René Barjavel

Photo de René Barjavel
Date de naissance : 24-01-1911

René Barjavel, né le  à Nyons (Drôme) et mort le  à Paris 14e, est un écrivain et journaliste français, également scénariste et dialoguiste de cinéma. Il est principalement connu pour ses romans d'anticipation, de science-fiction ou fantastique dans lesquels s'exprime l'angoisse ressentie devant une technologie que l'être humain ne maîtrise plus.

Certains thèmes reviennent fréquemment dans son œuvre littéraire : chute de la civilisation causée par les excès de la science et la folie de la guerre, caractère éternel et indestructible de l'amour (RavageLa Nuit des tempsLe Grand SecretUne rose au paradis). Son écriture se veut poétique, onirique et, parfois, philosophique. Il a aussi abordé, dans ses essais, l'interrogation empirique et poétique de l'existence de Dieu (notamment, La Faim du tigre), et le sens de l'action de l'être humain sur la nature.

Biographie

Jeunesse et débuts

Fils de boulanger, petit-fils de paysans, René Henri Gustave Barjavel toute sa vie fera lui-même son pain. Il fait ses études au collège de Nyons puis à celui de Cusset (près de Vichy) dans l'Allier. Après le baccalauréat, il fait de nombreux métiers pour gagner sa vie : pion, employé de banque, conférencier… Il débute à dix-huit ans dans le journalisme au Progrès de l'Allier, à Moulins.

Le  à Vichy, puis le  à Moulins il donne une conférence sur Colette, qui sera publiée par la Nouvelle Province littéraire cette même année sous le titre Colette à la recherche de l'amour.

René Barjavel devient, en 1935, secrétaire de rédaction de la revue Le Document, puis chef de la fabrication aux Éditions Denoël après avoir rencontré Robert Denoël à Vichy en 1936. Il collabore à divers journaux, en particulier au Merle blanc, comme critique cinématographique.

La guerre

Pendant la guerre de 1939-1940, qu’il fait dans un régiment de zouaves, il développe un penchant antimilitariste. Affecté aux cuisines avec le grade de caporal-chef, il a pour tâche principale de chercher et distribuer le ravitaillement. Il est révolté par la condition du soldat et les mœurs militaires. Démobilisé en 1940, il fonde à Montpellier le journal l'Écho des étudiants et y fait débuter, entre autres, Jacques Laurent, François Chalais, André Hodeir ou encore Yvan Christ. De retour à Paris, où il habite dans le 15e arrondissement, au 20 rue Lacretelle, il retrouve sa place de chef de fabrication chez Denoël.

C'est pendant l'Occupation qu'il commence à publier ses romans d'anticipation qui font de lui le précurseur de la vogue de la science-fiction française de l'après-guerre. En 1943, il publie Ravage, son premier roman dans cette veine. Ce livre, ainsi que trois nouvelles, seront publiés en feuilleton dans l'hebdomadaire collaborationniste et antisémite Je suis partout. Son deuxième roman de science-fiction, Le Voyageur imprudent, est publié la même année sous forme de feuilleton, toujours dans Je suis partout. Le journal publie également une interview de l'auteur par Henri Poulain, parue le .

C'est pendant cette période de l'Occupation qu'il rencontre le philosophe mystique G.I. Gurdjieff, dont il suivait déjà l'enseignement auprès de groupes et de son élève Jeanne de Salzmann. Cet apprentissage aura un profond impact dans sa vie ( Je sais que j'ai bu à la vérité, à cette source de vérité d'où coule toute la sagesse du monde  ). Dans ce groupe il côtoie Louis Pauwels, René Daumal. il fréquente aussi Lanza del Vasto.

En 1944, il écrit un « Essai sur les formes futures du cinéma », Cinéma Total.

Après la libération de Paris, il n'échappe pas à la vague de suspicion de l'époque. Dénoncé publiquement comme collaborateur par le Comité national des écrivains (CNE) en 1944-1945, il est blanchi de ces accusations grâce notamment à une lettre de Georges Duhamel. Lorsque, pour les mêmes raisons, le même comité démet Robert Denoël de ses fonctions, Barjavel dirigera de fait la maison d'édition jusqu’à l'assassinat de l'éditeur le .

Après-guerre

Après la guerre, Barjavel mène parallèlement des activités de journaliste, critique, romancier et scénariste. En 1946, il publie un roman d'amour, Tarendol, dont Julien Duvivier achète les droits pour le cinéma (et qui donnera également lieu en 1980 à une adaptation pour la télévision avec Jacques Penot et Florence Pernel dans les rôles principaux). En 1947, il fait, pour Georges Régnier, sa première adaptation et écrit son premier dialogue de cinéma dans Paysans noirs.

Le manque d’argent et l’échec de Le Diable l’emporte marquent un début de rupture avec sa carrière de romancier et il s’aventure alors dans le cinéma. Mais la tuberculose et les difficultés financières l’empêchent de réaliser Barabbas. Adaptateur, dialoguiste, il ne laisse cependant pas un souvenir marquant, malgré son empreinte profonde dans de nombreux films, dont la saga des Don CamilloLes Misérables (de Jean-Paul Le Chanois), Les Chiffonniers d'EmmaüsLe Mouton à cinq pattes, etc. Il réalise aussi plusieurs courts métrages.

Après ce long intermède au cinéma pendant lequel il n'a presque rien publié, René Barjavel commence, avec La Nuit des temps, paru en 1968, et Le Grand Secret, publié en 1973, une seconde carrière de romancier qui fera de lui un grand écrivain populaire. Il recommence aussi une nouvelle activité de journaliste avec une chronique hebdomadaire au Journal du dimanche. C'est là qu'il fera paraître le , au sujet de l'affaire Ranucci, un article réclamant l’exécution sans faiblesses de « ces larves malfaisantes » que sont les assassins (l'intéressé avait été guillotiné trois jours plus tôt), alors que, dans Le Figaro du , Max Clos, à l'époque directeur de la rédaction, n'avait pas hésité à poser cette question dérangeante : « Comment peut-on être humainement sûr – absolument sûr – que tel homme est bien le coupable ? »

Il écrit également des chansons. Enfin, quand il en a le temps, il se livre à l'une de ses passions, la photographie en couleurs ; son album de 74 pages, Les Fleurs, l'amour, la vie, est publié par les Presses de la Cité en 1978.

Avec La Peau de César et Demain le Paradis, il termine sa carrière d'écrivain. René Barjavel meurt des suites d'une crise cardiaque en , à 74 ans dans le 14e arrondissement de Paris.

Barjavel, précurseur de la science-fiction « à la française »

Lorsqu'il publie ses deux premiers romans fantastiques en 1942, Barjavel fait figure de précurseur dans le désert qu'est alors la science-fiction française. La science-fiction américaine ne débarquera en effet massivement qu'après 1945, et encore faudra-t-il de longues années avant que des auteurs comme Isaac Asimov, A. E. van Vogt, Clifford D. Simak ou même H. P. Lovecraft sortent des petits cercles d'initiés.

Et c'est un peu a posteriori que l'on rattache les premiers romans de Barjavel (Le Voyageur imprudent et Ravage) au genre de la science-fiction, terme encore non utilisé en France où on parle plutôt de « roman scientifique » chez Jules Verne, de « roman d'anticipation » pour J.-H. Rosny aîné ou Albert Robida ou encore de « roman extraordinaire » chez Barjavel, mais pas encore de science-fiction : cet anglicisme ne s'imposera que plus tard. Par surcroît, dans ses deux romans écrits et publiés dans une France alors coupée du monde anglophone, Barjavel développe déjà des idées typiques du déferlement des années 1950 : apocalypse, fin du monde, voyage dans le temps, retour à la barbarie et autres catastrophes imputables à une technologie aliénante ou employée avec malveillance.

Barjavel, bien que se démarquant de la littérature de l'époque par ses thèmes fantastiques, est aussi un écrivain de son temps. On a parfois voulu discerner dans Ravage (1943) un écho de l'idée pétainiste du retour à la terre et de la méfiance envers l'urbanisation d'une France encore majoritairement rurale. Barjavel se verra à cet égard reprocher sa signature dans différents journaux de la collaboration tels Je suis partout et Gringoire. Il abandonne néanmoins rapidement cette veine collaborationniste à la suite du succès de Ravage.
Il y décrit, avec un sens aigu de la satire, une civilisation technologique du xxie siècle — l'action se situe en 2052 — ramenée au Néolithique par la disparition soudaine de l'électricité, qui brutalement met fin au machinisme. Une effroyable décomposition sociale s'ensuit, où la brutalité et la loi du plus fort resurgissent dans les mégapoles en proie aux flammes et à la famine. Si Barjavel semble nettement se méfier du progrès (notamment dans la scène finale, où le nouveau roi d'un monde revenu techniquement au Moyen Âge agricole fulmine contre le réinventeur d'une machine à vapeur pourtant très primitive), ces inquiétudes étaient très présentes à l'époque (cf. La France contre les robots, de Georges Bernanos), ou encore René Guénon, dont Barjavel faisait grand cas : l'influence de La Crise du monde moderne sur Ravage est évidente (la catastrophe qui y est décrite est une « version plausible » de celle qui, selon Guénon, est censée sanctionner la folie du monde matérialiste moderne). La suite de son œuvre a pourtant montré qu'il n'était pas opposé au progrès, à tel point que cette scène peut également passer pour une satire de l'obscurantisme. On peut aussi y voir les regrets d'un homme de la terre devant l'exode rural qui allait s'intensifier jusque dans les années 1970 et transformer la société française de manière profonde et durable : Ravage n'est-il pas dédié par l'auteur « à [ses] grands-pères paysans » ?

Édition originale du 
Voyageur imprudent 
chez Denoël, 1944.

Le Voyageur imprudent est bien moins « engagé », c'est un chef-d'œuvre de fantaisie pure et de cruauté humoristique qui précède en outre les années 1950 dans l'exposition de ce que l'on appelle le « paradoxe temporel ». On oublie souvent, en outre, que les deux œuvres sont liées; le monde futur très lointain que visite le voyageur du temps étant la suite de la catastrophe de 2052. Barjavel y expose une vision « biologique » de l'avenir de l'humanité, amusante et délirante illustration des thèses évolutionnistes, son voyage en l'an 100 000 n'étant pas, à cet égard, sans rappeler l'an 802 701 du H. G. Wells de La Machine à explorer le temps.

Avec Le Diable l'emporte (1948), Barjavel aborde la question alors très actuelle de la Troisième Guerre mondiale (on est en pleine guerre froide). Ce thème sera l'un des favoris de la SF américaine de l'après-guerre (Dr Bloodmoney, de Philip K. Dick, Le Lendemain de la Machine, de Rayer, Je suis une légende, de Richard Matheson, etc.). Mais là encore l'humour noir le plus cruel épice le genre de l'anticipation, et les moyens que l'humanité emploie pour s'autodétruire sont loin de se limiter aux armes nucléaires. Barjavel ne manque pas, à travers l'absurde robotisation du « civilisé inconnu » ou les dérapages de l'agriculture industrielle (la poule géante dévorant un stade de football), de se moquer avec cruauté des dérives de la manipulation du vivant.

Barjavel ira jusqu’à envisager que l'humanité se soit dotée de la bombe atomique par instinct malthusien de limitation de l'explosion démographique, thèse exposée dans La Faim du tigre sur un ton philosophique voltairien à l'humour dévastateur.

Les années 1960 verront Barjavel très en phase, plus ou moins consciemment, avec les idées de Mai 68 (Les Chemins de Katmandou) qu'il évoque même avant qu'elles ne s'expriment, dans le poignant La Nuit des temps (où le thème de la guerre totale est de nouveau exploité), ainsi que dans Le Grand Secret, où l'on découvre un Barjavel nettement favorable à la libération sexuelle et plutôt libertaire. Il est aussi l'un des rares auteurs de science-fiction (avec Arthur C. Clarke dans La Cité et les Astres) à avoir traité de manière approfondie et spéculative le thème de l'immortalité.

Dans Lettre ouverte aux vivants qui veulent le rester, Barjavel prend clairement position contre le nucléaire civil. Néanmoins, il ne peut être classé politiquement, on peut même dire — les rapports entre la Russe Leonova et l'Américain Hoover dans La Nuit des temps l'illustrent — qu'il est apolitique.


Adaptations, dialogues et scénarios de films

Cinéma

  • 1947 : La Télévision, œil de demain de J.K Raymond-Millet - court métrage
  • 1952 : Le Petit Monde de don Camillo de Julien Duvivier
  • 1953 : Le Retour de don Camillo de Julien Duvivier
  • 1953 : L'Étrange Désir de monsieur Bard de Géza von Radványi
  • 1954 : Nuits andalouses de Maurice Cloche
  • 1954 : Le Mouton à cinq pattes d'Henri Verneuil
  • 1955 : Les Chiffonniers d'Emmaüs de Robert Darène
  • 1955 : La Grande Bagarre de don Camillo de Carmine Gallone
  • 1956 : Goubbiah, mon amour de Robert Darène
  • 1956 : Les Aventures de Till l'espiègle de Gérard Philipe et Joris Ivens
  • 1956 : La Terreur des dames (ou Ce cochon de Morin) de Jean Boyer
  • 1957 : L'Homme à l'imperméable de Julien Duvivier
  • 1957 : Le cas du Docteur Laurent de Jean-Paul Le Chanois
  • 1958 : Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois
  • 1958 : Parisien malgré lui (Totò a Parigi) de Camillo Mastrocinque
  • 1958 : Femmes d'un été (Racconti d'estate) de Gianni Franciolini
  • 1958 : Mademoiselle Ange de Géza von Radványi
  • 1960 : La Grande Vie de Julien Duvivier
  • 1960 : Boulevard de Julien Duvivier
  • 1961 : Don Camillo Monseigneur de Carmine Gallone
  • 1962 : Conduite à gauche de Guy Lefranc
  • 1962 : Le Diable et les dix commandements de Julien Duvivier
  • 1963 : Chair de poule de Julien Duvivier
  • 1963 : Le Guépard de Luchino Visconti
  • 1965 : Don Camillo en Russie de Luigi Comencini
  • 1966 : Comment j'ai appris à aimer les femmes de Luciano Salce
  • 1969 : Les Chemins de Katmandou d'André Cayatte

Télévision

  • 1966 : Commando spatial - La Fantastique Aventure du vaisseau Orion (série télévisée) de Rolf Honold et W.G Larsen

Source: Wikipedia ()

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Dokument erstellt 04/05/2020, zuletzt geändert 01/03/2023
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