rouge et blanc, des formes cylindriques rappelant l'architecture slave en bois. Le rondocubisme est cependant vite abandonné, critiqué pour son approche excessivement nationaliste et son approche trop décorative. Les matériaux modernes que sont le verre, l'acier et le béton sont alors plébiscités à partir des années vingt : le fonctionnalisme s'impose à Prague comme l'attestent le palais des foires et expositions, le magasin Bat'a de la place Venceslas, les villas de Baba ou encore la villa Müller. L'aéroport de Prague-Ruzyně est mis en service en 1937 ; la même année, la ville compte 960 000 habitants.

De ville refuge à victime du nazisme (1938-1945)

Immédiatement après la prise de pouvoir de Hitler, Prague devient un lieu d'exil de nombreux allemands, du fait de sa proximité géographique avec Berlin, du siège du parti social-démocrate allemand exilé, le Sopade, et parce qu'on y parlait allemand. C'est ici que le Sopade a publié son manifeste de Prague qui incite au soulèvement contre Hitler en . Peu avant la Seconde Guerre mondiale, Prague accueille les réfugiés tchèques expulsés de la région des Sudètes rattachée au Troisième Reich à la suite des accords de Munich.

Mais le , la Bohême-Moravie est conquise dans son intégralité. Les universités et grandes écoles sont fermées et les manifestations estudiantines réprimées dans le sang. Le , un attentat coûte la vie au SS-Obergruppenführer Reinhard Heydrich, directeur du Reichssicherheitshauptamt (RSHA) et « vice-gouverneur » du Reich dans le protectorat de Bohême-Moravie, surnommé « le bourreau ».

Des pierres tombales sens dessus dessous.
Le cimetière juif, témoignage de
l'ancienne communauté juive
de Prague.

Exilée, suicidée (comme le poète Jiří Orten) ou déportée au camp de concentration de Theresienstadt, la communauté juive de Prague est décimée. De 35 463 Juifs en 1930, la population passe à 55 000 en 1940 à la suite de l'afflux de réfugiés, notamment des Sudètes ou d'Autriche, et descend en à 46 801 personnes. Dès le mois suivant, un premier convoi de déportation entraîne 5 000 Juifs en direction de Terezín. Sur un total de 45 500 Juifs pragois déportés à Theresienstadt, seuls 7 500 survivent à la guerre. Dès lors, les rares Juifs de Prague sont en majorité issus de villages de la Ruthénie subcarpathique, isolés des processus d'assimilation de l'Europe occidentale : l'ancienne communauté a disparu.

À l'inverse de ses rivales d'Europe centrale, Vienne, Dresde, Varsovie ou Berlin, la métropole tchèque a cependant peu souffert en ses murs des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Elle n'a en effet subi que quelques bombardements, dont le plus dramatique a été celui du qui a provoqué 701 morts et plus de 1 000 blessés, le tout par erreur : les troupes participaient en réalité au bombardement de Dresde. Les dommages matériels dans les quartiers touchés — Radlice, Smíchov, Pankrác, Karlovo náměstí, Nusle, Vršovice et Vinohrady — sont importants et les bâtiments historiques ne sont pas épargnés : maison Faust et du cloître d’Emmaüs notamment. Les bombardements suivants ont quant à eux visé le complexe industriel de la ville : usine ČKD d'armement, installations ferroviaires et aéroportuaires, etc..

Le éclate une insurrection qui mène à la libération de la ville par une résistance largement improvisée autour d'un Conseil national tchèque (Česká národní rada, ČNR), qui en prend la tête. Près de 30 000 personnes prennent part aux combats et 1 698 morts sont à dénombrer. Le , les troupes allemandes capitulent et, selon des accords préalables, Prague est libérée le à l’aube par l’Armée rouge en provenance de Dresde.


La ville sous influence communiste (1945-1989)
Un monument de grande hauteur représentant Staline à la tête d'une file d'individu.
Monument à la gloire de Staline.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Parti communiste tchécoslovaque monte en puissance. Les élections de 1946 et de 1948 donnent la majorité aux communistes, qui s'emparent totalement du pouvoir en , à la suite du « coup de Prague ». Tombée dans l'escarcelle soviétique, la ville se doit alors de rendre hommage au « petit père des peuples » : un impressionnant édifice à la gloire de Joseph Staline est construit sur le front du parc Letná : ouvriers, kolkhoziens, soldats, soviétiques comme tchécoslovaques, se pressent derrière l'homme fort de l'URSS en un ensemble monumental d'une trentaine de mètres de hauteur. Il s'agit du plus grand monument à la gloire du dictateur soviétique jamais construit. Les moqueries des Pragois ne tardent pas et le surnomment « la file d’attente chez le boucher ». La déstalinisation a rapidement raison de l'ensemble qui est dynamité dès 1962.

La décennie des années soixante est surtout marquée par un programme de construction massif dans les banlieues où la construction en panneaux préfabriqués fait surnommer les HLM tchécoslovaques, panelák (mot construit à partir du mot « panneau »). D'abord de petite dimension (2 000 à 5 000 habitants) à la périphérie immédiate du tissu urbain, les grands ensembles pragois deviennent, à compter des années 1970, gigantesques : Severní Město au nord (120 000 habitants), Jižní Město au sud (100 000 habitants) sont édifiés en rase campagne et séparés du reste de la ville. Ces nouveaux quartiers, dénommés sídliště en tchèque, combinent à l'image des cités de l'Europe occidentale les différentes fonctions urbaines (habitat, commerce, loisirs, etc.), à l'exception de l'emploi, d'où un excellent réseau de transport : autobus, tramway, métro, voies rapides. Prague devient ironiquement la « ville aux cent tours » alors que le reste de la ville se dégrade faute d'entretien et que le centre ancien est délaissé.

En 1968, le « Printemps de Prague » voit le Parti communiste tchécoslovaque introduire le « socialisme à visage humain » et prôner une relative libéralisation : liberté de la presse, d’expression et de circulation, démocratisation de la vie politique, décentralisation de l’économie. Il est écrasé en août par 400 000 soldats et 6 300 tanks des armées du Pacte de Varsovie pour imposer une « normalisation » du régime et de la société. L’occupation soviétique entraîne des manifestations non violentes, des combats — en particulier autour de la radio-télévision tchécoslovaque et du musée national — et une vague d’émigration parmi la population. Le , Jan Palach s'immole par le feu sur la place Venceslas pour protester contre l'invasion de son pays. Ces années sombres sur le plan politique et stagnantes sur le plan économique n'empêchent pas la ville de continuer sa croissance. Le projet, presque centenaire, du métro de Prague est ainsi mis en œuvre.

Un homme de profil au milieu d'une foule en recueillement, aux côtés d'un drapeau tchécoslovaque, le sol est tapissé de roses.
Václav Havel durant
la révolution de 1989.

La révolution de Velours, en 1989, marque pour Prague comme pour le reste du pays une seconde Libération : la toute-puissance du parti unique et de sa police politique s'effondrent, les libertés démocratiques sont rétablies, les symboles de la dictature sont supprimés et les noms de certaines rues, places ou stations du métro sont « démocratisés ». L'écrivain Václav Havel est élu président de la République et s'installe au château de Prague.


Une ville en pleine renaissance (depuis 1989)
Gratte-ciel à Prague.

Au , elle devient la capitale de la Tchéquie. Affaiblie par un demi-siècle de régime communiste, Prague bénéficie d'une économie extrêmement dynamique portée par le secteur tertiaire et le tourisme — le centre historique de la ville est inscrit sur la liste du patrimoine mondial depuis 1992 — ce qui en fait la septième région la plus riche de l'Union européenne, avec en prime le taux de chômage le plus faible (1,7 % en 2017).

La crue « bimillénaire » de la Vltava, en , nécessite l'évacuation de parties entières de la ville : Karlín, Libeň ou Malá Strana se retrouvent sous les eaux alors que le métro est mis hors service pour plusieurs mois.


Toponymie

Le nom de Prague, en tchèque Praha, a une origine incertaine. La mention la plus ancienne de ce toponyme vient du récit d'un marchand arabe du Moyen Âge, Ibrahīm ibn Ya'qub, qui aurait visité la région autour de 965. Il la nomme Farāga et en donne la description suivante : au bord d'un fleuve, plus petite qu'une ville mais plus grande qu'un village avec, sur une hauteur, la présence d'une grande citadelle fortifiée .

L'une des théories relatives à l'étymologie du nom renvoie à la racine práh, provenant du verbe prahnout (« se dessécher, être sec ») : la ville tirerait son nom d'un « endroit sec, séché, brûlé par le soleil ». Cet endroit sec pourrait être l'emplacement du château — la grande citadelle fortifiée dont parle Ibrahim — rendu constructible par la déforestation des lieux par le feu ou parce que le promontoire était dénué de végétation.

Cependant, en tchèque moderne, práh signifie également « seuil », tant au sens de la pièce de bois ou de pierre marquant l'entrée d'une maison que de celui de « gué » ; le terme est issu de la vieille racine slave praga, que l'on retrouve dans le toponyme de Praga, un quartier de Varsovie. Prague tirerait donc dans cette hypothèse son nom de sa localisation près d'un gué de la Vltava. Plus tard, la légende de Libuše, souveraine mythique du peuple tchèque et fondatrice de la ville, raconte que celle-ci aurait prophétisé l'endroit où Přemysl, simple laboureur devenu son mari puis roi de Bohême, aurait posé le seuil de sa maison.

Prague est également connue sous le surnom de Ville aux cent tours ou de Ville aux cent clochers.

Culture et patrimoine

Patrimoine architectural

Une vue de la ville : à gauche, un bâtiment gris moderne ; au centre, une tour gothique, noire ; à droite, un bâtiment art nouveau, de couleur claire.
Variété architecturale :
Komerční banka,
Tour poudrière et Maison municipale.

Rainer Maria Rilke décrit sa ville natale comme un poème épique d'architecture . Elle présente un patrimoine architectural exceptionnel.


Architecture médiévale

La commune compte plusieurs témoignages remarquables de l'architecture médiévale. Les vestiges romans sont rares : si au XIIe siècle, chaque quartier possédait son église et ses belles demeures en pierre calcaire, de cette époque ne subsistent que les caves voûtées des constructions plus tardives — le niveau du sol ayant été rehaussé au XIIIe siècle contre les inondations. Néanmoins, le palais de la Vieille Ville, aussi appelé Maison des seigneurs de Kunštát et Poděbrady en est l'un des plus beaux témoignages, aux côtés de la basilique Saint-Georges, chef-d'œuvre de l'art roman édifié vers 920 et reconstruit au XIIe siècle. Rajoutons également les trois rotondes Sainte-Croix, Saint-Martin et Saint-Longin.

Le couvent Sainte-Agnès est l'un des plus anciens témoins de l'architecture gothique, rapportée probablement de Bourgogne vers 1230, peu de temps avant l'édification de la Synagogue vieille-nouvelle. Sous le règne de l'empereur Charles et son fils Venceslas IV, la ville s'épanouit. La première pierre de la cathédrale Saint-Guy est posée sur la colline du Hradschin, le pont Charles franchit la Vltava sur plus de 500 mètres, l'ancienne forteresse romane est remplacée par un vaste ensemble royal gothique, le tout dans le cadre d'un projet urbanistique concerté, sans doute l'un des plus ambitieux et importants de l'Europe médiévale. Quant à la construction de l'église de Notre-Dame du Týn, dont la silhouette surplombe la place de la vieille ville, elle débute vers 1360.

« Pont de pierre » jusqu'en 1870, le pont Charles est l'emblème de la ville et en est l'ouvrage gothique le plus célèbre. Endommagé à de multiples reprises — notamment en 1890 lorsque trois arches s'effondrent —, il est cerné par trois tours. La première d'entre elles, dite de la Vieille-Ville, achevée vers 1380, a connu de multiples usages tant symboliques que défensifs ; les autres, sises à Malá Strana, datent de 1130 pour la plus ancienne et de 1464 pour la plus récente, dite tour haute. Le pont Charles abrite une véritable statuaire : trente statues et groupes de sculptures, en majeure partie baroques, ornent chaque pile. La plupart sont donc postérieures à la construction du pont d'environ trois siècles, entre les XVIIe et XVIIIe siècles. Elles sont le fruit de commandes d'institutions, d'ordres religieux voire de particuliers. La plus célèbre d'entre elles représente Saint Jean Népomucène, martyr jeté du pont en 1393.

Architecture Renaissance et baroque

La salle Vladislas du château de Prague, œuvre de l'architecte Benedikt Rejt, représente le passage de témoin entre architecture gothique et de la Renaissance, avec ses voûtes, entrelacs et contreforts gothiques auxquels s'associent de larges fenêtres typiques de la Renaissance. Ce style s'autonomise avec la construction du belvédère de la reine Anne, débutée en 1535 : harmonieux édifice ceint d'arcades, dans un ensemble typique de l'architecture de l'Italie du nord. Sous le règne de l'empereur Rodolphe II, qui installe sa cour à Prague en 1583 devant l'avancée ottomane, la ville devient un centre artistique majeur. Davantage visible dans la peinture et la sculpture, cette influence de la Renaissance se ressent néanmoins dans l'architecture, notamment par le biais de l'aristocratie qui adopte ce nouveau style pour la construction ou la rénovation de ses palais : ainsi, les façades gothiques de Malá Strana s'ornent d'ornements Renaissance avant que n'émerge un style typiquement bohémien à base de hauts pignons, sgraffites et volutes dont l'exemple idéal est le palais Schwarzenberg, dont la construction s'échelonne de 1545 à 1573. Il est remarquable, outre par ses proportions et son intégration à la place du Hradčany, par ses pignons à redents, sa corniche à l'italienne ornée de lunettes ou encore sa décoration de sgraffites noirs et blancs imitant les bossages en pointe de diamants.

Pourtant profondément marquée par l'architecture baroque, Prague ne voit que tardivement ce mouvement artistique s'imposer. La cour impériale y résiste et le contexte politique freine un tel épanouissement artistique : la bataille de la Montagne-Blanche — et plus généralement la guerre de Trente Ans —, s'inscrivent dans une période de recatholicisation forcée et violente auquel le baroque est fortement associé et donc rejeté. Progressivement, il s'impose néanmoins et se fond dans les traditions architecturales locales. Les palais, couvents et églises sont remaniés avec audace ; des artistes viennent de toute l'Europe s'associer à ce mouvement. Vers 1700, le baroque bohémien atteint son apogée. Ses témoignages sont, chronologiquement, l'église Saint-Sauveur du Clementinum ; la porte Matthias du château (1614) ; le palais Wallenstein mêlant Renaissance et baroque et sa sala terrena ; le palais Černín ; ou encore le château de Troja dont l'inspiration devient davantage française qu'italienne, contrairement aux réalisations précédentes. Le baroque est triomphant à la fin du XVIIe siècle avec l'édification de l'église Saint-Nicolas de Malá Strana, une des plus grandes églises baroques d'Europe centrale possédant un dôme de 74 m de hauteur.

Chef-d'œuvre du baroque tardif, l'église Saint-Nicolas de Malá Strana s'identifie dans la ville par son clocher et son dôme d'égales hauteurs mais offrant une perspective asymétrique, contrastée ; l'intérieur de l'édifice est spectaculaire, théâtral — tel que les Jésuites concevaient la stimulation de la foi —, jusqu'à en devenir oppressant : l'église regorge de fresques, statues, moulures, dorures, peintures dont une peinture de plafond de 1 500 m2, l'Apothéose de Saint-Nicolas par Johann Lukas Kracker (cs), l'une des plus importantes du monde.

Les jardins sous le Château, complexe de cinq jardins baroques en terrasse, s'étagent jusqu'au sommet de la colline du Hradčany : les jardins Ledebour, grand et petit jardins Palffy, Kolowrat et Fürstenberg. Anciennement destinée à la culture de la vigne et aux vergers, cette trentaine de terrasses est progressivement aménagée dans l'ombre des palais qui s'y édifient à partir de la fin du XVIIe siècle. Ils offrent des points de vue sur la ville, au milieu de parterres et d'entrelacs de plantes, fontaines, statues… communicant par leurs 22 volées d'escaliers.

Architecture moderne

Le XIXe siècle est marqué par la Renaissance nationale tchèque qui accompagne la construction de majestueux édifices dans des styles historiques. Si les styles néoclassique (Théâtre des États, 1783) ou Empire (Théâtre Dům U Hybernů, 1811) ont laissé leur empreinte, c'est surtout l'architecture néo-Renaissance qui est plébiscitée par les tenants du sursaut national à partir de 1860. Le Théâtre national, dont la première pierre est posée en 1868, est inauguré le avec l'opéra Libuše de Bedřich Smetana ; incendié peu après, il est reconstruit en temps record et rouvert en 1883 ; dessiné par Josef Zítek, il est décoré par une cohorte d'artistes tchèques, dite la « Génération du Théâtre national », parmi lesquels Josef Václav Myslbek, Mikoláš Aleš, Václav Brožík, Vojtěch Hynais ou František Ženíšek. Josef Schultz, qui a reconstruit le théâtre, est le concepteur du Musée national : achevé en 1890, il est également richement décoré d'allégories et de symboles nationaux. D'autres constructions moins monumentales suivent, comme le Musée des arts décoratifs (1900), également œuvre de Schultz. L'architecture privée n'est pas en reste : siège de la banque Živnostenská ou maison Wiehl sur la place Venceslas. Quant au style néogothique, il est également à l'honneur par l'intermédiaire de l'architecte Josef Mocker auquel on doit, outre l'achèvement de la cathédrale Saint-Guy, la reconstruction de la tour Poudrière. L'architecture néoromane est également présente avec par exemple l'église Saints-Cyrille-et-Méthode construite au milieu du XIXe siècle.

À compter des années 1890 se développe, en contrepoint des styles historiques alors prépondérants, le mouvement Art nouveau, appelé Sécession à Prague et dans l'Empire austro-hongrois d'une manière générale. Ses lignes fluides, ses formes ondulantes, ses motifs organiques favorisent une riche ornementation, comme en témoignent de nombreux immeubles et leurs mosaïques, stucs, ferronneries... Citons le grand hôtel Evropa, la gare centrale, le casino U Nováků, la villa Bílek et surtout la Maison municipale achevée tardivement, en 1912, pour la construction de laquelle a travaillé Mucha (à qui l'on doit également des vitraux de la cathédrale). Enfin, le monument à Jan Hus sur la place de la Vieille-ville est également un exemple de style Sécession pragois, réalisé par Ladislav Šaloun.

À compter de 1910, l'Art nouveau perd en exubérance comme le montrent en 1913 le Mozarteum de Jan Kotěra ou le palais Koruna. À la même période se développe le cubisme, dans une version typiquement tchèque dont la première réalisation est la Maison à la Vierge noire achevée en 1912 par Josef Gočár et qui abrite aujourd'hui le musée du cubisme. D'autres exemples que l'on doit à l'architecte Josef Chochol se trouvent à Vyšehrad, dans le triangle formé par le quai Rašín, la rue Libušina et la rue Neklanova, au pied de la colline de Vyšehrad. Bien que difficile, l'application à l'architecture des préceptes du cubisme se fait par exemple en recourant à des bossages en forme de diamants (Maison Diamant, 1913). De même, les années 1920 voient l'émergence d'un mouvement architectural typiquement tchèque, le rondocubisme, dont les exemples les plus fameux sont le palais Adria (1925), le palais de la Radio ainsi que la Banque des Légions tchécoslovaques (1932). Ce mouvement s'emploie à intégrer des valeurs et symboles typiquement slaves, à commencer par les couleurs rouge et blanc et en ayant recours à des formes cylindriques supposées rappeler des rondins de bois, eux-mêmes faisant référence à l'architecture slave en bois.

Le rondocubisme est cependant vite abandonné, critiqué pour son approche nationaliste et son apparence trop décorative et superficielle. Très vite, les matériaux modernes (verre, acier, béton) sont plébiscités et c'est le fonctionnalisme qui se fait une place de choix dans la capitale. La situation politique et économique de la Tchécoslovaquie de l'époque en favorise le développement. Inauguré en 1928, le palais des foires et expositions (Veletržní palác) demeure encore aujourd'hui l'un des plus beaux exemples de ce style des débuts de l'architecture moderniste et qui aurait vivement impressionné Le Corbusier pour la pureté de ses lignes et de ses volumes. Suivent rapidement le magasin Bat'a de la place Venceslas (1929), le palais ARA, le palais Akropolis, l'institut des retraites de la place Churchill, le lotissement du quartier de Baba — ensemble unique d'une trentaine de villas fonctionnalistes, construites entre 1928 et 1940 —, les terrasses de Barrandov ou la villa Müller. Celle-ci, construite par le morave Adolf Loos — célèbre théoricien, pourfendeur de toute ornementation artificielle et précurseur de l'architecture moderne — où il met en pratique le concept de raumplan où l'espace n'est pas simplement divisé en pièces sur différents étages mais en cubes, chaque espace se divisant en plusieurs niveaux. Ce mouvement fonctionnaliste est en lien étroit avec le groupement artistique d'avant-garde du Devětsil.

L'architecture religieuse ne reste pas à l'écart de ce mouvement moderne. Ainsi, l'Église du Sacré-Cœur de Jésus à Vinohrady, construite de 1928 à 1932 par le Slovène Jože Plečnik. Bien qu'inspiré des plans des premières basiliques chrétiennes, c'est un édifice moderne de par son apparence de bâtiment-hall et son style intérieur, ainsi que par son horloge de verre de 7,6 m de diamètre. De même, l'Église Saint-Venceslas de Vršovice est l'une des plus célèbres réalisations fonctionnalistes du pays. D'inspiration constructiviste, elle est l'œuvre de Josef Gočár. Inaugurée en 1930, cette église de béton armé use remarquablement de la déclivité des lieux avec son toit en escalier ; quant à son clocher de 80 m de hauteur, il semble être le phare de Prague. Notons que l'Église Hussite de Vinohrady, voisine de la précédente, est également un classique de l'architecture fonctionnaliste tchécoslovaque. Conçue par Pavel Janák, elle se compose d'un hall de cérémonie, d'un immeuble d'appartements et d'un campanile de béton. Enfin, le Cloître d’Emmaüs, monastère des Frères slaves, est dans une moindre mesure un témoignage du modernisme appliqué à l'architecture religieuse. Fondé en 1347, le monastère est partiellement détruit par un bombardement le . Le toit et les clochers de l'édifice sont reconstruits au cours des années 1960 par l'architecte František Maria Černý : le choix est fait de ne pas reconstruire mais de créer une nouvelle toiture asymétrique de béton blanc. Celle-ci possède des flèches de quatre mètres, dorées, culminant toutes deux à 52 m.

Après la Seconde Guerre mondiale puis la mainmise communiste sur le pays, le réalisme socialiste en architecture connait une très courte gloire au cours des années 1950 dont le seul vestige est l'Hôtel International (1954), gratte-ciel stalinien typique. Le glas de l'architecture fonctionnaliste sonne avec le développement des grands ensembles périphériques, faits de panneaux préfabriqués. Depuis la chute du régime communiste, peu d'édifices modernes font preuve d'une audace remarquable. Citons tout de même le célèbre immeuble de bureaux dit de la Maison dansante, de Frank Gehry.

Musique

Portrait peint d'un homme portant perruque poudrée, habit rouge et foulard doré, partiellement de profil et le regard tourné vers le spectateur.
Mozart.

Un dicton tchèque affirme : « co Čech, to muzikant » (« En chaque Tchèque, un musicien »). Cette grande proximité avec le quatrième art résulte d'une longue histoire, commencée au Moyen Âge : les chants glorifient l'identité tchèque et les Hussites encouragent le chant des fidèles, en langue vernaculaire et non en latin ; cette atmosphère favorise l'émergence de nombreuses sociétés musicales. Au XVIe siècle, l'Église comme l'aristocratie stimulent l'éducation musicale et soutiennent même des paysans ; des orchestres privés (kapela) sont créés. On dit alors que « tous les Tchèques naissant avec un violon sous l'oreiller ». Au XIXe siècle, des sociétés sont créées pour soutenir les musiciens âgés ou les orphelins de père musicien et en 1811 est créé le premier conservatoire d'Europe. Des concerts publics (accueillant également des compositeurs étrangers comme Liszt ou Berlioz). La musique accompagne plus généralement la Renaissance nationale tchèque : les sociétés musicales se divisent entre Tchèques et Allemands ; la société Hlalol, dirigée par Bedřich Smetana, adopte pour devise « par le chant toucher au cœur ; par le cœur, la Nation » ; le Théâtre national est créé pour réunir les compositeurs et les musiciens tchèques.

Prague, conservatoire de l'Europe dit Charles Burnley en 1772. La musique joue un rôle de premier plan dans la vie culturelle de la capitale. Les salles de concert ou d'opéra sont nombreuses et illustrent l'antique concurrence que se faisaient les Tchèques et les Allemands pour la suprématie culturelle (et politique) de la ville. Le Théâtre national tchèque ouvre ses portes pour la première fois le avec l'opéra Libuše de Bedřich Smetana ; incendié peu après son inauguration, il est reconstruit en un temps record et rouvert en 1883. L’Opéra d'État, autrefois connu sous le nom de Neuer Deutscher Theater est achevé pour damer le pion aux ambitions tchèques. Partagé entre les troupes tchèques et allemandes, le Théâtre des États reste surtout célèbre pour avoir été le lieu de la première du Don Giovanni de Wolfgang Amadeus Mozart le . L'édification du Rudolfinum, aujourd'hui siège de l'Orchestre philharmonique tchèque, date de la même époque. Achevée en 1884, cette salle de concert est dédiée au prince héritier de l'Empire, Rodolphe d'Autriche. Antonín Dvořák y présente la Symphonie du Nouveau Monde en 1896. L’Orchestre symphonique de Prague préfère, pour sa part, jouer dans la salle Smetana de la Maison municipale construite dans le style de la sécession viennoise.

Quelques musées tentent d'expliquer au touriste de passage cette relation d'amour entre les Pragois et la musique : la villa Bertramka rappelle le passage de Mozart chez ses amis pragois et musiciens, Josefa Dušková et son époux František Dušek ; le musée Antonín Dvořák sis dans la villa Amerika de Kilian Ignace Dientzenhofer ; le musée Bedřich Smetana retrace les pas de cet autre géant de la musique tchèque ; le musée tchèque de la musique.


Source: Wikipedia ()

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Document créé le 03/01/2018, dernière modification le 30/10/2024
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