Oni

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Oni : descriptif

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Oni

Oni (鬼(おに)) est un terme japonais qui désigne une catégorie générique de yōkai, des créatures du folklore et des légendes du Japon

Présent dans la littérature et les arts, religieux et folkloriques, notamment les sutra bouddhique, le théâtre, la littérature classique, jusqu’à la culture infantile, aux mangas et aux séries d’animation, ce monstre est une figure absolument incontournable de la culture japonaise

La figure de l'oni a été popularisée à l’international par l’intermédiaire de productions artistiques comme les masques de hannya dans le théâtre nō.

Histoire

En Chine

Selon le sinologue Shinji Komada, en Chine, le terme 鬼 (guǐ) désigne des esprits ou des âmes de défunts qui apparaissent sous une forme humaine, souvent sous les traits d'une jeune femme décédée. Ces esprits, parfois dotés d'une beauté exceptionnelle, reviennent dans le monde des vivants pour rechercher l'affection des êtres humains. Il existe de nombreuses histoires dans la littérature chinoise relatant ces rencontres entre vivants et esprits.

Par exemple, dans le récit de la dynastie Tang intitulé Cáiguǐ jì (才鬼記), une jeune femme fantôme cherche l'amour auprès des vivants, tandis que d'autres histoires comme le récit intitulé "Le Manteau rouge" dans le recueil Sōshin-ki (捜神記) des Six Dynasties décrivent des fantômes éprouvant de la tristesse lors de la séparation avec les vivants. Certains récits vont même jusqu'à raconter des esprits qui reviennent à la vie, donnent naissance à des enfants, ou continuent à entretenir une relation intime avec un vivant, ce qui conduit généralement à la mort de celui-ci.

Au Japon, on trouve des cas similaires où le terme « oni » est utilisé dans le sens de « fantôme ». Par exemple, Fujiwara no Sanesuke a écrit dans son journal que Fujiwara no Yorimichi, grand chancelier, était tombé malade à cause du kiryō (鬼霊), l'esprit fantôme de son oncle Fujiwara no Michitaka. De même, Fujiwara no Yorinaga a attribué la maladie de l'empereur retiré Toba à l'emprise de l'oni de son grand-père, l'empereur retiré Shirakawa.

Dans l'illustration de la légende japonaise Kibi Daijin Nitō Emaki (吉備大臣入唐絵巻), on voit l'oni Abe no Nakamaro apparaître sous forme d'un esprit au corps nu, avec un pagne rouge, une corne sur la tête, des cheveux hérissés, une peau rouge vif, une grande bouche avec des dents acérées, et trois doigts à chaque mains et pieds. Ce type d'apparition démontre l'influence des représentations chinoises sur la perception des esprits au Japon.

Par ailleurs, en Chine, le caractère 鬼 ne se limite pas seulement aux âmes des défunts mais englobe également tous les êtres surnaturels ou monstrueux. Selon Shigeki Kaizuka, le caractère chinois 鬼 est composé de « 由 » et de « 人 », représentant une personne portant un masque large. Ce caractère symboliserait les chamanes des temps anciens, portant des masques lors des rituels spirituels, manifestant ainsi une transformation en entités surnaturelles.

Influence du taoïsme : Le kimon

Selon le taoïsme chinois et l’Onmyōdō ésotérique, les voies du yin et du yang, la direction nord-est est appelée le kimon (鬼門 ; "porte du démon") et considérée comme une direction porte-malheur par laquelle les mauvais esprits passaient. Basé sur la symbolique des douze animaux du zodiaque aux directions cardinales, le kimon était également connu sous le nom d' ushi-tora (丑寅), ou "direction du bœuf et du tigre". Une hypothèse qui tend à expliquer la présence de cornes de bovin, mais aussi les griffes, la mâchoire d’un fauve ainsi que le large pagne en peau rayée du tigre présent chez l'oni.

Les temples sont souvent construits face à cette direction, par exemple, Enryaku-ji a été délibérément construit sur le mont Hiei qui était dans la direction kimon (nord-est) de Kyoto afin de garder la capitale, et de même Kan'ei-ji a été construit dans cette direction depuis le château d'Edo. Les bâtiments japonais peuvent parfois avoir des indentations en forme de L au nord-est pour se tenir à la direction inverse de l'oni. Par exemple, les murs entourant le palais impérial de Kyoto ont des coins crantés dans cette direction.

Développement de la figure de l'oni au Japon

Illustration d’un oni dans le Konjaku Gazu Zoku Hyakki (今昔画図続百鬼), par Toriyama Sekien, 1779.

Selon la critique littéraire Akiko Baba, le terme chinois original pour désigner les esprits des morts a été introduit au Japon à la fin du VIe siècle, se superposant au concept indigène japonais d'« oni », qui représentait des esprits ancestraux, plus particulièrement des esprits de la terre, souvent représentés avec un seul œil, associé à un symbole de divinité. Certains, comme Gorai Shigeru, suggèrent que cet « œil unique » représente la forme d'un dieu de la montagne. Ainsi, l'oni à un seul œil évoque plus l'image d'une divinitée ethnique que celle d'un esprit des morts. Le Nihon Shoki décrit également des divinités malfaisantes comme des « oni », ce qui montre comment les concepts de mono comme étant des divinités inconnues mais aussi de forces mystérieuses, ont été amalgamés pour aboutir à la figure de la créature. L'image de l'oni violent mangeur d'hommes dans les légendes est issue de la fusion entre les concepts de kami, de mono, ainsi que des démons de l'enfer bouddhique, créant ainsi une créature hybride influencée par diverses croyances et superstitions. D’un point de vue shintoiste, les oni serait une des créations souterraines crées par Izanagi, après la mort de sa défunte épouse et sœur Izanami.

Selon Takashi Okabe, maître de conférences à l'Université de la Culture de Daitō, l'oni représente une entité du monde des esprits qui envahit le monde des vivants. L'image diversifiée de l'oni s'explique par les perceptions variées du monde des esprits à travers les différentes époques et sociétés. Les rebelles qui ne se soumettaient pas à l'autorité impériale, ceux qui violaient la loi, les étrangers, les résidents des montagnes comme les yamabushi, et même certains artisans comme les forgerons, étaient parfois désignés sous le terme de oni et l'imaginaire qu'il véhicule, créant un lien fantasmé entre le monde des vivants et des morts. Okabe explique que les âmes vengeresses, les rakshasad de l'enfer, les yakshas, et les yōkai des montagnes sont autant de manifestations de l'oni, élargissant ainsi sans cesse l'image du monstre.

Durant la période allant de l'époque Heian au Moyen Âge, c'est-à-dire entre la période de Kamakura jusqu'à la fin de la période Édo, les oni des légendes étaient souvent représentés comme des incarnations d'esprits vengeurs ou comme des monstres terrifiants mangeurs d'hommes. À Ōeyama, au nord-ouest de Kyoto, un chef oni nommé Shuten-dōji dirigeait ses acolytes, dont Ibaraki-dōji, depuis son repaire. Ces oni étaient décrits avec des cheveux rouges, des cornes, et des membres ressemblant à ceux des ours, se nourrissant de la chair de jeunes femmes enlevées dans la capitale. Dans le Ise Monogatari (伊勢物語 ; Les Contes d'Ise), un passage raconte qu'une femme est dévorée en une bouchée par un oni, d'où l'expression oni hitokuchi (鬼一口 ; « un oni, une bouchée ») pour désigner une situation de grand danger. Okabe interprète cela comme une représentation réaliste de la mort et des disparitions fréquentes lors des guerres, des catastrophes, et des famines, perçues comme des incursions du monde des esprits dans celui des vivants.

Impression de triptyque en bois, oban tate-e. Raiko séparant la tête du Shuten-doji, qui jaillit dans l'air, tandis que ses disciples détruisent les autres oni.

Okabe ajoute que l'oni est un visiteur de l'autre monde qui enlève les humains vers l'autre côté, mais peut aussi être un dieu qui laisse derrière lui des bénédictions avant de repartir, comme dans les contes populaires Issunbōshi (Le Garçon d'un Pouce) et Kobutori Jīsan (Le Vieillard au Lobe de la Joue). Ōeyama est célèbre pour être un lieu associé au monde des esprits, car pour la capitale impériale de Kyoto, cette montagne représentait l'autre monde. De nombreuses légendes d'oni sont associées aux régions montagneuses perçues comme des portes vers cet autre monde.

Selon Satoko Koyama, professeure à l'Université Nishōgakusha, au cours de l'époque Heian, les distinctions entre les démons issus des textes bouddhiques, les mononoke, des esprits vengeurs indéfinis, et les figures démoniaques apparaissant comme des dieux des épidémies n'étaient pas clairement définits. Ces oni étaient souvent représentés avec un grand corps, un œil unique, une grande bouche, des cornes, portant un pagne rouge, et avec trois doigts aux mains et aux pieds. Koyama note que ces caractéristiques étaient grandement influencées par les représentations iconographiques bouddhiques des oni. Cependant, dans le cas des mononoke, certaines représentations iconographiques provenant d'autres textes chinois comme le Shanhaijing (Classique des Montagnes et des Mers) montrent des images différentes. Néanmoins, toutes ces représentations partagent l'idée d'une image effrayante qui provoquait la terreur chez les gens de l'époque.

Origines probables encrées dans le réel

Il existe plusieurs théories sur l'origine des oni, certaines suggérant qu'ils pourraient avoir une base réelle. Voici quelques hypothèses notables qui ne figurent pas parmi les plus traditionnelles : Selon une théorie proposée par l'historien Wakao Gozō dans son ouvrage oni densetsu no kenkyū (鬼伝説の研究 ; « recherches sur les légendes des oni ») publié en 1981, l’image de l'oni tirerai son inspiration de la figure des métallurgistes, artisans spécialisés dans l'extraction minière, la fonte des métaux et la fabrication d'objets métalliques. Wakao observe que de nombreux lieux associés à des légendes de oni sont également des régions minières. Dans plusieurs récits de ces contrées, les oni sont étroitement liés à des activités de métallurgie, ce qui amène à penser que ces artisans auraient pu être perçus comme ces monstres en raison de leur apparence et des conditions de travail difficiles. Cette hypothèse a suscité à l'époque des réactions mitigées, mais elle a gagné en crédibilité avec le temps.

Une autre théorie suggère que les oni pourraient être basés sur les Émishi, un peuple autochtone du nord du Japon qui a résisté à la domination impériale japonaise. Les récits de Sakanoue no Tamuramaro, un général célèbre pour ses campagnes contre les Émishi, incluent des histoires où il combat des oni avec l'aide de divinités bouddhistes. Certains chefs Émishi, comme Ōtōmaru, ont été décrit dans certaines légendes comme des oni, ce qui pourrait refléter la perception des Japonais de l'époque envers ces peuples rebelles. Une hypothèse avancée dans le Danka Fushi (丹哥府志 ; « registre du gouvernement du Danka ») pendant l'époque d'Edo suggère que les oni pourraient être des pirates venus de l'étranger. Pendant l'ère Meiji, une théorie populaire assimilait les oni aux Russes, une idée alimentée par les conflits contemporains avec la Russie, comme l'intervention des Trois Nations et la guerre russo-japonaise. Le fait que Maizuru, près du mont Ōe, abritait une base navale japonaise pour se préparer à une éventuelle confrontation avec la Russie, a renforcé cette hypothèse.

  1. 中国のほんの話(46)中国の亡霊説話 蔭山達弥、Gaidai bibliotheca : 図書館報. (186) (京都外国語大学, 2009-10-10)
  2. James Hastings, Encyclopedia of Religion and Ethics, vol. Part 8, Kessinger Publishing, 2003 (ISBN ), p. 611.
  3. 小山聡子 2020, p. 159
  4. 小山聡子 2020, pp. 159–164
  5. 若尾五雄『鬼伝説の研究』大和書房、1981年。後に『日本民俗文化資料集成』第8巻(妖怪) 谷川健一 編、三一書房、1988年、『民衆史の遺産』第2巻(鬼) 谷川健一、大和岩雄 編、大和書房、2012年、 (ISBN )、に収録。
  6. 村上政市 1997, p. 12
  7. Abe, Mikio; 阿部幹男 (Heisei 16 [2004]). Okujōruri "Tamura sandaiki" kō : Tōhoku no Tamura-gatari : seisei to denshō (Shohan ed.). Tōkyō: Miyai Shoten. (ISBN ). (OCLC 54917236)
  8. 村上政市 1997, p. 6

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Dokument erstellt 03/01/2018, zuletzt geändert 23/12/2024
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