Vlad III l'Empaleur
Le voïvode Vlad III Basarab, surnommé « l'Empaleur » (en roumain Țepeș, prononcé [ˈt͡sepeʃ ]), né entre 1429 et 1431 probablement à Târgoviște en Valachie (mais, selon la légende moderne, à Sighișoara en Transylvanie) et mort en près de Bucarest, est prince de Valachie en 1448, puis de 1456 à 1462 et en 1476.
Un autre surnom de Vlad III, Drăculea (signifiant « fils du diable » en roumain médiéval), fut repris par Bram Stoker pour nommer le personnage littéraire du comte vampire Dracula.
Issu de la dynastie princière valaque des Basarab, Vlad Țepeș, né entre 1431 et 1436, a pu voir le jour à Târgoviște alors capitale de la Principauté, à Curtea de Argeș, autre ville princière, ou encore à Bucarest comme l'affirment toutes les sources anciennes. Mais, depuis 1990, le mythe de Dracula lancé par Bram Stoker étant parvenu en Roumanie où il est commercialement exploité, une légende popularisée par l'historien roumano-américain Radu Florescu situe, sans preuve, sa naissance à Sighișoara, ville de Transylvanie où son père exilé est censé avoir séjourné et où l'on montre depuis lors sa « maison natale »,.
Quoi qu'il en soit, en 1442, Vlad Țepeș est envoyé comme otage auprès du sultan Mourad II, avec son jeune frère Radu III le Beau. Cet enlèvement se déroule certainement dans le cadre du devchirmé ottoman, l'"impot du sang" qui consiste au prélèvement des garçons âgés de 8 à 18 ans, alors enrôlés, éduqués et généralement convertis à l'islam afin qu'ils puissent occuper une place dans l'administration de l'empire. Le jeune Vlad est retenu à Andrinople (alors capitale de l'Empire ottoman, qui n'avait pas encore pris Constantinople) jusqu'en 1448, et son frère Radu jusqu'en 1462. Cette période de captivité dorée chez les Turcs a joué un rôle important dans la montée au pouvoir de Vlad. Probablement s'est-il fait durant cette période des relations utiles à son ambition, et à son désir de revanche contre les Dǎnești. En sa qualité d'otage princier, il avait certains privilèges tels que celui de pouvoir étudier, correspondre, disposer de pages et de serviteurs.
Lutte pour le trône
En 1448, profitant de l'absence de Vladislav, éloigné de Târgoviște par les combats de la seconde bataille de Kosovo contre les Turcs, Vlad III Țepeș rentre d'Andrinople avec une troupe de cavalerie turque et un contingent de troupes prêté par le pacha Mustafa Hassan pour s'emparer du trône. Mais Vladislav le chasse dès son retour, deux mois plus tard (octobre-), et Vlad doit s'exiler en Moldavie où règne Bogdan II Mușat. Là, il se lie d'amitié avec le futur Étienne III de Moldavie.
La chute de Constantinople aux mains des Turcs en 1453 change la donne : les chrétiens doivent faire feu de tout bois et Jean Hunyadi, qui part défendre Belgrade contre les assauts ottomans, confie à Vlad Țepeș une armée pour défendre la Valachie et la Transylvanie. Mais Vlad en profite, avec l'aide de boyards valaques, pour reprendre le trône de Valachie : il écrase et tue Vladislav II au combat en août 1456. Il règne ensuite pendant six ans, consolidant son pouvoir en centralisant l'autorité, de la même façon que Matthias Corvin en Hongrie ou Louis XI en France. Il achète ou bien élimine tous les boyards qui tentaient de le déstabiliser.
Guerre contre les Ottomans
Début 1462, Vlad se sent plus fort, et la participation que lui promet Matthias Corvin en personne à une expédition contre les Turcs l'enhardit jusqu'à briser son alliance avec les Ottomans. Il lance alors une campagne contre ces derniers sur le Danube, tuant plus de 30 000 hommes. Vlad perd alors l'allégeance de son frère Radu cel Frumos (Radu le Beau) et provoque la colère du sultan Mehmed II, fils de Mourad, lorsqu'il refuse d'accéder à la demande des émissaires ottomans, le turc Hamza Bey et le phanariote Thomas Katavolinos, de payer le tribut à l'Empire ottoman, sous peine d'être envahi et de voir la Valachie transformée en province turque.
Toujours est-il que c'est Radu cel Frumos, frère de Vlad et candidat des Turcs pour le trône de Valachie, qui, à la tête de la puissante armée turque et d'une partie de l'« oastea domnească » qu'il convainc de rejoindre son camp, poursuit son frère jusqu'à la forteresse de Poenari. Vlad se retira à Târgoviște non sans se livrer à des actions de guérilla contre les Turcs, dont la plus célèbre est l'attaque de nuit à Târgoviște du . D'après la légende, la femme de Vlad, qui voulut s'échapper, trouva la mort en tombant du haut de la falaise au pied de la forteresse de Poenari (une scène exploitée par Francis Ford Coppola dans son film Dracula). Vlad, lui, réussit à s'échapper du siège de Poenari en passant à travers la montagne et, selon la légende, en ferrant ses chevaux dans le mauvais sens pour s'échapper de nuit : ses ennemis, le lendemain, voyant des traces de sabots allant vers la forteresse, en déduisent que des cavaliers ont pénétré dans Poenari alors que Vlad en était sorti. Il est très difficile de démêler le mythe de la réalité dans cette historiographie déjà romancée du vivant de Vlad. En tout cas, Radu le Beau monte sur le trône de Valachie le .
Prisonnier en Hongrie
Vlad Țepeș retourne alors en Transylvanie pour rencontrer Matthias Corvin qui, pense-t-il, arrive à Brașov pour se porter à son secours. Mais ses excès lui ont déjà aliéné ses alliances, et les autorités locales de Brașov qui reconnaissent Radu comme souverain depuis deux mois, achèvent de convaincre Matthias Corvin d'arrêter Vlad (arrestation effectuée par un chef hussite connu, Jan Jiskra, en ). Vlad est maintenu prisonnier à Buda, capitale de la Hongrie (aujourd'hui une partie de Budapest) pendant douze ans ; une fois libéré, il retourne en Valachie et s'installe à Bucarest qui, à l'époque, n'était qu'une petite bourgade parmi d'autres. Selon de nombreuses sources, c'est l'arrivée de Vlad et son troisième règne qui auraient fait prospérer la ville. Selon ces mêmes sources, Vlad lui-même aurait fait de Bucarest la capitale de la principauté.
Une fin tragique
En 1476, Vlad est à nouveau élu prince de Valachie, mais il ne jouit que peu de temps de son troisième règne car il est assassiné à la fin du mois de à Bucarest, dans des circonstances aussi nébuleuses que sa naissance. Vlad Țepeș est décapité mais ce n'est pas sa tête qui envoyée au sultan, mais la peau de son visage et ses cheveux (emplie de coton et d'épices). Le sultan l'exposant ensuite sur un pieu comme preuve de sa mort.
Encore aujourd'hui en Turquie, Vlad Tepes est brandi comme une menace des parents pour les petits enfants qui refusent d'aller dormir. En référence historique aussi et probablement, aux attaques nocturnes de Vlad III contre les armées Ottoman…
Vlad Țepeș dans la culture
Légendes sanglantes
Les récits qui, comme la chronique de Brodoc, ont représenté Vlad Țepeș, au moyen de gravures sur bois et de libelles reproduits à des centaines d'exemplaires, en « vampire sanguinaire se repaissant de chair humaine et buvant du sang, attablé devant une forêt de pals », affirment aussi qu'il aurait systématiquement fait écorcher, bouillir, décapiter, aveugler, étrangler, pendre, brûler, frire, clouer, enterrer vivants, mutiler atrocement et bien sûr empaler tous ses contradicteurs. La connexion avec le mythe gothique du vampire date seulement du xixe siècle, lorsque de tels récits ont pu arriver à la connaissance de Johann Christian von Engel (en), mais aussi d'Ármin Vámbéry de l'Université de Budapest que Bram Stoker cite nommément (Arminius Vambery) dans son roman Dracula comme « ami et source de renseignements » du personnage d'Abraham Van Helsing,,.
La légende « du pal » (Țepeș) remonte, selon plusieurs sources, à 1457, lorsque les marchands saxons de Transylvanie de Sibiu essaient de remplacer Vlad Țepeș par un « prêtre des Roumains », identifié comme étant le futur souverain Vlad IV Călugărul (Vlad IV le Moine), qui leur promet des avantages douaniers. De leur côté les marchands de Brașov soutiennent un autre prétendant, Dan III Dănicu, frère de Vladislav II. Vlad franchit alors les Carpates et, une fois à Brașov et Sibiu, punit ses ennemis, non du pal, mais en leur extorquant de l'argent, jusqu'au moment où Matthias Corvin, fils de Jean Hunyadi, intervient en négociant un accord, ce qui montre les limites de l'indépendance du pouvoir de Vlad Țepeș face au pouvoir hongrois.
Dan III, soutenu par Matthias, passe les Carpates depuis Brașov vers la Valachie, où il est pris et exécuté par Vlad le , toujours sans mention de pal à ce stade. Mais les rétorsions financières de Vlad envers les marchands saxons de Transylvanie établis en Valachie sont alors sévères, et, bien qu'aucun n'ait été empalé, Vlad Țepeș acquiert ainsi sa réputation de monstre auprès des Occidentaux. Plus tard, cette mauvaise réputation sera diffusée à travers les Histoires de la Moldavie et de la Valachie de Johann Christian von Engel, publiées au début du xixe siècle et sera déclinée selon plusieurs variantes, jusqu'à celle établie par le régime communiste de Roumanie.
Selon von Engel, lorsqu'il séjournait à Constantinople, Vlad aurait assisté à ses premiers empalements, un des supplices dans l'Empire ottoman puis, lorsqu'il fut lui-même en guerre contre les Ottomans, il aurait empalé ses propres soldats blessés dans le dos (donc ayant fui devant l'ennemi) ou aurait ordonné d’empaler un soldat sur douze parmi ceux qui refusaient d’aller au combat. Le bourreau refusant, Vlad l'aurait transpercé sur le champ.
Toujours selon von Engel, en 1462, lorsque les émissaires ottomans Hamza Bey et Thomas Katavolinos lui demandent de se soumettre et refusent d'ôter leurs turbans face à lui, Vlad les leurs aurait fait clouer sur le crâne avant de les empaler. En fait, il semble qu'Hamza Bey ait eu l'ordre de tuer ou de capturer Vlad s'il refusait, et que ce dernier ait pris les devants en exécutant les deux émissaires du sultan, qui envoya alors son armée. Selon von Engel, lorsque le sultan arriva devant Târgoviște, il aurait trouvé des officiers turcs empalés par centaines : une scène terrifiante nommée « la Forêt des Pals » qui a frappé les imaginations et lui a valu son surnom de Țepeș (l'empaleur). Toutefois Engel ne fait que reprendre une histoire déjà diffusée par les marchands saxons de Transylvanie sous forme de gravures.
À l'encontre de ces légendes, d'après les autres sources contemporaines de Vlad, il semble en revanche acquis que Vlad a bien dirigé son courroux et sa vengeance contre les boyards responsables de la mort de son père et de son frère Mircea. Le dimanche de Pâques 1457, il invite ces familles de boyards à faire la fête à la cour princière, les fait arrêter et après avoir supplicié quelques chefs des grandes familles (on n'a pas de détails sur lesdits supplices), il force les autres à marcher une centaine de kilomètres, jusqu'à la citadelle de Poenari sur l'Argeș, qu'il les oblige à reconstruire sous les ordres de ses maîtres maçons. Le chantier dure des mois et beaucoup de boyards meurent, inhabitués au travail manuel (une humiliation pour eux). De plus Vlad crée une nouvelle noblesse d'armes parmi ses paysans libres.
De ces faits découlent deux autres variantes du mythe de Vlad. La première est la légende communiste, qui en fait un souverain juste et proche du petit peuple qui aurait combattu l'aristocratie de telle façon que tous le redoutent et le craignent : la plus petite infraction, du mensonge jusqu'au crime, pouvait être punie de mort (le mythe dit « du pal », mais toutes les forêts du pays n'y auraient pas suffi). Il aurait combattu la corruption et l'intrigue en s'appuyant sur l'« oastea domnească », l'armée princière, recrutée parmi les paysans libres. Sûr de l'efficacité de son système, Vlad aurait un jour placé une coupe en or à la fontaine de la place centrale de Târgoviște. Les voyageurs assoiffés pouvaient se servir de la coupe pour boire, mais elle devait rester en place. La coupe ne fut jamais dérobée, et resta à sa place tout le temps du règne de Vlad. La seconde est celle qui substitue la ville de Sighișoara comme lieu de naissance et le château de Bran (en Transylvanie) aux villes princières valaques et à la citadelle de Poenari (en Valachie), substitutions qui n'ont d'autre but que de rapprocher Vlad de son avatar romanesque Dracula ; en fait les fondations de Bran sont bien antérieures au règne de Vlad (elles datent de l'Ordre Teutonique, cantonné là entre 1211 et 1242), et les murailles actuelles sont bien postérieures, datant des Habsbourg.
Ces récits hostiles, compilés par von Engel au début du xixe siècle, expriment le ressentiment de ses adversaires, les marchands saxons de Transylvanie et les boyards de Valachie, qui ont toujours lutté pour conserver leurs privilèges dans ces régions. La diffusion en Europe centrale au xve siècle d'écrits inspirés par cette version a été encouragée par Matthias Corvin qui cherchait à justifier son changement d'alliance : après avoir soutenu Vlad dans ses actions contre les Turcs, il soutint son frère Radu III le Beau (Radu cel Frumos), candidat des Ottomans, alors que Vlad était vaincu et demandait de l'aide, seul à Brașov. Il était alors fort opportun que Vlad Țepeș passe pour un monstre incontrôlable.
Les historiens modernes remettent en cause ces légendes, considérant que :
- un lieu de naissance hors de la sécurité (relative) des villes princières de Valachie, est très peu vraisemblable ;
- les seuls monuments historiques que l'on peut rapporter avec certitude au règne de Vlad, sont la tour de Chindia à Târgoviște et, selon l'historien Lucian Boia, une aile de l'ancienne citadelle de Bucarest (Curtea Veche : son buste marque d'ailleurs l'endroit) ;
- le supplice à Târgoviște (non précisé, mais humiliant et mortel) des boyards hostiles, que Vlad tenait pour les assassins de son père, n'a touché que quelques familles rivales, notamment les Dǎnescu ;
- l'exécution en 1461 de l'ambassadeur turc Hamza Bey et son chambellan Thomas Katavolinos, qui avaient tenté de s'emparer de Vlad par la ruse (ou de l'empoisonner, selon les sources) est certaine, mais les modalités inconnues.
Quoi qu'il en soit, les deux graves atteintes de Vlad à la condition nobiliaire (les aristocrates ne pouvaient être exécutés qu'après jugement, sans être suppliciés, ni astreints à travailler) et à l'immunité diplomatique, n'ont pu que marquer les imaginations en ce temps, sans pour autant faire de Vlad Țepeș un « ami du peuple, ennemi juré de tous les aristocrates », ni un « vampire empaleur ».
Source: Wikipedia ()
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