La Feuillée
Localisation
La Feuillée : descriptif
- La Feuillée
La Feuillée [la fœje]est une commune du département du Finistère, dans la région Bretagne, en France
Ses habitants sont les Feuillantins et les Feuillantines
Elle fait partie de Monts d'Arrée Communauté
C'est la plus haute commune de Bretagne, incluse dans le parc naturel régional d'Armorique. En 2009, la commune a obtenu le label « Communes du Patrimoine Rural de Bretagne » pour la richesse de son patrimoine architectural et paysager.
Géographie
La Feuillée est adossée aux contreforts des monts d'Arrée. Elle fait partie du parc naturel régional d'Armorique. La commune d'une superficie de 3 155 Lanfains selon les données de l'Institut géographique national. Son terroir, très diversifié, va des sommets de Roc'h Trevezel et Roc'h Trédudon au marais du Yeun Elez.
Une double bande de schistes et de quartzites dévoniens et de grès siluriens constitue le nord de la commune, qui fait partie des monts d'Arrée (« dans la langue du pays, montagne est exactement synonyme de lande inculte »). La partie centrale de la commune est granitique, formé de granite à deux micas, dit « de La Feuillée », c'est l'essentiel du territoire cultivable ; au sud-ouest le marais du Yeun Elez, dit encore de Saint-Michel, est constitué d'alluvions modernes, mal drainées sauf à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe siècle lorsque la pression démographique a rendu nécessaire la mise en valeur agricole du marais et des landes afin de pouvoir survivre.
Le ruisseau du Fao, affluent de l'Aulne à l'est, sert de limite communale avec Berrien ; à l'ouest, le ruisseau de Roudouhir, affluent de l'Ellez, sert de limite communale avec Botmeur, mais son cours aval est désormais ennoyé sous les eaux du lac réservoir de Saint-Michel. Au nord, la limite communale avec Plounéour-Ménez, ancienne limite entre les évêchés de Cornouaille et de Léon, coïncide peu ou prou avec la ligne de crête des monts d'Arrée ; la limite méridionale avec Brennilis ne s'appuie sur aucune particularité de relief sauf très localement (ruisseau de Noster). La clairière de défrichement initiale reste nettement perceptible lorsqu'on observe une carte de La Feuillée : les bois subsistants sont pour la plupart en périphérie du territoire communal.
Depuis des siècles, avec une permanence remarquable dans le temps, les Feuillantins sont répartis dans les mêmes quatorze villages initiaux de la Commanderie : le bourg, Kermabilou, Penanroz, la Ville-Blanche, Kerelcun, Ruguellou, Trédudon-l'Hôpital, Kerangueroff, Kervran, Kerbargain, Kerberou, le Lettier (devenu Litiez), Kerbruc et Botbihan. Deux écarts supplémentaires seulement ont été créés dans le courant du .
Le géographe Camille Vallaux écrivait en 1907 : « La commune de La Feuillée, sur treize épars, a une seule ferme isolée et douze gros villages de 14 à 75 feux. (...). C'est le système de la commune pâture qui a fait ces gros villages et qui les a maintenus. Chaque village avait sa portion de montagne indivise. (...). Or, plus le village était important, plus son lot de pâture commune était étendu. Les habitants avaient donc intérêt à se grouper. (...). Cet intérêt vient de disparaître avec le partage des terres de la montagne ».
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Environnement
La Feuillée présente un paysage de bocage dense et de prairies sur collines qui lui donne une tonalité d'ensemble « verte ». Les « montagnes et tourbières de La Feuillée » ont été classées Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique par un arrêté préfectoral de protection de biotope en date du ; on y trouve des espèces végétales protégées : hyménophylle de Wilson, lycopode inondé, dryopteris atlantique (dryopteris aemula), rossolis à feuilles rondes, rossolis à feuilles intermédiaires, malaxis des tourbières, spiranthe d'été, lycopode en massue, lycopode sélagine, sphaigne de la Pylaie. Le biotope abrite aussi plusieurs espèces protégées d'oiseaux, de mammifères, d'amphibiens et de reptiles.
En , le conseil municipal de La Feuillée vote contre une demande d’extension d'un élevage sur la commune du Tréhou, les épandages des déjections des animaux de cette ferme-usine devant avoir lieu dans différentes communes des monts d’Arrée.
Climat
En 2010, le climat de la commune est de type climat océanique franc, selon une étude du CNRS s'appuyant sur une série de données couvrant la période 1971-2000. En 2020, Météo-France publie une typologie des climats de la France métropolitaine dans laquelle la commune est exposée à un climat océanique et est dans la région climatique Finistère nord, caractérisée par une pluviométrie élevée, des températures douces en hiver (6 . Parallèlement l'observatoire de l'environnement en Bretagne publie en 2020 un zonage climatique de la région Bretagne, s'appuyant sur des données de Météo-France de 2009. La commune est, selon ce zonage, dans la zone « Monts d'Arrée », avec des hivers froids, peu de chaleurs et de fortes pluies.
Pour la période 1971-2000, la température annuelle moyenne est de 10,4 amplitude thermique annuelle de 11,5 . Pour la période 1991-2020, la température moyenne annuelle observée sur la station météorologique la plus proche, située sur la commune de Brennilis à 4 vol d'oiseau, est de 10,9 ,. Pour l'avenir, les paramètres climatiques de la commune estimés pour 2050 selon différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre sont consultables sur un site dédié publié par Météo-France en novembre 2022.
- Camille Vallaux, L'évolution de la vie rurale en Basse-Bretagne, Annales de Géographie, 1905, vol. 14, no 73, p. 49.
- Carte I.G.N. 0617 ouest, série bleue au 1/25000ème Plonévez-du-Faou-Roc'h Trédudon.
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- Camille Vallaux, , Société nouvelle de librairie et d'édition E.Cornély & Cie, 1907.
- « »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- « », sur mnhn.fr via Wikiwix (consulté le ).
- « FR3800659 - Montagnes Et Tourbières De La Feuillée », Inventaire national du patrimoine naturel.
- http://inpn.mnhn.fr/docs/apb/FR380075320100324.pdf.
- Renée Labrière, « Le « château d’eau » du Finistère menacé par l'épandage d'une ferme-usine », Reporterre, (lire en ligne, consulté le ).
- Daniel Joly, Thierry Brossard, Hervé Cardot, Jean Cavailhes, Mohamed Hilal et Pierre Wavresky, « Les types de climats en France, une construction spatiale », Cybergéo, revue européenne de géographie - European Journal of Geography, DOI 10.4000/cybergeo.23155, lire en ligne, consulté le )
- « », sur pluiesextremes.meteo.fr (consulté le ).
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Toponymie
Le nom de localité attesté sous les formes Ar Folle, La Feillee en 1433 et Feillee en 1535.
Le nom feuillée, du latin foliata, est attesté jusqu'en Basse-Bretagne sous la forme fouillez (« endroit feuillu »).
Ar Fouilhez est le nom de la commune en breton.
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- Bulletin de la Société archéologique du Finistère, page 246
Histoire
Les origines
L'occupation de la Feuillée est attestée dès le Néolithique par au moins un menhir, le Menhir de Kerelcun.
Elle se poursuit à l'âge du bronze, avec de nombreux tumulus sur le territoire de la commune, ainsi que des traces de fermes, des caches de monnaies,. Des tumuli ont été identifiés et fouillés, en particulier par Paul du Châtellier, près de Ruguellou dans le champ dit Parc-an-Daniel et à Goarem-ar-Velin.
Le village fortifié abandonné de Goarem ar Manec´h, sur le hameau de Ruguellou, daté d'une période allant de l'époque carolingienne au Moyen Âge, comprend une enceinte carrée à angles arrondis formée d'un double talus de part et d'autre d'une douve. À l'intérieur subsistent des vestiges de plusieurs bâtiments ainsi qu'une fontaine qui se trouvait dans la partie sud de l'enceinte. Le toponyme et la configuration des bâtiments font penser à une installation monastique des ; celui de Kerbran-Coz, en Kerbran, est daté de la période médiévale.
Les Hospitaliers
La première mention écrite de La Feuillée, qui « dut être à l'origine un hospice (...) destiné à secourir les voyageurs pauvres franchissant l'aride passage des monts d'Arrée » est faite en 1160, sous le nom de « Ar Folle », paroisse préférée par les Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, à Berrien,, car située au bord de la voie romaine Vorgium - Gesocribate (Carhaix-Brest). Ces derniers y installent, « dans une contrée sauvage, couverte de landes, dépourvue d'arbres, peu habitée et ne possédant guère de terres labourables » une commanderie qui, aux pour régir leurs nombreuses terres avoisinantes, un hôpital, un manoir à Kerbérou, une église paroissiale (l'église Saint-Jean) et une chapelle (chapelle Saint Houardon).
Au Scrignac, Plonévez-du-Faou, Lopérec, Hanvec, Commana, Plounéour-Ménez, Plouénan, Taulé, Plouigneau, Lannéanou, Plouguin, etc. en dépendaient. Les Hospitaliers y exercèrent le droit de haute justice, devaient prendre soin des voyageurs et des pèlerins de passage, dans cette région « montagneuse » et contrôlaient les paysans selon le principe de la quévaise, variante locale du domaine congéable, et ce jusqu'à la chute de l'Ancien Régime. Un « Ospital » y accueillait les pèlerins le long de la voie romaine, devenue route royale, traversant la Bretagne. Là , il était possible de se restaurer et de se reposer, avant ou après le franchissement des landes des monts d'Arrée.
Vingt-quatre commandeurs, tous d'origine noble, se sont succédé de 1433 (premier commandeur connu : Pierre de Keramborgne, mais il habite au Palacret, et non à La Feuillée) à 1790 (dernier commandeur : Alexandre-Louis-Hugues de Freslon de la Freslonnière). Les commandeurs ont habité jusqu'au , ainsi décrit : « la ville de Kerberon qui est le lieu principal et manoir du commandeur de la Feuillée seigneur de la paroisse, et y souloient demeurer les prestres chapelains ». La maison noble de Kerberon, sise en la paroisse de la Feuillée, « était un vrai manoir avec cour close de murailles, portail et jardins, étang et bois futaie ; la retenue comprenait vingt-quatre pièces de terre, un bois taillis contenant cent journaux et deux moulins appelés Kerberon et Kerelcan ; c'était une assez jolie terre assise dans une fraîche vallée et une résidence bien plus agréable que le bourg de la Feuillée ». Plusieurs commandeurs ont aussi habité au Palacret, comme René de Saint-Offange entre 1613 et 1641, et ses successeurs paroisse de Saint-Laurent, près de Bégard qui, depuis le prééminencier avec en feu, banc, écusson » se trouvait le grand tombeau élevé pour la sépulture des Commandeurs. À la fin du , cette organisation durera jusqu'à la Révolution française.
Dans son aveu de 1696, le commandeur se déclarait « seul seigneur spirituel et temporel de La Feuillée, avec juridiction haute, moyenne et basse, exercée sur tous les habitants du dit bourg, par sénéchal, bailli, lieutenant ou greffier, avec justice patibulaire à quatre piliers élevés proche du dit bourg », ce qui signifie qu'il disposait du droit de vie et de mort sur les Feuillantins. En 1617 toujours, l'église Saint-Houardon est présentée comme ancienne église paroissiale de La Feuillée et entourée d'un cimetière.
Quevaisiers et pilhaouers
Dans les terres inhabitées des monts d'Arrée, les Hospitaliers avaient attiré les défricheurs : des métayers, des fils de domaniers, mais aussi des mauvais garçons... car les terres des Hospitaliers étaient des minihy (lieux d'asile) pour mettre les terres en valeur et dégager des revenus pour la commanderie.(...). L'exploitation des terres se faisait dans le cadre d'un contrat spécifique : la quévaise. Le terme « quévaise » vient du vieux breton « kemaes », il signifie « champ commun » ou « champ que l'on cultive ensemble ». La quévaise est donc une « hostise », c'est-à -dire une institution qui, pour le défrichement, attire des « hôtes », nés ailleurs.
La quévaise était « l'usement universel tant dans la dite paroisse de la Feuillée qu'és autres paroisses et membres de ladite commanderie » et une visite de 1617 révèle que la population de La Feuillée est alors répartie en quatorze villages (les mêmes qu'actuellement) et 94 tenures (ou convenants) dont seize au bourg, treize à Kerelcan, treize à Ruguellou, neuf à Le lettier [Litiez], etc. ; les quevaisiers devaient laisser au commandeur « la dixme à la sixiesme et septiesme gerbe de tous leurs bleds et grains » ainsi que « un quartier d'avoine grosse faisant deux boisseaux mesure de Morlaix, une poule et trois corvées ». Entre autres obligations, « le tenancier est obligé d'ensemencer et labourer chacune année le tiers des terres chaudes de sa tenue, afin que le seigneur ne demeure pas privé de ses droits de dixme et de champart ».
En 1775-1776, les paroissiens de La Feuillée se révoltèrent contre la levée abusive de la dîme. « A La Feuillée, les tenanciers la devaient à la dixième, voire à la huitième gerbe ». Cette fronde engendra une procédure criminelle à la sénéchaussée de Châteauneuf-du-Faou, qui dura trois ans, au cours de laquelle plusieurs feuillantins furent poursuivis, dont trois emprisonnés les fers aux pieds (Yves Baller, Laurent Linguinou, Joachim Mével), cinq autres étant finalement « ajournés », avant d'être finalement relâchés lors du procès d'appel à Rennes.
Les pilhaouers (chiffonniers, marchands ambulants) furent nombreux les siècles passés à La Feuillée, ainsi qu'à Botmeur, Berrien, Brennilis et Loqueffret. Le livre de Jacques Cambry en atteste :
« L’homme le plus pauvre des montagnes d’Arès possède un cheval qui le nourrit ; il porte dans le pays de Léon à Brest des lattes, des sabots, du charbon, du sel, des châtaignes et des pommes, qu’il se procure à Carhaix, à Langouet, à Châteauneuf, à Roternen [Rostrenen] dans les côtes du nord. Ces hommes actifs achètent des grains à Châteauneuf, à Carhaix, à Braspars, qu’ils vendent à Morlaix, à Landivisiau : ils rapportent de ces communes des fromens, qu’ils ne cultivent point, et versent sur Gourin, sur Scaer, ce qu’ils ne peuvent consommer dans leurs villages. Dès la pointe du jour, on les voit à cheval courir aux lieux de leurs spéculations ; ils ne rentrent souvent chez eux qu’après trois, six ou quinze jours de corvées et de trafic. »
Un bourg longtemps actif mais à l'époque à médiocre réputation
L'emplacement de La Feuillée sur le chemin reliant Carhaix à Landerneau et Brest, en reprenant approximativement l'itinéraire de l'ancienne voie romaine (une nouvelle route royale est construite aux alentours de 1764 mais elle doit être entretenue par les habitants de La Feuillée et des paroisses voisines, ajoutant ainsi à leurs corvées) explique le rôle notable de La Feuillée comme étape puisque lieu de passage obligé même si ce rôle restait médiocre comme en témoigne Jacques Cambry en 1794 :
« Quatre rouliers occupoient les lits de la seule chambre de l’auberge de la Feuillée. Je fus forcé d’y passer la nuit sur un de ces châlis qu’on abandonne volontiers aux mendians redoutant l’affreuse maladie de ces contrées, n’ayant pour porte qu’une échelle, couverte d’un gros drap, enfumé par des tourbes que j’avois eu le malheur de faire allumer, et que je fus forcé de faire éteindre, malgré le froid très-rigoureux que j’éprouvois. Je m’endormis pourtant. »
Jean-François Brousmiche est encore plus critique vers 1830 :
« Sans crainte d'émettre une opinion qui sera contrariée, on peut classer le bourg de La Feuillée au nombre des plus laids de ceux du département : tout y respire la misère et la malpropreté. C'est pourtant un lieu de passage très fréquenté ; c'est le seul endroit de repos entre Landerneau et Carhaix. La place qui forme le bourg est en partie environnée d'habitations dont une grande partie paraît tomber en ruines ; l'église n'est elle-même qu'un simple hangar couvert sur la place du bourg ; on n'aperçoit que des enfants en haillons, quelques voituriers ivres, et des charbonniers qui transportent à Brest le combustible, produit des taillis nombreux que recèle le canton de Huëlgoat. (...) À La Feuillée, tout semble sauvage ; c'est à peine si on peut y trouver à manger et la réputation de cet endroit est telle, sous le rapport de la malpropreté, de la gale, elle est si bien établie, que l'on hésite à s'y arrêter. On préfère souvent franchir ce bourg au risque de ne pas rencontrer une auberge avant que de gagner le Huëlgoat ou Commana. »
Au milieu du Highlands". Le même John Kemp précise que Porz Klozh, l'ancienne demeure des commandeurs, sert alors de relais à la malle-poste de Carhaix. Selon John Kemp toujours, en 1859, en louant un bon attelage, il fallait encore cinq heures pour faire les 40 km séparant Carhaix de Morlaix en passant par la Feuillée, ce qui était... beaucoup plus rapide qu'avec la diligence !
Une école s'y est ouverte dès 1830. L'école a joué un grand rôle dans l'accès à l'instruction de nombreux Feuillantins : en 1860, quatre-vingts garçons et quarante filles fréquentent l'école primaire ; un groupe scolaire fut inauguré en 1884 et un cours supérieur pour garçons ouvre entre les deux guerres mondiales transformé ensuite en cours complémentaire ; un collège ouvrit en 1960. L'instituteur demeuré le plus connu fut le « père Grall » (Pierre Grall), qui exerça de 1892 à 1925 ; son nom a été donné à la salle communale. Grâce à lui et à ses collègues, de nombreux Feuillantins ont fait carrière dans la fonction publique tout au long du XXe siècle.
La vie rurale aux | ]
En 1834-1835, une épidémie de choléra sévit à La Feuillée, faisant 50 morts. De manière inexpliquée, les communes limitrophes n'ont pas été touchées par l'épidémie même si d'autres l'ont été ailleurs dans le département.
La pauvreté reste grande. André Mori écrit en 1885 : « Toujours la désolation et la misère des hommes. Je traverse La Feuillée (...). Quelle pauvreté (...) ». Toutefois la situation s'améliore comme le remarque Victor-Eugène Ardouin-Dumazet dans un texte de 1893 :
« Le paysage n'a pas changé depuis Cambry, c'est toujours l'immense étendue des marais, entouré de hautes collines nues, hérissées de roches d'ardoises. Mais le village est précédé de belles écoles, semblables à un collège, trop vastes même, dit-on ; les maisons se transforment, on devine un bien-être réel. Les landes disparaissent peu à peu, partout on voit des défrichements nouveaux.(...) Maintenant tout le monde est soldat, les riches qui ont de la terre comme les pauvres sans ressources. Ils voient ce qu'on fait ailleurs et, en revenant au pays, mettent leurs landes en culture. Ensuite les landes, jadis indivises, ont été partagées ; le pays était couvert de moutons, il n'y en a presque plus, on préfère cultiver des choux (...) et du blé ou créer des prairies. Il y a trente ans que la commune a adjugé ses communaux, aujourd'hui on ne reconnaît plus la contrée. (...) Partout on voit des cultures et des prairies. De La Feuillée à Botmeur, le pays peut passer pour riche. Seul le marais reste stérile et ne produit que la tourbe, assez abondante pour donner lieu à une exploitation industrielle. »
Une monographie de La Feuillée en 1904 apporte des précisions : au . Le partage de ces terres indivises, « vaines et vagues », a lieu vers 1860 (le partage principal date du et concerne 1 295 hectares divisés en 407 lots d'une superficie moyenne de trois hectares) et celui des « placitres et issues » le ). Ce partage favorisa le défrichement des terres incultes rendu indispensable par la pression démographique. En 1835, les landes s'étendent sur 1741 hectares, en 1904, sur 1 200 hectares. L'utilisation des engrais marins (maërl) puis des amendements calcaires, qui remplacent progressivement dans le cours du écobuage permet l'amélioration des rendements. Vers 1920 encore, selon un témoignage oral recueilli, des dizaines de charrettes prenaient chaque printemps le chemin du littoral nord du Finistère distant d'une trentaine de kilomètres au moins pour en rapporter du « trez » (maërl en breton). Le millier de moutons du début du domaine congéable disparaît dans la commune en 1894, le dernier paysan qui ait porté les culottes et les guêtres bretonnes est mort en 1896 et la dernière maison à toit de chaume est démolie en 1902.
Les exploitations agricoles ont longtemps été minuscules : en 1902, on recense 390 fermes, dont 275 exploitations directes et quinze fermes en exploitation indirecte. Leur nombre a donc été multiplié par quatre (voir plus haut les chiffres de 1617) en trois siècles, l'exploitation du sol se morcelant de plus en plus en fonction de l'augmentation de la population. Cela rend nécessaire l'émigration d'une partie de la jeunesse : le déclin des pilhaouers (un seul exerce encore ce métier en 1904 à La Feuillée) rend nécessaire d'autres formes d'émigration : au début du , étant donc des « johnnies » ; Jean Mouster, un « johnny » originaire de La Feuillée, fut d'ailleurs l'un des six seuls survivants lors du naufrage du paquebot SS Hilda le à Saint-Malo. L'émigration vers Paris et les autres grandes villes prend aussi de l'ampleur.
En , une épidémie de méningite cérébro-spinale affecte La Feuillée, particulièrement le village de Kéranheroff.
La tourbe du marais du Yeun Elez était aussi exploitée par les Feuillantins.
Les polémiques et difficultés des | ]
« Blancs » contre « Rouges »
Pendant la Terreur, un « recteur » (terme en Bretagne désignant un curé) de La Feuillée, l'abbé Le Bis, se réfugia pour échapper à la répression de la Terreur pendant près de deux ans près de Lesven en Beuzec-Cap-Sizun, dans le sud du Finistère, dans une caverne connue sous le nom de « Kougon ar C'houlmic » (« grotte de la colombe »), désormais appelée aussi « Toull an Aotrou Bis » (« le trou de Monsieur Bis »). À La Feuillée, « les hommes négligent le devoir de la religion », écrit le recteur de Châteaulin en 1852.
Comme les autres communes des monts d'Arrée, La Feuillée a connu fin cléricaux et anticléricaux. En 1892, le maire de La Feuillée écrit, se plaignant de son recteur : « Le jour de Noël, M. Roué, recteur, a quitté l'église sans finir sa messe, prétextant qu'il y avait trop de bruit et pourtant tout le monde était tranquille ». Le , Boué, curé de La Feuillée, fait partie des 31 prêtres du diocèse de Quimper dont les traitements sont retenus par décision du gouvernement Combes « tant qu'ils ne feront pas emploi de la langue française dans leurs instructions et l'enseignement du catéchisme » car ils utilisaient le breton. L'anticléricalisme est surtout une affaire d'hommes : le recteur nouvellement installé visite une à une les maisons de sa paroisse et écrit en 1932 : « partout, une femme nous attendait. Souvent, les hommes s'esquivaient à notre approche ».
La Feuillée, comme les autres communes de la « montagne » est alors un fief de la gauche : aux élections législatives de 1902, 94,5 % des électeurs de la commune votent en faveur de la gauche radicale et radicale-socialiste, record du Finistère et probablement de Bretagne. En 1907, en pleine fronde anticléricale, la commune interdit les quêtes traditionnelles, le maire interdit la procession du Pardon de saint Jean-Baptiste qui a lieu traditionnellement dans la rue, pour trouble à l'ordre public. Le curé refuse alors de célébrer le Pardon dans son église. Les laïcs organisent alors en représailles le « pardon du Renard », emmenant la bête sur le parcours habituel et jusqu'en haut du clocher de l’église. Le curé et son vicaire quittent la paroisse et l'évêque de Quimper met la paroisse en interdit. Le Pardon traditionnel reprit à la demande des habitants l’année suivante.
En 1931, le « Breton socialiste », dans un article intitulé Le lutteur en soutanes, se moque en ces termes du recteur de La Feuillée : « la solitude d'un presbytère, l'ennui d'une vie désœuvrée, la morne lecture d'un bréviaire emplirent d'une sainte neurasthénie le cœur et l'esprit de notre curé.(...) Remède : nous ne voyons qu'un seul remède à ce mal créé par la paresse : le travail ».
Des polémiques éclatent aussi entre catholiques et protestants : dans le cadre d'un prosélytisme protestant venu du pays de Galles qui concerne toute la Bretagne celtisante à cette époque, un pasteur s'est en effet, aux débuts du .
Le progrès arrive
En , une épidémie de variole semble avoir sévi à Botmeur et La Feuillée si l'on en juge par les réclamations faites par le médecin venu à huit reprises dans ces deux communes pour soigner les « varioleux » en leur injectant de la vaccine.
Le est inaugurée la ligne téléphonique qui relie La Feuillée au Huelgoat : « La république a voulu fêter à la fois la République et le Progrès » déclare le maire de la commune en cette occasion.
La Feuillée fut aussi une gare sur l'axe ferroviaire à voie étroite des Chemins de fer armoricains reliant Plouescat à Rosporden, qui franchissait les monts d'Arrée au Roc'h Trevezel, pendant les deux décennies d'existence de la ligne entre 1912 et 1932. La commune était desservie par plusieurs lignes d'autocars. Dotée d'une gendarmerie dès 1791, connue par les deux foires de six jours (foire de l'Invention de la Sainte-Croix centrée sur le et foire de l'Exaltation de la Sainte-Croix centrée aux alentours du ) qui s'y déroulaient chaque année ainsi qu'une foire à bestiaux chaque premier mardi du mois, La Feuillée était dotée de nombreux commerces.
La route royale est devenue route nationale qui reliait Ancenis à Landerneau, puis Brest, et son tracé traditionnel passait par Huelgoat, La Feuillée, Commana, Sizun et Landerneau. C'est en 1973 que cet axe, très sinueux, fut déclassé au profit de l'axe allant de Carhaix à Châteaulin, désormais voie expresse. C'est désormais l'axe routier Lorient-Roscoff qui passe par La Feuillée. C'est une route à deux voies seulement, mais à profil modernisé, qui ne passe plus par le centre du bourg. Les virages ont certes disparu et le bourg de La Feuillée a trouvé une grande quiétude, n'étant plus troublé par la circulation de transit, mais cette tranquillité a aussi accéléré la crise du commerce local.
Dès 1878, le maintien de la caserne de gendarmerie à La Feuillée est mis en cause : « La brigade de La Feuillée, distante de 10 Huelgoat et à quatre au plus de celle de Plounéour-Ménez, n'a plus sa raison d'être depuis la suppression du bagne de Brest et la construction du chemin de fer, n'ayant plus la surveillance des condamnés et le passage des troupes n'existant plus. La place véritable de la brigade, transformée en gendarmerie à pied, serait à Scrignac ». La caserne fut finalement maintenue, celle de Plounéour-Ménez ayant été transférée à Pleyber-Christ en 1882.
Les superstitions toutefois se maintiennent longtemps : par exemple en , des habitants de La Feuillée adressent une pétition au sous-préfet de Châteaulin pur lui demander de les protéger des « menées occultes d'un individu qui jette un sort sur les vaches et empêche le lait de se tourner en beurre ».
Les deux guerres mondiales et l'Entre-deux-guerres
Selon le fichier Mémoire des hommes, 91 soldats de La Feuillée sont morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale, soit 4,8 % de la population communale de 1911 (France : 3,0 % ; Finistère : 3,7 %). Le monument aux morts de la commune porte les noms de 145 habitants de la commune morts pour la France dont 115 pendant la Première Guerre mondiale et 30 pendant la Seconde Guerre mondiale.
Par ailleurs, c'est un Feuillantin, Yves Hervé, du village de Kerbran, qui fut l'avant-dernière personne qui fit l'objet d'une exécution capitale pour des crimes de droit commun (il fut le dernier du département à être guillotiné publiquement) dans le Finistère sur la place Mesgloaguen le . Il avait été condamné à mort par la Cour d'assises du Finistère le pour avoir assassiné à coups de revolver deux paysans qui revenaient de la foire et qu'il guettait sur la route : d'abord Alain Le Du, de Leuhan, en , puis Louis Guingant, du Rusquec en Loqueffret en .
Le vers 13 Plonévez-du-Faou, Scrignac et Berrien. Un avion anglais tombe en flammes à l'est du bourg de Plonévez-du-Faou, et des incendies, provoqués par la chute des réservoirs ou des projectiles, se déclarent sur le territoire des communes de Plonévez-du-Faou, La Feuillée et Scrignac.
La compagnie FTPF « Bir-Hakeim », créée à la fin de l'année 1943 par Marcel Clédic, de La Feuillée, comprenait entre autres François Fichou, François Bothorel (dit « Boucher »), Jean Kerrizoré (de Brennilis) et Jean Salaün. Ils rejoignirent la compagnie FTPF « Corse » dans le maquis de Coat-Bihan en Plonévez-du-Faou.
Le , François Thos, de La Feuillée, accusé d'être un collaborateur, est tué d'une balle de revolver par un inconnu.
Le , la division blindée des États-Unis arrive en plusieurs groupes sur Huelgoat où des combats ont lieu à l'est de la ville. Le groupe CCA (six bataillons) s'installe pour la nuit à la Feuillée : le groupe de commandement à Kerbran, les troupes se regroupant à Kerberou. Le groupe subit le lendemain des combats au nord-ouest de la commune, qui l'immobilisent jusqu'à 19 .
La compagnie francs-tireurs et partisans de La Feuillée participe le aux combats d'Irvillac pour tenter d'empêcher le retour à Brest d'un convoi allemand qui est allé libérer des prisonniers allemands détenus par la Résistance dans le bourg de Brasparts. Ces combats font dix-sept morts parmi les résistants, trompés par le déguisement des troupes allemandes en convoi américain.
Le déclin d'après-guerre
Mais le déclin démographique de La Feuillée et des communes avoisinantes a entraîné la fermeture de nombreux services : la gare dès 1932, la gendarmerie fin 1959, le cours complémentaire ensuite. Les commerces aussi ont périclité : il ne subsiste dans le bourg qu'une boulangerie-épicerie, un café-tabac-journaux, un restaurant ouvrier et une crêperie.
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Héraldique
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Blason de La Feuillée |
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Dokument erstellt 03/01/2018, zuletzt geändert 23/12/2024
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