Pont
Pont : descriptif
- Pont
Un pont est un ouvrage d'art qui permet de franchir un obstacle naturel ou artificiel (dépression, cours d'eau, voie de communication, vallée, ravin, canyon) en passant par-dessus
Le franchissement supporte le passage d'humains et de véhicules dans le cas d'un pont routier, ou d'eau dans le cas d'un aqueduc
On désigne également comme écoduc ou écopont (par exemple : les écuroducs), des passages construits ou « réservés » dans un milieu aménagé, pour permettre aux espèces animales, végétales, fongiques, etc
de traverser des obstacles construits par l'être humain ou résultant de ses activités. Les ponts font partie de la famille des ouvrages d'art
Leur construction relève du génie civil. En Europe, leur évolution technologique a connu deux périodes : la période romaine et la période contemporaine
L'Empire romain (majeure partie de l'Europe) maîtrisait la construction du pont en arc en plein cintre, en pierre
Après la magnificence de la période romaine, l'aura des ponts s'atténue ; le pont devient alors un ouvrage d'artisan, construit par reproduction de modèles et de méthodes éprouvés. Avec les progrès dans la connaissance des sciences physiques et dans celle des matériaux, le pont redevient un ouvrage d'art grâce aux ingénieurs
Pendant plus de 2 000 ans, la conception des ponts a peu évolué
Puis avec la révolution industrielle, l'accroissement des échanges commerciaux a nécessité le développement des chemins de fer, de routes et de ponts ; parallèlement, les connaissances théoriques ont fait des progrès considérables. Depuis environ 200 ans, les ponts en acier, les ponts en béton armé puis en précontraint, les ponts suspendus de grandes portées et les ponts à haubans ont été rendus possibles par l'introduction de l'acier
Les architectes, avec des contraintes techniques aux limites repoussées, peuvent aujourd'hui laisser libre cours à leur imagination pour créer au sens propre des ouvrages « d'art ». Parallèlement à cette évolution, le pont est perçu dans les contes, la littérature et les expressions populaires, d'abord sur un plan symbolique
Il est pris comme sujet principal dans les arts plutôt tardivement
Peut-être cité à ce propos l'œuvre Trois symboles d'Eileen Agar, peinture de 1930 représentant un pont d'Eiffel « symbole de la modernité ». La forme des ponts dépend en partie du matériau disponible (jusqu’au XXIe siècle : la pierre et l’acier)
De nouveaux matériaux sont apparus alors que les méthodes et moyens de calculs évoluaient
Des prototypes ont utilisé un béton hautes performances dont la résistance à la compression atteint 200 MPa
Des ponts en matériaux composites, assemblages de résines et de fibres de carbone, pouvant résister à des efforts intenses, permettent des formes nouvelles susceptibles encore d'évoluer. Cinq classes de ponts sont définies selon leur structure : les ponts voûtés, les ponts à poutres, les ponts en arc, les ponts suspendus et les ponts haubanés
Des critères spécifiques conduisent pour chacune de ces classes à définir un type qui lui est propre
Le matériau utilisé est un des critères de différenciation commun à l’ensemble des classes
La conception, la construction, la surveillance et l'entretien diffèrent selon le matériau
Chaque type de pont est adapté à une plage de portée, les ponts suspendus permettant les plus grandes portées
En 2018, le plus long pont maritime du monde relie Hong Kong et Macao à la Chine sur 55 kilomètres, ayant mobilisé un million de mètres cubes de béton et 420 000 t d'acier. Enfin, on trouve quelques rares cas d'arches naturelles qui sont utilisées comme des ponts ; c'est notamment le cas du pont de Dieu, en Roumanie, sur lequel passe une route nationale.
Histoire
Préhistoire et protohistoire
Premiers ponts
L'art de construire les ponts remonte aux temps les plus reculés. Le premier pont a probablement été un arbre renversé par le vent au-dessus d'un cours d'eau ou une arche naturelle, sculptée dans la roche par l’érosion, comme il s'en trouve en Ardèche en France ou dans le parc national des Arches, en Utah, dans l'Ouest américain. Puis avec des outils et des engins de plus en plus perfectionnés, l'Homme a dû naturellement imiter ces ponts primitifs, abattre des arbres pour les placer en travers des rivières, après les avoir convenablement façonnés, établir des points d'appui intermédiaires lorsque la largeur du lit l'exigeait et progressivement aboutir à la construction de véritables ponts en charpente tels qu’ils ont été réalisés ultérieurement.
Des ponts de liane (ou corde) ont probablement aussi devancé le premier arc en maçonnerie. Les éléments porteurs des passerelles suspendues primitives étaient des câbles formés de lianes, de bambous ou d'herbes tressés, attachés à chaque extrémité à des rochers, des ancrages en pierre ou des troncs d’arbre (comme l'illustreront plus tard les ponts de corde inca).
L'assemblage de roches brutes surmontées d'une dalle, dans sa forme rudimentaire, est-il postérieur ou antérieur au pont de bois préhistorique ? Il ne subsiste aucune trace des ponts en bois contemporains de ces ponts en dalles de pierre,, les Tarr Steps édifiés au début du comté de Somerset, au Sud-Ouest de l'Angleterre,.
Selon la tradition, le premier pont - au sens moderne du terme - aurait été édifié sur le fleuve Euphrate vers 800 Sémiramis, reine de Babylone. Sa chaussée, large d'une dizaine de mètres, était constituée de madriers de cèdre et de cyprès. Pour l'édifier, le cours du fleuve – dit-on fut détourné –, afin de mettre en place des fondations faites de blocs de pierre maintenus entre eux par des barres de fer.
Ponts voûtés
Les premières voûtes sont constituées de pierres horizontales posées en saillie les unes sur les autres, disposition dite « en encorbellement ». À Abydos, dans le palais d'Ozymandias, dont le règne remonte à environ 2 500 ans avant notre ère, on a trouvé une voûte de ce type. On retrouve la même disposition à Thèbes, dans le temple d’Amon-Rê. Toutefois la plus belle voûte antique de ce type est probablement celle du trésor d'Atrée, une impressionnante tombe à tholos située à Mycènes, en Grèce et construite autour de 1250 , elle a été le plus grand et le plus large dôme dans le monde pendant plus d'un millénaire jusqu'à la construction des thermes de Mercure à Baïes et du Panthéon de Rome.
Des voûtes à joints convergents, c'est-à-dire dont les joints sont perpendiculaires à la surface de l'intrados, typiques des ponts en maçonnerie, existent en fait déjà dans divers monuments de l'Égypte antique. En Nubie, dans l'une des pyramides de Méroé, se trouve une véritable voûte en plein cintre composée de voussoirs régulièrement appareillés. À Gebel Barkal, deux portiques donnant accès à des pyramides sont couverts l'un par une voûte en ogive, le second par une voûte en plein cintre, exécutées l'une et l'autre avec voussoirs à joints convergents. Une voûte en berceau de forme elliptique, exécutée en briques se voit dans le tombeau d' et doit dater par conséquent d'environ dix-huit siècles avant notre ère.
Plus récemment, en Europe, on peut trouver sur l'enceinte étrusque de la ville de Volterra, datant du Porta all'Arco reprenant ce principe de construction d'un arc.
Il subsiste en Argolide, dans le Péloponnèse, trois ponts, dont le pont mycénien de Kazarma, construits suivant la technique des voûtes en encorbellement, à l'aide d'un empilement de pierres assez grossièrement taillées. Ces ponts furent probablement construits vers -1300, à l'époque mycénienne (âge du bronze), et plus précisément, de l'helladique IIIb (env. -1340/-1200), pour la route qui reliait les grandes cités mycéniennes de Mycènes, Argos et Tirynthe au port de Palea Epidavros.
Antiquité
Ponts romains
C'est aux Romains que l'on doit la reprise de la technique de la voûte, son perfectionnement et son utilisation partout en Europe pour la construction des ponts. Un empire aussi vaste supposait une voirie fiable, praticable en toutes saisons et dotée de constructions plus solides que les simples ponts en bois. On suppose que le plus ancien ouvrage voûté romain est un égout connu sous le nom de Cloaca Maxima exécuté sous le règne de Tarquin l'Ancien, dont la construction a été entreprise 600 ans environ .
Les ponts romains sont robustes, en plein cintre, c'est-à-dire avec une voûte en arc de cercle, reposant sur des piles épaisses, d'une largeur égale à environ la moitié de l'ouverture de la voûte. L'une des plus anciennes réalisations de la voirie romaine est le pont Milvius, construit sur le Tibre par le consul Caius Claudius Nero en -206. Situé à 3 Rome, là où la via Flaminia et la via Cassia se rejoignent pour franchir le fleuve, c'était le passage obligé d'accès à Rome pour tout voyageur venant du nord. Du fait de sa position stratégique, le pont Milvius fut le théâtre de nombreuses luttes. C'est là qu'en 312, l'empereur Constantin battit son rival Maxence dans un affrontement resté célèbre sous le nom de bataille du pont Milvius.
C'est en Espagne et au Portugal que l'on peut observer des ouvrages parmi les plus spectaculaires tels que le pont romain de Mérida, dans l'Estrémadure, et surtout le pont d'Alcántara, érigé sur le Tage en 103 et 104 apr. J.-C..
Au siècle apparaissent les ponts à arc surbaissé, ou ponts segmentaires. Le pont de Limyra, situé près de Limyra en Lycie, une région de la Turquie actuelle, en est un des premiers représentants au monde. Le pont mesure 360 mètres de longueur et possède 26 arcs segmentaires et deux semi-circulaires.
Les corvées pour la construction et l'entretien des ponts, des routes, des enceintes et de tout édifice public de l'empire romain, font partie des sordida munera, « charges sordides » supportées par tous les citoyens (avec des exemptions accordées aux agents de l'administration, aux dignitaires de l'armée et de l'Église), et perdurent jusqu'au haut Moyen Âge.
Ponts en Asie
En Asie, la voûte ogivale prédomine. Le pont de Zhaozhou, construit vers l'an 605, est le pont en maçonnerie à arc segmentaire et à tympan ouvert le plus ancien du monde. C'est également le plus ancien pont de Chine encore en service. Il est situé dans le district de Zhao de la ville-préfecture de Shijiazhuang, dans la province du Hebei.
Moyen Âge
Ponts médiévaux en Occident
Rares sont les ponts construits en Occident avant le siècle, mais le Moyen Âge voit s'édifier un nombre considérable d'ouvrages aux formes variées et hardies, en lien avec l'essor de l'agriculture et du trafic lié au développement du commerce. Ces ouvrages se composent d'arches souvent très inégales, dont les voûtes sont en arc peu surbaissé, en plein cintre ou en ogive, cette dernière forme permettant de diminuer les poussées ; ils reposent sur des piles épaisses aux extrémités très saillantes au moins en amont. Les largeurs entre murs sont faibles et le passage présente toujours des rampes et des pentes très fortes. Les ponts en pierre apparaissent vers le pont d'Eudes à Tours. Le pont du Diable au-dessus de l'Hérault, à Saint-Jean-de-Fos, a été construit après un accord passé en 873 entre les abbés d'Aniane et de Gellone.
En France, parmi les ponts médiévaux les plus remarquables peuvent être mentionnés le pont Saint-Bénézet à Avignon sur le Rhône (1177-1187), l'ancien pont de Carcassonne sur l'Aude (1180), le Petit-Pont à Paris sur la Seine (1186), le pont Valentré à Cahors sur le Lot (1231), le pont Saint-Martial à Limoges sur la Vienne (1215),. Le pont médiéval de Vieille-Brioude, datant du XVe siècle, avait une ouverture de 54,572 m. Le pont s'est effondré en 1822.
L'édification d'un pont représente généralement un investissement important qui témoigne de la puissance de son constructeur, souvent des seigneurs locaux laïcs et religieux, ou, après concession aux bourgeois de s'organiser en communes, des autorités municipales. À une époque marquée par la parcellisation des pouvoirs, la situation floue conduit les autorités à abandonner progressivement le principe des sordida munera, difficiles à faire appliquer et sources de nombreux conflits, et recourir à des ouvriers qualifiés, rétribués pour la construction ou la reconstruction des ponts. Les différents pouvoirs qui se disputent la seigneurie du pont se tournent vers des solutions nouvelles pour parcelliser les financements, les lourdes charges liées à l'entretien des ponts et les revenus (profits plus ou moins substantiels qu'ils peuvent générer). Ces nouvelles sources de revenus sont : les droits de justice sur le pont, concernant les amendes liées aux litiges relatifs à la défense, la fortification et l'entretien de l'ouvrage ; les droits de perception de taxes (péages, octrois, tonlieux… qui constituent le pontagium) ; les locations et rentes prises sur les boutiques des ponts lotis, sur les aménagements hydrauliques (pêcheries accrochées aux ponts, moulins flottants arrimés aux piles, moulins pendants sous les arches…) ; les dons (legs testamentaires accordés par des particuliers, confréries charitables maladroitement regroupées par l'historiographie sous le terme générique de frères pontifes et qui affectent des quêtes et des indulgences à la construction de ponts).
De la Renaissance au | ]
En Asie, les ponts voûtés chinois atteignent l’apogée de leur splendeur dans le Fujian avec des arcs très fins. Le pont de Xiao construit en 1470 a une hauteur libre de 7,2 . Il est toujours en service et supporte le trafic actuel. Un autre pont remarquable de cette époque est celui de Gao-po, situé dans le Yongding et construit en 1477. Sa portée est de 20 .
En Occident, entre le siècle et le siècle, les architectes des célèbres ponts de Florence, Venise et autres villes italiennes s'inspirèrent de formes régulières empruntées au passé, mais leur propension à se poser davantage en artistes qu'en constructeurs les conduisit parfois à abuser des superstructures et autres décorations. Les deux exemples les plus significatifs sont le Ponte Vecchio à Florence et le pont du Rialto sur le Grand Canal à Venise.
Le pont devient un élément central de grands projets d’urbanisme. En France, les premiers architectes de renom apparaissent, comme Androuet du Cerceau à qui l’on doit le pont Neuf de Paris qui, commencé en 1578, ne sera achevé qu’en 1604 du fait des guerres de religion. Il facilite le passage entre le palais du Louvre et l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, il jouxte le monument érigé à la gloire d'Henri IV situé sur la pointe en aval de l'île de la Cité et constitue le pont en service le plus ancien de Paris. C’est à cette époque qu’est introduit l’arc en anse de panier, courbe à trois ou plusieurs centres, sans jamais toutefois se substituer à la courbe en plein cintre.
La période qui s'étend du siècle à la fin du siècle est marquée par la construction de ponts plutôt médiocres tant sur le plan artistique que structurel.
En France, le Corps des ponts et chaussées est créé en 1716. Un bureau des dessinateurs du roi est fondé en 1747, devenu l'École royale des ponts et chaussées, sous la direction de Jean-Rodolphe Perronet, qui a formé les ingénieurs chargés de la conception et de la construction des ponts en France, dont, en particulier, le premier pont de Neuilly en maçonnerie et le pont de la Concorde avec une conception plus hardie à arcs surbaissés et des piles plus minces nécessitant le décintrement de la totalité de l'ouvrage en une seule opération.
En 1779 est construit en Grande-Bretagne le premier pont métallique utilisant de la fonte, l'Iron Bridge.
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Le développement des chemins de fer au siècle induit l'apparition de grands viaducs en maçonnerie comme, en France, le viaduc de Nîmes, d'une longueur de 1 569 , parmi les plus longs de France, le viaduc de Barentin (1844) dans la Seine-Maritime, ou le viaduc de Saint-Chamas (1848) dans les Bouches-du-Rhône, un ouvrage curieux fait de voûtes en plein cintre imbriquées symétriquement.
Acquisition et diffusion des connaissances théoriques
Problème de la stabilité des voûtes en maçonnerie
Au début du siècle, les architectes et les ingénieurs avaient l'acquis d'une longue pratique de la construction des ponts en pierre et en bois. Mais la voûte de pierre et mortier relève encore d'un certain empirisme, ce qui fait dire à Paul Séjourné, dans la première phrase de ses « Grandes Voûtes » : « On fait une voûte d'après les voûtes faites : c'est affaire d'expérience ».
Les formules courantes, déduites de l'observation et de la pratique, étaient nombreuses. L’épaisseur à la clef, celle des reins, des piles ou des culées, étaient déduites simplement de l’ouverture du pont. La Hire en 1695, puis en 1712 tente une première approche du calcul des voûtes, calcul qui consiste à vérifier, a posteriori, que la voûte dessinée a quelque chance d'être stable, et que les matériaux qui la constituent ne s'écraseront pas sous les charges. Il ne réussit pas à obtenir des résultats suffisants pour la pratique, mais il a toutefois le mérite de mettre en évidence deux notions qui, un siècle plus tard, se révéleront extrêmement fécondes, : la courbe des pressions et la rupture par blocs, la voûte étant supposée se casser en trois blocs indépendants qui se séparent par glissement, le frottement étant supposé nul. Ces hypothèses, fausses, permirent néanmoins d'approcher le calcul des culées.
En 1810, Louis-Charles Boistard montre, à la suite de nombreux essais, que la rupture des voûtes se produit par la rotation de quatre blocs. Ces résultats permettent à Édouard Méry de publier en 1840 dans les Annales des ponts et chaussées un article Sur l'équilibre des voûtes en berceau, une méthode de vérification des voûtes qui allait être utilisée pendant tout le siècle et l'est encore parfois de nos jours,. En 1867, Durand-Claye améliore cette méthode, mais sa proposition connaît moins de succès car elle nécessite des calculs laborieux,.
Dans les dernières années du siècle, les voûtes étaient calculées comme des solides « élastiques », c'est-à-dire comme s'il s'agissait d'arcs métalliques.
Science de la résistance des matériaux
Pour que de nouvelles formes de ponts apparaissent, il fallait une amélioration des matériaux d’une part, et de la connaissance de ces matériaux d’autre part. La mécanique avait pris sa forme quasi définitive avec Joseph-Louis Lagrange ; il restait à l'appliquer de façon pratique aux constructions. En 1800, quelques résultats fragmentaires sont déjà acquis : Galilée s'est préoccupé de la résistance des poutres-consoles et des poutres sur appuis simples. Robert Hooke, en 1678, émet l'hypothèse qu'en deçà d'une certaine limite, l'allongement ou le raccourcissement d'un barreau de fer est proportionnel à l'effort axial qui lui est appliqué. En 1703, Jacques Bernoulli établit l'équation de la courbe déformée - qu'il appelle « courbe élastique » - d'une console. Dès le milieu du siècle, de nouvelles briques de calcul de résistance des matériaux apparaissent. En 1744, Euler montre qu'une colonne « flambe » lorsqu'elle est soumise à une charge axiale, c'est-à-dire qu'elle ondule comme une flamme, et par conséquent elle est tout à fait instable à partir d’une certaine « charge critique », dite (aujourd'hui) charge d'Euler. En 1773, Coulomb indique pour la poussée des terres, supposées horizontales au niveau supérieur, une formule établie plus tard en termes de contraintes par Rankine en 1857. À la fin du siècle, Young étudie le coefficient de proportionnalité de la loi de Hooke.
Mais ces éléments étaient encore trop dispersés pour que les constructeurs, à l'exception de quelques-uns, puissent les appliquer utilement. Ce n'est qu'une vingtaine d'années plus tard qu'ils commencent vraiment à pratiquer la résistance des matériaux, qui prendra véritablement naissance avec le Résumé des leçons données à l'école des Ponts et Chaussées, sur l'application de la mécanique à l'établissement des constructions et des machines, professé par Navier à Paris en 1833. Henri Navier, Lamé, Cauchy, Clapeyron, Barré de Saint-Venant, Boussinesq développent ensuite la théorie de l'élasticité, qui permettra d'asseoir la résistance des matériaux (RDM) sur des bases solides.
Diffusion du savoir
Enfin, le siècle voit se développer et se diversifier la formation, la documentation et la diffusion du savoir. Les Écoles d'arts et métiers d’Angers et de Châlons sont créées dès le premier Empire. L'École des arts et manufactures (Centrale de Paris) est créée en 1829. De très nombreuses publications technico-scientifiques à parution périodique voient le jour : les Annales des Mines, les Annales des Ponts et Chaussées (1831), les Annales de la voirie vicinale, les Annales de la construction, Le Portefeuille du conducteur, le journal Le Génie civil, etc. Dans les dernières années du siècle, des « collections » d'ouvrages techniques apparaissent : Bibliothèque du Conducteur, Encyclopédie des Travaux Publics… Enfin, à la fin du siècle, les écoles d'application de l'École polytechnique ouvrent leurs portes aux élèves-ingénieurs non fonctionnaires ; d'autres écoles d'ingénieurs sont créées.
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Rupture en quatre blocs des voûtes : voûtes en plein-cintre, en ellipse ou en anse de panier (I) – voûtes très surbaissées (II) - voûtes en arc de cercle (III) – voûtes ogivales ou surhaussées (IV), d’après Jules Pillet (1895).
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Poutre posée sur deux appuis simples – Représentation des forces - Jules Pillet - 1895
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Revue des Annales des ponts et chaussées. Le premier exemplaire est paru en 1831.
Ponts métalliques
Le fer est un matériau plus résistant que la pierre. Sa résistance à la traction est faible, mais toutefois nettement plus élevée que celle de tout autre matériau disponible avant la production de masse de l’acier. Le tout premier grand pont en chaîne de fer a été construit en Chine environ 600 ans Yunnan avec une portée d'environ 60 mètres,.
En Europe, les premiers ponts métalliques en fonte sont construits en Angleterre dès le milieu du siècle. Le premier est le Iron Bridge, conçu par Thomas Farnolls Pritchard et construit en 1779 par Abraham Darby III, sur la Severn. Une trentaine d'ouvrages en fonte sont ainsi construits dans ce pays avant 1830, le plus important étant celui de Sunderland, en 1793, qui atteignait 72 portée. Tous ces ponts s'inspiraient étroitement des formes et des techniques employées pour les ponts en maçonnerie, mais la plupart d'entre eux eurent une très faible durée de vie, car la fonte est un matériau fragile. L'un des premiers ponts suspendus modernes a été le pont suspendu de Menai conçu par Thomas Telford basé sur le brevet de James Findley aux États-Unis et achevé en janvier 1826. La portée de 176 .
Aux États-Unis, les poutres triangulées se développent rapidement, en s'inspirant des ponts en bois. En Europe, les ouvrages pionniers sont le viaduc de Crumlin, en Angleterre, et celui de Fribourg, en Suisse (1857). Le fer, se substituant à la fonte, a aussi été employé pour construire des arcs, mais il a surtout permis de créer des arcs triangulés, notamment pour les deux grands viaducs d'Eiffel : le pont Maria Pia à Porto (1877) et le viaduc de Garabit sur la Truyère (1884),.
Avec l'invention du convertisseur Bessemer en 1856 puis des procédés Siemens-Martin en 1867, la production industrielle de l'acier se développe rapidement. L'acier, possédant des caractéristiques mécaniques bien supérieures à celles du fer, remplace progressivement le fer dans tous les types d'ouvrages et permet un allégement des structures. De nombreux ouvrages en arc en acier, d'une portée voisine de 150 siècle comme le pont Alexandre-III à Paris, construit pour l'Exposition universelle de 1900, remarquable tant par l’élégance de son arc que par sa décoration. En 1890, le pont du Forth en Écosse (1890) constitue un nouveau type d'ouvrage : la portée est étendue à 521 travée indépendante de 107 piles en rivière.
Ponts en béton armé
Les ciments naturels ne sont redécouverts qu'à la fin du siècle et il faut attendre le début du siècle pour que les ciments artificiels voient le jour grâce au Français Louis Vicat et à l'Anglais Joseph Aspdin. Leur production industrielle ne démarre qu'en 1850. Joseph-Louis Lambot fait une première réalisation connue en ciment armé en 1848. François Coignet construit une maison en béton aggloméré en 1853. En 1875, Joseph Monier construit le premier pont en ciment armé pour franchir les douves du château de Chazelet. À partir de 1890 apparaissent les premiers ponts en béton armé, à la suite du brevet de François Hennebique déposé en 1892 qui présente la première disposition correcte des armatures d'une poutre en béton armé, sous le nom de poutre à étrier. En France, la commission du ciment armé rédige la première circulaire pour la justification des ponts en béton armé en 1906.
Ponts suspendus
Les ponts suspendus du début du siècle étaient fragiles et de nombreux accidents se produisent en raison de la trop grande souplesse des tabliers en bois et de la corrosion des câbles insuffisamment protégés. Le pont suspendu de Brooklyn reliant Manhattan à Brooklyn, projeté par John Augustus Roebling et construit après sa mort par son fils, de 1869 et 1883, marque le retour en force des ponts suspendus. Avec une portée de 487 , il était une fois et demie plus long que tous les ponts construits jusque-là. Il avait six voies de circulation et un trottoir ; les quatre câbles principaux sont mis en place suivant une méthode utilisée par la suite pour tous les grands ponts suspendus construits aux États-Unis. Pour éviter les incidents résultant d'oscillations provoquées par le vent ou la circulation, une carcasse rigide en acier est incorporée au tablier sur toute sa longueur.
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Ponts en béton armé
En 1899-1900, François Hennebique réalise le pont Camille-de-Hogues à Châtellerault avec une portée de 50 1911, Hennebique construit le pont du Risorgimento à Rome, qui atteint 100 portée. Après la Première Guerre mondiale, la construction de ponts en béton armé de grande portée se développe, notamment en France sous l'impulsion de deux remarquables ingénieurs : Albert Caquot et surtout Eugène Freyssinet. Les records se succèdent : pont de la Caille(Haute-Savoie), en 1928, avec un arc de 137,5 , et le majestueux pont de Plougastel (Finistère), en 1930, avec ses trois arcs de 186 ,. Un grand nombre de petits ouvrages ou de très grands arcs en béton armé sont encore construits de nos jours, avec des portées quelquefois remarquables : le pont de Gladesville dans la région de Sydney en Australie, construit en 1964, a une portée principale de 305 , et surtout l'extraordinaire pont de Krk en Yougoslavie, construit en 1980, présente une portée principale de 390 m. La construction des arcs, abandonnée vers le milieu du siècle à cause du coût du cintre, a retrouvé un intérêt économique pour le franchissement de grandes brèches grâce à la méthode de construction en encorbellement avec haubanage provisoire.
Ponts en béton précontraint
Les recherches portant sur l'utilisation du béton armé conduisent à la découverte d'un nouveau matériau : le béton précontraint. Eugène Freyssinet définit les principes essentiels de ce nouveau matériau en 1928. Quelques ouvrages modestes sont réalisés avant la Seconde Guerre mondiale, mais le premier grand pont en béton précontraint est le pont de Luzancy (Seine-et-Marne), achevé en 1946. Il a une portée de 55 et fut entièrement préfabriqué à l'aide de voussoirs en béton précontraint, mis en place par des moyens mécaniques sans aucun cintre. Il fut suivi par cinq autres ponts similaires, également sur la Marne, de 74 .
La découverte de la technique de construction en encorbellement permet des portées plus importantes. Le premier pont construit selon cette technique est achevé à Worms en Allemagne en 1953, avec une portée principale fort respectable de 114 . En Europe, à la fin des années 1970, le béton précontraint règne de façon quasi-exclusive sur un vaste domaine de portées, allant jusqu'à 200 Amérique du Sud et en Asie. Le record de portée a longtemps été détenu par le pont de Gateway en Australie, construit en 1986, avec 260 ,. Puis il a été successivement battu par cinq ouvrages construits en Norvège et en Chine. Le plus grand est actuellement le pont de Shibanpo, en Chine, avec 330 2005.
Ponts suspendus
Les États-Unis se lancent dans la construction de ponts suspendus gigantesques. En 1931, le pont George-Washington à New York, construit par l’ingénieur Othmar Ammann, avec une travée centrale de 1 067 , faisait plus que doubler les portées alors existantes. Six ans plus tard, le pont du Golden Gate à San Francisco portait ce record à 1 280 .
En 1940 est achevé le pont de Tacoma dans l'État de Washington, qui présentait un tablier particulièrement élancé. Quelques mois après sa mise en service, il se met à osciller et à se vriller sous l'effet d'un vent modéré mais constant, jusqu'à son effondrement complet. En cause : l'instabilité aéroélastique des ponts à câbles, c'est-à-dire le couplage entre les mouvements propres du tablier et les effets du vent, et non un quelconque effet de résonance comme cela a parfois été dit. À partir de cette époque, des études aérodynamiques poussées ont été faites pour tous les grands ponts.
Dans les ponts suspendus récents, le tablier métallique à dalle orthotrope, dont la section transversale est testée en soufflerie comme une aile d'avion, a remplacé le tablier en treillis. La technique britannique est un certain temps en vedette avec la construction du pont sur la Severn (1966), du premier pont d'Istanbul (Turquie) (1973) et surtout du pont du Humber, achevé en 1981,. Mais tous les plus grands ponts suspendus récents sont asiatiques, avec en particulier le pont Akashi-Kaikyō, qui détient le record de portée des ponts toutes catégories, avec 1 991 .
Ponts à haubans
Bien que le principe des ponts à haubans soit aussi ancien que celui des ponts suspendus, ces ouvrages ne se développent que durant la première moitié du siècle, notamment en France, avec les ponts conçus par Albert Gisclard et le pont de Lézardrieux (Côtes-d'Armor) (ce dernier a été transformé, en 1924, de pont suspendu en pont à haubans sans interruption de la circulation). Les premières réalisations importantes voient le jour en Allemagne, avec les trois ponts de Düsseldorf construits dans les années 1950. Les premiers ponts à haubans comportaient un tablier métallique de façon à diminuer le poids. Mais l'ingénieur italien Morandi réalise plusieurs ouvrages haubanés avec tablier en béton, dont le plus important est celui de Maracaïbo au Venezuela, avec plusieurs travées de 235 .
La France semblait se tenir frileusement à l'écart du développement de cette technique lorsque, presque simultanément au milieu des années 1970, deux ouvrages remarquables viennent battre le record mondial de portée dans leur catégorie : le pont de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique, à tablier métallique, avec une portée de 404 pont de Brotonne, en Seine-Maritime, à tablier en béton, avec une portée de 320 .
Ère des grands calculs
La méthode des éléments finis, apparue dans les années 1950, permet une approche du calcul des structures plus voisine de la réalité que celle, classique, de la résistance des matériaux. Cette nouvelle méthode détermine une structure par un nombre fini d’inconnues, en un nombre fini de points appelé nœuds auxquels sont associés des volumes élémentaires supposés petits : les éléments finis. L'application à chacun de ceux-ci des équations de la mécanique conduit à un système matriciel qui contient un très grand nombre d'inconnues. Le traitement du système final, à partir d’un maillage fin des nœuds, est inabordable à la main et nécessite des moyens de calcul puissants. Cette méthode permet, dans bien des cas, d'éviter d’avoir recours à des essais sur modèles réduits, toujours délicats à mettre en œuvre et d'interprétation parfois difficile. À la fin du siècle, les ingénieurs « calculaient » graphiquement leurs structures en treillis à l’aide de la statique graphique issue des travaux de Karl Culmann et de Crémona. C'est par ce moyen qu'a été calculée la tour Eiffel, ainsi que bien des charpentes et des ponts. Entre les deux guerres apparaissent des machines à calculer électro-mécaniques, qui ne sont en fait que des machines de Pascal améliorées.
Au début des années 1960, les premiers ordinateurs font leur apparition, le calcul scientifique se développe. Avec les calculateurs rapides, la méthode des éléments finis permet d'augmenter le champ des investigations, d'aborder et de résoudre correctement les systèmes bi ou tridimensionnels. Enfin, on arrive maintenant à la conception assistée par ordinateur (CAO) qui permet d'effectuer et d'affiner rapidement les inévitables itérations qui précèdent la définition et la vérification de tout projet. Avec les microordinateurs, la miniaturisation toujours plus grande et l’augmentation constante de la puissance de calcul, les grands calculs sont maintenant à la portée de tous les bureaux d’études.
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Nouveaux matériaux
La recherche expérimentale sur les bétons n’est entreprise qu’après 1940, sur la base des lois de Féret. Un béton ordinaire est composé d’un liant, de sable et de gravier. Dès la théorisation de la composition des bétons dans les années 1940, on sait que pour obtenir un béton de meilleure qualité, il faut minimiser le pourcentage de vides. Dans les années 1980, on découvre le moyen de réduire ces vides avec l’ajout de microparticules et d’adjuvants de types plastifiants : ainsi naissent les bétons hautes performances. La résistance à la compression de ces bétons peut être de 50 à 100 MPa. Une nouvelle rupture technologique intervient au début des années 1990 avec la mise au point des bétons dont la résistance est de 200 MPa en compression et de 40 MPa en flexion.
Les performances des aciers sont également sans cesse améliorées. Ces progrès permettent une réduction des coûts de transport et de construction grâce à un gain de matière : désormais, la construction avec des tôles moins épaisses nécessite moins de soudages et moins de peinture, la surface étant réduite à épaisseur égale. La réduction du poids propre autorise des charges d’exploitation plus élevées. Parallèlement ces aciers contribuent à réduire l’impact environnemental du fait d’une moindre utilisation de matière pour une fonction donnée. Alors que l’acier puddlé du viaduc de Garabit avait une limite d'élasticité de 100 MPa, les aciers couramment utilisés résistent actuellement à 350 MPa, comme la passerelle Simone-de-Beauvoir (2006) à Paris. L’acier utilisé pour le tablier du viaduc de Millau est de nuance S460 ; celui du pont Akashi-Kaikyō, qui détient le record du monde de portée avec 1 991 .
Les matériaux composites, comme des polymères renforcés de fibres (PRF) comportant des fibres de carbone (PRFC) ou des fibres de verre (PRFV), sont une nouvelle évolution récente de matériaux qui ouvrent la voie vers de nouvelles perspectives. Utilisés en tant que renforts pour faire face aux pathologies de structures en béton ou en bois, ils présentent de nombreux avantages ; des tests en laboratoire sur des poteaux, dalles et poutres de béton armé enveloppés de PRF (carbone ou verre) et avec un système de protection incendie ont montré une résistance au feu de quatre heures minimum ; ils maintenaient des températures basses dans le béton et les armatures d'acier, favorisant le maintien des résistances de ces matériaux porteurs pendant les essais. Le critère économique est aussi mis en avant : des ouvrages de génie civil ont ainsi été réhabilités pour des coûts de l'ordre de 40 à 60 % par rapport à des solutions conventionnelles.
L'utilisation de ces nouveaux matériaux n'est pas seulement limitée au domaine de la réhabilitation de structures ; le PRFV présente un module d'élasticité très proche de celui du béton et permet donc une très bonne compatibilité avec celui-ci. Soumises en laboratoire à des charges cycliques, des tiges de PRFV ont montré une résistance à la fatigue vingt fois supérieure à celle des tiges d'acier classiques et avec une durée de vie plus importante.
Nouvelles structures
L’accessibilité aux grands calculs et l’émergence de nouveaux matériaux permettent aux architectes de ne plus être limités dans leur conception et de laisser libre cours à leur imagination. Santiago Calatrava conçoit ainsi de nombreux ponts aux formes complexes sollicitant les matériaux de la structure en flexion et torsion, comme les arcs inclinés du pont Bac de Roda à Barcelone en 1992 ou du pont de l'Europe à Orléans en 2000 ou des ponts à haubans aux formes hardies comme le Puente de la Mujer à Buenos Aires en 2001 ou le pont de l'Assut de l'Or à Valence en 2008.
Les bétons fibrés à hautes performances permettent des prouesses technologiques. La passerelle de Sherbrooke au Canada, réalisée en 1997 et d’une portée de 60 mètres, est constituée d’un hourdis en dalle nervurée dont le hourdis supérieur en BFUP n’a qu'une épaisseur de 30 . En 2002, le tablier de la passerelle de Séoul a, lui aussi, une épaisseur de 3 .
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