L'Homme-oiseau

Quand une expédition scientifique sur l'île de Pâques se transforme en conflit international : Une nouvelle aventure de Lefranc au cœur de la Guerre Froide.
Texte Ⓒ Casterman

1959. La guerre froide bat son plein. Lefranc, journaliste aventurier, ne s'y intéresse pas vraiment. Il accompagne une mission scientifique sur l'île de Pâques. Le but, à travers les fouilles prévues, c'est de mieux cerner une civilisation archaïque sont on ne connaît pas grand-chose.

L'organisation, sur cette île administrée par le Chili, est très précise. D'une part, il y a les habitants, les autochtones, leurs légendes, leurs croyances, et un prêtre qui, d'une certaine manière, les dirige. D'autre part, il y a le gouverneur, un militaire borné, et ses soldats bien obéissants.

Et, comme de bien entendu, tout ne va pas se dérouler de la meilleure manière qui soit, loin s'en faut ! Il y a un crime, il y a un éclair de feu qui traverse le ciel, il y a Lefranc qui est suspecté de meurtre et est arrêté.

Mais il n'y a pas de fantastique, dans tout cela, malgré ce à quoi peut faire penser la couverture de cet album. Comme toujours, avec Lefranc, c'est de réel, qu'il s'agit, de réel imaginaire, certes, mais ancré dans la vérité historique de la fin des années 50.

Et c'est de conquête de l'espace que ce livre nous parle, avec un dessin et un scénario qui sont dans la filiation directe de ce que faisait en son temps Jacques Martin. C'est de la ligne claire, dans le récit comme dans le graphisme, avec, malgré tout, et heureusement, un peu de modernisation de ce héros d'un autre âge, il faut bien le dire…

Avec Jacques Martin, comme avec Seiter et Régric aujourd'hui, les règles de base sont simples : Lefranc, c'est le combat entre le bien et le mal, avec un côté quelque peu manichéen. Il faut, pour comprendre cet a priori, se replonger dans l'époque de création de ce héros, l'après-guerre, la volonté d'oublier le nazisme d'une part, et la peur du péril rouge venu de l'est d'autre part.

Mais là aussi, dans cet album, les auteurs ont quelque peu innové. On s'attend à ce que ce soit l'ogre russe qui soit le grand méchant, mais il n'en est rien ! C'est un étrange Chinois qui est ici acteur du Mal.

Mais ce Chinois n'est pas seul, puisque l'ineffable Borg fait son retour, lui qui est l'incarnation même de l'ennemi toujours vaincu, toujours se relevant !

Cette histoire, vous l'aurez compris, plaira à tous les nostalgiques de la bonne vieille bd à l'ancienne. Une bd qui savait user du hasard pour construire des intrigues qui, même improbables, tenaient la route.

Avec Jacques Martin, que ce soit dans les aventures d'Alix ou dans celles de Lefranc, la " véracité " était toujours essentielle. Elle l'est ici aussi : véracité historique dans l'ambiance décrite et racontée, véracité de tous les éléments du décor, également, véracité dans les dialogues, et dans tout l'environnement des personnages.

Et pour Régric, il s'agit aussi de rentrer dans ce canevas, fait d'une documentation fournie, minutieusement agencée.

Sans être vraiment fan de Jacques Martin, j'ai toujours pris plaisir à lire ses histoires parfaitement bien agencées, construites. Et j'ai retrouvé ce même plaisir à la lecture de cet homme-oiseau. Nostalgie ?… Oui, peut-être, mais pas uniquement, parce que Régric et Seiter, tout compte fait, réussissent à nous offrir aujourd'hui un album " classique ", " traditionnel " dans son propos, mais qui ne manque vraiment pas de tenue.
Texte Ⓒ rtbf.be - Jacques Schraûwen